Conjoncture et prévision 5 Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Coordonné par Denis Ferrand et Alain Henriot 25 Positionnement cyclique des économies Jacques Anas 3 Conjoncture et prévision Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Coordonné par Denis Ferrand et Alain Henriot1 La crise financière intervenue durant l’été a accru les incertitudes concernant les perspectives économiques mondiales. Dans le scénario privilégié ici la croissance de l’économie américaine resterait autour de 2 % l’an, avec une tendance à une légère accélération fin 2008, une fois achevés les ajustements dans le secteur immobilier. Dans ce contexte, la croissance de la zone euro serait également proche de 2 %, un rythme considéré comme étant son potentiel de long terme. L’économie française enregistrerait une progression du PIB du même ordre de grandeur. La consommation serait stimulée par la mise en ouvre du « paquet fiscal », mais les exportations n’enregistreraient qu’une progression modérée, ce qui constituerait un frein à la croissance. A u printemps dernier, les grandes institutions internationales comme la plupart des instituts de conjoncture pronostiquaient la poursuite d’une croissance mondiale forte et ne voyaient pas d’inflexion avant 2009. Aujourd’hui, le mot d’ordre est au ralentissement, voire pour certains au risque d’une récession aux Etats-Unis. Que s’est-il donc produit et quelles perspectives faut-il maintenant envisager ? Une crise de confiance financière Etats-Unis Taux d'intérêt à 3 mois 6.0 En % 5.0 4.0 Bons du trésor Euro dollar 3.0 2.0 2005 2006 2007 Source : Réserve Fédérale La crise financière de l’été est passée par là. Cette crise n’est pas un événement fortuit venant modifier de façon inopinée le cours naturel de l’économie. Elle traduit des déséquilibres et des inflexions qui étaient déjà présents bien avant l’été et qui ont émergé brutalement à la fin juillet. Les surprises ont été à la fois de nature financière et de nature économique et leur entrée en résonance a conduit à des mouvements de marché d’une grande ampleur, qui perdurent encore sous 1 Ont également participé à la rédaction de ce document : L. Ali, J.M. Boussemart, S. Chort, M. Didier, S. Duchassaing, et O. Reymondon. une forme atténuée, et qui contribueront à coup sûr à modifier le cours de l’économie. Tous les marchés ont été touchés, marchés de taux, marchés d’actions, marchés de change. Le sujet principal est celui du crédit. La fausse surprise des subprimes La montée des défauts sur des prêts hypothécaires consentis aux débiteurs fragiles n’est pas vraiment une surprise si l’on se rappelle que le violent retournement des 5 Conjoncture et prévision permis de construire aux Etats-Unis date du début 2006, que les prêteurs avaient progressivement outrepassé les normes classiques de risque (ce que M. Alan Greenspan avait dénoncé bien avant son départ). Mais le marché des subprimes (c’est-à-dire des crédits immobiliers les plus risqués aux Etats-Unis) est de dimension relativement limitée et les défauts sur ces crédits n’auraient pas eu des conséquences de l’ampleur constatée si aucun facteur d’amplification n’était venu s’y ajouter. massifs des fonds et des besoins de liquidités du système bancaire. Il en est résulté des ventes d’actifs sains (actions, matières premières) qui ont amplifié et généralisé la crise. Les injections de liquidités par les Banques centrales ont mis fin à la phase aiguë sans faire cesser pour autant à ce jour les tensions sur le marché monétaire et sans éliminer le risque de nouvelles secousses. L’amplification par la titrisation Le calme est revenu sur les marchés monétaires mondiaux grâce aux injections de liquidités des banques centrales. Ce calme reste toutefois précaire et ne signifie pas que tous les problèmes sont réglés. Le marché des ABCP (Asset-Backed Commercial Paper) billets de trésorerie adossés à divers actifs financiers, dont la taille est d’environ 1 200 milliards de dollars, risque encore d’être affecté par l’ampleur des refinancements à assurer. Les tensions restent vives sur les taux monétaires et les taux interbancaires. La surprise principale a été la généralisation de la défiance des investisseurs à tous les placements. Il s’est avéré que des créances dites subprimes se trouvaient logées dans des fonds considérés comme des placements sans risques et souscrits par de nombreux investisseurs dans l’ensemble du monde, y compris directement ou indirectement par des banques. La généralisation de la méfiance à une large gamme de titres a provoqué des retraits Faut-il craindre une réplique ? Chiffres clés des perspectives 2006 2007 2008 1/ Croissance du volume du PIB (%) Monde Etats-Unis Japon Zone euro à 12 Union européenne à 15 Allemagne Royaume-Uni Italie Espagne Pays hors OCDE 2/ Marchés mondiaux Commerce mondial (volume)* Prix du pétrole ($/baril, Brent)** Prix des matières premières ($)*** 3/ Taux de change 1 $ = … yen 116 118 115 1 euro = … dollars 1,25 1,35 1,35 1 £ = … dollars 1,84 1,99 1,99 4/ Taux d'intérêt à 3 mois Etats-Unis (bons Trésor) 5,2 5,2 4,4 Japon (euro-yen) 0,3 0,7 1,0 Zone euro (euribor) 3,1 4,1 4,1 5/ Taux d'intérêt à 10 ans Etats-Unis 4,8 4,8 4,8 Japon 1,7 1,8 2,2 Zone euro 3,9 4,3 4,4 9,5 6,4 7,3 6/ Taux d'inflation* 65,2 67,6 70,0 Etats-Unis 3,2 2,9 2,6 26,8 18,9 1,7 Japon 0,2 0,1 0,6 Zone euro 2,2 2,0 1,8 5,3 2,9 2,2 2,8 2,9 3,1 2,8 1,9 3,9 8,3 5,1 2,0 2,0 2,5 2,6 2,6 2,9 1,8 3,9 8,2 4,7 2,3 1,9 1,9 2,1 2,1 1,9 1,5 2,6 7,4 * taux de variation annuel (%) ** moyenne annuelle *** hors énergie 6 2006 2007 2008 Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 L’amplification par l’économie Après une crise financière, les fondamentaux économiques reprennent toujours le dessus à un moment ou un autre. La persistance d’une croissance forte permet d’absorber rapidement des pertes financières. Une rupture de croissance contraint au contraire les acteurs économiques à des décisions restrictives qui amplifient le ralentissement. Les informations récentes suggèrent que la réalité actuelle est entre les deux et en tous cas moins favorable qu’on le pensait avant l’été. La croissance des pays développés (Etats-Unis, Europe, Japon) s’avère depuis le printemps moins forte qu’il était anticipé il y a encore quelques mois. On est loin au stade actuel d’une rupture de croissance, mais les résultats décevants tendent à s’accumuler : tassement des indicateurs d’opinion sur le niveau d’activité dans les pays développés, recul du PIB japonais au deuxième trimestre, moindres créations d’emplois et