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AnAlyse
Dans le cadre de cette étude Paliped-Rifhop une
quarantaine de professionnels a participé à des
rencontres animées par une socio-anthropologue,
enseignant-chercheur en médecine. Une quinzaine de
Focus-Groups ont ainsi été organisés dans 4 centres de
référence et un hôpital périphérique, d’une durée de 70
minutes en moyenne. Tous les échanges ont été enre-
gistrés, retranscrits intégralement et anonymisés. A été
privilégiée une analyse thématique des données. De ces
rencontres difciles à mettre en place - il y a eu un long
travail de persuasion et de recrutement des médecins et
paramédicaux - se dégage une grande richesse de conte-
nus, dont on peut extraire ces quelques points:
À
la différence des parents, les professionnels consi-
dèrent tous que le délai de 3 ans depuis le décès du
patient est trop long. Ils ont souvent oublié les situations
non conictuelles ou celles qui n’étaient pas marquées
par une afnité forte avec l’enfant ou ses parents. Le
souci de la douleur est présent dans tous les échanges,
et semble avoir généré une mobilisation effective des
professionnels. La dégradation du corps, la mutilation,
la transformation du visage par les traitements ont été
plus malaisément évoquées. Les trajectoires thérapeu-
tiques paraissent jalonnées d’une variété d’émotions et
de valeurs, et des éléments culturels et sociaux ont appa-
remment généré un décalage entre soignants et familles.
Les soignants ont pu dire leurs difcultés à admettre l’al-
térité sociale, culturelle, religieuse, psychique. Le « temps
d’après » le décès avec différentes questions autour des
condoléances, des obsèques, des parents qui reviennent
ou pas... montre une grande diversité des manières de
faire. Il conviendra de rapprocher ensuite ces conduites
de ce qu’en disent les parents, pour comprendre et déve-
lopper celles qui sont aidantes.
L’objectif initial qui visait à repérer les difcultés
ressenties par le personnel soignant est atteint. Il a
été apprécié de pouvoir repenser à ces situations à dis-
tance. Les participants se sont conés en reconnaissant
tirer bénéce de ce temps d’exception. Ils ont rééchi
notamment aux mécanismes de la mémoire (collective et
individuelle) et se sont étonnés des souvenirs qui surgis-
sent en entendant leurs collègues parler de l’enfant et de
ses proches. Apparaissent des tensions et des inquiétudes
dans ce travail d’accompagnement mais aussi les modes
de solidarité qui s’y déploient. À distance, les relations
avec les familles semblent plutôt apaisées.
Catherine Le Grand-Sébille, Socio-anthropologue,
enseignant-chercheur
Suite à la première partie de l’étude portant uniquement
sur les dossiers et qui ne permettait pas de répondre à
certains aspects, il nous a été coné le soin de rencontrer
les parents, après qu’un courrier leur ait été envoyé par le
médecin référent de leur enfant les informant du déroulé
de cette étude. Seuls quelques points peuvent être rapide-
ment évoqués dans le cadre de cet article. Ils seront plus
longuement développés dans une communication orale
au 6ème Congrès international de soins palliatifs pédia-
triques les 2-3 octobre 2014 Saint-Malo, puis dans des
publications à venir. 19 entretiens, d’une durée moyenne
de 75 minutes, on été menés, concernant 18 enfants (2
parents d’un même enfant ont témoigné séparément). Il
s’agissait de 7 mères, 3 pères et 9 couples. Dix de ces
entretiens ont eu lieu au domicile et 9 dans un autre lieu
(siège de PALIPED, café …).
Informer leur enfant de la gravité de sa maladie et/
ou de sa n de vie prochaine semble difcile, sinon
impossible pour la majorité des parents. C’est, pour beau-
coup, indicible quand l’enfant est jeune. Cependant ils
acceptent volontiers que le médecin référent réponde aux
questions de leur adolescent si la relation est de bonne
qualité. Néanmoins, dans certains services, des progrès
quant à l’empathie et au tact dans les annonces est, selon
eux, encore à faire. Ce que les parents redoutent le plus
c’est que leur enfant souffre. La prise en charge de la dou-
leur est une de leur première demande. Ils se disent, en
majorité sur ce point, satisfaits. Même si certaines souf-
frances sont encore évitables.
Ce qui ressort fortement de cette étude c’est que tout
au long de la maladie de l’enfant, les parents s’ou-
blient en tant que personnes. Ils sont peu attentifs à
leurs propres besoins (sommeil, nourriture, etc.) pour se
consacrer entièrement à ceux de l’enfant. C’est un temps
traversé par la peur, la tristesse et la colère. Un de leurs
souhaits, dont ils disent là aussi qu’il est en partie satisfait,
est de mieux participer aux décisions de traitement et de
limitation et/ou arrêt de traitement de leur enfant. Des
compromis liés aux conditions du mourir ont été accep-
tés par les parents (sédations en phase terminale, lieu du
décès, etc).
Après le décès : une lettre de condoléance personna-
lisée est bienvenue, la présence des soignants aux
obsèques et toutes les manifestations d’émotion de la part
des équipes sont grandement appréciées. Enn, il semble
se dégager le désir que soit privilégié une écoute ouverte
du parent endeuillé en évitant l’écueil d’une pathologi-
sation excessive. Le deuil n’est pas une maladie, comme
l’ont rappelé certains. Ce que les parents attendent des
médecins et soignants, c’est à la fois une grande expertise
et de réelles qualités humaines, ce dont ils attestent bien
souvent dans leurs témoignages.
Gérard Sébille, psychologue clinicien, chercheur
Des professionnels D’hémato-
oncologie péDiatrique acceptent
D’évoquer leurs souvenirs De
situations De fins De vie
« on a voulu se consacrer à mille
pour cent à notre enfant,
et pas à nous » (un père)