Chapitre 1 : INTRODUCTION

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Faculté des Sciences Appliquées
Service de Chimie Organique
Etude par microcalorimétrie des effets de
protonation associés aux interactions
enzyme-inhibiteur
Promoteur : Dr. Kristin Bartik
Mémoire de fin d’études
présenté en vue de
l’obtention du grade
d’Ingénieur Civil Chimiste
Wylock Christophe
Année académique 2003-2004
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier le professeur Kristin Bartik de m’avoir accueilli dans
son service, de m’avoir apporté le soutien nécessaire à la réalisation de ce travail et
d’avoir su me pousser quand il le fallait. Merci pour votre patience, votre pédagogie
et votre enthousiasme au travail.
Je tiens aussi à remercier tout spécialement Gilles Bruylants de m’avoir appris les
bases du laboratoire ainsi que de m’avoir fait partager son savoir. Il m’a
accompagné, tel un grand frère dévoué, tout au long de cette passionnante aventure
et a toujours été là pour répondre à mes interrogations.
Egalement un grand merci à Juliana pour ses coups de main au laboratoire ainsi
qu’à Nicole qui permet à la planète P2 de tourner en rond et pour la bonne humeur
qu’elle a su me transmettre.
Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont assisté à mes répétitions et qui m’ont
permis d’avancer vers le bon chemin.
Enfin, merci à tous mes collègues de bureau Gilles, Sophie, Marina et Gaëlle, pour
l’ambiance chaleureuse que j’ai ressenti parmi eux durant toute cette année.
Table des matières
Résumé
Chapitre 1 : Introduction ........................................................................................... 1
1.1) Cadre général................................................................................................... 1
1.2) Les interactions non-covalentes ....................................................................... 1
1.3) La reconnaissance moléculaire ........................................................................ 3
1.4) Interaction récepteur ligand .............................................................................. 3
1.5) Enzyme et inhibiteur ......................................................................................... 5
1.6) Effet de protonation lors de l’interaction enzyme-inhibiteur réversible.............. 9
1.7) But du travail .................................................................................................. 10
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC) ............................................... 11
2.1) Généralités ..................................................................................................... 11
2.2) Description ..................................................................................................... 12
2.3) Détermination des paramètres thermodynamiques ........................................ 15
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine ................................................... 17
3.1) Présentation ................................................................................................... 17
3.2) Détermination par ITC de la constante d’affinité et de l’enthalpie d’interaction
trypsine-benzamidine ....................................................................................... 19
3.4) Conclusion ..................................................................................................... 21
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine – proflavine ............................................ 22
4.1) Présentation ................................................................................................... 22
4.2) Détermination des constantes d’affinité par spectroscopie UV-Visible ........... 26
a) Principe ...................................................................................................... 26
b) Méthode choisie ......................................................................................... 27
c) Détermination des constantes d’affinité ..................................................... 29
d) Résultats .................................................................................................... 30
e) Discussion ................................................................................................. 32
4.3) Détermination par ITC de l’enthalpie d’interaction .......................................... 37
a) Méthode choisie ......................................................................................... 37
b) Résultats .................................................................................................... 39
c) Discussion .................................................................................................. 39
4.5) Conclusion ..................................................................................................... 47
Chapitre 5 : Conclusion .......................................................................................... 49
Chapitre 6 : Matériaux et méthodes ....................................................................... 52
Chapitre 7 : Bibliographie ....................................................................................... 55
Résumé
Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’étude des interactions non-covalentes
entre petites molécules et protéines qui conduisent à la formation d’un complexe
réversible. Nous nous sommes intéressés au cas particulier de l’interaction entre une
molécule chargée et une protéine possédant des résidus pouvant être chargés dans
le site de complexation de la petite molécule. Nous avons étudié l’effet de l’état de
protonation de ces résidus chargés dans le site de complexation de la protéine sur
les grandeurs thermodynamiques caractérisant l’interaction.
Nous avons utilisé deux systèmes modèles de type enzyme-inhibiteur :
trypsine-benzamidine,
chymotrypsine-proflavine.
La trypsine et la chymotrypsine sont deux enzymes possédant au niveau du site de
complexation une histidine. L'état de protonation de cette histidine peut varier dans
une gamme de pH autour du pH physiologique. La benzamidine et la proflavine sont
des petites molécules qui sont protonées dans cette gamme de pH.
L’étude par calorimétrie à titrage isotherme (ITC) du système trypsinebenzamidine n’a malheureusement pas pu nous donner de résultats exploitables.
Nous avons conclu que les problèmes rencontrés étaient dus à l’autolyse de la
trypsine, malgré toutes les précautions prises pour tenter de l'inhiber.
Le système chymotrypsine-proflavine ne présente pas de problème d'autolyse
mais ces molécules ont tendance à s'agréger. Ce problème est évité en travaillant à
des concentrations faibles. A cause de cette contrainte, nous n’avons pu déterminer
que l’enthalpie d’interaction par ITC, pas la constante d’affinité. Celle-ci a été
déterminée par spectroscopie UV-Visible.
Les résultats indiquent que l’interaction est beaucoup plus favorable avec la
chymotrypsine lorsque le site de complexation est déprotoné. Cela a pour
conséquence que l'équilibre de protonation de ce site est déplacé par l'interaction
avec l'inhibiteur, ce qui conduit à un échange de protons avec le tampon. Le choix du
tampon a une influence sur l'enthalpie d'interaction puisque chaque tampon a sa
propre enthalpie d'ionisation.
En effectuant les mesures dans différents tampons et à différents pH, nous avons
pu déterminer l’effet de l’échange de protons sur les grandeurs thermodynamiques
observées.
Chapitre 1 : Introduction
1.1) Cadre général
Au cours de ce travail, nous allons nous intéresser à l’interaction entre un enzyme
et un inhibiteur réversible. L’interaction enzyme-inhibiteur n’est qu’un cas particulier
d’un phénomène beaucoup plus général : l’ interaction entre un récepteur
moléculaire et un ligand (ou interaction Host-Guest).
Lorsqu’un récepteur moléculaire est mis en présence d’un ligand, des forces
d’interactions non-covalentes entre ces deux entités peuvent conduire à la formation
d’un complexe réversible.
1.2) Les interactions non-covalentes
Les interactions covalentes, fortes et hautement directionnelles, sont responsables
de la connectivité entre atomes d’une molécule. Cependant, des atomes qui ne sont
pas liés de manière covalente peuvent interagir les uns avec les autres. Ces
interactions sont dites interactions non-covalentes. Elles sont fonctions de la distance
entre atomes.
La différence avec les interactions covalentes n’est pas d’ordre qualitatif mais
quantitatif. Différentes classifications des forces non-covalentes sont possibles
suivant les définitions utilisées pour les différentes interactions. On peut trouver cidessous un exemple de classification. Un exemple sera donné à titre illustratif pour
les différentes catégories d’interaction.
-
interactions coulombiennes entre charges
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre un ion Na+ et un ion Cl-, séparé de 5 Å : -278 kJ/mol.
-
interactions charges-multipôles permanents
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre un ion Na+ et une molécule d’eau, séparé de 5 Å , la
charge négative du dipôle de l’eau étant orienté vers la charge de l’ion : -21,4 kJ/mol.
Chapitre 1 : Introduction
Page 1
-
interactions charges-multipôles induits
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre un ion Na+ et le dipôle induit dans molécule de
méthane, le centre du dipôle étant séparé de la charge de 5 Å : -2,9 kJ/mol.
-
interactions multipôles-multipôles
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre deux molécules d’eau, séparée de 5 Å , leur dipôle
étant parallèle et aligné : -3,3 kJ/mol.
-
interactions multipôles-multipôles induits
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre une molécule d’eau et le dipôle induit dans une
molécule de méthane, séparée de 5 Å : -0,034 kJ/mol.
-
forces de dispersion (London)
Ex : potentiel d’interaction dans le vide entre deux molécule de méthane, séparée de 4 Å : -10,9
kJ/mol.
-
forces de répulsion (Pauli)
-
liens H
Ex : le potentiel d'interaction associé à un lien H entre deux molécule d’eau dans l'eau varie entre
10 et 40 kJ/mol.
On peut également citer les interactions hydrophobes, qui décrivent l'attraction entre
molécules non-polaires dans l'eau [1].
Ex : énergie libre de dimérisation de deux molécules de méthane dans l'eau: ΔG° = -8,5 kJ/mol.
Interactions covalentes et non-covalentes différent principalement par les ordres de
grandeurs des énergies mises en jeu. En effet, l’énergie d’une liaison covalente varie
entre 200 et 800 kJ/mol [1].
Les interactions non-covalentes conduisent à la cohésion d’un système. Elles
peuvent être aussi bien intramoléculaires qu’intermoléculaires :
-
Les interactions entre les différents groupements d’une même molécule vont
intervenir dans l’orientation spatiale qu’adopteront ces groupements les uns par
rapport aux autres. Il en résultera la structure tridimensionnelle globale de la
molécule. Les protéines en sont un exemple [2].
-
Les interactions entre les différents groupements de différentes molécules peut
conduire à l’assemblage de ces dernières pour former une structure
supramoléculaire. Ex : la double hélice de l’ADN [2].
Chapitre 1 : Introduction
Page 2
1.3) La reconnaissance moléculaire
Un récepteur moléculaire est une molécule possédant des groupes fonctionnels
disposés de telle manière qu’elle puisse interagir favorablement avec une autre
molécule appelée ligand. Cette interaction peut conduire à la formation d’un
complexe réversible, car il n'y a pas de liens covalents qui sont formés. Dans
certains cas, la disposition des groupements du récepteur et du ligand est telle que
l’interaction n’est favorable qu’entre un récepteur et un ligand particulier. Si
l’interaction est sélective, on parle de reconnaissance.
Les êtres vivants disposent d’un très grand nombre de récepteurs. On retrouve
ces récepteurs biologiques à de nombreux endroits : membranes cellulaires,
synapses, canaux ioniques... . Ces récepteurs sont extrêmement spécifiques.
1.4) Interaction récepteur ligand
La formation d’un complexe récepteur-ligand réversible est le résultat global d’un
ensemble d’interactions complexes, et la détermination de grandeurs
thermodynamiques associées à l'interaction nous aide à caractériser l’énergétique
des systèmes [3].
Dans le cas particulier d’une interaction 1:1
L+R
LR
(L : ligand ; R : récepteur)
L’interaction est caractérisée par la constante d’affinité Ka.
Ka 
[RL]
[R][L]
La constante d’affinité de l’interaction est reliée à l’énergie libre de Gibbs standard
ΔG° par la relation :
Ka  e
Chapitre 1 : Introduction