surtout aux Etats-Unis nouvel approfondissement de la crise de la construction de logement. Il est probable en outre que la remontée du risque conduira le secteur bancaire à un resserrement du crédit. Fin de cycle ou simple pause de croissance ? L’expansion mondiale devrait se poursuivre, mais sur un rythme plus modéré Le risque américain Les prémices d’une vraie spirale négative sont présentes aux Etats-Unis avec la baisse des prix des logements et la multiplication des défauts de paiement des ménages. Le risque d’une pause de la consommation s’accentue et s’il se propageait à l’investissement productif, la menace serait que l’économie bascule dans la récession (comme cela a été le cas quasi-général lors des retournements du logement). Mais nous n’en sommes pas là. Nous privilégions pour les Etats-Unis l’hypothèse d’une croissance proche de 2 % l’an en 2007 qui remonterait à la mi-2008 vers sa tendance longue. Etats-Unis Taux de défaut sur le crédit à l'habitat Ensemble des Banques 3.5 En % 3.0 2.5 2.0 Un indicateur crucial sera le rythme de remontée des taux de défauts sur les obligations des entreprises (speculative grades). Selon Moody’s, ce taux qui était aux EtatsUnis de 1,4 % au premier trimestre 2007 devrait atteindre 3,5 % au printemps 2008. Ces niveaux resteraient encore sensiblement au-dessous de la moyenne longue (4,5 %). On est encore loin des taux de l’ordre de 10 % qui avaient été atteints lors des récessions de 1991 et 2001. Les défauts sont aussi très bas tant en Europe que dans les pays émergents. Cette situation, le niveau élevé de liquidité des grandes entreprises, l’effet d’entraînement des pays émergents plaident en faveur d’une prolongation de la phase d’expansion à un rythme plus modéré mais sans inversion conjoncturelle. 1.5 1.0 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 Source : Réserve Fédérale Les facteurs de soutien Le risque d’une récession de l’économie américaine a gagné en probabilité, mais il ne faut pas pour autant ignorer des forces de soutien à l’activité, qui vont d’ailleurs se renforcer à mesure que la Réserve fédérale va abaisser ses taux directeurs. La crise qui secoue les institutions financières est sévère mais celles-ci avaient antérieu7 Conjoncture et prévision rement engrangé des profits substantiels qui devraient leur permettre d’absorber le choc. De leur côté, les entreprises non financières abordent la crise avec des comptes et des bilans satisfaisants. Elles n’ont pas au cours de ces années de reprise investi de façon excessive et il n’y a donc pas, tant du côté du capital circulant que du côté du capital fixe, des excès à corriger. Elles bénéficient par ailleurs d’un dollar compétitif vis-à-vis de l’euro, du sterling et du dollar canadien qui ne peut que continuer à les aider à défendre leurs parts de marché à l’exportation dans un environnement mondial dont le dynamisme reste actuellement encore vif, essentiellement tiré par la vigueur de la croissance dans les pays émergents. Par ailleurs, tant du côté de la politique budgétaire que du côté de la politique monétaire, les autorités disposent de marges de manœuvre appréciables pour contrer un éventuel début de mouvement récessif. Les fonds fédéraux, maintenus à 5,25 % pendant plus d’un an, ont ainsi enregistré une première baisse de 50 points de base à la mi-septembre. Le déficit des comptes publics s’est plutôt réduit en dépit d’une croissance économique inférieure à son potentiel depuis six trimestres. La dette publique reste par ailleurs contenue sous la barre des 52 %. Si besoin est, les autorités budgétaires disposent de degrés de liberté pour réduire les prélèvements ou accélérer les dépenses. Le point noir de l’immobilier En juillet 2007, les mises en chantier de logements ont encore baissé, portant leur repli à 40 % depuis leur record inscrit en janvier 2006. Le recul est loin d’être fini, c’est ce que suggère du moins la poursuite de la baisse des permis de construire et c’est surtout ce qu’annonce l’envolée des stocks qui n’en finit pas dans le secteur de l’ancien où ils représentent 9,6 mois de ventes, un record depuis que la chronique existe, soit depuis janvier 1999. Le taux d’investissement en logement, qui avait inscrit un point haut, à 5,4 % du PIB, au 8 Etats-Unis Permis de construire 2400 Milliers par an 2000 1600 1200 800 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 Source : Census second semestre 2005, est tombé à 4,2 % au deuxième trimestre 2007 et il n’a pas fini de se replier. La crise immobilière actuelle est au moins aussi sévère que celle de 1990-1991 où les mises en chantier étaient devenues inférieures à 900 000 en rythme annualisé (premier trimestre 1991) et où le taux d’investissement en logement était tombé à 3,6 % du PIB (premier semestre 1991). L’hypothèse retenue ici est un recul du taux d’investissement en logement pendant quatre trimestres supplémentaires pour se stabiliser à 3,7 % à compter du printemps 2008, et donc retrouver son niveau bas qu’il avait inscrit pendant quatre trimestres d’affilée au creux de la crise immobilière de 1990-1991. Le nombre de ménages incapables de faire face à leurs échéances de remboursement dans le secteur du subprime n’a pas fini de s’accroître et donc le nombre de saisies non plus. Cela va retarder la résorption des stocks d’invendus et donc la sortie de crise du secteur de la construction résidentielle. Cette dernière a déjà amputé comptablement le PIB à hauteur d’un point, elle pourrait encore l’amputer à concurrence d’un demi-point à l’horizon du printemps 2008. Cependant, dans le sillage des taux sur emprunts d’Etat à 30 ans, les taux hypothécaires ont déjà reculé, ce qui contribue à soulager les emprunteurs. De même, l’amorce d’une baisse des taux directeurs de la Fed va alléger la pression sur les emprunteurs endettés à taux variables. Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Les risques sur la consommation A mesure que l’immobilier s’enfonce dans la crise (ou reste enfoncé dans la crise), les risques d’une défaillance de la consommation des ménages croissent. Au-delà des effets de richesse négatifs qu’il faut attendre de la baisse des prix de l’immobilier qui devrait se poursuivre, de l’impact négatif du durcissement des conditions de crédit qui s’est déjà opéré, la consommation des ménages devrait souffrir de la détérioration encore à venir du marché du travail. Elle sera pénalisée par la nécessaire remontée du taux d’épargne. Ce dernier atteignait 0,7 % en juillet 2007 ; nous envisageons qu’il se redresse jusqu’à 2,6 % à horizon de la fin 2008. La consommation des ménages augmenterait ainsi à un rythme inférieur à 2 % l’an au second semestre 2007 et à peine supérieur à 2 % l’an au premier semestre 2008, se raffermissant un peu dans la deuxième partie de 2008. Des scénarios plus pessimistes peuvent être envisagés, mais il ne faut pas oublier que la situation patrimoniale nette des ménages reste à ce jour encore favorable malgré le recul de Wall Street, que l’inflation devrait se modérer ce qui soutiendra le pouvoir d’achat et que la Fed va baisser ses taux, soulageant les ménages endettés. La demande intérieure peine à prendre le relais comme facteur de soutien à la croissance japonaise Alors que l’économie nippone semblait se diriger en 2006 vers une croissance plus équilibrée où le dynamisme des exportations se transmettait non seulement à l’investissement productif mais également à la consommation privée, les récentes évolutions conjoncturelles ont mis à mal ce scénario. Le PIB s’est replié de 1,2 % au deuxième trimestre 2007 en rythme annualisé. Ces chiffres reflètent une forte contraction de l’investissement (-4,8 % l’an), ainsi qu’une progression limitée de la consommation des ménages. Rien n’indique qu’une amélioration soit intervenue récemment concernant ces deux aspects. Les ventes au détail étaient encore en recul de 2,3 % sur un an au mois de juillet, leur plus forte baisse enregistrée depuis dix sept mois. Toujours en juillet dernier, les gains mensuels nominaux et réels s’inscrivaient en baisse de 3,9 % sur un an, et ce malgré une poursuite de la baisse du taux de chômage. A l’atonie de la consommation des ménages s’ajoute un repli de l’investissement résidentiel. L’anémie des salaires s’explique par un partage de la valeur ajoutée toujours plus favorable aux entreprises, l’enquête du Ministère des finances indiquant une hausse de 12 % sur un an des profits des sociétés non financières. Pourtant, ces dernières continuent à réduire leurs dépenses d’investissement (- 4 % sur un an selon cette même enquête). Légère décélération de la croissance en perspective En ligne avec un ralentissement de l’activité aux Etats-Unis, le rythme de progression des exportations japonaises décélèrerait en 2007 et 2008, progressant au rythme de 6,8 % et 5,6 % l’an contre 9,6 % en 2006. Par ailleurs, le débouclage des opérations de carry trade, consécutif à la crise des subprime, s’est traduit par un raffermissement du yen qui pourrait affaiblir le moteur externe de la croissance. Il en résulterait un ralentissement de l’investissement productif. Le potentiel de rebond de la consommation privée reste en question. Pour que celle-ci progresse significativement, il faudrait que le partage de la valeur ajoutée des entreprises se fasse davantage en faveur des salaires. Au total, la croissance nippone ressortirait à 2 % en 2007 et 1,9 % 2008 contre 2,2 % en 2006. Du côté de la politique monétaire, une hausse des taux a peu de chance d’intervenir avant la fin de l’année, tant le contexte reste déflationniste. L’indice d’inflation sous-jacente était encore en recul de 0,1 % en glissement annuel en juillet pour le sixième mois consécutif. 9 Conjoncture et prévision La croissance reste forte dans les pays émergents Un des principaux faits saillants de la conjoncture actuelle est la résilience des pays émergents face au ralentissement économique observé dans les pays développés. Une croissance chinoise toujours exubérante Le Bureau National de la Statistique a annoncé cet été une révision de la hausse du PIB chinois pour l’année 2006 (+11,1 % en moyenne annuelle contre 10,7 % en première estimation). Si le détail des comptes n’est à ce jour pas communiqué, il semblerait qu’à nouveau les exportations tout comme les investissements aient largement contribué à ce résultat. Les rythmes de croissance affichés depuis le début de l’année 2007 (+11,9 % en glissement annuel au deuxième trimestre après 11,1 % au premier trimestre) ainsi que la bonne orientation des récents indicateurs conjoncturels donnent à penser que la croissance 2007 pourrait à nouveau franchir la barre des 11 %. Les exportations continuent à progresser vivement, suggérant la poursuite d’importants gains de marché. L’excédent de la balance des marchandises atteignait d’ores et déjà atteint fin juillet 156 milliards de dollars, Chine Inflation 9 Glissement annuel en % 6 3 0 Du côté de la demande interne, le ralentissement à peine perceptible de l’investissement en capital fixe n’est pas de nature à satisfaire les autorités. En dépit de l’ensemble des mesures administratives instaurées pour lutter contre les surcapacités qui se développent dans certains secteurs, l’investissement a encore progressé de 25 % en glissement annuel au premier semestre, contre 29,8 % en 2006. Néanmoins, le redéploiement géographique de l’investissement à la faveur des zones urbaines du centre et de l’ouest se poursuit. Du côté de la consommation, la progression des ventes au détail en volume reste forte (10,8 % sur un an en juin), mais ne s’accélère pas. Le rééquilibrage de la croissance chinoise – moins d’investissements et d’exportations, plus de consommation privée domestique – se fait donc toujours attendre. L’accélération de la hausse des prix observée en Chine ces derniers mois (+5,6 % en juillet 2007) tient davantage à un choc d’offre sur certains produits (comme le porc ou les oufs) qu’à une véritable dynamique inflationniste. Pourtant, la Banque centrale a de nouveau augmenté le ratio de réserves obligatoires. Le durcissement des conditions monétaires répond moins à une accélération de l’inflation, qu’à un objectif de lutte contre les risques de surinvestissement et de distribution excessive des crédits. La poursuite du resserrement du crédit et le développement des surcapacités finiraient par freiner la croissance à partir de 2008. Résilience de la croissance en Asie -3 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Source : China Economy 10 après un surplus record en 2006 (177 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année). Alors que les pressions internationales pour une appréciation plus rapide du yuan s’intensifient, les possibilités accrues de sorties de capitaux chinois, induites par la récente vague de libéralisation financière, pourraient en revanche limiter l’appréciation de la devise chinoise. La crise des subprimes n’a pas généré, pour l’instant, de tensions majeures dans les pays émergents d’Asie autres que la Chine. Les Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 indices boursiers et les devises des