Gènéthique - n°85 - janvier 2007
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°85 : Janvier 2007
Cellules souches identifiées dans le liquide amniotique
Alors que certains, bien que çus par les
limites des cellules souches embryonnaires,
persistent à réclamer la légalisation du
clonage, la recherche sur les cellules
souches adultes elle, continue de
progresser.
Liquide amniotique
Les Pr de Coppi et Atala (Institut de
médecine régénératrice de l’Université Wake
Forest, Caroline du Nord) publient sur le site
internet de Nature, la découverte dans le
liquide amniotique humain d’une nouvelle
source de cellules souches pluripotentes1.
Cellules souches pluripotentes
Ces cellules, qui expriment à la fois des
gènes caractéristiques des cellules souches
embryonnaires et des cellules souches
adultes, sont non seulement faciles à obtenir
et à cultiver, mais aussi capables de se
différencier en de nombreux tissus adultes
fonctionnels et ne posent aucun problème
éthique puisqu’elles ne nécessitent pas la
destruction d’un embryon. Ces cellules sont
génétiquement et phénotypiquement stables
après plusieurs centaines de divisions, et ne
seraient pas tumorigènes. Les chercheurs
ont réussi à générer in vitro des muscles, de
la graisse, des os, des vaisseaux sanguins,
des cellules nerveuses et des cellules de
foie. Pour Anthony Atala, « notre espoir est
que ces cellules offriront une ressource
précieuse pour la réparation des tissus, ainsi
que pour les organes de synthèse ».
Laure Collombet, spécialiste Inserm des
cellules souches à l’hôpital Paul Brousse
(Villejuif) estime que ces travaux semblent
convaincants. Il reste à mettre en place des
stratégies de recueil du liquide
amniotique.
Le cardinal Javier Lozano Barragan,
président du Conseil pontifical pour la
Pastorale du monde de la santé s’est
réjoui de ce « pas en avant très
significatif et éthiquement admissible ». Il
a rappelé que « l’Eglise est toujours prête
à accueillir les vrais progrès scientifiques,
c’est-à-dire ceux qui ne menacent ni ne
manipulent la vie ».
1. Isolation of amniotic stem cell lines with potential
for therapy - Paolo de Coppi, G. Bartsch, M. Minhaj
Siddiqui, Tao Xu, Cesar C Santos, Laura Perin,
Gustavo Mostoslavsky, Angéline C Serre, Evan Y
Snyder, James J. Yoo, Mark E Furth, Shay Soker
and Anthony Atala, published online Nature 7/01/
2007.
Le rapport Claeys demande la légalisation du clonage scientifique
Le député Alain Claeys a présenté le 6
décembre 2006 le rapport de l’Office
parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques : « Les
recherches sur le fonctionnement des
cellules vivantes ». Ce rapport se veut une
introduction au bat public en vue de la
révision de la loi bioéthique de 2004
prévue en 2009. Des auditions publiques
avaient été organisées le 22 novembre
2005, en vue de rédiger ce rapport.
Des auditions biaisées
Tous les scientifiques consultés lors de
ces auditions publiques étaient favorables
au clonage. Dès l’introduction, Ketty
Schwartz, vice-présidente du conseil
d’administration de l’Inserm et présidente
du conseil scientifique de l’AFM donnait le
ton : il faut autoriser le clonage. Furent
organisées aussi des auditions privées.
Parmi les douze personnes reçues lors de
ces auditions, sept d’entre elles relevaient
de l’Etat et quatre relevaient de l’AFM,
favorable au clonage : la présidente de
l’AFM, la directrice générale du Généthon,
et deux responsables d’I-Stem (centre
français de recherche sur l’embryon). La
cinquième représentait une société de
biotechnologie.
Autoriser la recherche sur
l’embryon
Le rapport dénonce ce qu'il appelle une
hypocrisie de la loi de 2004 et considère
que l’exigence formulée par la loi d’une
recherche « susceptible de permettre des
progrès thérapeutiques majeurs » (art.25)
est illusoire et qu’elle a été d’ailleurs
interprétée de façon très souple par
l’Agence de biomédecine. Il estime dès
lors nécessaire de passer d’un régime
d’interdiction, assorti de dérogations, à un
régime d’autorisation de recherche sur
l'embryon, contrôlée par l’Agence de
biomédecine.
