Quelle fin de vie en France en 2014? Docteur Jean-Gustave Hentz Les Hôpitaux Universitaires de STRASBOURG Praticien Hospitalier Hôpitaux universitaires de Strasbourg Théologien protestant Epitaphe au-dessus de l’ossuaire de la chapelle Saint-Sébastien de Dambach-laVille « Marcheur, suspend ton pas et lis Ce que tu es, je l’ai été Ce que je suis, tu le deviendras un jour Nous ne sommes tous que poussière sur terre » Les décès en France • • • • 570.000 décès en 2012 mais > 700.000 par an à partir de 2020 30% crémations, 70% enterrements /an Obs.religieuses : 5% entre 2008 et 2013 = 70%. obsèques civiles 4000 euros en moyenne ; 20% décès couverts par assurance obsèques 2,3 milliards CA, 25.000 salariés Où meurent les français ? • 24% décès à domicile • 76% décès à l’hôpital ou maison de retraite E.H.P.A.D. (alors que 75% voudraient mourir à domicile….) La relation médecin patient aujourd’hui niveau instruction infos méd.(internet) , dévt mvt consommateurs perte confiance usagers envers méd.+ remise en cause autorité et prescriptions médicales • principes éthiques : autonomie patient +++ revendication liberté à fixer moment et conditions chez soi, en EHPAD ou à l’hôpital, bienfaisance, non malfaisance, justice distributive. Comment meurent les français ? - 335.000 sans symptômes pénibles, de vieillesse - 235.000 avec symptômes pénibles : douleurs+ ++, dyspnée, nausées, vomissements, prurit . Causes : 160.000 cancer, démences ( Alzheimer) sclérose en plaques, Parkinson, SLA) - On meurt mal dans les hôpitaux français : enquête MAHO : 2/3 personnes en fin de vie ont besoin soins palliatifs mais seulement moitié peuvent en bénéficier Les soins palliatifs : pallium = le manteau • Soins actifs par équipe multidisc.+ approche globale, holistique physique, psychique, spirituelle+++, sociale : rôle bénévoles accomp.JALMALV + Pierre Clément • visent soulager douleur, sauvegarder dignité personne malade et soutenir entourage • Cancers et maladies neurologiques = 90% hospitalisations en soins palliatifs • Services soins palliatifs, unités mobiles intrahospitalières+domicile, lits dédiés • Pénurie : besoins = 300.000 prises en charge, seulement 85.000 places disponibles • 98,5% soulagement douleurs , 40-100 cas par an type Vincent Lambert, Chantal Sébire …. Les peurs et les douleurs en fin de vie • • • • peur de souffrir : douleur totale +++ : physique ( nuit et jour) affective (psychique et morale, dépression) relationnelle, sociale et spirituelle (sens de ma vie ?) douleur apparaît inutile, vaine, destructrice Peur de perdre sa dignité : plupart personnes meurent sans souffrir énormément, tuyaux , crainte perte de dignité plus que la mort Peur de la dépendance : Nietzsche, Ronald Dworkin Peur de la perte d’autonomie comment répondre à ces peurs ? ne rien faire, soins palliatifs, suicide, suicide assisté, euthanasie LATA • Limitation et arrêt de thérapeutique(s) active(s) : 70% décès réanimation • pas arrêt ou abandon soins mais réorientation stratégie des soins vers stratégie palliative • Démarche collégiale : patients (rarement possible), familles ou au moins personne de confiance, soignants (médecins dont au moins un médecin extérieur au service, infirmières, psychologue, éventuellement aumônier si demandé par la famille…) Le suicide en France • 220.000 tentatives par an • 11.000 suicides réussis (rapport Bernus 2013) • tentatives suicide : 2/3 femmes, suicides réussis : 2/3 hommes) • 57% entre 35 et 64 ans, suicides personnes âgées mais reste important • Facteurs risque : : primaires ( troubles psy antécédents perso ou familiaux), secondaires (isolement social, chômage, événements vie négatifs), tertiaires (sexe masc), âge ( grand et jeune âge, période vulnérabilité Le suicide assisté • Interdit à ce jour en France = aider patient à mettre fin lui-même à sa vie ( barbituriques ) • Suicide médic. assisté ( Oregon, Washington, Nevada E-U, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) ou assisté par bénévoles (Suisse) La fin de vie en Suisse (1) • Euthanasie active interdite en Suisse • 2 associations DIGNITAS et EXIT proposent légalement accompagnement vers une mort libre (Freitod) • EXIT ( 416 en 2011 et 77.000 adhérents = 1% population suisse = seuls citoyens suisses) • DIGNITAS (144 en 2011 et 5000 adhérents) ouverte étrangers non-suisses. 