principaux pays de la région ont effacé en partie la correction qu’ils avaient subie au cours de l’été. Seuls les « spreads » obligataires restent encore tendus suggérant une réévaluation depuis des niveaux très bas du risque souverain à l’égard des pays les plus fragiles. A moins qu’elles ne s’amplifient encore, les turbulences financières actuelles ne semblent pas sur le point de casser le dynamisme régional. La vigueur de la croissance a de nouveau surpris au premier semestre 2007. Les acquis de croissance s’inscrivent pour de nombreux pays au-delà de ceux constatés lors du premier semestre 2006 : c’est le cas des Philippines, Singapour, Taiwan ou encore de l’Indonésie. Les récents indicateurs d’activité semblent annoncer un prolongement de la dynamique. Les moteurs de la croissance ne sont cependant pas homogènes. Alors que certains pays, comme la Malaisie et Singapour, bénéficient d’un soutien important de la consommation domestique, d’autres, comme la Corée du Sud ou l’Indonésie, connaissent un essor remarqué de leur commerce extérieur. Il reste à signaler le cas des Philippines où la croissance est en trompe-l’œil procédant en premier lieu d’un vif recul des importations. Tous les pays de la zone, excepté l’Inde, affichent au demeurant des excédents courants au premier semestre 2007. En outre, les autorités monétaires semblent avoir réussi à garder l’inflation sous contrôle (excepté Singapour et l’Inde). Au total, hors Chine et Inde, la croissance régionale atteindrait encore 5 % cette année et 4,7 % l’an prochain. Pour sa part, l’économie indienne ralentirait un peu plus nettement en 2008. Le pays fait actuellement face à des entrées massives de capitaux qui non seulement alimentent l’appréciation réelle de la roupie mais génèrent également un endettement extérieur important. Sur l’année 2007-2008, le surplus du compte de capital s’est élevé à + 47 milliards de dollars, dont 67 % s’est révélé générateur de dette. Face au coût élevé du crédit domestique, de nombreuses entités locales se sont en effet tournées vers des emprunts en devises étrangères. La dérive des prix et l’appréciation réelle de la devise (+7,5% depuis le début de l’année) confrontent les autorités à un dilemme. Si le durcissement des conditions monétaires est nécessaire pour freiner l’inflation, il alimente en retour les entrées de capitaux et l’appréciation réelle de la roupie, renforçant le déséquilibre extérieur. Dans ces conditions, la RBI pourrait n’avoir d’autre choix que de resserrer à nouveau sa politique monétaire, ce qui finirait par peser sur l’investissement domestique et donc la croissance. Atterrissage en douceur en Amérique latine L’Amérique latine n’a pas été épargnée par les turbulences financières de l’été (dépréciation du change, recul des indices boursiers, montée des « spreads » obligataires). Toutefois, la région paraît mieux armée que précédemment pour résister aux chocs externes. Tous les pays de la zone affichaient des excédents courants au premier trimestre 2007, exception faite du Mexique et de la Colombie où les déficits restent cependant modérés. Les réserves de changes se situent à des niveaux élevés même si elles ont légèrement reculé au Mexique, au Venezuela et au Chili. Enfin, la demande intérieure continue de soutenir la croissance ce qui rend la zone moins vulnérable à un ralentissement de la croissance économique mondiale, sauf au Mexique dont l’économie reste très sensible au cycle américain. Sur le front de l’inflation, le dynamisme de la demande interne, conjugué à la hausse des prix des produits agricoles et alimentaires, génère des tensions d’ampleur variée selon les pays. Les risques restent limités au Mexique, au Brésil, en Colombie et au Chili. Dans ces pays, les tensions inflationnistes paraissent modérées et les politiques monétaires crédibles dans le cadre de stratégie de ciblage d’inflation et de politique active de taux d’intérêt. La situation apparaît plus critique en Argentine où l’inflation officielle 11 Conjoncture et prévision était de 8,7% en août et au Venezuela où elle atteignait 17,2% en juillet, sans que les mesures administratives ne parviennent à les juguler. Dans un contexte mondial de ralentissement ordonné, le scénario d’un atterrissage en douceur des économies latino-américaines paraît devoir être privilégié. En 2007 et 2008, la hausse du PIB agrégé de la zone se modérerait (4,5% en 2007, 3,8% en 2008 après 5,2% en 2006). Le moindre dynamisme des exportations serait partiellement compensé par une demande intérieure encore bien orientée. Seuls l’Argentine et le Venezuela connaitraient un ralentissement marqué, la trajectoire actuelle de leur économie paraissant insoutenable. Perspectives favorables en Europe de l’Est, malgré certains facteurs de vulnérabilité Au premier semestre 2007, l’activité est restée soutenue en Europe de l’Est, dopée par le dynamisme du PIB russe (+ 7,9 % sur un an en volume) mais également par les belles performances enregistrées par la Pologne (+ 7 %), la République tchèque (6 %) et la Slovaquie (9,1 %). Seuls les résultats de la Hongrie ont déçu avec une hausse du PIB en volume de seulement 2,1 % sur un an. Si la croissance des pays de la région est restée dynamique au cours des six premiers mois de l’année, elle est cependant entrée dans une phase de décélération après avoir atteint un point haut à la fin 2006 - début 2007. Ainsi, les indices de production industrielle tendent à plafonner en Pologne, République tchèque et Hongrie (ils demeurent cependant orientés nettement à la hausse en Slovaquie et Russie). De même, les carnets de commandes dans l’industrie ont cessé de progresser depuis le printemps dernier sans pour autant afficher un repli (sauf en Hongrie). Si le dynamisme des exportations se maintient, celles-ci augmentent cependant à un rythme moins soutenu. Autre preuve d’une modération de l’activité, les déficits courants ne se sont pas accentués au 12 premier trimestre 2007 en Europe centrale. En revanche, ils ont continué de se creuser en Europe orientale et dans les pays Baltes. Dans les trimestres à venir, l’activité en Europe de l’Est devrait continuer à se modérer sans pour autant connaître un ralentissement très marqué. Tout d’abord, l’investissement demeurerait bien orienté comme le suggère le niveau élevé des taux d’utilisation des capacités de production en Pologne et en République tchèque. Par ailleurs, la situation sur le marché du travail s’est nettement améliorée depuis 2004, tout particulièrement en Pologne et en Slovaquie où le taux de chômage a fortement