Gènéthique - n°85 - janvier 2007
Dolly a nécessité 277 clonages. Le rapport
énonce que les conditions éthiques du don
d’ovocytes sont un préalable indispensable
à toute réflexion sur le clonage. Il
recommande donc maintenant d’organiser
un débat pour établir des règles et prévenir
le trafic d’ovocytes. Il propose quelques
pistes telles que l’interdiction à une
mineure de faire un don, le consentement
et la gratuité, le remboursement des frais
occasionnés et des salaires non perçus, le
suivi médical et la réalisation d’une étude
épidémiologique sur les conséquences de
l’hyperstimulation ovarienne. « Une action
internationale en faveur de la
réglementation du don d’ovocytes pour la
recherche est indispensable pour
empêcher l’exploitation du corps des
femmes, notamment dans les pays en voie
de développement.»
Le clonage humain dans le monde
Selon le rapport Claeys, seule l’équipe de
A. Murdoch et M. Stojkovic, de l’Université
de Newcastle, a réussi à créer par clonage
un blastocyste humain. Mais aucune
lignée de cellules souches embryonnaires
n’a pu en être dérivée. Deux ou trois
équipes seulement dans le monde, en
Angleterre, aux Etats-Unis et en Chine
effectuent des expériences de clonage
humain. Après cet état des lieux, on a
peine à comprendre les conclusions dudit
rapport qui estime que la concurrence
internationale est si acharnée qu'il faut
hâter l’évolution législative.
Les textes internationaux
La déclaration des Nations Unies, (mars
2005) interdit « toutes les formes de
clonage humain dans la mesure où elles
seraient incompatibles avec la dignité
humaine et la protection de la vie
humaine… ». Rappelons que la France a
voté contre ce texte, ce qui semble
paradoxal puisqu’il est conforme à la loi
bioéthique de 2004 qui maintient
l’interdiction du clonage.
La Convention d’Oviedo (du Conseil de
l’Europe sur les Droits de l’Homme et la
biomédecine) interdit également la
constitution d’embryon aux fins de
recherche. Selon Alain Claeys, « cette
disposition ne paraît pas suffisamment
claire dans la mesure où elle pourrait
interdire la transposition nucléaire (NDLR :
c’est-à-dire le clonage scientifique). Il
conviendrait que ce point soit clairement
précisé avant que la France ne ratifie
éventuellement cette Convention ».
Le protocole additionnel de la
Convention d’Oviedo (12 janvier 1998)
interdit aussi « toute intervention ayant
pour but de créer un être humain
génétiquement identique à un autre être
humain vivant ou mort ». Les Pays-Bas,
dans une note d'avril 1998 interprètent le
terme « être humain » comme se référant
exclusivement à un individu humain né. Le
rapport Claeys recommande que la France
fasse la même interprétation avant de
ratifier ces textes.
Les défis sociaux et économiques
A. Claeys soulève d'autres inquiétudes :
les éventuelles futures thérapies cellulaires
seront des traitements individualisés avec
un financement et une logique
d’assurances individuelles. Comment
réagiront les systèmes de protection
sociale ?
Enfin il y a de moins en moins de fonds
privés investis dans les recherches sur
l'embryon et le clonage. Le rapport
préconise donc un investissement public.
(NDLR : Pourtant, avant d'engager des
fonds publics, il serait intéressant de
comprendre pourquoi les industries
privées n'investissent pas ou plus dans ce
domaine.)
Sens éthique ou sans éthique
Le rapport Claeys, n'aborde pas la
question éthique fondamentale liée à la
dignité et au respect dû à l'embryon
humain. Il considère le clonage scientifique
comme un fait acquis qui, une fois résolue
la question de l’approvisionnement en
ovocytes, ne poserait que quelques
difficultés sur le plan économique et social.
Anne Fagot-Largeault résume l'esprit
général de ce travail : « la technique du
transfert ou de la transposition du noyau
est en soi moralement neutre. Tout
dépend de ce que l’on en fait ».
Publication du décret autorisant les « bébés-médicaments » après DPI
Le décret relatif à l’utilisation du diagnostic
préimplantatoire (DPI) pour tenter de faire
naître un « bébé-médicament » a été
publié le 23 décembre 2006. C’est
l’Agence de biomédecine qui est chargée
d’encadrer cette pratique, autorisée depuis
la loi bioéthique d’août 2004, et de donner
au cas par cas les autorisations.
Diagnostic préimplantatoire
La première loi bioéthique du 29 juillet
1994 autorisait à titre exceptionnel le
diagnostic biologique effectué à partir de
cellules prélevées sur l’embryon in vitro.
Dans une famille à risque, le but est de
sélectionner parmi plusieurs embryons
conçus in vitro, un embryon non atteint
d’une maladie génétique, pour l’implanter
dans l’utérus de la mère ; les embryons
malades sont alors détruits. Depuis la loi
de 2004, les embryons non sélectionnés
peuvent également être utilisés comme
matériau de recherche. Dans les trois
centres habilités en France (Montpellier,
Paris-Clamart et Strasbourg), 150 DPI
environ sont pratiqués chaque année pour
obtenir une trentaine de naissances.
« Bébé-médicament »: triple tri
Une nouvelle étape vient d’être franchie :
avec la technique du « bébé-
médicament », appelé aussi « bébé du
double espoir », l’embryon sélectionné
devra être compatible avec son aîné
atteint d’une maladie grave afin de
permettre une greffe de cellules de sang
de cordon ou une greffe de moelle. Pour
pouvoir être implanté, cet embryon devra
donc passer un triple test : être apte à se
développer, être exempt de la maladie et
être compatible avec son aîné malade.
René Frydman estime qu’au terme de
cette sélection, 1 embryon sur 16 pourra
être implanté. Pour avoir une chance de
naître, il ne suffit plus à l’embryon d’être
sain, encore faut-il être compatible.
Conséquences psychologiques
Le 4 juillet 2002, le Comité consultatif
national d’éthique avait « entrouvert » la
porte, tout en s’inquiétant du risque de
« voir naître des enfants conçus seulement
comme des donneurs potentiels » (voir
Lettre Gènéthique n° 32). De nombreuses
personnes, médecins ou non, soulignent
une nouvelle étape dans le processus de
réification de l’être humain et craignent de
lourdes conséquences psychologiques au
moins chez les enfants.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast
Contact : Aude Dugast – adugast@genethique.org Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 4989