Entretien avec Faizal Zeghoudi
• Une pièce de théâtre, « La Noce » de Tchekhov, comme support de création.
Pourquoi ?
En 1998, la pièce intitulée « Les Epousées », premier volet de mon triptyque sur la
culture moyen-orientale, avait été écrite à partir d’un texte de Harry Condoléon. Les
femmes y sont le fruit d’une idéalisation masculine qui, comme tout processus
fantasmatique, amplifie la réalité et la fausse.
La « Noce » de Tchekhov s’inscrit pour moi dans la continuité de cette réflexion sur
l’idéalisation. C’est une pièce qui a été peu mise en scène et elle a l’avantage d’être
courte. Tchekhov a une dramaturgie qui me passionne. Pour cette nouvelle création,
j’avais très envie de m’appuyer sur un texte comme point de départ de ma propre
écriture.
Dans « Les Epousées », j’étais parti du texte original, je me l’étais approprié et j’en avais
fait une traduction sans être en lien direct avec les danseurs.
Pour ce projet, j’ai envie d’impliquer d’avantage les interprètes, faire en sorte qu’ils
proposent eux-mêmes leur interprétation du texte, puisent dans leur univers et leur
propre imaginaire pour influer sur la chorégraphie.
• Un nouveau type d’écriture ?
Je pars souvent d’un texte dans mon processus de recherche. Mais pour la première
fois, je veux amener les danseurs à parler, à jouer la pièce, avant d’entrer en
mouvement. Explorer la parole avant de travailler sur le corps.
Le texte original ne sera pas pour autant au centre de l’écriture chorégraphique. Je ne
veux surtout pas retranscrire la pièce de Tchekhov ni l’interpréter. Je veux puiser dans
son matériau pour aboutir à une autre réflexion.
• Comment faire vivre, ensemble, le texte et le mouvement ?
Au départ de la recherche, lorsque nous découvrirons le texte avec les danseurs, notre
démarche sera celle d’un cours de théâtre. Chacun devra être spectateur de la
proposition de l’autre à défaut de l’interpréter soi-même. A l’issue de ces lectures
simples de la pièce, je demanderai aux danseurs de résumer son contenu en une seule
phrase, puis en un seul mot.
A partir de cet exercice de « corollaire », je solliciterai ensuite leur mémoire sensorielle
afin qu’ils recréent une situation totalement théâtralisée, vécue ou pas, fictive ou non,
avec des accessoires de leur choix ou avec les danseurs présents. Ils auront chacun à
être à la fois acteurs et metteurs en scène de leur interprétation.
Afin d’enrichir ce travail d’improvisation, je les encouragerai à s’inspirer des différents
artistes qui ont traité du même sujet : peintres, écrivains, cinéastes, designers ou
couturiers, pourquoi pas ? L’objectif est qu’ils aboutissent à une dramaturgie qui leur soit
très personnelle.
Une fois qu’ils auront défini leur langage, je les amènerai à interpréter une scène entière
de la pièce afin qu’ils transposent leur dramaturgie à leur propre corps.