reculé. La consommation privée devrait donc se maintenir en ligne avec des hausses de salaires réels qui ont continué d’accélérer en Pologne et en Slovaquie depuis le début de l’année et se sont stabilisées à un niveau élevé en République tchèque et en Russie. Par ailleurs, la croissance russe continuerait de profiter d’un prix du pétrole élevé. Au total, l’hypothèse retenue est celle d’un atterrissage en douceur de la croissance avec un PIB en volume de la zone agrégée ressortant en hausse de 5,8 % en 2008 après 6,5 % en 2006 et 2007. Ce scénario reste néanmoins conditionné au fait que la crise financière de cet été ne se traduise pas par une contraction des flux de capitaux étrangers nécessaires au financement des déficits courants qui sont élevés en Europe orientale et dans les pays baltes. Certains pays sont d’ailleurs très exposés aux investissements de portefeuille étrangers et/ou avec un secteur privé très endetté en devises (à l’instar de la Hongrie ou de la Roumanie). Tensions persistantes sur les prix du pétrole Les cours du pétrole ont fortement augmenté depuis leur niveau plancher de janvier 2007. Contrairement à l'année 2006, le contexte géopolitique explique une faible part de cette envolée. En outre, les troubles récurrents au Nigeria et en Iraq, qui ont impliqué des diffi- Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Cours du pétrole brut (Brent) 85 $/baril 75 la production non-OPEP et à celle de la filière du gaz naturel liquéfié des pays de l’OPEP (+0,6 mb/j). Au final, l’Organisation restera un acteur majeur dans un marché toujours tendu. 65 Les prix des métaux ont connu une accalmie durant l’été, après avoir enregistré une forte hausse depuis le début 2007. Le repli reste limité pour le cuivre et le plomb, mais les cours de l’aluminium, du zinc et du nickel se situent désormais à des niveaux plus bas qu’au début d’année 2007. 55 45 35 25 2003 2004 2005 2006 2007 Source : Teleco cultés d'approvisionnement et une amputation de production au printemps d'environ 0,5 mb/j, sont désormais bien moins sérieux depuis juillet. Le niveau relativement faible des stocks de brut, tant aux Etats-Unis qu'en Europe ou en Asie, convient d’être rapproché de la politique de réduction des quotas de production décidée par l'OPEP à la fin de l'année dernière, qui s'inquiétait alors d’un cours du pétrole durablement inférieur à 60 dollars le baril. A cela s'est ajouté le problème du vieillissement de l'appareil de raffinage aux EtatsUnis qui s'est soldé par l'indisponibilité technique de certaines installations et une forte envolée du prix de l'essence. Le rebond prévu de la production de l'OPEP, supérieur à 2 mb/j pour les deux derniers trimestres de cette année, ne tient pas tant à la récente révision mi-septembre des quotas qu’à l'accroissement de la production rendu nécessaire à l'approche de l'hiver. En outre, la croissance de la demande mondiale, qui est ressortie au premier semestre à seulement +0,8 % sur un an, devrait, d'après l'Agence Internationale de l’Energie (AIE), s'accélérer à + 2,7% en moyenne au cours des deux derniers trimestres de cette année. En moyenne, cela conduirait à une augmentation de la demande mondiale en 2007 de 1,7 % relativement à 2006. L'année 2008 devrait rester une année de croissance soutenue de la demande, voisine de celle observée en 2007. De son côté, l’offre mondiale devrait être plus vigoureuse l’année prochaine et ainsi être en mesure de satisfaire les besoins mondiaux, notamment grâce à la croissance de Par ailleurs, il est probable qu’en 2008 les matières premières agricoles connaîtront à nouveau des tensions particulièrement vives. Si la hausse des cours des matières agroindustrielles s’est assagie, la hausse des cours des produits alimentaires (+24,6% en août sur un an) est la plus soutenue depuis début 2003. Les besoins des pays émergents en sont la principale raison et concernent tout particulièrement les céréales, les huiles et le blé, mais également le café. Croissance modérée persistante en Europe Retour vers la croissance potentielle en zone euro La croissance de la zone euro a fléchi au deuxième trimestre 2007 (1,5 % en taux annualisé par rapport au premier trimestre). Certes, ce chiffrage comporte une partie d’aléas, en particulier concernant l’investissement. Un sursaut devrait donc intervenir au troisième trimestre. Il reste que plusieurs signaux convergent pour indiquer une inflexion de la croissance européenne. Ceci signifie que la forte croissance enregistrée en 2006, et plus particulièrement au premier semestre où elle avait approché 4 % l’an, correspondait à une phase d’accélération cyclique, plutôt qu’à un relèvement significatif de la croissance potentielle, et ce malgré un certain nombre d’avancées sur le plan des réformes structurelles. 13 Conjoncture et prévision Zone euro Croissance du PIB en volume 4 % teur. Enfin, la croissance des prêts immobiliers aux ménages s’est ralentie : leur encours n’était plus en progression que de 8,1 % en juillet 2007, contre un pic à 12 % mi-2006. 3 Pas de tensions inflationnistes 2 1 0 -1 2001 2002 2003 2004 Variations trimestrielles Source : Eurostat 2005 2006 2007 Glissement annue L’appréciation de l’euro mord sur la croissance européenne Le premier facteur qui explique cette modération de la croissance de la zone euro réside dans l’appréciation du change. Le taux de change effectif nominal de l’euro s’est apprécié d’un peu plus de 6 % entre le début 2006 et la mi-2007. Dans le contexte d’une conjoncture internationale un peu mois porteuse, les exportations de la zone euro ont ainsi sensiblement ralenti au premier semestre 2007, enregistrant une progression moyenne de 3,6 % l’an, à comparer avec une hausse supérieure à 8 % en 2006. Un retournement est amorcé dans l’immobilier résidentiel Un second facteur à l’origine du ralentissement de la croissance dans la zone euro réside dans les effets du resserrement de la politique monétaire qui s’est progressivement retrouvé dans les taux de marché. Ceci a notamment eu pour conséquence l’amorce d’un atterrissage – jusqu’ici en douceur – de l’immobilier résidentiel. Les permis de construire résidentiels ont ainsi fortement reflué depuis le début de l’année, même si ce tassement a été accentué par les soubresauts du marché espagnol. L’érosion du climat de confiance des chefs d’entreprise du secteur de la construction depuis l’automne 2006 constitue un autre indicateur de l’inflexion de la conjoncture du sec14 Avec la montée des tensions sur l’appareil de production, le net recul du chômage et le