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Une leçon humaine et scientifique
La tragédie de décembre 2004 dans l'océan Indien est venue rappeler que la Terre est vivante. La cicatrice
n'est toujours pas refermée mais les scientifiques sont au travail. Pour comprendre et progresser.
Un an après, les répercussions humaines, environnementales et économiques du séisme qui a secoué l'Asie du
Sud et du Sud-Est ne sont pas encore toutes mesurées. D'un point de vue scientifique, le travail se poursuit avec
précision et rigueur. Car le séisme, suivi du tsunami destructeur, a été une première dans l'histoire, dans une
zone non préparée à un tel événement. John Ludden, directeur scientifique adjoint de la Division « Sciences de la
Terre » du Département des sciences de l'Univers du CNRS et chercheur à l'Institut de physique du globe de
Paris, évoque les contours de l'action scientifique menée depuis la tragédie.
Première leçon, l'ampleur du séisme. « Il s'agit d'un événement plus grand que prévu, affirme-t-il. On savait qu'il
aurait un événement d'une grande ampleur, autour de 8,5 sur l'échelle de Richter. Mais on ne pensait pas qu'i
atteindrait entre 9 et 9,3. D'ailleurs, les scientifiques sont toujours en train d'essayer de calibrer précisément ». Le
tremblement de terre suivi du raz-de-marée a eu lieu dans une partie du monde presque « inconnue » pour la
majorité des spécialistes : « Nous n'avons pas d'élément de comparaison pour cet événement dans cette zone »,
explique John Ludden. Les experts travaillent donc presque « à vue ».
Écouter la terre
Évaluer les dégâts reste un travail prioritaire, même un an après. « Nous ne disposions d'aucun enregistrement
antérieur, rappelle le géologue. Par conséquent, nous avons envoyé sur
lace une mission de l'INSU, de l'IPG de
Paris et de l'Ifremer qui était en cours en mer non loin de là ». Objectif : écouter la Terre au plus profond et tenter
de comprendre. « Nous avons largué dans l'océan une série de sismomètres. Actuellement encore, il y a des
'aftershocks' tous les jours d'une magnitude de 7 environ ». Selon John Ludden, aucune carte topographique de
la faille n'existait. Combler cette lacune est donc une urgence. « Nous avons dans la région une série de capteurs
GPS installés par Christophe Vigny dans le cadre d'un projet européen, et qui nous permet de voir le mouvement
des plaques et de mesurer la vitesse de ces mouvements ».
Le CNRS est présent dans de nombreuses missions dans l'océan Indien depuis le mois de décembre 2004.
Associé à des agences françaises et internationales, les actions sont multiples. « Un appel d'offre de l'Agence
nationale pour la recherche (ANR) sur les catastrophes telluriques a été lancé, précise John Ludden. On peu
essayer de mesurer les tremblements de terre précurseurs, quand la faille commence à bouger : mesurer les
mouvements, les échappements de gaz radon (qui vient des profondeurs de la croûte terrestre), les champ
magnétiques. Le CNES a d'ailleurs lancé un satellite appelé Demeter. Sa mission est de mesurer les champs
électromagnétiques dans les plus grandes failles ».
La Californie, le Japon et les Antilles en danger
Outre l'océan Indien, les actions se multiplient sur tous les théâtres de la planète sensibles sismiquement. « Tous
les laboratoires des sciences de la Terre du CNRS sont mobilisés. L'INSU a un rôle de coordination nationale et
européenne des grands projets ». Les Antilles françaises sont la zone d'activité particulièrement surveillée, car la
situation est presque comparable à celle de Sumatra, avec un mouvement de 4 cm par an. « La plaque
Atlantique-Ouest s'enfonce sous la plaque Caraïbe de 2 cm par an. Mais un tremblement de terre de la même
violence qu'à Sumatra demeure improbable. Nous savons qu'en 1883, il y a eu un tremblement de magnitude 8,3
au large de la Guadeloupe. Aujourd'hui, l'activité sismique dans cette zone se situe plutôt autour d'une magnitude
5 ou 6 mais il faut rester vigilant ».
Ailleurs dans le monde, de nombreuses actions scientifiques sont en cours. John Ludden explique qu'« en
Californie, forte zone sismique, les Américains essayent de mesurer les mouvements dans la faille de Parkville. I
s'agit de l'endroit du monde où le réseau de GPS est le plus dense. On essaye donc de 'prédire'. À cet endroit de
la Californie, sur les cent cinquante années d'histoire répertoriées, ça bouge tous les vingt ans ». Au large du
Japon, il existe un projet de forage de 5 à 6 km de profondeur. L'idée est de placer des capteurs dans le
décollement même des plaques. « Y a-t-il des changements de température ? Quels types de fluides
s'échappent ? », s'interroge John Ludden. Si le séisme et le tsunami de l'an dernier ont apporté quelques vérités
scientifiques, ils ont surtout soulevé de nouvelles questions. Le défi des « docteurs de notre planète », préveni
plutôt qu'avoir à guérir, s'avère une tâche immense.
John Ludden
INSU-Département sciences de l'Univers du CNRS
Institut physique du globe de Paris (IPGP)
Tél. : +33 (0)1 44 27 51 93 ou +33 (0)1 44 96 43 83
Consulter les sites web : IPGP et INSU