
172 REVUE D’ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 129-130, 1er et 2ème trimestres 2010
Ces modalités de réduction de l’incertitude se heurtent à différentes limites.
L’une est liée à l’incapacité des agents d’accéder à certaines informations sur
les produits échangés ou sur les partenaires de la transaction. Une autre cor-
respond à l’incomplétude des contrats qui laisse aux partenaires de l’échange
une marge de liberté pour avoir des comportements malhonnêtes. Enfin, une
dernière limite est induite par la méfiance des agents à l’égard des institutions
juridiques chargées de garantir les contrats. Ces limites conduisent les agents
à chercher d’autres modalités de sécurisation de l’échange.
L’un des apports de la sociologie économique est de montrer que des méca-
nismes informels de circulation de l’information et de régulation sociale sous-
tendus par des réseaux sociaux permettent la réalisation de transactions dans
des situations où l’incertitude ne peut pas être réduite de manière formalisée.
L’encastrement social de la transaction signifie que les interactions écono-
miques s’entremêlent avec des interactions sociales (lien familial, amical, asso-
ciatif,…) et que, in fine, la qualité de ces dernières influence la transaction éco-
nomique (Granovetter, 1973). Dans des situations incertaines, le lien social
constitue un mécanisme plus efficient de coordination économique que le lien
contractuel et vient pallier les déficiences du marché (Granovetter, 1985, 2005).
Le rôle des réseaux sociaux dans la coordination économique mise en évi-
dence par la sociologie dans les années soixante et soixante-dix a progressive-
ment été intégré par les sciences économiques. Les économistes prennent
désormais en considération cette dimension informationnelle des réseaux
sociaux dans leur compréhension du marché du travail (Montgomery, 1991;
Simon et Warner, 1992 ; Calvo-Armengol, 2004; Calvo-Armengol et Jackson,
2004; Fontaine, 2006 ; Ioannides et Datcher Loury, 2004). Malgré les nom-
breux travaux dans différents champs des sciences sociales, il n’en demeure
pas moins que plusieurs questions demeurent concernant la dynamique des
réseaux sociaux : quelles sont les origines de ces réseaux? Comment et pour-
quoi les agents construisent-ils des liens sociaux? Quelle est la dynamique
d’évolution de la structure des réseaux? En quoi les institutions interviennent-
elles dans le processus d’accumulation de capital social par les agents?
Depuis le début des années 2000, la dynamique des réseaux sociaux est
devenue une problématique majeure en sociologie, en économie, en théorie
des organisations et en théorie des systèmes complexes notamment autour des
travaux du Santa Fe Institute. Les réponses apportées par ces champs théo-
riques diffèrent partiellement. Pour certains sociologues, la structure présente
du réseau dépend de sa structure passée. Les opportunités offertes aux agents
par le réseau déterminent les liens qui peuvent être créés par les agents et donc,
in fine, la future structure du réseau (Madhavan, Koka et Prescott, 1998;
Zaheer et Soda, 2009). Il s’agit d’une forme de déterminisme structurel de la
dynamique des réseaux sociaux. Pour les économistes, l’intention stratégique
de l’agent qui maximise son utilité est à l’origine de la construction du lien
social (Bala et Goyal, 2000). Dans ce cas, la dynamique des réseaux résulte de
l’utilitarisme des agents (Jackson et Roger, 2007). Des conclusions similaires
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