G 
RT
Page 3
L’énergie libre, la « force motrice » de l’interaction, est la somme de deux
contributions :
G  H  TS
où H et S sont l’enthalpie et l’entropie standard de l’interaction.
Le terme enthalpique est lié à la somme des contributions des formations ou des
ruptures de liens non-covalents et il se manifeste, à pression constante, par une
absorption ou une libération d’énergie sous forme de chaleur.
Le terme entropique, quant à lui, reflète les changement dans l’ordre du système. Il y
a notamment l'entropie de changement de solvatation et le changement de l’entropie
conformationnelle [4].
La connaissance des termes enthalpique et entropique nous apporte une
information plus riche sur l’interaction par rapport à la constante d’affinité seule. En
effet, des processus ayant des ΔG° similaires peuvent avoir des ΔH° et des ΔS° très
différents.
Pour illustrer, prenons l’exemple de l’interaction de l’anhydrase carbonique II
(enzyme catalysant la décomposition de l’acide carbonique en gaz carbonique et en
eau [5]) avec le 4-carboxybenzène-sulfonamide (CBS) et le
5-diméthylamino-1-naphtalène-sulfonamide (DNSA) [6].
Figure 1.1a
Figure 1.1b
NH2
NH2
O S
O S
O
C
O
OH
N
H3 C
CH3
CBS
DNSA
=
-35 kJ/mol
-37 kJ/mol
Ka(25°C) =
1,4.106 M-1
3,1.106 M-1
ΔH°
=
-50 kJ/mol
-20 kJ/mol
TΔS°
=
-15 kJ/mol
+17 kJ/mol
ΔG°
Chapitre 1 : Introduction
O
Page 4
On voit que les énergies libres sont proches, et les constantes d’affinité du même
ordre de grandeur. Par contre, les enthalpies sont différentes, quoique favorables
dans les deux cas. D’un point de vue entropique, la première interaction est
favorable tandis que la deuxième est défavorable. Ceci reflète que les forces ayant
conduit à l’interaction sont différentes.
Dans le cas que nous allons étudier, le récepteur est un enzyme.
1.5) Enzyme et inhibiteur
Les enzymes sont des molécules d’une extrême importance sur le plan biologique.
En effet, ce sont des catalyseurs très efficaces. Les réactions qu’ils catalysent sont
de 103 à 106 fois plus rapides que les réactions correspondantes non catalysées
(bon nombre de ces réactions ont des cinétiques très faibles dans les conditions
physiologiques). De plus, les enzymes sont hautement stéréospécifiques. Ils
catalysent généralement une seule réaction avec un seul substrat [2].
Les enzymes sont des protéines, c’est-à-dire des chaînes linéaires d’acides
aminés. Bien que plus de 500 acides aminés naturels soient connus, tous les êtres
vivants, depuis la bactérie jusqu’à l’homme, sont essentiellement constitués de 20
acides aminés [7].
Chaque acide aminé est constitué d’un carbone central, appelé carbone α. Il est
attaché à 4 groupes
2),
un groupe acide
e,
COOH
NH2
H
R
Figure 1.2 : Représentation d’un acide aminé L en projection de Fischer.
Chapitre 1 : Introduction
Page 5
Les 20 acides aminés naturels, à l’exception de la glycine, sont chiraux et ont une
configuration L. Les chaînes latérales des 20 acides aminés principaux sont reprises
dans le Tableau 1.1 [7].
Les différentes propriétés physico-chimiques des chaînes latérales des acides
aminés sont très importantes pour la conformation et la fonction de la protéine. En
effet, les interactions entre chaînes latérales vont conditionner la structure spatiale et
la dynamique de la protéine, qui vont à leur tour conditionner sa fonction.
L’activité des enzymes dans un organisme est régulée. Cette activité peut-être
diminuée, voire bloquée grâce à des substances appelées inhibiteurs. Un inhibiteur
peut être une petite molécule ou une bien une autre protéine.
Le mécanisme d’inhibition d’un enzyme passe par la formation d’un complexe
enzyme-inhibiteur. L’inhibiteur est un ligand du récepteur enzyme. Le complexe
formé peut être réversible ou irréversible. Nous ne nous intéresserons ici qu’à des
inhibiteurs réversibles.
Chapitre 1 : Introduction
Page 6
R
H
Code 3
lettres
Code 1 lettre
Nom
Glycine
Gly
G
Alanine
Ala
A
Valine
Val
V
Leucine
Leu
L
Isoleucine
Ile
I
Phénylalanine
Phe
F
Proline
Pro
P
Sérine
Ser
S
Thréonine
Thr
T
Tyrosine
Tyr
Y
Asparagine
Asn
N
Glutamine
Gln
Q
Lysine
Lys
K
pKa de la
fonction acide
de R
Groupe alkyle
CH 3
CH (CH 3 ) 2
CH 2 C H (CH 3 )
CH CH 2 CH 3
CH 3
H2
C
COOH
HN
H
CH 2
CH O H
2
Avec fonction
hydroxyle
CH OH
CH 3
H2
C
OH
10,1
Avec fonction amino
O
CH 2CNH2
O
CH 2 (CH 2 ) 3 NH 2
CH 2 CH 2 CNH 2
10,5*
Tableau 1.1 : Chaînes latérales des acides aminés principaux.
Chapitre 1 : Introduction
Page 7
Code 3
lettres
Code 1 lettre
Nom
pKa de la
fonction acide
de R
Arginine
Arg
R
12,5*
Tryptophane
Trp
W
Histidine
His
H
6,1*
Cystéine
Cys
C
8,2
Méthionine
Met
M
Acide aspartique
Asp
D
3,7
Acide glutamique
Glu
E
4,3
R
Avec fonction amino (suite)
NH
CH 2 (CH 2 )2 NHCNH 2
CH 2
HN
NH
H2
C
N
AvecCHfonction
mercapto ou sulfure
2S H
CH 2 C H 2 S CH 3
CH 2 C OOH
Avec fonction carboxylique
CH 2 C H 2 COOH
Tableau 1.1(suite) : Chaînes latérales de acides aminés principaux.
* pKa de l’acide conjugué
Chapitre 1 : Introduction
Page 8
1.6) Effet de protonation lors de l’interaction enzyme-inhibiteur
réversible
Si l’enzyme possède un ou plusieurs acides aminés protonables dans le site de
complexation de l’inhibiteur, son état de protonation peut influencer l’interaction et un
effet du pH pourrait être observé. Remarquons que l’inhibiteur aussi peut être
protonable et que son état de protonation peut également influencer l’interaction [8].
Dans le cas où on considère :
- un enzyme possédant, dans le site de complexation, un seul acide aminé
protonable dont l’état de protonation peut varier dans la gamme de pH
physiologique, qui est celle que nous avons étudiée,
- un inhibiteur dont l’état de protonation ne change pas dans cette gamme de pH,
on peut représenter le système de la manière suivante [9] :
Kint,1
E+I
EI
[EI]
[E] [I]
;
Kint,2 
[E] [H ]
[EH ]
;
K ac 
Kint,1 
[EH  I]
[EH ] [I]
Kac
Kaf
Kint,2
EH+ + I
EH+I
K af 
[EI] [H ]
[EH  I]
Schéma 1.1
où E et EH+ représentent l'enzyme sous sa forme non protonée ou protonée
respectivement, et I représente l'inhibiteur. Remarquons que, pour simplifier
l’expression, nous utiliserons le terme enzyme protoné ou déprotoné pour désigner
l'enzyme lorsque l'acide aminé du site de complexation est protoné ou déprotoné,
respectivement.
Kint,1 et Kint,2 sont les constantes d’affinité entre l’inhibiteur et, respectivement, les
formes déprotonée et protonée de l’enzyme.
Ka f et Kac sont les constantes d’acidité de l’acide aminé protonable de l’enzyme libre
et complexé.
Chapitre 1 : Introduction
Page 9
Remarquons que les constantes sont reliées par la relation suivante :
Kint,1
K
 int,.f 2
.c
Ka
Ka
L’énergie libre étant une fonction d’état, elle est indépendante du chemin emprunté
pour passer d’un état à un autre.
L’inhibiteur I peut à priori interagir avec les deux formes de l'enzyme. Or, ces deux
formes sont différentes. On peut donc s’attendre à ce que Kint,1 et Kint,2 soient
différentes.
1.7) But du travail
Le but de ce travail est d’utiliser la microcalorimétrie à titrage isotherme (ITC) pour
déterminer la contribution d’un effet de protonation sur les grandeurs
thermodynamiques associées à l’interaction entre un enzyme et un inhibiteur
compétitif. Pour cela, deux systèmes modèles seront utilisés :
- trypsine – benzamidine
- chymotrypsine – proflavine.
Il s’agit de deux enzymes possédant un acide aminé protonable dans le site de
complexation de leur inhibiteur.
Les études seront réalisées en solution aqueuse à différents pH, dans différents
tampons et à force ionique tant que possible constante.
Chapitre 1 : Introduction
Page 10
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
2.1) Généralités
L’ITC est une technique performante qui permet de déterminer, en une seule
expérience, la constante d'affinité et l'enthalpie associée à une interaction.
Elle est aujourd’hui très employée en biologie et en pharmacie pour étudier divers
types d’interactions :
interactions protéines-drogues
interactions protéines-protéines
interactions ADN-protéines
interactions ADN-drogues
……
Les appareils modernes sont aujourd’hui suffisamment sensibles pour détecter des
chaleurs de l’ordre du µJ.
La calorimétrie est la seule méthode permettant la mesure directe de la variation
d’enthalpie ΔH° et de la constante d’affinité Ka, et par là même d’en déduire l’entropie
ΔS°, associée à une interaction [10]. Beaucoup de techniques permettent de
déterminer la constante d'affinité mais l’enthalpie est obtenue indirectement à partir
de la relation de van’t Hoff [11].
ln KT  ln KT0
H T  C pT0 1 1  C p T