relèvement de la TVA des craintes avaient commencé à émerger avant l’été quant à la résurgence de pressions inflationnistes. En fait, il n’en a rien été, la hausse des prix à la consommation restant sous la barre des 2 % la mi2006 (1,7 % sur un an en août 2007). Un effet de base sur les prix du pétrole (ces derniers avaient fléchi fin 2006-début 2007) pourraient, temporairement, ramener le glissement annuel des prix de détail au-dessus de 2 %, mais une nette décélération interviendrait ensuite. Celleci tiendrait à une stabilisation des prix du pétrole en euros et à la disparition de l’effet du relèvement de la TVA allemande qui aurait impacter la hausse des prix dans l’ensemble de la zone euro d’environ 0,25 point cette année. Cela signifie que l’inflation sousjacente, plus exactement hors énergie et alimentation, est de l’ordre de 1,5 % en excluant l’effet TVA en Allemagne. Dans le contexte d’une croissance économique plus lente, l’inflation reviendrait vers ce rythme dans le courant du second semestre 2008, même si quelques de tensions ne sont pas à exclure du côté des prix des produits alimentaires. Ceci devrait inciter la Banque centrale européenne à assouplir sa politique monétaire dans la seconde moitié de l’année 2008. Une croissance inférieure au potentiel en 2008 Après le redressement attendu au troisième trimestre 2007, la croissance de la zone euro devrait repasser pour quelques trimestres sous le rythme de 2 % l’an, comme le suggère l’annonce d’un signal de retournement de l’indicateur avancé de Coe-Rexecode. La fermeté de l’euro continuerait à peser sur les exportations, tandis que l’ajustement du Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Zone euro 100 Indicateur avancé de retournement conjoncturel 80 60 40 20 0 -20 -40 -60 -80 -100 2003 2004 2005 2006 2007 Possibilité de retournement Forte probabilité de retournement Source : Coe-Rexecode secteur de la construction résidentielle devrait se poursuivre. S’adaptant à un rythme d’activité moins soutenu, les entreprises pourraient modérer leur effort d’équipement, et ce en dépit d’une situation financière encore globalement bonne, au moins jusqu’à la fin 2006, comme le suggère la hausse du taux de marge au second semestre de l’an passé (dernière donnée connue). Par ailleurs, conséquence de la crise financière, les entreprises pourraient éprouver davantage de difficultés pour financer certaines opérations tandis que le relèvement des primes de risque contribuerait à renchérir le coût du crédit. En revanche, la consommation des ménages pourrait assez bien résister, connaissant même une augmentation moyenne de 2 % en 2008 contre seulement 1,5 % cette année. Certes, la progression de l’emploi s’atténuerait graduellement, en ligne avec la croissance économique. Mais les ménages bénéficieraient d’une modération de l’inflation l’an prochain, tandis que la progression des salaires nominaux se maintiendrait autour de 2,5 % l’an, suite notamment à la concrétisation des accords de revalorisation des rémunérations signés outreRhin au printemps dernier. Au total, la progression du PIB de la zone euro atteindrait 2,5 % cette année, contre 2,9 % en 2006. Elle reviendrait à 1,9 % l’an prochain. La réduction du chômage, qui s’est amorcée début 2005, se poursuivrait, mais à un rythme plus atténué. Fin 2008, le taux de chômage atteindrait 6,5 %, contre 6,7 % un an plus tôt. Du côté des finances publiques, l’ensemble de la zone enregistrerait un déficit inférieur à 1 % du PIB cette année, ce qui constitue une nette amélioration par rapport à la situation observée sur la première moitié de la décennie. Mais cet assainissement reste très inégal selon les pays et reflète surtout le redressement des finances publiques allemandes. En l’absence de nouveaux programmes d’ajustement de grande ampleur, le solde se stabiliserait autour de ce niveau en 2008. La demande intérieure va-t-elle prendre le relais des exportations en Allemagne ? La croissance allemande a décéléré au premier semestre 2007, le PIB en volume progressant de 2,2 % l’an au cours des trois premiers mois de l’année puis de seulement 1 % au printemps. Si le choc de la hausse du taux de TVA a entraîné un vif recul de la consommation privée au premier trimestre 2007, le ralentissement enregistré au printemps dernier a été plus fort qu’anticipé. Outre un mouvement de déstockage, la progression de l’activité a été grevée par une vive correction à la baisse de l’investissement en construction. Cette dernière ne devrait cependant pas s’accentuer, les permis de construire de logements et les surfaces autorisées en construction non résidentielle étant reparties à la hausse depuis le début de l’année. La croissance allemande a probablement atteint un point haut à la fin 2006 avec un PIB en volume progressant de 3,9 % en glissement sur un an, elle est entrée désormais dans une phase de décélération. Les enquêtes de conjoncture indiquent que l’activité industrielle devrait se modérer. Les exportations se maintiennent à un niveau élevé mais ne donnent plus de signe d’accé15 Conjoncture et prévision lération. Si le commerce mondial devrait être globalement moins dynamique dans les trimestres à venir, les exportations allemandes continueraient de bénéficier de la bonne tenue de l’activité dans les pays émergents, tout particulièrement de l’appétit d’investissement chinois mais également des pays d’Europe de l’Est. Cependant, la cherté persistante de l’euro devrait mettre un terme aux gains de parts de marché enregistrés outreRhin. Face à une demande externe un peu moins vaillante mais qui demeurerait finalement encore bien orientée, la principale incertitude reste toujours de savoir si le moteur interne sera capable de prendre le relais pour éviter à l’économie de replonger dans une longue phase d’atonie comme celle qu’elle a traversée entre 2002 et 2005. Outre le fait que la crise actuelle de crédit pourrait avoir des conséquences négatives sur l’investissement des entreprises si elle était amenée à se poursuivre, le taux d’utilisation des capacités de production se replie depuis fin 2006, les commandes intérieures de biens d’équipement plafonnent et celles adressées au seul secteur de la construction de machines sont en recul après, il est vrai, avoir atteint un point haut historique. Si l’embellie sur le marché du travail s’est poursuivie au premier semestre 2007 avec 358 000 emplois créés, la décrue du taux de chômage a cependant marqué une pause en août et les résultats des enquêtes de conjoncture ne suggèrent pas de créations d’emplois aussi dynamiques que dans le passé. La consommation privée ne devrait cependant pas redevenir atone et se maintiendrait aux alentours de 2 % l’an en moyenne. Avec un peu plus de salaires et un peu moins d’inflation, les ménages bénéficieraient enfin en 2008 d’une légère hausse de leur pouvoir d’achat. Par ailleurs, l’annonce de comptes publics à l’équilibre dès cette année pourrait les inciter à se montrer un peu moins « fourmis » et à revoir un peu à la baisse leur taux d’épargne. 