INTRODUCTION
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à la fin des années 1630, le ballet est encore la principale distraction des Grands
et un des instruments d'affirmation de la puissance du souverain. Desmarets le
sait bien qui, dans sa dédicace au roi de l’édition de Mirame en 1641, évoque le
Ballet de la Prospérité des armes de France, dansé le 7 février 1641 au théâtre du
Palais-Cardinal pour célébrer les victoires de Louis XIII et le mariage du duc
d’Enghien avec Claire-Clémence, nièce de Richelieu, trois semaines seulement
après la première représentation de Mirame. Ce ballet a paru dans la Gazette, sans
nom d'auteur, mais on peut attribuer le livret et sa conception à Desmarets,
grâce à Tallemant8. Ce fut un ballet magnifique d’une exceptionnelle ampleur,
avec trente-six entrées et cinq actes. Comme pour les autres ballets dansés chez
le roi, les Grands y participèrent, comme le duc d’Enghien lui-même, qui dansa
la première entrée de l'acte I et apparut dans la septième de l'acte IV en Jupiter9.
Desmarets a rédigé aussi l’argument du Ballet de la Félicité sur le sujet de l'heureuse
naissance de Monseigneur le Dauphin, dansé en mars 1639 après la naissance du
Dauphin Louis, non pas parce qu’on trouve « le sieur Marais » parmi les
danseurs, mais parce qu’une partie des chansons de ce ballet figure dans
l'édition des Œuvres poétiques de Desmarets en 1641.
Desmarets, ce bourgeois sévère, « esprit universel et plein d'inventions » mais
qui « n’estoit pas propre pour faire rire10», érudit, travailleur, auteur de poésies
et de textes religieux et tant apprécié de Richelieu, est-il bien celui qui, jeune
adolescent, dès 1613, puis à de très nombreuses reprises jusqu’en 1639, est
danseur à la Cour, celui que Tallemant traite de « bouffon du roi » dans son
Historiette consacrée à Louis XIII ? Certes, outre celles de Tallemant, on a de
multiples traces d'un certain Maraist, danseur à la Cour, danseur célèbre,
« homme d'armes de la compagnie du Grand Ecuyer », « mime prodigieux,
doublé d'un bon musicien11 ». Mais est-ce vraiment le même homme que
l'auteur de Mirame, comme le pensent H.G. Hall12, M. Fumaroli13 et tout
8. Tallemant, écrit dans ses Historiettes, éd. A. Adam, t. 2, p. 154-155 : « Il voulut (il s'agit de Porchères Laugier
qui a obtenu « l’employ de faire les ballets et autres choses semblables ») se formalizer de ce que Desmarets
avait fait le dessein du ballet qui fut dansé au mariage du duc d'Anguien».
9. Ballets et mascarades de cour de Henri III à Louis XIV (1581-1652), éd. P. Lacroix, t. VI, p. 35 et 43.
10. Tallemant, Historiettes, t. 1, p. 400.
11. H. Prunières, Le Ballet de cour en France avant Benserade et Lully, 1914.
12. H. G., Hall, Richelieu’s Desmarets…, op. cit., p. 58. Hall ne donne aucune preuve de ce qu’il avance.
13. Selon M. Fumaroli, Desmarets « débuta à la Cour comme favori de Louis XIII » et y dansa dans de
nombreux ballets, in « Les abeilles et les araignées », La querelle des Anciens et des Modernes XVII-XVIIIe,
Gallimard, Folio Classique, p. 106.
[« Mirame », Desmarets de Saint-Sorlin. Introduction, notes et illustrations par Catherine Guillot et Colette Scherer]
[Presses universitaires de Rennes, 2010, www.pur-editions.fr]