ln
  
0
R
T
T0 
R
T0
(ΔCp est la différence entre les chaleurs spécifiques des produits et des réactifs ; R
la constante des gaz parfait et T0 une température de référence)
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
Page 11
En mesurant Ka à différentes températures et en portant ln (Ka) en fonction de 1/T,
on obtiendrait une courbe dont la pente de la tangente en chaque point est
proportionnelle à ΔH° (Figure 2.1).
ln K a
1
T
Figure 2.1 : Graphique ln(Ka) en fonction de 1/T.
Il suffirait donc d’ajuster les paramètres à la courbe obtenue pour pouvoir
connaître l’enthalpie aux différentes températures. Mais ce n’est pas facile car les
mesures de Ka sont souvent entachées de beaucoup d’erreur.
2.2) Description
Un microcalorimètre est constitué de deux cellules identiques enfermées dans une
enceinte adiabatique (Figure 2.2). L’ensemble est maintenu à la température de
l’expérience. Une des cellules est remplie avec le solvant (de l’eau dans notre cas) et
sert de référence. L’autre cellule, la cellule de travail, est remplie avec une solution
contenant le récepteur. Au sein de cette solution plonge l’extrémité d’une seringue,
qui est remplie d’une solution de ligand.
Les concentrations du récepteur et du ligand sont connues.
Lorsqu’on injecte du ligand dans la solution de récepteur, l'interaction entre ces
deux molécules va provoquer un dégagement ou une absorption de chaleur, suivant
que le processus est exo- ou endothermique. La température de la cellule de travail
est alors modifiée par rapport à la cellule de référence.
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
Page 12
La base de cette technique est de mesurer la puissance qui doit être ajoutée ou
enlevée pour maintenir la cellule de travail à la même température que la cellule de
référence [10].
Figure 2.2 [10] : Représentation schématique de l’ITC. L’appareil mesure la puissance
nécessaire pour maintenir une différence de température nulle entre les 2
cellules.
On essaie de choisir les concentrations des deux espèces telles que, au bout
d’une série d’injections, tout le récepteur dans la cellule est saturé. Ainsi, la chaleur
observée pour les dernières injections est uniquement due à l’enthalpie de dilution du
ligand. Un exemple de courbe obtenue est donné à la Figure 2.3 .
La chaleur par injection peut être déterminée par intégration de l’aire sous les pics.
Cette chaleur est portée en graphique en fonction du nombre de l'injection ou du
rapport des concentrations des deux composants. On obtient une courbe appelée
thermogramme (Figure 2.4).
La chaleur de dilution du ligand est déterminée en réalisant un titrage avec une
cellule de travail ne contenant que du solvant. La soustraction de la chaleur mesurée
lors du titrage à celle de dilution donne la chaleur de l’interaction.
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
Page 13
µW
sec
Figure 2.3 : Mesure de la puissance requise en fonction du temps pour maintenir
une différence de température nulle entre les 2 cellules lors du titrage de BaCl2
dans l'éther couronne 18-crown-6.
Figure 2.4 : chaleur dégagée par l’interaction en fonction du nombre de
l’injection lors du titrage de BaCl2 dans l'éther couronne 18-crown-6.
Ce thermogramme permet de déterminer les paramètres thermodynamiques de
l’interaction car :
- la valeur du plateau de départ est fonction de ΔH°
- la courbure de la sigmoïde est fonction de Ka.
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
Page 14
2.3) Détermination des paramètres thermodynamiques
Soit un récepteur possédant n sites d’interactions identiques avec un ligand.
Le modèle d’interaction est :
R + nL
RLn
où RLn est le complexe formé.
A la ième injection, la chaleur d’interaction qi vaut :
qi  n H  ([ RLn ]i  [ RLn ]i 1 ) Vcell
ΔH° est l’enthalpie d’interaction,
Vcell est le volume de la cellule,
[RLn]i est la concentration de complexe dans la cellule après la ième injection. Elle
dépend de la constante d’affinité Ka du récepteur pour le ligand, de la stœchiométrie
n et des concentrations totales (c’est-à-dire formes libre et complexée confondues)
de récepteur et de ligand [R]tot,i et [L]tot,i dans la cellule de travail après la ième
injection.
RL 
.n .i

 f Ka , n , R.tot,i , L.tot,i

[R]tot,i et [L]tot,i varient au cours du titrage. A chaque injection, [L]tot,i augmente, tandis
que [R]tot,i diminue suite à l’effet de dilution par l’injection. En effet, le volume de la
cellule étant constant, un volume de solution égal au volume de la solution de ligand
injectée est repoussé hors de la cellule, ce qui diminue la quantité de récepteur
présent dans la cellule.
La variation de [R]tot,i et [L]tot,i est connue et on peut exprimer leur valeur en
fonction des concentrations initiales en récepteur [R]0 et en ligand [L]0 et en fonction
du nombre de l’injection. Pour une série de Ninj injections de volume Vinj , [R]tot,i et
[L]tot,i sont donnés par :
[ R]tot ,i
 Vcell  Vinj
 [ R]0 
 V
cell

[ L]tot ,1  [ L]0
Vinj
Vcell
et



i
pour i = 1,…, Ninj.
[ L]tot ,i  [ L]0
Vinj
Vcell
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
 [ L]tot ,i 1
Vcell  Vinj
Vcell
pour i = 2,…, Ninj
Page 15
Dans le cas particulier d’une interaction 1 :1 (n=1), [RL]i est donné par :


