... Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité scientifique N°25 : janvier 2002 La loi « anti- Perruche » Après une année de remous autour de ce qui a été qualifié d’ « Hiroshima éthique », les députés ont adopté le 10 janvier 2002 en première lecture à l’Assemblée nationale, une loi pour mettre un terme à la jurisprudence Perruche. donc très critiquable sur le à l’encontre de l’auteur de la plan faute parents qui font un recours versées.» La seule façon de Proposition de loi ambiguë et les autres ainsi qu’ entre résoudre à les handicaps décelables avant difficultés éthiques la naissance difficultés Sur le fond, le texte enterre la disposition introduite par la jurisprudence Perruche de la Cour de cassation, à savoir la possibilité d’intenter un procès pour se plaindre de sa propre naissance. La nouvelle loi interdira notamment à des enfants de reprocher à leurs parents, devant un tribunal, de les avoir mis au monde. Sur ce point, la jurisprudence Perruche est morte et c’est une victoire importante contre des risques supplémentaires de désagrégation du corps social. « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance, fût-il né handicapé. » « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.1(alinéas 1 et 2 de l’article 1er ) Pourtant l’alinéa 3 maintient qu’il puisse « indemnité personne reste y avoir destinée une à handicapée ». dans la logique la Il de l’indemnité, donc du préjudice résultant de la naissance de l’enfant handicapé. Il reste éthique. disposition entérine la entre les discrimination « lorsque d’un Cette et les autres : la responsabilité professionnel ou d’un pour obtenir remboursement allocations le des et prestations la fois et matérielles les les des parents serait de rester dans la logique de la solidarité établissement de santé est nationale sans s’aventurer engagée vis à vis des parents dans une logique d’un d’indemnisation qui introduit enfant né avec un handicap non décelé pendant des la grossesse suite à une faute vigilance sera donc de rigueur caractérisée, les titulaires de lors l’autorité parentale peuvent parlementaire. Le texte sera demander en une destinée à indemnité la personne discriminations. de la deuxième La navette lecture à l’Assemblée nationale le 30 handicapée, correspondant aux janvier. charges reconnaître les points positifs particulières Mais sachons découlant, tout au long de sa quand ils existent. vie, Une victoire spectaculaire de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations, dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de la sécurité sociale. Dans ce cas très précis, les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours Dans la forme, cette victoire a été spectaculaire car le gouvernement, pendant un an, a défendu la jurisprudence Perruche, malgré les appels à légiférer lancés tant par la droite que par la gauche. Puis, sous différentes pressions, le gouvernement a amorcé un virage à 180° sur un sujet de société, ce qui a rarement été observé. Il est intéressant de constater que si la détermination des députés à légiférer et la pression des Gène Ethique - n°25 – janvier 2002 échographistes en grève ont été décisives pour ce revirement, les premiers acteurs de cette aventure sont bien les parents d’enfants handicapés. Ils ont eu les premiers, la lucidité de comprendre la gravité de l’enjeu et, mobilisés dans le Collectif contre l’handiphobie, ils ont rédigé il y a déjà plus d’un an la phrase sur laquelle tout le monde s’accorde aujourd’hui : « nul ne peut se prévaloir La révision des lois de bioéthique : La Commission spéciale de l'Assemblée a adopté le 9/01/02 le projet de loi de bioéthique du gouvernement, amendé. Cette révision était initialement prévue en 1999, le Parlement ayant choisi d’inscrire dans le texte le principe d’une révision de la législation de 1994 au bout de cinq ans. En voici quelques points importants : Le clonage (voir article suivant) Le clonage reproductif reste interdit. Un amendement prévoit de sanctionner, en plus des médecins et chercheurs pratiquant cette technique, les personnes de nationalité française ou résidant en France qui iraient bénéficier de cette technique à l'étranger. (art.15) Le clonage thérapeutique serait également interdit. Rappelons que le premier ministre avait donné en novembre 2000 un avis favorable à l'autorisation du clonage thérapeutique, avis qu'il retirait huit mois plus tard suite à l'avis négatif du Conseil d'état le 14 juin 2001. De son côté, Jacques Chirac s'y était formellement opposé. Un consensus semble maintenant émerger parmi les députés pour interdire cette pratique. Les députés d’un préjudice naissance ». du fait de sa 1 - extraits de la « Proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l’indemnisation des handicaps congénitaux". Texte N° 757 adopté en première lecture. Ref : dossier Arrêt Perruche sur www.genethique.org débats à l’Assemblée Nationale1 reconnaissent que le clonage thérapeutique est la porte ouverte au clonage reproductif (rappelons que c’est la