sa composante économique prenait tout
son sens.
La Communauté européenne du char-
bon et de l’acier (CECA) fut lancée par
la France et l’Allemagne, qui invitèrent
d’autres pays à placer ces deux secteurs
sous son autorité supranationale. Ce pro-
jet était tant politique et économique car il
exerçait une supranationalité sur deux sec-
teurs considérés comme stratégiques pour
des raisons économiques et militaires. La
Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les
Pays-Bas intégrèrent le projet en 1951 et ce
groupe de six pays devint alors le moteur de
l’intégration européenne (voir carte G2.1).
La CECA démontra que la faisabilité de la
coopération économique était plus grande
que celle de l’intégration politique ou
militaire.
La Communauté économique euro-
péenne (CEE), comptant ces six nations,
fut créée par le Traité de Rome en 1957.
Cette mesure engagea ces pays dans une
intégration économique sans précédent.
Non seulement une union douanière sup-
primerait tous les tarifs douaniers sur les
échanges commerciaux intra-CEE et éta-
blirait un tarif extérieur commun, mais
une zone économique unifiée favoriserait
également la libre circulation de la main-
d’œuvre, les marchés financiers intégrés,
le libre-échange dans les services et un
ensemble de politiques communes. Ce
degré d’intégration économique n’était pas
réalisable sans une profonde intégration
politique. Rétrospectivement, donc, « l’uti-
lisation de l’économie comme cheval de
Troie de l’intégration politique fonctionna
à merveille ». 2 En tant que « gardiennes
du Traité », la Cour et la Commission
européennes devaient contrôler les pays
(notamment la France, lorsque de Gaulle
revint au pouvoir) qui en arrivaient à reje-
ter le niveau de supranationalité impliqué
par le Traité. Néanmoins, entre 1966 et
1986, l’intégration profonde promise par
le Traité de Rome stagna (voir figure G2.1).
Les Européens se mirent à dresser des bar-
rières sous forme de règlementations et
normes techniques, divisant les marchés
— une réaction classique de la part des
industries faisant pression pour défendre
leurs loyers.
L’Acte unique européen (1986) relança
le processus d’approfondissement de l’in-
tégration économique, qui fut d’autant
plus surprenant du fait de la lente désin-
tégration des années 70. Mettant l’accent
sur la mobilité du capital, l’Acte unique fut
aussi, en partie, à l’origine de la création de
l’Union monétaire européenne (UME). En
effet, les taux de change fixes du Système
monétaire européen impliquaient, outre la
libre circulation des capitaux, la perte de la
souveraineté monétaire. Cela rendit l’UME
plus séduisant sur le plan politique pour
les pays concernés par les taux de change
fixes.
Effacer les divisions signifie réduire
l’impact des frontières sur les flux d’échan-
ges commerciaux. En a-t-il été ainsi au sein
de l’Union européenne (UE) ? Une manière
de répondre à cette question est de compa-
rer le volume des échanges commerciaux
à l’intérieur des frontières par rapport au
volume des échanges bilatéraux entre les
pays. Le rapport entre les deux est l’« effet
frontière ». Fontagné, Mayer et Zignago
(2005) proposent cette analyse pour l’Eu-
rope des 9, soit les six pays fondateurs plus
le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni.
L’effet frontière concernant les échanges
intra-européens relevés passa de 24 à la fin
des années 70 à 13 à la fin des années 90,
reflétant une augmentation considérable
de l’intégration (voir figure G2.2), sans