1  1
[ RL]i   
 [ E ]tot ,i  [ I ]tot ,i  
2   Ka



2
 1

 [ E ]tot ,i  [ I ]tot ,i   4[ E ]tot ,i [ I ]tot ,i 

 Ka



Et la chaleur d’interaction vaut :
qi  H  ([ RL]i  [ RL]i 1 ) Vcell
Ce modèle contient 2 paramètres : Ka et ΔH° . L’ajustement du modèle à la courbe
expérimentale par un algorithme d’optimisation nous permet de déterminer ces
paramètres.
Chapitre 2 : Calorimétrie à titrage isotherme (ITC)
Page 16
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
3.1) Présentation
Figure 3.1 : Représentation ruban de la trypsine
(1CE5 [12] de la Protein Data Bank ). La poche
Figure 3.2 : Structure de la
benzamidine.
hydrophobe est représentée en bleu.
La trypsine est un enzyme de la famille des sérines protéases. La trypsine que
nous avons utilisée est de la trypsine pancréatique bovine. Elle est constitué d’une
simple chaîne de 223 acides aminés. Sa structure (figure 3.1) a été déterminée par
cristallographie aux rayons X [12].
Son rôle biologique est de catalyser l’hydrolyse des liens peptidiques d’une
protéine. Elle hydrolyse spécifiquement les liens peptidiques dont le résidu juste
avant est une lysine ou une arginine [13],[17]. On peut voir dans le Tableau 1.1 que
lysine et arginine sont des résidus basiques.
La spécificité de la trypsine est due à l’existence d’une poche hydrophobe au
niveau de son site actif (en bleu sur la Figure 3.1). Elle est formée par les résidus
189 à 192, 214 à 216, et 224 à 228 [16]. Cette poche contient un résidu aspartate qui
va interagir favorablement avec ces résidus basiques.
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
Page 17
Figure 3.3 [2] : Représentation schématique de la poche hydrophobe avec le
résidu aspartate 189 de la trypsine.
La benzamidine (Figure 3.2) est une petite molécule qui peut être considérée
comme un analogue structural de l’arginine. Elle est donc un inhibiteur compétitif de
la trypsine [14] car son site de complexation est le site actif de l’enzyme.
La benzamidine est protonée au niveau de l’azote de l’amine pour les pH autour du
pH physiologique. Son pKa vaut 10,5 ± 0,2 [15].
Il a été observé que les paramètres thermodynamiques de l’interaction entre la
trypsine et la benzamidine varient en fonction du pH [14],[17]. Le site de complexation
de la trypsine présente plusieurs acides aminés protonables. Un de ces acides
aminés peut être à l’état protoné ou déprotoné dans la gamme de pH que nous
étudions : l’histidine 57 (Figure 3.4). C’est la raison pour laquelle nous avons décidé
d’étudier ce système, dans une gamme de pH autour du pKa de cette histidine.
Il est important de signaler que la trypsine possède des acides aminés lysine et
arginine (14 lysines et 2 arginines). Elle peut de ce fait catalyser sa propre hydrolyse.
La trypsine est active dans une gamme de pH allant de 6 à 12 avec un maximum
entre 8 et 9 [18]. L’autolyse est donc possible dans la gamme de pH que nous
utilisons. Cette autolyse peut cependant être diminuée par l’ajout de CaCl2 en excès
[14],[17],[19]
.
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
Page 18
Figure 3.4 : Zoom sur le site de complexation de la benzamidine dans la trypsine (1CE5 [12] de la
Protein Data Bank). Poche hydrophobe en bleu, benzamidine en jaune, histidine 57
en rouge. La benzamidine interagit via liens H avec les résidus glycine 219, sérine
190 et aspartate 189 ( en bleu ball&stick) [17].
3.2) Détermination par ITC de la constante d’affinité et de
l’enthalpie d’interaction trypsine-benzamidine
Nous avons fait des expériences à l’ITC dans le but de déterminer la constante
d’affinité et l’enthalpie de l’interaction trypsine-benzamidine.
Malheureusement les expériences n’étaient pas concluantes. Les résultats que
nous avons obtenus n’étaient pas reproductibles.
Il se peut que les problèmes soient dus à l’autolyse de la protéine malgré l’ajout de
CaCl2 en excès dans la solution. Il est en effet probable que la température de travail
de 25°C favorise l’autolyse de la trypsine.
On peut voir aux Figure 3.5 et Figure 3.6 deux courbes d'un titrage trypsinebenzamidine dans une solution tamponnée par du Tris à pH 8. La première courbe a
été obtenue avec des solutions de trypsine et de benzamidine fraîchement
préparées. La deuxième courbe a été obtenue en réalisant le même titrage une
semaine plus tard avec les mêmes solutions
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
Page 19
µW
sec
Figure 3.5 : Courbe ITC du titrage trypsine-benzamidine réalisé dans du tampon Tris à pH 8 avec
de la trypsine fraichement préparée.
µW
sec
Figure 3.6 : Courbe ITC du titrage trypsine-benzamidine réalisé dans du tampon Tris à pH 8
avec la trypsine préparée une semaine avant.
Sur les deux figures, l’aire des 7 premiers pics décroît à chaque nouvelle injection
de ligand, mais l’aire de ces pics entre les deux figures sont différentes. En effet,
l’aire de ceux de la Figure 3.6 est en moyenne 20% inférieure à ceux de la Figure
3.5, ce qui nous indique que la concentration de trypsine active est plus faible.
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
Page 20
A partir du 8ème pic, leur aire reste relativement constante, on a atteint la
saturation. L’aire vaut environ 20 µJ sur la Figure 3.6. Par contre, ceux de la Figure
3.5 ont une aire d’environ 100 µJ. L’importante aire de ces pics ne peut pas être
expliquée par la chaleur de dilution de la benzamidine. En effet, nous avons pu
constater à l’ITC que cette chaleur de dilution est négligeable pour les concentrations
que nous avons utilisées. Une explication possible est que les grands pics observés
en fin de titrage à la Figure 3.5 sont dus à une interaction de la benzamidine avec les
fragments primaires d’autolyse. Ceux-ci possèdent probablement une structure
capable d’interagir encore avec la benzamidine. Au fur et à mesure que le temps
passe, l’hydrolyse des fragments peut se poursuivre si ils contiennent des résidus
lysines ou arginines. Les fragments ultimes sont des chaînes d’acides aminés
probablement trop petites pour posséder encore une structure capable d’interagir
avec la benzamidine, ce qui fait qu'il n'y a plus que des petits pics sur la Figure 3.6 .
Cette autolyse est problématique pour les mesures à l’ITC. En effet, l’autolyse fait
que la concentration en trypsine active est plus faible qu’au moment de sa
préparation et cette concentration est inconnue. De plus, il est possible qu’il n’y ait
pas qu’une seule interaction.
Ces deux phénomènes vont fausser les mesures et donc l’estimation de Ka et de
ΔH°.
3.4) Conclusion
Les problèmes rencontrés pour la mesure des constantes d’affinité et des
enthalpies d’interaction nous ont contraint à renoncer à l’étude de ce système. Nous
nous sommes tournés vers le système chymotrypsine-proflavine.
Chapitre 3 : Interaction trypsine – benzamidine
Page 21
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine – proflavine
Des données sur ce système étaient déjà disponibles au laboratoire. La résolution
des problèmes liés à l’étude de ce système et des mesures avaient déjà été
effectués par Gilles Bruylants. Ce travail est une contribution permettant une
interprétation plus complète du problème.
4.1) Présentation
H2N
Figure 4.1 : Représentation ruban de la chymotrypsine
(6CHA
[21]
de la Protein Data Bank). La poche hydrophobe est
N
H
+
NH2
Figure 4.2 : Structure de la
proflavine.
représentée en bleu.
La chymotrypsine est également un enzyme de la famille des sérines protéases.
La chymotrypsine utilisée est de la chymotrypsine pancréatique bovine. Elle est
constituée de trois chaînes comptant au total 241 acides aminés. Sa structure est
représentée à la Figure 4.1.
La chymotrypsine catalyse spécifiquement l’hydrolyse des liens peptidiques dont
le résidu juste avant possède une chaîne latérale aromatique ou une longue chaîne
hydrophobe [2]. Elle présente donc une spécificité pour les résidus phénylalanine,
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 22
tyrosine, tryptophane et leucine. Cette spécificité est due à une poche hydrophobe
au niveau de son site actif qui accepte ces résidus (en bleu sur la Figure 4.1). Cette
poche est formée par les résidus 189 à 192, 214 à 216, et 224 à 228 [16].
Figure 4.3 [2] : Représentation schématique de la poche hydrophobe de la chymotrypsine.
Remarquons que la chymotrypsine contient ces acides aminés, elle donc
susceptible de s’autolyser. Contrairement à la trypsine, la chymotrypsine s’autolyse
très lentement. Elle ne pose pas de problème pour les mesures.
La proflavine (Figure 4.2) est une petite molécule qui se place dans cette poche
hydrophobe. Il s’agit donc d’un inhibiteur compétitif puisque son site de
complexation est le site actif de l’enzyme [22],[23],[24]. L’azote cyclique de la proflavine à
un pKa 9,65 [25]. La proflavine est donc protonée au niveau de cet azote est pour les
pH que nous utilisons.
Il a été observé par spectroscopie UV-Visible que l’interaction entre chymotrypsine
et proflavine varie en fonction du pH [22],[23]. Or, le site de complexation de la
chymotrypsine présente plusieurs acides aminés protonables. Un de ces acides
aminés peut être protoné ou déprotoné dans la gamme de pH physiologique que
nous étudions : il s’agit de l’histidine 57 (Figure 4.4). Signalons que la constante
d’acidité de l’histidine 57 dans la protéine est différente de celle de l’histidine libre en
solution aqueuse (voir Tableau 1.1 : pKa = 6,1). En effet, elle se trouve dans un
environnement beaucoup moins polaire que l’eau, ce qui a tendance à élever son
pKa. Sa valeur a été déterminée par RMN : pKa = 6,7 [26].
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 23
Nous avons décidé d’étudier ce système, dans une gamme de pH allant de 6 à 8.
Les expériences sont réalisées dans différents tampons, à force ionique, tant que
possible, constante.
Figure 4.4 : Zoom sur le site de complexation (6CHA[21] de la Protein Data Bank). Poche
hydrophobe en bleu, proflavine en jaune, histidine 57 en rouge.
Il est important de remarquer que la chymotrypsine a tendance à s’agréger sous
forme de dimère [27].
E+E
K dim 
E2
[E]2
[E2 ]
avec
 3,5.10  4 M ;
Kdim et Hdim
Hdim  146,5 kJ /(mol de dimère)
La protéine dimérisée n’interagit pas avec la proflavine car les sites de complexation
se recouvrent (Figure 4.5).
Il est aussi connu que la proflavine a tendance à dimériser [27], voire à polymériser,
lorsque sa concentration dépasse les 120 µM.
nI
K  714 M 1
avec
In
;
K et H
H  37,7 kJ /(mol de monomère)
La proflavine dimérisée, et à fortiori polymérisée, ne peut pas former de complexe
avec la chymotrypsine car l’encombrement stérique l’empêche de rentrer dans la
poche hydrophobe.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 24
Figure 4.5 : Représentation ruban de chymotrypsine dimérisée (6CHA[21] de la Protein Data
Bank). Site de complexation en bleu.
L’équilibre de l’interaction chymotrypsine-proflavine est donc combiné aux
équilibres d’agrégation de la proflavine et de la chymotrypsine, ce qui complique
l’analyse. De plus, étant donné que la dilution s’accompagne d’un dégagement de
chaleur suite à la dédimérisation, le dégagement n’est pas le même suivant que
chymotrypsine et proflavine sont diluées ensemble ou séparément, car l’équilibre de
l’interaction déplace les équilibres de dédimérisation.
La mesure des constantes d’affinité étant problématique par ITC, nous avons
préféré les mesurer uniquement par spectroscopie UV-Visible. Pour les mesures
d’enthalpie, nous pouvons travailler avec des concentrations nous permettant de
négliger les chaleurs de dilution et les obtenir par ITC.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 25
4.2) Détermination des constantes d’affinité par spectroscopie UVVisible
a) Principe
La constante d’affinité du complexe peut être déterminée par titrage
spectroscopique [22],[23],[24].
La proflavine a un spectre d’absorption en solution aqueuse avec un maximum à
λmax = 444 nm, qui est une longueur d’onde à laquelle la protéine n’absorbe pas.
Lorsque la proflavine se trouve dans le site de complexation de la chymotrypsine,
son spectre subit un shift batochrome, c’est-à-dire vers les plus grandes longueurs
d’onde. Ce changement dans le spectre d’absorption est du à la nature hydrophobe
(non-polaire) du site de complexation [28]. En effet, il a été montré que le spectre
d’absorption de la proflavine subit un déplacement batochrome lorsque la polarité de
son environnement diminue [22].
La valeur du λmax de la proflavine complexée (458 nm) diffère suffisamment de
celle de la proflavine libre pour que la formation de complexe soit facilement
détectable dans le spectre d’une solution chymotrypsine-proflavine. L'intensité est
proportionnelle à la quantité de complexe formé.
La manière la plus précise de déterminer ce déplacement est de mesurer le
spectre différentiel de la solution. Pour cela, on place le mélange chymotrypsineproflavine dans la cellule de mesure et une solution de proflavine seule à la même
concentration dans la cellule de référence (l’absorption de la chymotrypsine aux
longueurs d’onde supérieure à 350 nm est suffisamment faible pour ne pas
influencer la mesure de l’absorption à ces longueurs d’onde).
La différence maximale d’absorbance entre proflavine libre et complexée se trouve
à 465 nm. L’absorbance différentielle mesurée à cette longueur d’onde est
proportionnelle à la quantité de complexe formé . Un seul point isosbestique est
observé, indiquant un changement simple entre état libre et complexé.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 26
On réalise un titrage en mesurant le spectre différentiel de différentes solutions à
même concentration en proflavine et différentes concentrations en chymotrypsine
(Figure 4.6).
0,25
0,20
0,15
0,10
 A
0,05
0,00
-0,05
-0,10
370
390
410
430
470
450
490
510
550
530
 (nm )
Figure 4.6 : Spectre différentiel d'un mélange chymotrypsine-proflavine par rapport au spectre de
la proflavine dans le tampon Tris à pH 8
b) Méthode choisie
Le titrage par absorption différentielle est réalisé avec une concentration en
proflavine de l’ordre de 10 µM. Cette concentration est suffisamment faible pour
qu’on puisse considérer que la proflavine se trouve seulement sous la forme de
monomère.
On titre en faisant varier la rapport molaire chymotrypsine-proflavine de zéro à
environ 15. On prend la valeur de l’absorption différentielle à 465 nm, ce qui nous
donne une courbe de titrage (Figure 4.7).
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 27
0,25
0,2
0,15
 A(465
nm)
0,1
0,05
0
0
2
4
6
8
10
12
14
[chymotrypsine] / [proflavine]
Figure 4.7 : Courbe de titrage : absorption différentielle à 465 nm d'un mélange
chymotrypsine-proflavine en fonction du rapport des concentrations dans le
tampon Tris à pH8. Valeurs mesurées: points bleus. Courbe d'ajustement en
rouge.
Ce choix dans les concentrations est un compromis entre deux objectifs :
- On veut être sûr qu’en fin de titrage toute la proflavine soit complexée, c’est-à-dire
avoir le rapport chymotrypsine-proflavine le plus élevé possible tout en limitant la
dimérisation de la chymotrypsine, ce qui revient à avoir une faible concentration en
proflavine.
- La concentration en proflavine doit être suffisamment élevée pour former assez de
complexe et donner un signal suffisamment intense pour avoir une bonne précision.
Au départ, nous avons une solution de proflavine sans chymotrypsine. On
augmente progressivement la concentration de la chymotrypsine jusqu’à ce qu’elle
se retrouve en excès par rapport à la proflavine. Comme on atteint une concentration
élevée en chymotrypsine (de l’ordre de 200 µM), nous tenons compte de sa
dimérisation dans l’analyse du spectre différentiel.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 28
c) Détermination des constantes d’affinité
La différence d’absorption s’écrit :
ΔA = Δε [EI]
Où Δε est la variation du coefficient d’extinction molaire de la proflavine lorsqu’elle
se place dans le site de complexation. C’est un paramètre à déterminer.
[EI] est la concentration en complexe. Elle dépend de la constante d’affinité.
La spectroscopie différentielle permet de suivre la formation du complexe, mais
sans distinguer les formes protonées et déprotonées.
Soient [EI]* la concentration globale en complexe,
[EI]*  [EI]  [EH  I]
et [E]* la concentration globale en chymotrypsine libre.
[E]*  [E]  [EH ]
La constante d’affinité mesurée est alors une constante observée définie par :
Kobs 
[EI]*
[EI]*