Comme le reconnaît Axel Kahn,
« l’interdiction dérogatoire constitue une
habileté tactique et surtout une invention
sémantique pour contourner les députés
ayant des convictions religieuses ».
Le rapport demande dès lors que soit
autorisée la recherche menée sur
l’embryon humain et les cellules
embryonnaires si elle s’inscrit dans une
« finalité médicale » et non plus si elle est
« susceptible de permettre des progrès
thérapeutiques majeurs ».
Autoriser le clonage scientifique
Tout en reconnaissant que le clonage n’a
rien de thérapeutique, Alain Claeys
réclame son autorisation et propose de
l’intituler désormais pour plus de
transparence : « transposition nucléaire ».
Pourtant me appe « transposition
nucléaire », le clonage consiste toujours à
insérer le noyau d’une cellule dans un
ovocyte énucléé pour créer un embryon ; il
est dit « thérapeutique » ou « scientifique »
si l’embryon obtenu in vitro n’est pas
implanté dans l’utérus mais détruit pour
fournir ses cellules aux chercheurs ; il est
dit « reproductif » quand il a pour finalité
de réimplanter l'embryon pour le laisser
vivre.
Vers un trafic d’ovocytes ?
La légalisation du clonage demanderait
des centaines de milliers d’ovocytes. On
sait que la naissance de la brebis clonée
Gènéthique - n°85 - janvier 2007
Dolly a cessité 277 clonages. Le rapport
énonce que les conditions éthiques du don
d’ovocytes sont un préalable indispensable
à toute réflexion sur le clonage. Il
recommande donc maintenant d’organiser
un débat pour établir des règles et prévenir
le trafic d’ovocytes. Il propose quelques
pistes telles que l’interdiction à une
mineure de faire un don, le consentement
et la gratuité, le remboursement des frais
occasionnés et des salaires non perçus, le
suivi médical et la réalisation d’une étude
épidémiologique sur les conséquences de
l’hyperstimulation ovarienne. « Une action
internationale en faveur de la
réglementation du don d’ovocytes pour la
recherche est indispensable pour
empêcher l’exploitation du corps des
femmes, notamment dans les pays en voie
de développement
Le clonage humain dans le monde
Selon le rapport Claeys, seule l’équipe de
A. Murdoch et M. Stojkovic, de l’Université
de Newcastle, a réussi à créer par clonage
un blastocyste humain. Mais aucune
lignée de cellules souches embryonnaires
n’a pu en être dérivée. Deux ou trois
équipes seulement dans le monde, en
Angleterre, aux Etats-Unis et en Chine
effectuent des expériences de clonage
humain. Après cet état des lieux, on a
peine à comprendre les conclusions dudit
rapport qui estime que la concurrence
internationale est si acharnée qu'il faut
hâter l’évolution législative.
Les textes internationaux
La déclaration des Nations Unies, (mars
2005) interdit « toutes les formes de
clonage humain dans la mesure elles
seraient incompatibles avec la dignité
humaine et la protection de la vie
humaine… ». Rappelons que la France a
voté contre ce texte, ce qui semble
paradoxal puisqu’il est conforme à la loi
bioéthique de 2004 qui maintient
l’interdiction du clonage.
La Convention d’Oviedo (du Conseil de
l’Europe sur les Droits de l’Homme et la
biomédecine) interdit également la
constitution d’embryon aux fins de
recherche. Selon Alain Claeys, « cette
disposition ne paraît pas suffisamment
claire dans la mesure où elle pourrait
interdire la transposition nucléaire (NDLR :
c’est-à-dire le clonage scientifique). Il
conviendrait que ce point soit clairement
précisé avant que la France ne ratifie
éventuellement cette Convention ».
