© Futuribles, Sysme Vigie, 19 mars 2009
Brève Vigie, 19 mars 2009
L’OMC s’inquiète du retour des protectionnismes
La tentation protectionniste des pays développés risque, selon une note interne de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de mettre les pays en développement dans une
situation difficile. Les effets de la crise économique pourraient en effet s’amplifier dans les
pays émergents si la tendance au protectionnisme se confirmait.
Le protectionnisme gagnerait du terrain. En novembre 2008, l’Équateur a augmenté de 5 % à
20 % ses taux douaniers sur 940 produits (beurre, téléphones portables, matériaux de
construction, etc.). De son côté, l’Argentine a abaissé de 5 % ses taux à l’exportation sur le
blé et le maïs. L’OMC se félicite d’une telle baisse mais craint le dumping commercial, via un
renforcement des standards requis pour l’importation (licences de produits non
systématiquement délivrées, en l’occurrence), doublé de mesures facilitant l’exportation. En
outre, l’Union européenne distribue des aides à l’exportation sur le beurre et le fromage
depuis janvier 2009. D’une manière générale, le plan de relance économique européen a
assoupli les réglementations concernant les aides étatiques aux industries. L’Allemagne a
ainsi pu investir 2 milliards d’euros dans le secteur automobile, et la France 1,3 milliard (1
milliard comme prêt à PSA et Renault, et 300 millions pour restructurer le secteur). Les États-
Unis ne sont pas en reste, note l’OMC, puisqu’ils ont injecté sous forme de prêt à General
Motors et Chrysler, la bagatelle de 17,4 milliards de dollars US dans le secteur automobile.
Selon l’OMC, la mise en application de mesures protectionnistes ne ferait qu’aggraver la
situation économique à l’échelle mondiale. Protéger des entreprises, des emplois ou des rentes
à l’aide de barrières (douanières ou non) constitue une entrave au libre commerce qui ne peut
qu’être néfaste à l’économie dans son ensemble. L’OMC s’inquiète par ailleurs des délais,
parfois importants, dans lesquels un pays membre lui signale une modification de ses tarifs
douaniers.
L’OMC se propose par conséquent de durcir la discipline libérale à laquelle ont souscrit ses
membres. À la mi-décembre 2008, le G20, l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) et
un sommet regroupant la Chine, la Corée du Sud et le Japon, ont séparément réaffirleur
allégeance aux principes de l’OMC, qui pourtant craint l’érection brusque des barrières
douanières. Le risque est grand : selon l’International Food Policy Research Institute
(décembre 2008), si les États membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques) en venaient à élever leurs tarifs douaniers ne serait-ce que
jusqu’à la limite autorisée par les conventions dont ils sont signataires, ils feraient par-là
même perdre huit points de valeur au marché mondial.
L’OMC distingue deux types de mesures : le protectionnisme financier et le protectionnisme
commercial :
— Dans le domaine de la finance, les États membres de l’OMC en restent à des plans de
sauvetage, au lieu de mettre en place des stratégies de relance par l’investissement. Un pays
qui renforce ses banques par le rachat d’actifs et l’apport de garanties, les favorise par rapport
aux banques étrangères, c’est pourquoi l’OMC met en garde contre de telles opérations, qui
troublent la concurrence financière. Une nuance cependant : les effets de ces politiques de
sauvetage restent pour l’instant inconnus de l’OMC.
— Dans le domaine commercial, un protectionnisme marqué de la part des pays développés
se muerait assez vite en pénurie de financement pour les économies des pays en
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développement. En effet, les pays en développement sont intimement dépendants (et tout
particulièrement les pays les moins avancés) de l’investissement étranger et de la demande
étrangère stimulant leurs exportations (1). C’est pourquoi la Banque mondiale a annoncé le
déblocage, sur trois ans, de deux milliards de dollars US pour l’aide internationale au
développement.
L’OMC encourage les associations régionales à empêcher le ralentissement du commerce. Du
sommet de l’APEC du 25 novembre 2008 est l’Asian Pacific Trade Insurance Network,
qui vise à faciliter le commerce par la coopération, à l’échelle régionale, des agences de crédit
à l’exportation (en l’occurrence sous l’égide de l’agence japonaise NEXI). C’est ainsi, selon
l’OMC, que l’on peut empêcher la crise de frapper les pays émergents de plein fouet.
L’OMC enjoint donc ses membres à respecter, tout particulièrement en temps de crise, les
règles du marché mondial et le principe de libre circulation des marchandises. Cette note
interne de l’OMC confirme la multiplication des réactions protectionnistes face à la crise.
Alors qu’il y a encore un an l’augmentation des échanges et la baisse des barrières douanières
paraissaient inéluctables, les États multiplient aujourd’hui les entraves au libre-échange.
Le 5 février 2009, le président français, Nicolas Sarkozy, s’est plaint de la stratégie des
industries automobiles, principales bénéficiaires des aides d’État, qui, semble-t-il, continuent
de délocaliser leurs activités : « Si on donne de l’argent aux industries automobiles pour se
restructurer, ce n’est pas pour apprendre qu’une nouvelle usine va partir en Tchéquie ou
ailleurs », a-t-il déclaré. Ce à quoi Martin Riman, ministre tchèque de l’Industrie et du
Commerce s’est empresde répondre : « si quelque chose est susceptible de contribuer à
l’approfondissement et à la prolongation de la crise, c’est un protectionnisme massif instauré
par de grands États ». Au sein même de l’Union européenne, les tensions sont donc palpables
entre intérêts nationaux divergents.
Jean-Baptiste Moulin, Futuribles International
Source : OMC, note interne du 23 janvier 2009 ; site Internet
http://www.nftc.org/default/trade/2009/DG%20report%20Jan%2023.pdf.
(1) Le volume mondial d’exportations devrait, selon le rapport Global Economic Prospects
2009 de la Banque mondiale, chuter de 2,1 % en 2009 : le chiffre serait négatif pour la
première fois depuis 1982.
Catégories : Géoéconomie et finances
Mots clés : OMC, économie mondiale, protectionnisme
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