[E]* [I] (Etot [EI]*) (Itot [EI]*)
où Etot et Itot sont les concentrations totales en chymotrypsine et en proflavine.
Tenant compte de la dimérisation de la chymotrypsine, les concentrations en
proflavine et chymotrypsine libres dépendent des concentrations totales et de la
concentration en complexe formé :
[I]  Itot  [EI]*
et
[ E]*  Etot  [ EI ]*  2[ E2 ]
où [E2] est la concentration de la chymotrypsine dimérisée.
On a donc :
[ EI ]*  Etot  [ E ]*  2[ E2 ]
En exprimant [E]* et [E2] en fonction de Kobs, de Kdim , de Etot et de Itot ; on trouve une
équation dont [EI]* est solution :
[ EI ]*3 [ EI ]*2 (2 Itot  Etot 
I
1
2
2
2
 2
)  [ EI ]* ( I tot
 2 Etot I tot  tot )  Etot I tot
 0
Kobs
Kobs Kdim
K obs
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 29
On peut déterminer les paramètres Δε et Kobs en ajustant ce modèle aux valeurs de
ΔA observées par une optimisation numérique.
d) Résultats
Les mesures ont été réalisées dans différents tampons aux pH 6 ; 6,5 ; 7 ; 7,5 et
8. Les constantes d'affinité Kobs que nous avons observées sont consignées dans le
Tableau 4.1 .
Kobs (M-1)
Tampon
pH 6
pH 6.5
Tris
Hepes
Mes
Imidazole
Phosphate
BisTris Prop
14000
11200
15000
Moyenne
10767
13800
pH 7
pH 7.5
pH 8
24000
23000
24400
20300
25100
25400
26000
24900
23800
7100
12600
25000
24000
Tableau 4.1 : Constantes d'affinité observée Kobs en fonction du pH
Ces mesures de Kobs sont les valeurs obtenues par l'ajustement du modèle aux
données expérimentales. L'erreur relative d'ajustement peut être estimée à environ
15 %.
On suppose à priori que la nature des tampons utilisés est telle que le tampon
n'est pas en compétition avec la proflavine pour le site de complexation et que le
tampon n'a pas d'influence sur la conformation adoptée par la chymotrypsine. Dans
ce cas, le choix d'un tampon n'a pas d'influence sur la constante observée, et les
différences entre tampon sont dues aux erreurs de mesures, qui ne sont pas
négligeables.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 30
Elles proviennent principalement de l’erreur sur la détermination de la
concentration de la protéine. Le calcul de la constante d’affinité dépend directement
de la concentration en protéine, qui est déterminée en mesurant son absorbance à
280 nm. Or, la précision sur le coefficient d’extinction molaire est de l’ordre de 5%.
De plus, même si l’autolyse n’est pas problématique pour les mesures, elle est
toujours présente. Les résidus d’autolyse absorbant également dans l’UV, on ne peut
pas distinguer la protéine active de la protéine hydrolysée. On estime qu’il peut y
avoir 10 à 15 % de protéine inactive dans la solution, ce qui introduit une erreur
importante sur la détermination de Kobs. Une autre source d’erreur importante sont
les dilutions que nous effectuons pour réaliser le titrage.
Les valeurs moyennes de Kobs ont été portées en graphique (Graphique 4.1).
On constate que la constante d’affinité observée Kobs a tendance à augmenter
lorsque le pH augmente.
3 10
2.5 10
2 10
4
4
4
K
obs
-1
(M )
1.5 10
1 10
4
4
5000
5.5
6
6.5
7
7.5
8
8.5
pH
Graphique 4.1 : Valeurs moyennes des constantes d'affinité observée Kobs
portée en fonction du pH
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 31
e) Discussion
Pour expliquer l’effet du pH sur les constantes d’affinité mesurées, comme
mentionné précédemment, on doit tenir compte des différents équilibres possibles :
Kint,1
E+I
EI
Kaf
[EI]
[E] [I]
;
Kint,2 
[E] [H ]
[EH ]
;
K ac 
Kint,1 
[EH  I]
[EH ] [I]
Kac
Kint,2
EH+ + I
EH+I
K af 
[EI] [H ]
[EH  I]
Schéma 4.1
Kint,1 et Kint,2 sont alors les constantes d’affinité de l’interaction entre la proflavine et
la chymotrypsine déprotonée et protonée respectivement, tandis que Ka f et Kac sont
les constantes d’acidité de l’histidine 57 dans la chymotrypsine libre et complexée .
La proflavine est chargée positivement aux pH que nous utilisons. Lorsqu’elle se
complexe avec la chymotrypsine, elle se place dans le voisinage de l’histidine 57
(Figure 4.4). L’introduction de cette charge près de l’histidine augmente la polarité de
son environnement : elle est plus facilement déprotonable, c’est-à-dire que Kac est
inférieur à Ka f.
De plus, si l’histidine 57 est protonée, il y aura une répulsion entre la charge de
l’histidine et celle de la proflavine, séparée de 7,5 Å. Cette distance a été mesurée
dans le complexe modélisé dans le cadre du travail de thèse de Gilles Bruylants.
Cela correspond à un potentiel de répulsion charge-charge de +46,3 kJ/mol, en
prenant une permittivité relative r = 4, qui est la valeur généralement utilisée
lorsqu’on veut représenter un milieu protéique. C’est pourquoi on s’attend à ce qu’il
n’y ait pas formation de complexe si l’histidine 57 est protonée. Autrement dit, on
s’attend à ce que Kint,2 soit de plusieurs ordres de grandeurs inférieure à Kint,1.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 32
On peut exprimer Kobs en fonction des constantes d’interaction, d’acidité et du
pH de différentes manières suivant les équilibres que l’on considère.
1) Si on considère les équilibres suivant :
Kint,1
E+I
EI
Kaf
Kint,2
+
EH+I
EH + I
Schéma 4.2
La constante observée est définie par :
Kobs 
→ Kobs 
→ K obs
[EI]  [EH  I]
[EI]*