16 Croissance molle en Italie Au deuxième trimestre 2007, l’économie italienne a confirmé son ralentissement entamé au premier trimestre. En variation trimestrielle annualisée, la PIB en volume n’a progressé que de 0,5% contre 1,1% au trimestre précédent. L’acquis pour l’année 2007 est désormais de 1,5%. Les indicateurs conjoncturels disponibles audelà du printemps plaident pour un scénario de croissance molle fin 2007-début 2008, suivie d’une reprise graduelle à horizon 2008. Concernant les ménages, le marché de l’automobile se porte plutôt bien avec une accélération du nombre d’immatriculations depuis la fin de l’année 2006. Par ailleurs, la hausse des prix à la consommation s’est stabilisée en août (+1,6% sur un an), un rythme modéré favorable au pouvoir d’achat. Cependant, la confiance des ménages s’est dégradée au cours des derniers mois, les ventes au détail enregistrant une quasi-stagnation sur un an au deuxième trimestre 2007. De fait, en glissement annuel, le salaire nominal décélère constamment depuis le début de l’année, ce qui se traduit par une stagnation du pouvoir d’achat (0,2 % sur un an en juillet). Enfin, en 2007, les ménages ont pâti d’une fiscalité alourdie via un nouveau barème de l’impôt sur le revenu qui ponctionne davantage les ménages les plus aisés et aussi sous l’effet de nouveaux prélèvements sur les biens immobiliers hérités et certains produits d’épargne. Toutefois, dès le mois d’octobre, cet effet pourrait être légèrement atténué par les conséquences de l’affectation de la « cagnotte fiscale » (« tesorreto »), issue notamment des mesures de lutte contre l’évasion fiscale. Selon le décret de loi affectant le surplus des recettes fiscales, cette cagnotte sera redistribuée à hauteur de 6,5 milliards d’euros, soit 0,4% de PIB. Elle bénéficiera notamment aux petites retraites à hauteur de 900 millions d’euros pour 2007 et de 1,3 milliard en 2008. Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Plus généralement, la situation des finances publiques reste préoccupante. Le surplus des recettes fiscales n’a été que très marginalement affecté à la résorption du déficit comme le suggérait vivement la Commission européenne. De plus, la coalition Prodi peine à imposer les réformes structurelles concernant les retraites notamment. Par ailleurs, le taux d’utilisation des capacités, bien qu’en léger repli, reste élevé (78,2%) ce qui pourrait encourager de prochaines dépenses en biens d’équipement. Mais les marges de manœuvre des entreprises restent limitées. Leur taux d’investissement est déjà élevé et leur taux d’autofinancement est faible. Au total, le PIB ne progresserait que de 1,5 % en 2008, soit sensiblement moins que la moyenne de la zone euro. Décélération de la croissance espagnole en 2008 La croissance toujours soutenue observée au cours des deux premiers trimestres de cette année devrait se traduire par une progression du PIB pour l’ensemble de l’année 2007 comparable à celle de 2006. Toutefois, dans le sillage d’un ralentissement envisagé pour l’économie mondiale et pour celle de la zone euro, nous privilégions l’hypothèse d’une modération de la croissance plus marquée fin 2007début 2008 avec un rééquilibrage graduel à horizon 2008. Du côté des ménages, la consommation a progressé de 3,2% l’an au deuxième trimestre contre 3,9% au premier trimestre et, dans les prochains mois, les ménages pourraient pâtir du ralentissement observé sur le marché immobilier. En effet, sous l’effet du durcissement de la politique monétaire, les charges d’intérêt des ménages s’alourdissent. Début 2007, elles dépassent les 16% du revenu disponible brut (RDB). L’épargne financière des ménages espagnols est d’ailleurs négative (à hauteur de -3,5% du RDB fin 2006) et leur taux d’endettement avoisine les 135% du RDB, ce qui leur laisse peu de marge de manœuvre. Toutefois, en 2007, les dépenses des ménages resteraient soutenues par la modération des prix à la consommation, la situation favorable sur le marché du travail et la réforme fiscale. En 2008, les ménages risquent de pâtir du ralentissement de la croissance de l’emploi. En conséquence, la consommation des ménages progresserait finalement de 3,3% en 2007 et de seulement 2,3% en 2008. L’investissement en logement ralentirait toujours plus nettement (+3,2% en 2007 et +0,4% en 2008 après +6,4% en 2006), une hypothèse validée par l’inflexion des crédits hypothécaires. Du côté des entreprises, les indicateurs de court terme disponibles au-delà du deuxième trimestre sont plutôt pessimistes. Même si le taux d’utilisation des capacités reste à un niveau élevé (81,4%), les perspectives d’investissement sont affaiblies par un besoin de financement des sociétés non financières élevé (17,4% de la valeur ajoutée fin 2006). Sur le front externe, sous l’hypothèse d’une stabilisation de la parité euro-dollar courant 2008, le handicap de compétitivité cesserait de s’alourdir, le secteur exportateur ne demeurant pas moins le maillon faible de l’économie espagnole. De bonnes surprises outre-Manche : jusqu’à quand ? L’économie britannique n’en finit pas de surprendre par la fermeté de sa croissance. Sur les six derniers trimestres, la progression en volume du PIB n’est en effet jamais descendue en dessous du rythme de 2,7 % l’an. En outre, les dernières enquêtes de cet été relatives à la confiance dans l’industrie et les services restent toujours particulièrement bien orientées, ce qui devrait impliquer une poursuite de l’aiguisement des tensions sur les capacités de production disponibles. Cette performance de l’économie britannique repose en grande partie en 2007, comme en 2006, sur une consommation des ménages vigoureuse (+2,6 % sur un an au deuxième trimestre 2007). Elle est d’autant plus remarquable qu’elle se produit en 17 Conjoncture et prévision dépit, d’une part, de la fermeté de la livre par rapport au dollar comme par rapport à l’euro et, d’autre part, de la poursuite du processus de resserrement monétaire, initié en août 2006. La Banque d’Angleterre semble être parvenue à maitriser la dérive des prix, l’évolution de