même technique) (voir article suivant) et craignent la naissance d’un trafic d’ovocytes. Un amendement stipule que des tissus ou des cellules embryonnaires obtenus dans des conditions contraires aux principes édictés par la loi française ne peuvent pas être importés en France (interdiction de clonage, gratuité du don, exigence du consentement). Recherche sur l’embryon En revanche, le projet de loi prévoit d’autoriser la recherche sur les embryons surnuméraires actuellement congelés, « ayant fait l’objet d’un abandon du projet parental et dépourvus de couples d’accueil ». (art.18) Le gouvernement justifie sa décision « par le souci de ne pas priver des progrès pour le traitement des maladies incurables qui pourraient résulter de recherches menées à partir de cellules souches embryonnaires ». Certains députés s’opposent à cette proposition dénonçant en particulier le manque de résultats probants dans les recherches sur ce type de cellules et les difficultés éthiques soulevées par ces pratiques. Ils proposent en revanche de développer la recherche sur les cellules souches adultes, tout aussi prometteuses et ne présentant aucune difficulté d’ordre éthique. Autres points importants : - la Commission rétablit l'autorisation du transfert d'embryons post mortem « Ce transfert ne pourra être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix huit mois après le décès. » - la création de l’Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine (APEGH). Elle pourra contribuer à l’élaboration de règles, au suivi et à l’évaluation des activités. Elle sera placée « sous la tutelle des ministres chargés de la santé et de la recherche. » (art. 16) Il semble qu’après ce premier vote, la discussion au Sénat et la deuxième lecture à l’Assemblée nationale ne soient pas attendues avant la fin de l’année 2002. 1- Projet de loi relatif à la bioéthique, du 20/06/01 en ligne sur www.genethique.org Quelques définitions pour les lois de bioéthique Embryon L'embryon est un être, humain, qui se développe dès le moment de la fécondation. De la fécondation à la mort, la vie d'un être humain est une évolution continue : embryon (jusqu'à 2 mois), fœtus, nouveau-né, enfant… Il n'existe pas de stade pré-embryonnaire car, avant l'embryon, l'être humain n'existe pas, seules existent deux cellules sexuelles : l'ovule et le spermatozoïde. Dès la rencontre des deux gamètes, tout le patrimoine génétique est présent dans l’œuf. Cellules souches embryonnaires Les cellules qui composent le jeune embryon sont appelées "souches" car elles ont la possibilité de fabriquer toutes les autres cellules du corps humain pour produire muscle, peau, ongle, etc. Important : le projet de lois de bioéthique prévoit l'utilisation de ces cellules souches à des fins thérapeutiques. Mais cela suppose la destruction des embryons et donc l'instrumentalisation d'êtres humains au profit d'autres êtres humains. Cellules souches adultes Certaines cellules du corps humain adulte sont appelées "souches" car elles peuvent aussi fabriquer un grand nombre d'autres cellules. Par exemple les cellules nerveuses peuvent générer des neurones ou même se transformer en cellules musculaires… A la différence de la recherche sur les "cellules souches embryonnaires", la recherche sur les "cellules souches adultes" ne pose aucun problème éthique. Recherche sur l’embryon Envisagée par les lois de bioéthique, elle ne vise pas à soigner un embryon malade, mais à prélever les cellules d’un embryon (et donc le détruire) pour les utiliser comme matériau d'expérimentation. Gène Ethique - n°25 – janvier 2002 Clonage humain (reproductif / thérapeutique) Manipulation destinée à reproduire, de manière non sexuée, un être humain identique à l'original. (Ne pas confondre avec l'expression parfois utilisée de clonage cellulaire. Il s'agit alors de simples cultures de cellules comme on le fait pour la peau des grands brûlés). Technique : on enlève le noyau de l'ovule et on le remplace par le noyau d'une cellule (non sexuelle) prélevée sur le corps d'un donneur. On obtient ainsi un embryon "jumeau" du donneur, à quelques années près… Une fausse distinction : si on arrête la croissance de l'embryon à l'âge d'une semaine, pour utiliser ses cellules dans la recherche, on parle de clonage thérapeutique. Si on laisse l'embryon se développer jusqu'à la naissance sans interrompre sa croissance, c'est du clonage reproductif. Dans les deux cas la technique est exactement la même : on reproduit un être humain. Faire un clone pour la recherche c'est donc créer un embryon qui sera ensuite détruit et utilisé comme matériau de recherche. Ref : dossier « Révision des lois de bioéthique » sur www.genethique.org, et les dossiers « Clonage », « Cellules souches »… lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune. Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Marie Le Méné Contact : Aude Dugast - 31 rue Galande 75005 Paris - Tél/Fax : 01.53.10.08.30 [email protected] Gène Ethique - n°25 – janvier 2002 Gène Ethique - n°25 – janvier 2002