[E]* [I] ([E]  [EH ]) [I]
[EH  I]
[EI]

([E]  [EH ]) [I] ([E]  [EH ]) [I]
[ EH  I ]




[ EH  ] 
[E] 
[ E ][ I ] 1 
[ EH  ][ I ] 1 


[E] 
[ EH  ] 


[ EI ]
→ Kobs  Kint,1
1
1
 Kint,2
]
[
H



K af 
1 


1


[H ] 
K af 


10 pH  pKa .Kint,1  Kint,2
f
→ Kobs 
1  10
→ Kobs  Kint,1 
pH  pKaf
( [H ]  10pH ; Kaf  10pKa )
f
Kint,2  Kint,1
110
pH  pKa f
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 33
En faisant un ajustement de ce modèle aux données expérimentales
(Graphique 4.2), nous obtenons :
Kint,1 = 25953 ± 2496,6 M-1
Kint,2 = 3999,9 ± 9020,1 M-1
pKaf = 6,41 ± 0,51
où les erreurs données pour ces valeurs sont les erreurs d'ajustement.
2.8 10
2.4 10
2 10
K
obs
-1
1.6 10
4
4
4
4
(M )
1.2 10
4
8000
4000
5.5
6
6.5
7
7.5
8
8.5
pH
Graphique 4.2 : Ajustement du modèle du Schéma 4.2 aux valeurs moyennées
de Kobs en fonction du pH. Les barres d'erreur, données à titre
indicatif, correspondent à 2 x écart-type.
La valeur de Kint,2 est un ordre de grandeur inférieure à Kint,1, mais on peut
également constater que l'erreur d'ajustement est très importante pour Kint,2 . On peut
supposer que c'est parce que la valeur de Kint,2 est très petite devant celle de Kint,1 et
que Kint,2 est mal estimée à cause des erreurs importantes sur les constantes
observées. Pour le vérifier, on peut essayer de faire un ajustement en supposant que
l'interaction 2 n'a pas lieu.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 34
2) Si on considère que l’interaction 2 n’ a pas lieu (et que le complexe formé
ne peut pas être protoné), on a le système suivant:
Kint,1
E+I
EI
Kaf
EH+ + I
Schéma 4.3
La constante observée est alors définie par :
Kobs 
[EI]
[EI]

[E]* [I] ([E][EH ]) [I]
→ K obs 
[ EI ]

[ EH  ] 
[ E ][ I ] 1 

[E] 

→ K obs  Kint,1
1
[H ] 

1 

K af 

→ Kobs  Kint,1
1
110
( [H ]  10pH ; Kaf  10pKa )
f
pKa  pH
f
L'ajustement (Graphique 4.3) de ce modèle aux données expérimentales nous donne
les valeurs suivantes:
Kint,1 = 25557 ± 1728,3 M-1
pKa f = 6,24 ± 0,15
où les erreurs données pour ces valeurs sont les erreurs d'ajustement.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 35
2.8 10
2.4 10
2 10
K
obs
-1
1.6 10
4
4
4
4
(M )
1.2 10
4
8000
4000
5.5
6
6.5
7
7.5
8
8.5
pH
Graphique 4.3 : Ajustement du modèle du Schéma 4.3 aux valeurs moyennées
de Kobs en fonction du pH. Les barres d'erreur, données à titre
indicatif, correspondent à 2 x écart-type.
On retrouve la même valeur pour Kint,1 et pour pKaf , ce qui montre bien que
l’interaction 2 peut être négligée et que la valeur donnée par l'ajustement au modèle
du Schéma 4.2 est due aux erreurs de mesures. Dans la suite, nous négligerons
donc l'interaction 2.
Remarquons que les valeurs obtenues pour pKaf sont cohérentes, car elles sont
proches de la valeur de pKaf trouvée par RMN (pKaf = 6,7) [26].
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 36
4.3) Détermination par ITC de l’enthalpie d’interaction
Suite au problème de dimérisation de la chymotrypsine et de la proflavine, nous nous
sommes limités à la détermination des enthalpies d’interaction.
a) Méthode choisie
Les mesures calorimétriques sont réalisées avec :
- une concentration en proflavine (dans la seringue) de l’ordre de 100 µM. On peut
ainsi considérer que la proflavine est uniquement sous forme monomère et qu’il n’y
a pas de chaleur de dédimérisation lors de l’injection. De plus, les quantités
injectées étant très faibles, on peut également considérer que la chaleur de dilution
est négligeable.
- une concentration en chymotrypsine dans la cellule de l’ordre de 200 µM, ce qui
nous permet de considérer qu’elle n’est pratiquement pas dimérisée. Ainsi, l’effet de
dilution provoqué par l’injection et la formation de complexe suite à l’interaction ne
modifient pratiquement pas l’équilibre de dimérisation.
Les mesures se font avec un excès d’enzyme dans la cellule : on met très peu de
proflavine dans beaucoup de chymotrypsine. Nous faisons l’hypothèse que
pratiquement toute la proflavine injectée sera complexée. Nous avons testé cette
hypothèse et nous avons estimé qu’environ 90% de la proflavine injectée se
complexe (pour une constante d’affinité de 25000 M-1). Les chaleurs dégagées étant
faibles, l’erreur expérimentale est assez importante. Nous avons fait des simulations
et nous avons constaté que l’erreur commise en supposant que tout est complexé
est masquée par l’erreur expérimentale.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 37
µW
sec
Figure 4.8 : Courbe ITC : mesure de l'enthalpie d'interaction chymotrypsine-proflavine réalisée
à pH 7,5 dans du tampon Tris
L'intégration de l'aire sous les pics donne le thermogramme suivant (Figure 4.9):
Figure 4.9 : Thermogramme de la chaleur dégagée par l'interaction chymotrypsineproflavine dans du tampon Tris à pH 7,5 en fonction du nombre de l'injection
On moyenne alors les chaleurs dégagées et on la rapporte à la quantité de proflavine
introduite lors d’une injection pour déterminer l’enthalpie d’interaction.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 38
b) Résultats
Les expériences ont été réalisées pour des pH allant de 6 à 8, dans différents
tampons et à force ionique tant que possible constante.
Les résultats que nous avons obtenus se trouvent dans le Tableau 4.2 .
H°obs (kJ/mol)
Tampon
Tris
Hépès
Mes
Imidazole
Phosphate
BisTrisProp.
pH 6
pH 6,5
-5,3 ± 1,2
-22,3 ± 3,4
-2,7 ± 1,5
-18,6 ± 2,2
-25 ± 5
-29,2 ± 2,3
pH 7
-29,4 ± 2,2
-13,4 ± 0,9
pH 7,5
-23,1 ± 2,0
pH 8
-18,8 ± 1,3
-23,0 ± 1,2
-7,9 ± 0,6
-23,1 ± 2,0
-19,6 ± 5,5
-19,7 ± 1,3
-22,9 ± 1,3
Tableau 4.2 : Enthalpie d'interaction observée en fonction du pH et du tampon
(Intervalle de confiance à 95 %)
c) Discussion
On observe que l’enthalpie d’interaction varie en fonction du pH. De plus, pour un
pH donné, on observe qu’elle varie aussi en fonction du tampon utilisé. Le tampon a
une influence sur ΔH°obs.
L’interaction de la chymotrypsine avec la proflavine diminue la concentration en
chymotrypsine déprotonée au niveau de l'histidine 57, ce qui déplace l’équilibre de
protonation de l'histidine 57 de la chymotrypsine. Une partie de la chymotrypsine
protonée va alors se déprotoner. La formation du complexe conduit donc, à un pH
donné, à une libération de protons, et la quantité de protons libérés est
proportionnelle à la quantité de complexe formé.
Les protons libérés seront acceptés par le tampon, puisque son rôle est de
maintenir le pH constant. Or, le tampon possède une certaine enthalpie d’ionisation.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 39
La chaleur mesurée par le calorimètre contient donc un terme dépendant de
l’interaction et un terme dépendant de l’ionisation du tampon.
On considère donc les équilibres suivant [9] :
E+I
EI
Tampon + H+
TamponH+
EH+ + I
Schéma 4.4
Chaque tampon possède une enthalpie d’ionisation ΔH°ion qui lui est propre, c’est
pourquoi les enthalpies mesurées diffèrent avec le tampon. Les valeurs d'enthalpie
d'ionisation sont consignées dans le Tableau 4.3 .
Tampon
Tris
Hépès
Mes
Imidazole
Phosphate
BisTrisPropane
H°ion (kJ/mol)
-49,5 ± 1,2
-18,9 ± 0,8
-12,4 ± 1
-31,3 ± 1
-3,6*
-44,1 ± 3,8 (1ère fonction)
-65 ± 2 (2ème fonction)
Tableau 4.3 : Enthalpie d'ionisation mesurées pour les différents tampons, sauf
tampon phosphate.
* valeur provenant de la littérature [29].
Les valeurs d’enthalpie d’ionisation des différents tampons ont été mesurées par
calorimétrie en injectant de l’HCl à une concentration de 1mM dans une solution de
tampon (dont la concentration est de 50 mM), sauf dans le cas du tampon
phosphate. En effet, il nous a été impossible de déterminer son enthalpie d’ionisation
suite à un comportement particulier de ce tampon.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 40
1. Enthalpie intrinsèque et protons relargués
Si, à un pH donné, on porte en graphique l’enthalpie observée Hobs en fonction
de l’enthalpie d’ionisation du tampon Hion , on observe une droite.
Ex : à pH 7 (Graphique 4.4)
0
-5
Phosphate
-10
Hépès
-15
DH°
obs
-20
(kJ/mol)
Imidazole
-25
Tris
-30
-35
-40
0
10
20
30
DH°
40
ion
50
60
70
80
(kJ/mol)
Graphique 4.4 : Enthalpie d'interaction observée en fonction de
l'enthalpie d'ionisation du tampon à pH 7
L’équation de cette droite est donné par
Hobs Hint  n.Hion
[30],[31]
où Hint est l'enthalpie intrinsèque à l’interaction et n le nombre de protons
relargués suite à l’interaction. On obtient Hint et n par régression linéaire.
On fait la même chose pour les autres pH. Nous obtenons les valeurs de Hint et
n à chaque pH : Figure 4.5 à Figure 4.8.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 41
0
Mes
-5
-10
-15
DH°
obs
-20
Imidazole
(kJ/mol)
BisTrisPropane
-25
-30
-35
-40
0
10
20
30
40
DH°
ion
50
60
70
80
(kJ/mol)
Graphique 4.5 : Enthalpie d'interaction observée en fonction de
l'enthalpie d'ionisation du tampon à pH 6
0
Mes
-5
-10
-15
DH°
Imidazole
obs
-20
(kJ/mol)
-25
BisTrisPropane
-30
-35
-40
0
10
20
30
DH°
40
ion
50
60
70
80
(kJ/mol)
Graphique 4.6 : Enthalpie d'interaction observée en fonction de
l'enthalpie d'ionisation du tampon à pH 6,5
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 42
0
-5
-10
-15
DH°
BisTrisPropane
Imidazole
obs
-20
(kJ/mol)
Tris
-25
-30
-35
-40
0
10
20
30
DH°
40
ion
50
60
70
80
(kJ/mol)
Graphique 4.7 : Enthalpie d'interaction observée en fonction de
l'enthalpie d'ionisation du tampon à pH 7,5
0
-5
-10
-15
DH°
Imidazole
obs
Tris
-20
(kJ/mol)
BisTrisPropane
-25
-30
-35
-40
0
10
20
30
DH°
40
ion
50
60
70
80
(kJ/mol)
Graphique 4.8 : Enthalpie d'interaction observée en fonction de
l'enthalpie d'ionisation du tampon à pH 8
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 43
Remarquons qu'à pH 6 et 6,5 , nous avons choisi de faire la régression linéaire
avec seulement deux points au lieu de trois. En effet, la mesure que nous avons
obtenue dans le tampon BisTrisPropane est probablement faussée par un effet de
force ionique. La force ionique d’une solution est définie par :
I  1  ci .zi2 ; ci et zi étant respectivement la concentration et la charge de l’ion i.
2 i
Or, à pH 6, le BisTrisPropane tamponne par sa deuxième fonction. La charge valant
2 au lieu de 1, cela augmente fortement la force ionique de la solution. La force
ionique a une influence sur les interactions électrostatiques, ce qui peut donc
influencer l’interaction chymotrypsine-proflavine.
Les différentes valeurs de Hint et n sont consignées dans le Tableau 4.4 .
 H° interaction
(kJ/mol)
n
pH 6
pH 6,5
pH 7
pH 7,5
pH 8
5,8
7,7
-5,8 ± 0,6
-17,2 ± 6,9
-20 ± 9,9
0,897
0,839
0,487 ± 0,035
0,096 ± 0,162
0,010 ± 0,235
Tableau 4.4 : Enthalpie intrinsèque
Hint
et nombre de protons relargués
n en fonction
du pH. Les erreurs sont les erreurs d'ajustement.
2. Enthalpies d’interaction et de déprotonation de l’histidine
Le terme d’enthalpie intrinsèque contient entre-autres un terme lié à la
déprotonation de l’histidine 57 ΔH°His [30]:
Hint Hinteraction  n.HHis
Si on porte en graphique les Hint en fonction de n , on peut considérer qu'ils sont
disposés selon une droite (Graphique 4.9).

Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 44
10
pH 6.5
pH 6
0
pH 7
DH°
int
-10
(kJ/mol)
pH 7,5
-20
pH 8
-30
-0.2
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
1.2
n
Graphique 4.9 : Enthalpie intrinsèque ΔH°int portées en fonction du nombre de
protons relargués n aux différents pH. Les croix d'erreurs
correspondent aux erreurs d'ajustement linéaire. Elles sont
absentes à pH 6 et 6,5 étant donné que la régression linéaire a
été faite avec deux points.
La régression linéaire de l'enthalpie intrinsèque en fonction du nombre de protons
relargués nous donne :
Hinteraction = -20,3 ± 1,1 kJ/mol
HHis
= +30,9 ± 1,9 kJ/mol
L'erreur donnée est l'erreur d'ajustement.
Signalons que l'histidine est protonable au niveau de sa fonction imidazole. On
peut remarquer (Tableau 4.3) que l'enthalpie d'ionisation de l'imidazole vaut
-31 kJ/mol, ce qui concorde avec celle de l'histidine.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 45
3. Protons relargués en fonction du pH
Soit Etot la concentration totale de chymotrypsine: [E]  [EH ]  Etot .
On a
E + H+
EH+
[E] [H ]
[EH ]
avec
Ka 
et
[E]  [EH ]  Etot .
constante d'acidité de l'histidine 57,
La proportion d'histidine 57 protonée en fonction du pH est donnée par
n
[EH ]
[EH ]
1
1
1




