Ces concepts clarifiés, nous analyserons maintenant quelques unes des contradictions qui
prévalent dans notre environnement juridique actuel. Il est clair que le Tribunal constitutionnel
(STC 120#90, 27 juin) a nié l’existence d’un droit fondamental au suicide, mais considérant
que cet arrêt a été prononcé dans le cadre d’une grève de la faim d’un prisonnier, rien
n’autorise à penser que cette interdiction doive s’appliquer au droit d’en finir avec ses
souffrances, par soi-même ou avec l’aide d’autrui. C’est une chose de recourir au suicide
pour mettre fin à des souffrances jugées intolérables par celui qui les endurent , c’en est une
autre de recourir au suicide par grève de la faim pour extorquer l’État.
Il est difficile de voir de la cohérence entre la négation générale du droit au suicide et le droit
concret d’un patient de refuser un traitement,même si ce refus entraine la mort; ce droit est
reconnu par la Loi 41#2002 connue comme Loi fondamentale sur l’autonomie du patient. Il
est difficile de comprendre que l’on puisse décider de sa propre mort par le débranchement
par un tiers d’un respirateur (le cas de Inmaculada Echevarria) et de ne pouvoir le faire en
demandant qu’on administre des médicaments, auxquels on ne peut, non plus, accéder sans
aide (le cas de Ramon Sampedro). On pourra employer toutes les arguties que l’on voudra,
mais nous les citoyens ordinaires (L’homme de la rue) n’arrivons à comprendre comment il
est possible que dans des circonstances semblables de refus d’une vie que les deux
(Inmaculada et Ramon) jugeaient insupportable, un seul aurait le droit d’en finir. Allons-nous
devoir souhaiter être branché à une machine parce que ce sera la seule manière d’avoir le
droit de décider de notre sortie?
L’inégalité que la législation actuelle impose à des personnes en même situation de refus de
vivre augmente encore dans le Code pénal qui par son article 143-4 pénalise celui qui
"cause la mort de quelqu’un ou y collabore par des actions nécessaires et directes".
Cette limitation des gestes punissables aux actes "nécessaires et directs" a dépénalisé , de
fait comme mentionné plus haut, l’euthanasie passive et indirecte protégeant juridiquement
les bonnes pratiques médicales de limitation de l’effort thérapeutique ou la sédation du
patient en phase terminale (la protection, de toute façon est bien relative, pensons ici aux
médecins de Severo Ochoa) mais cette limitation aux actes nécessaires laisse hors du
champ pénal le fait de fournir un poison létal à quelqu’un qui aurait pu se le procurer sans
aide alors qu’elle pénalise celui qui en fait autant pour le patient incapable d’y parvenir par
ses propres moyens, comme Ramon Sampedro. Y a-t-il discrimination plus injuste et plus
indéfendable surtout avec le plus vulnérable des êtres?
Selon nous, ces dysfonctions légales sont dues à ce qu’on n’a pas abordé directement le
problème de fond de cette question transcendantale. Il faut décider une fois pour toutes si le
droit fondamental à l’autonomie signifie réellement la capacité de décider soi-même jusqu’où
on désire ou on ne désire pas aller. Ou alors s’il s’agit d’un droit sous tutelle. Si, comme l’a dit
le ministre Soria, il appartient à l’individu seul, pas à une église ni un parti politique, de
décider et si c’est là l’opinion de son parti qui est au pouvoir, cette question s’approche de sa
solution: la loi doit reconnaître le droit de mettre fin à sa propre vie seul ou avec l’aide d’un
tiers quand on estime que ce qui nous en reste ne mérite pas d’être vécu.
Ceux qui, bien légitimement, se voient comme simple administrateurs de la vie, ne doivent
pas craindre de s’en voir déloger contre leur volonté. Pour eux comme pour nous-mêmes,
nous réclamons l’accès universels aux soins palliatifs et à la sédation terminale comme un
droit civique qui aide à supporter la fin de la vie, mais nous refusons avec la même fermeté,