7000 FS • Associations ont fenêtre juridique par article 115 du code pénal suisse « celui qui assiste quelqu’un qui se suicide pour un motif non égoïste ne pourrai être poursuivi… » La fin de vie en Suisse (2) • EXIT-ADMD Suisse Romande dirigée par le docteur Jérôme Sobel, médecin ORL, Lausanne • Depuis 17 juin 2012 droit au suicide assisté inscrit dans la loi du canton de Vaud • Nb de membres EXIT : 17690 • Nb accompagnements 2012 : 144 (2001 : 17) soit domicile : 127, EMS : 16 , hôpital : 1 • Moyenne âge des accompagnements : 77 ans avec extrêmes de 32 à 98 ans • 57% femmes, 43% d’hommes La fin de vie en Suisse (3) • Après mûre réflexion et en pleine possession de mes facultés, je, soussigné(e), demande que soient considérées comme l'expression de ma volonté les dispositions suivantes : • - Que l'on renonce à toute mesure de réanimation si mon cas est désespéré ou incurable ou si, à la suite d'une maladie ou d'un accident, je devais être gravement handicapé(e) physiquement ou mentalement. - Qu'une médication antalgique à dose suffisante me soit administrée pour apaiser mes souffrances, même si celle-ci devait hâter ma mort. La fin de vie en Suisse (4) • EXIT Suisse alémanique à Zurich 70.000 membres = 1% population suisse • 2012 : 356 accompagnements auto-délivrance (2011 : 305, 2010 : 257). 6 étaient des patients avec maladies psychiques (2011 : 3, 2010 :7) • 25 bénévoles formés avec formation continue annuelle • 33 médecins qui fonctionnent comme médecins conseils pour EXIT • Commission éthique de 5 personnes examine toutes demandes d’accompagnement de patients atteints de maladies psychiques Euthanasie • Administration active substance dans but provoquer en général par voie IV (hypnotiquecurare-potassium) • Interdite à ce jour en France • Dépénalisation condit. euthanasie active : PaysBas 2002, Belgique 2003, Luxembourg 2008. Respect critères et procédures stricts • Pente glissante +++ : enfants, jumeaux sourds et aveugles, pbs dépression, fatigue de vie etc… La fin de vie aux Pays-Bas (1) • Dépénalisation conditionnelle du suicide assisté et de l’ euthanasie depuis loi de 2001 • Conditions : souffrances insupportables sans possibilité d’amélioration, demande du fait du patient sans influence de tiers et récurrente dans le temps, patient informé de son état et de l’évolution de la maladie et des éventuelles possibilités de soins, consultation d’u moins un médecin indépendant qui confirmera chaque étape précédente, mort provoquée de façon médicalement appropriée, patient au moins 12 ans (consentement parental entre12 et 16 ans) La fin de vie aux Pays-Bas (2) • Médecin doit rapporter mort au médecin légiste municipal (coroner) • Comité éthique régional statue si fin de vie par euthanasie ou suicide assisté est bien conforme aux critères. Si doute dossier transmis au Ministère Public. • la loi reconnaît explicitement la validité d'une déclaration de fin de vie écrite de la main du patient (ses « directives » sur son euthanasie), qui peut être utilisée dans le cas où le patient est dans le coma ou dans un état ne lui permettant plus d'exprimer sa volonté La fin de vie aux Pays-Bas (3) • Nombre de cas augmente : 1923 en 2006, 4100 en 2012. • Plus uniquement des cancers en phase terminale : apparition de patients avec souffrances existentielles, de plus en plus de patients avec maladies chroniques ne mettant pas vie en danger : dégénérescence maculaire, incontinence, arthrite argument de la pente glissante se vérifie… • Démence et euthanasie • The end of life clinic : équipe mobile d’euthanasie à La Haye : longue liste d’attente…. La fin de vie en Belgique (1) • Loi dépénalisation conditionnelle du suicide assisté et de l’euthanasie date de 2002 • Chiffres augmentent : 2002 : 24 ; 2003 : 235 ; 2004 : 349 ; 2005 : 395 2006 : 429 ; 2007 : 495 ; 2008 : 704 ; 2009 : 822 2010 : 954 ; 2011 : 1133 2012 : 1430 • extension aux mineurs dans certaines conditions par commissions réunies affaires sociales et justice du sénat en novembre 2013 La fin de vie en Belgique (2) • Flandre : 80% ; Wallonie : 20% • Nécessité avis d’un deuxième médecin qui doit avoir examiné le dossier + nécessité d’avoir informé patient et de lui avoir exposé les différentes possibilités, désir d’euthanasie doit avoir été manifesté à plusieurs reprises sans