f
pH  pKaf
[EH ][E]
[E]
K
Etot
a
1

10
1

1
[H ]
[EH ]
Puisque toute la chymotrypsine qui se complexe est déprotonée, le nombre de
protons relargués à un pH donné est égal au nombre de protons fixés à ce pH.
On ajuste ce modèle à la courbe expérimentale (Graphique 4.10) :
1
0.8
0.6
n
0.4
0.2
0
5.5
6
6.5
7
7.5
8
8.5
pH
Graphique 4.10 : Ajustement du nombre de protons relargués n en fonction
du pH. Les barres d'erreurs correspondent aux erreurs
d'ajustement. Elles sont absentes à pH 6 et 6,5 étant donné
que la régression linéaire a été faite avec deux points.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 46
L’ajustement du modèle nous donne :
pKa f = 6,94 ± 0,10
On peut constater que l’ajustement est assez bon. Remarquons que la valeur de
pKaf que nous obtenons par ITC est cohérente avec celle que nous trouvons par
spectroscopie différentielle.
4.5) Conclusion
Grâce à l’utilisation conjointe de la spectroscopie UV-Visible et de l’ITC, nous
avons pu faire une estimation de la composante indépendante du pH de la constante
d’affinité et de l’enthalpie de l’interaction entre la chymotrypsine et la proflavine:
E+I
EI
En ce qui concerne la constante d’affinité, la valeur est de :
Kinteraction ≈ 26000 M-1
et est celle qu’on observerait si toute la chymotrypsine était déprotonée. On peut
constater au Tableau 4.1 que cette valeur est proche de celle observée à pH 8,
c’est-à-dire à un pH supérieur au pKa de l’histidine 57, ce qui correspond à un rapport
[E]
 20 (c‘est-à-dire qu’il y a plus de 95 % de chymotrypsine déprotonée).
[EH ]
En ce qui concerne l’enthalpie d'interaction, la composante indépendante du pH
vaut :
H interaction ≈ -20 kJ/mol
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 47
Pour avoir une estimation de l'entropie d'interaction, on calcule l'énergie libre de
Gibbs :
Ginteraction   RT ln Kinteraction ≈ -25 kJ/mol
On trouve pour l'entropie d'interaction :
TSinteraction ≈ +5 kJ/mol
à 25°C
Sinteraction ≈ +16 J/molK
Remarquons que Ginteraction est inférieure, en valeur absolue, au potentiel de
répulsion charge-charge qui apparaîtrait si la proflavine (chargée) s’insérait au
voisinage de l’histidine 57 quand elle est protonée, ce potentiel étant estimé à +46,3
kJ/mol (distance entre charges = 7Å, εr = 4). L’interaction avec la forme protonée est
donc très défavorable, et il est tout a fait raisonnable de considérer que cette
interaction n’a pas lieu.
Cette estimation nous montre que l'interaction est favorable tant du point de vue
de l’enthalpie que de l’entropie.
L’ITC nous a permis de déterminer le nombre de protons relargués lors de
l’interaction en fonction du pH. Nous avons pu constater que les valeurs trouvées
correspondaient avec celles attendues, c’est-à-dire au nombre de protons qui
seraient relargués par la déprotonation de toute l’histidine pour un pKa aux alentours
de 6,7. L’ITC nous a permis également d’estimer l'enthalpie de déprotonation de
l'histidine 57 : HHis ≈ +31 kJ/mol. Cette valeur est proche de celle qui accompagne
la déprotonation de l’imidazole en solution aqueuse.
Nous avons également pu constater que la spectroscopie différentielle et l’ITC
nous donnaient à peu près les mêmes estimations pour le pKa de l'histidine 57, et
que l’estimation est en accord avec la valeur déterminée par RMN.
Chapitre 4 : Interaction chymotrypsine - proflavine
Page 48
Chapitre 5 : Conclusion
Les interactions non-covalentes, souvent qualifiées d'interactions faibles en regard
des interactions covalentes, jouent un rôle primordial dans les mécanismes
physiologiques. En effet, ces interactions peuvent conduire à la formation de
complexes réversibles, complexes qu'on retrouve dans de nombreux processus
biologiques. Un de ces processus est l'interaction enzyme-inhibiteur.
Dans le complexe, l'inhibiteur se place à un endroit bien particulier de l'enzyme,
appelé site de complexation, dans lequel peuvent se trouver un ou plusieurs acides
aminés protonables, telle par exemple une histidine. Si leur état de protonation peut
varier dans une gamme de pH située autour du pH physiologique, un effet du pH
pourrait être observé sur l’interaction.
Dans ce travail, nous nous sommes intéressés à l’effet du pH sur les grandeurs
thermodynamiques associées à l’interaction entre :
-
la trypsine et la benzamidine
-
la chymotrypsine et la proflavine.
La trypsine et la chymotrypsine sont deux sérines protéases qui possèdent une
histidine dans le site de complexation de l’inhibiteur. Le pKa de l’histidine se situe aux
alentours de 6,7. Les deux inhibiteurs sont chargés positivement pour des pH
inférieur à 9. Le cycle représenté ci-dessous reprend tous les équilibres possibles
entre l’enzyme et l’inhibiteur, où E et EH+ représentent l’enzyme sous sa forme non
protonée ou protonée respectivement et I l’inhibiteur. L’inhibiteur peut à priori
interagir avec les deux formes de l'enzyme, mais il n’y a aucune raison pour que les
constantes d’interaction soient les mêmes.
Kint,1
E+I
EI
Kaf
Kac
Kint,2
+
EH + I
Chapitre 5 : Conclusions
EH+I
Page 49
Avec le système trypsine-benzamidine, nous espérions pouvoir déterminer les
constantes d'affinité et les enthalpies d'interaction par ITC. Malheureusement, les
mesures effectuées n'étaient pas reproductibles. La trypsine est un enzyme qui
possède une certaine activité autolytique (il catalyse sa propre hydrolyse). Cette
activité est importante dans les conditions expérimentales que nous avons utilisées,
malgré les précautions prises : dialyse à 4°C et ajout de CaCl2 en excès. Le CaCl2
est connu pour inhiber l'activité autolytique de plusieurs enzymes, dont la trypsine.
Malgré cela, nous ne sommes pas parvenus à obtenir des résultats exploitables.
Avec le système chymotrypsine-proflavine, il faut tenir compte de la dimérisation
de la chymotrypsine et de la proflavine. La dimérisation peut être évitée à condition
de travailler à faible concentration, ce qui ne permet pas de déterminer les
constantes d’affinité par ITC. Pour les déterminer, nous avons utilisé la spectroscopie
UV-Visible. La proflavine est une molécule particulièrement bien adaptée pour cette
technique car elle absorbe fortement dans une gamme de longueurs d’onde où la
protéine n’absorbe pas et, de plus, son spectre d'absorption subit un déplacement
batochrome lorsqu'elle est complexée avec la chymotrypsine.
La constante d’affinité a été déterminée en suivant la formation du complexe par
spectroscopie différentielle. Nous avons observé que celle-ci augmente avec le pH.
La dépendance de la constante d’affinité avec le pH s’explique par le fait que
la formation d’un complexe entre la chymotrypsine protonée et la proflavine (chargée
positivement) n’est pas favorable thermodynamiquement. Dès lors, on peut
s’attendre à ce que Kint,2 soit négligeable devant Kint,1. L'interaction entre l'enzyme et
l'inhibiteur déplace l’ équilibre de protonation ; les différents équilibres à envisager
sont représentés ci-dessous.
Kint,1
E+I
EI
Kaf
EH+ + I
Chapitre 5 : Conclusions
Page 50
La constante observée par spectroscopie UV-Visible peut alors s’écrire de la manière
suivante :
Kobs  Kint,1
1
110
pH  pKa f
Nous avons pu mesurer par ITC l’enthalpie d’interaction entre la chymotrypsine et la
proflavine. Des mesures ont été effectuées dans différents tampons et à différents
pH, à force ionique tant que possible constante. Nos résultats montrent que
l’interaction conduit à une déprotonation de l’histidine du site de complexation et à un
échange de protons avec le tampon. En effet, les enthalpies mesurées à un pH
donné sont dépendantes de la nature du tampon et plus précisément de son
enthalpie d’ionisation. Nous avons pu déterminer, en tenant compte de l’enthalpie
d’ionisation du tampon, la composante de l’enthalpie d’interaction indépendante du
pH, et le nombre de protons relargués lors de l’interaction à chaque pH. Nous avons
pu constater que ce dernier correspond à celui qu’entraînerait la déprotonation
complète de la chymotrypsine participant à l’interaction, avec un pKa de l’histidine
aux alentours de 6,7. Cette méthode nous a également fourni une estimation de
l’enthalpie de déprotonation de l’histidine, qui correspond à celle du tampon
imidazole.
Le fait de décomposer ainsi les grandeurs mesurées améliorent progressivement
notre compréhension du système et des interactions en jeu. Il est important de
rappeler que les partenaires d’une interaction ne sont jamais seuls en solution et que
d’autres équilibres peuvent être liés à la formation du complexe. Il faut garder ceci à
l’esprit lors de l’interprétation des grandeurs mesurées. L’étude par ITC dans
différents tampons et à différents pH nous a permis de rationaliser l’effet d’un de ces
équilibres sur l’interaction, en l’occurrence celui de protonation. A ce titre, il serait
également intéressant de varier la force ionique, pour tenter de déterminer son effet
sur l'interaction.
Chapitre 5 : Conclusions
Page 51
Chapitre 6 : Matériaux et méthodes
Préparation de la trypsine
La trypsine pancréatique bovine a été achetée chez Fluka et l’hydrochlorure de
benzamidine a été acheté chez Sigma.
La trypsine est dialysée une nuit à 4°C dans une solution de tampon Tris à une
concentration de 50 mM. Le tampon que nous avons utilisé est le tampon Tris. Ce
tampon contient également 10 mM de CaCl2 (ajouté en vue de ralentir l’autolyse de
la trypsine) et 1 mM d’azidure de sodium. Le cut-off des sacs de dialyse est de
12-14 kDa.
Les solutions de benzamidine ont été préparées à partir du dialysat, de manière à
ce qu’elle soient identique à la solution de trypsine.
Les concentrations en trypsine ont été déterminées en mesurant l’absorbance des
solutions à 280 nm en utilisant un coefficient d’extinction molaire de 36300 M-1cm-1
[14]
. Celle de la benzamidine est déterminée en mesurant l’absorbance à 228 nm et
en utilisant un coefficient d’extinction molaire de 9400 M-1cm-1 [20].
Préparation de la chymotrypsine
La chymotrypsine pancréatique bovine et la proflavine hémisulphate dihydrate ont
été achetées chez Fluka.
La chymotrypsine est dialysée une nuit à 4°C dans une solution tampon dont la
concentration est de 50 mM. Le tampon de dialyse est changé au moins une fois.
Les tampons que nous avons utilisés sont les tampons Tris, Hépès, Mes, Imidazole,
Phosphate et BisTrisPropane. Ces solutions contiennent également 1 mM d’azidure
de sodium. Le cut-off des sacs de dialyse est de 12-14 kDa en poids moléculaire.
Chapitre 6 : Matériaux et méthodes
Page 52
Les solutions de proflavine ont été préparées à partir du dialysat, de manière à ce
qu’elles soient identiques à la solution de chymotrypsine.
Les concentrations en chymotrypsine ont été déterminée en mesurant
l’absorbance de la solution à 280 nm en utilisant un coefficient d’extinction molaire de
50100 M-1cm-1 [24]. Celle de la proflavine est déterminée en mesurant l’absorbance de
la solution à 444 nm avec un coefficient d’extinction molaire de 35000 M-1cm-1 [24].
Calorimétrie à titrage isotherme
Les expériences ont été réalisées à l’aide d’un microcalorimètre ITC 4200 de
Calorimetry Science Corporation.
Les solutions d’enzyme ont été dégazées 10 min avant d’être injectées dans la
cellule de travail (d’environ 1300 µL), préalablement rincée avec la solution tampon
correspondante.
Les solutions d’inhibiteur ont également été dégazées 10 min avant remplissage
de la seringue. Après l’obtention d’un ligne de base stable, la séquence d’injection
consiste en 24 injections de 10 µL ou 16 injections de 15 µL avec un intervalle entre
injection de 300 s et une agitation de 297 r.p.m. .
Pour le système trypsine-benzamidine :
[trypsine] ~ 200 µM
[benzamidine] ~ 2 mM
Pour le système chymotrypsine-proflavine :
[chymotrypsine] ~ 200 µM
[proflavine] ~ 100 µM
Chapitre 6 : Matériaux et méthodes
Page 53
Spectroscopie UV-Visible
L’appareil utilisé est un spectromètre Lambda 40 de Perkin Elmer.
La cellule de travail et la cellule de référence sont remplies avec la même solution
de proflavine ( ~ 10 µM). On réalise un titrage en faisant varier la concentration en
chymotrypsine dans la cellule de travail (0 – 200 µM) tout en gardant constante la
concentration en proflavine et en mesurant la différence d’absorbance par raport à la
cellule de référence.
On enregistre le spectre différentiel de la solution de 220 à 600 nm.
Chapitre 6 : Matériaux et méthodes
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