Le protocole additionnel de la
Convention d’Oviedo (12 janvier 1998)
interdit aussi « toute intervention ayant
pour but de créer un être humain
génétiquement identique à un autre être
humain vivant ou mort ». Les Pays-Bas,
dans une note d'avril 1998 interprètent le
terme « être humain » comme se référant
exclusivement à un individu humain né. Le
rapport Claeys recommande que la France
fasse la me interprétation avant de
ratifier ces textes.
Les défis sociaux et économiques
A. Claeys soulève d'autres inquiétudes :
les éventuelles futures thérapies cellulaires
seront des traitements individualisés avec
un financement et une logique
d’assurances individuelles. Comment
réagiront les systèmes de protection
sociale ?
Enfin il y a de moins en moins de fonds
privés investis dans les recherches sur
l'embryon et le clonage. Le rapport
préconise donc un investissement public.
(NDLR : Pourtant, avant d'engager des
fonds publics, il serait intéressant de
comprendre pourquoi les industries
privées n'investissent pas ou plus dans ce
domaine.)
Sens éthique ou sans éthique
Le rapport Claeys, n'aborde pas la
question éthique fondamentale liée à la
dignité et au respect à l'embryon
humain. Il considère le clonage scientifique
comme un fait acquis qui, une fois résolue
la question de l’approvisionnement en
ovocytes, ne poserait que quelques
difficultés sur le plan économique et social.
Anne Fagot-Largeault résume l'esprit
général de ce travail : « la technique du
transfert ou de la transposition du noyau
est en soi moralement neutre. Tout
dépend de ce que l’on en fait ».
Publication du décret autorisant les « bébés-médicaments » aps DPI
Le décret relatif à l’utilisation du diagnostic
préimplantatoire (DPI) pour tenter de faire
naître un « bébé-médicament » a été
publié le 23 décembre 2006. C’est
l’Agence de biomédecine qui est chargée
d’encadrer cette pratique, autorisée depuis
la loi bioéthique d’août 2004, et de donner
au cas par cas les autorisations.
Diagnostic préimplantatoire
La première loi bioéthique du 29 juillet
1994 autorisait à titre exceptionnel le
diagnostic biologique effectué à partir de
cellules prélevées sur l’embryon in vitro.
Dans une famille à risque, le but est de
sélectionner parmi plusieurs embryons
conçus in vitro, un embryon non atteint
d’une maladie génétique, pour l’implanter
dans l’utérus de la mère ; les embryons
malades sont alors détruits. Depuis la loi
de 2004, les embryons non sélectionnés
peuvent également être utilisés comme
matériau de recherche. Dans les trois
centres habilités en France (Montpellier,
Paris-Clamart et Strasbourg), 150 DPI
environ sont pratiqués chaque année pour
obtenir une trentaine de naissances.
« Bébé-médicament »: triple tri
Une nouvelle étape vient d’être franchie :
avec la technique du « bébé-
médicament », appelé aussi « bébé du
double espoir », l’embryon lectionné
devra être compatible avec son aîné
atteint d’une maladie grave afin de
permettre une greffe de cellules de sang
de cordon ou une greffe de moelle. Pour
pouvoir être implanté, cet embryon devra
donc passer un triple test : être apte à se
développer, être exempt de la maladie et
être compatible avec son aîné malade.
René Frydman estime qu’au terme de
cette sélection, 1 embryon sur 16 pourra
être implanté. Pour avoir une chance de
naître, il ne suffit plus à l’embryon d’être
sain, encore faut-il être compatible.
Conséquences psychologiques
Le 4 juillet 2002, le Comité consultatif
national d’éthique avait « entrouvert » la
porte, tout en s’inquiétant du risque de
« voir naître des enfants conçus seulement
comme des donneurs potentiels » (voir
Lettre Gènéthique 32). De nombreuses
personnes, médecins ou non, soulignent
une nouvelle étape dans le processus de
réification de l’être humain et craignent de
lourdes conséquences psychologiques au
moins chez les enfants.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast
Contact : Aude Dugast – adugast@genethique.org Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 4989
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