pression extérieure • Chaque adulte peut rédiger une déclaration d’intention et nommer une personne de confiant La fin de vie en Belgique (3) • Nathan, un Belge de 44 ans né Nancy, a été euthanasié après une opération pour changer de sexe qui a échoué. Durant toute sa vie, il a été rejeté par se proches….. Des frères jumeaux sont morts par euthanasie dans un hôpital de Bruxelles. Les deux hommes, âgés de 45 ans, étaient sourds et en passe de devenir aveugles. Ils avaient demandé le droit de mourir, et cela leur avait été accordé. La fin de vie en Belgique (4) • Première mondiale : Carine, 43 ans, 3enfants entre 17 et 21 ans, handicapée à la suite d’un AVC demande à être euthanasiée et veut donner tous ses organes • Passe toutes les étapes nécessaires, hospitalisée à l’hôpital universitaire d’Anvers • Jumeler une euthanasie avec un prélèvement d’organes = briser un tabou Chronologie juridique et éthique (1) • Loi 9 juin 1999 : reconnaît à toute personne dont l'état le requiert, "le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement • 4 mars 2002 : Pas d’acte médical ni tt pratiqué sans consentement libre et éclairé du patient qui peut être retiré à tout moment • 22 avril 2005 : loi Léonetti : acte médicaux ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable afin d’éviter un « seul maintien artificiel de la vie ». • 2008 : 1ère révision : congé de fin de vie, observ.nat. • 7 février 2011 : Recommandations pour la sédation en phase terminale de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Label de la Haute Autorité de santé (HAS) avril 2011 Recommandations Chronologie juridique et éthique (2) • 18.12.2012 : rapport Sicard contre euthanasie active, préconise si nécessaire sédation terminale; ouvre réflexion sur suicide assisté • 01.07.2013 : avis n°121 du CCNE. Divisé sur assistance au suicide, préconisation sédation profonde terminale en fin de vie si indiquée • 16.12.2013 : conférence citoyenne sur la fin de vie : en faveur suicide assisté et création d’une exception d’euthanasie • 14.01.2014 : F.Hollande réaffirme souhait de voir aboutir nouvelle loi sur fin de vie La loi Leonetti 22 avril 2005 • « acte médicaux ne doivent pas être poursuivis par obstination déraisonnable « afin d’éviter un « seul maintien artificiel de la vie ». : interdiction acharnement thérapeutique • Aide à la respiration, alimentation par sonde et hydratation par perfusion sont considérés comme des traitements • Le « laisser mourir » peut donc signifier le laisser mourir de faim ou de soif • Médecin doit tenir compte de la volonté du patient ou s’en référer à la personne de confiance désignée par le malade • Loi parle des directives médicales anticipées • Loi parle de nécessité de prise de décisions en équipe et d’interdiction de décisions prises en solitaire Les directives anticipées SFAP • Je soussigné (nom, prénom) : ……………………………………………………….. • Né le……. à…………domicilié à ……… • J’énonce ci-dessous mes directives anticipées dans le cas où je ne serai plus en mesure d’exprimer ma volonté ……………. • J’ai nommé comme personne de confiance…. • J’ai mis mes directives anticipées par écrit le ….. • Fait à ………. Le ………. • Signature…….. Les directives anticipées du docteur Vincent Morel, président de la SFAP • Si un jour, suite à un accident ou à une maladie, je me retrouve dans une situation de coma ou dans un état végétatif ou pauci relationnel irréversible, je souhaite que tous les traitements qui me maintiennent artificiellement en vie soient arrêtés (y compris l’alimentation et l’hydrat. artificielle). • Je demande également aux équipes médicales de tout mettre en œuvre pour que je ne souffre pas. Enfin je leur demande également d’accompagner et d’entourer mes proches. Les directives anticipées du pasteur Jean-Paul Morley • « Je crois en une vie, différentes, après notre mort physique. Je n’ai donc pas peur de cette mort-là-même si, aujourd’hui, j’aime profondément la vie, souhaite mener à bien de nombreux projets, garder un compagnon à mon épouse, voir le plus longtemps possible de que deviennent nos enfants et connaître un jour nos petits-enfants. En conséquence : Je crois en Dieu, je ais qu’il nous ouvre les bras à tous. Je vous ai beaucoup aimés et vous remercie de tout ce que j’ai vécu et reçu ». 3 évolutions Rémunération congé accompagnement : 47 par jour pdt 3 sem mais seulement entourage patient à domicile et pas pour patient hospitalisé 20.000-25.000 personnes/an Parution décrets modifiant code déontologie meilleure pratique tts à visée sédative lors limitations et arrêts de tts maintien artificiel en vie Observatoire des pratiques médicales de fin de vie Limites et questionnements loi Léonetti sur la fin de vie • Vincent Humbert 2004, Chantal Sébire 2008 , Vincent Lambert 20013 : loi ne répond pas à ttes situations dramatiques ne peut rien pour personne en grande détresse dont pronostic vital pas engagé à court terme mais qui jugent leurs souffrances intolérables • Consentement éclairé et directives anticipées ont statut légal minimal en France : médecin doit recueillir consentement avant tt mais peut décider de ne pas suivre directives anticipées • Pb alimentation et hydratation en fin de vie Le débat sur la fin de vie en France en 2014 (1) • Rapport Sicard déc. 2012 : loi Léonetti mal appliquée • Rapport du panel de 20 citoyens préconisant légalisation suicide assisté • Fin de vie : loi en prép. voulue par Président + Débat de société : films ( Quelques heures de printemps, de Stéphane Brizé ; Amour de Michaël Haneke ); livres (Tout s’est bien passé d’Emmanuelle Bernheim, Réparer les vivants de Maylis de Kerangal), articles de journaux ( j’ai aidé ma mère à mourir Le Monde juillet2013) , soirées à thème)…. Le débat sur la fin de vie en France en 2014 (2) • Partisans SMA et euthanasie comparent combat en faveur d’une mort choisie à celui de avortement • « nous nous sommes battues pour l’IVG pour que les femmes soient maîtres de leurs corps ; cette fois nous battrontspour que l’être humain soit maître de sa vie jusqu’au bout » Nadine Trintignant, réalisatrice • Inégalités face à fin de vie « dans certains milieux aisés on trouve toujours une solution » • « La loi Léonetti est une souffrance inutile. Il reste deux grands verrous à faire sauter : le monde médical et la religion » Henriette Martinez, députée UMP Le texte « convictions et compassions » de l’UEPAL • Groupe travail dirigé par insp. Isabelle Gerber • 17 pages plan : situation et enjeux, rappels théologiques, considérations pastorales, le rôle de l’Eglise, nos convictions, lexique • Notre Eglise plaide sans réserve pour le développement des soins palliatifs. • L’Eglise a un rôle à jouer dans le « bien mourir ». En ce sens, elle doit contribuer, dès le plus jeune âge, à la prise de conscience que maladie et mort font naturellement partie de la vie. Nos convictions • Le souci premier est de répondre au désir de vie, de sens, d’affection. • L’être humain est un être de relation jusqu’au bout de ses jours. La solidarité est un devoir et non une option. • Les formes de cette solidarité seront imposées par les circonstances. • L’Eglise aidera la personne à remettre sa vie entre les mains de Dieu dans sa proposition d’accompagnement et d’écoute pastorale, dans son offre de célébrations, de paroles et de prières La volonté du patient (1) • Il nous semble impensable que la personne la plus concernée par la mort – à savoir celle qui est en train de mourir-soit écartée du processus décisionnel de soins. Les directives anticipées, bien qu’elles comportent le risque de ne plus être adaptées aux rapides changements susceptibles d’intervenir dans l’état de santé de la personne, sont un premier pas dans la prise de conscience de sa finitude ; d’où la nécessité d’un dialogue sur cette thématique entre proches. La volonté du patient (2) • Les décisions de fin de vie étant lourdes à porter, il apparaît primordial qu’elles soient le fruit d’une concertation entre patient, équipe médicale et proches. Le patient a voix prépondérante, qu’il l’exprime directement, par ses directives anticipées ou indirectement par la personne de confiance. La mort (tout comme la vie) est ainsi vécue comme une responsabilité partagée Le suicide assisté en protestantisme • L’éthique protestante qui reconnaît la liberté de l’homme sur sa propre vie ne peut toutefois encourager le choix d’y mettre fin, tout en admettant l’existence de situations tragiques. Dans tous les cas « Il faudrait plutôt répondre à un besoin de consolation, d’accompagnement et d’amitié ». • L’Eglise reste ainsi témoin de la présence et de l’amour inconditionnel de Dieu.