l’indice des prix à la consommation (+1,9 % sur un an) satisfaisant en juillet dernier, pour la première fois depuis mars 2006, à l’objectif de 2 % qu’elle s’était fixé. Toutefois, l’indice des prix de détail qui incorpore les charges d’intérêt hypothécaire, s’il tend également à décélérer, se situe toujours à un niveau particulièrement élevé (+3,9 % sur un an en juillet). Le taux d’épargne financière des ménages, négatif sur les cinq dernières années (-6,7 % du RDB au premier trimestre 2007), s’accompagne d’un endettement des ménages accru (156 % du RDB) avec, pour contrepartie, un fort effet de valorisation de leur patrimoine. Cet endettement a permis de financer leur consommation, et ainsi de soutenir la croissance. Mais cette situation pourrait ne pas se poursuivre au cours de l’année 2008. Le marché immobilier, dont la hausse des prix au cours du deuxième trimestre a été la plus vigoureuse depuis 2004, indique de légers signes d’assagissement sur les derniers mois. Si l’indice Halifax a crû encore en août dernier de 11,4 % sur un an, le taux de croissance sur les trois derniers mois indique une inflexion. D’autant que le nombre de prêts hypothécaires accordés est désormais en net repli et que le nombre de saisies de logements de ménages surendettés, qui certes n’atteint pas le niveau atteint en 2003, est reparti à la hausse depuis 2005, avec une forte accélération depuis le début 2007. Alors même que l’accession à la propriété a été avancée comme le dossier prioritaire du nouveau gouvernement Brown, les secousses financières d’août dernier pourraient avoir comme effet de déprimer l’offre de crédit et d’entraîner un retournement du marché immobilier britannique dès la fin 2007. Cela ne manquera pas d’avoir des effets sur la consommation. Les ménages devraient toutefois bénéficier d’un contexte plus favorable en termes de pouvoir d’achat, grâce notamment au reflux de l’inflation, après un exercice 2006 médiocre (+1,1 % relativement à 2005). 18 La crise financière pourrait également affecter la croissance britannique via la modération de ses exportations. Alors que l’excédent des exportations de services a doublé sur les cinq dernières années, la croissance de ces dernières pourrait marquer le pas, indépendamment de la tendance à l’appréciation de la livre, observable depuis le début 2007. Les exportations britanniques reposant fortement sur les services d’intermédiation bancaire, financière et les activités d’affaires (un tiers du secteur des services), la crise financière pourrait avoir pour conséquence une aggravation du déficit extérieur courant, alors qu’il semblait se stabiliser au premier trimestre à environ 3,6 % du PIB. Au total, la croissance britannique devrait être inférieure de l’ordre d’un point en 2008 par rapport à 2007 (1,9 contre 2,9 %). Une croissance française en peine d’accélération Comme la plupart des économies européennes, la croissance française a déçu au printemps en ne ressortant qu’à 1,3 % l’an. Toutefois, alors qu’en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie et en Espagne, la décélération de l’activité tient à un tassement des dépenses des ménages, et notamment de leurs dépenses d’investissement, l’affaiblissement de la croissance française s’explique pour l’essentiel par une modération de l’investissement productif et par une nouvelle contribution négative de la demande extérieure à la croissance. La progression des exportations (3,5 % l’an et 2 % sur un an) reste ainsi très en retrait de celle des marchés français à l’exportation (que nous estimons à 5,6 % sur l’ensemble de l’année en cours). A l’inverse, le dynamisme des importations s’est accéléré, ressortant à 8,5 % l’an. Les traits distinctifs de l’économie française semblent ainsi s’être encore renforcés au cours des derniers mois : soutenue par la dépense des ménages, qu’elle soit destinée à la consommation ou à l’investissement, la croissance en France reste bridée par une compétitivité toujours défaillante et même gagnée par des signes d’attentisme du côté de l’investissement productif. Les premières estimations de la croissance au deuxième trimestre soulignent combien l’éco- Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 nomie française peine à accélérer. Les premières indications disponibles relatives au troisième trimestre apparaissent toutefois plutôt favorable. Les dépenses de consommation des ménages ont vivement rebondi, les exportations ont été bien orientées en juillet et août, et l’indice de la production industrielle a effacé en juillet et en août son recul des deux mois précédents. Ce rebond peinerait toutefois à se prolonger durablement. Les enquêtes de conjoncture auprès des directeurs d’achat se tassent depuis plusieurs mois. C’est notamment le cas de l’enquête PMI dans l’industrie qui reste tirée à la baisse par le tassement régulier des opinions sur les nouvelles commandes, notamment à l’exportation. Les résultats des enquêtes Insee dans l’industrie sont en revanche mieux orientés. Pour sa part, si l’indice de confiance dans le secteur de la construction ne marque aucun signe d’inflexion pour l’heure, la dynamique du secteur paraît se modérer en ligne avec le vif repli de la consommation de ciment et, à plus long terme, avec l’amorce d’un recul des permis de construire de logements et de bâtiments non-résidentiels. A nouveau, le secteur du commerce de détail fait exception. Interrogés en août, les chefs d’entreprise de ce secteur faisaient état d’intentions de commandes record. Le particularisme français qui tient à ce que la progression de la consommation des ménages a systématiquement dépassé celle du PIB depuis 2001 pourrait ainsi se prolonger en 2007 et 2008. La consommation des ménages serait en effet favorisée par l’introduction du paquet fiscal voté à l’été. Les mesures liées à la déduction des intérêts, aux exonérations sur les droits de succession et les donations, à la défiscalisation des heures supplémentaires, à l’abaissement du bouclier fiscal et aux aménagements des règles de l’ISF portent sur des montants (en année pleine et en régime de croisière) qui approchent neuf milliards d’euros. La majeure partie de ce montant vient soutenir le pouvoir d’achat du revenu des ménages. Il est toutefois probable qu’une part de ce surcroît de revenu sera épargnée. Il reste également délicat d’évaluer ex ante dans quelle mesure la défiscalisation des intérêts versés pour l’acquisition du logement viendra soutenir les volumes d’activité et d’investissement dans le logement ou plutôt les prix de ces derniers. Nous avons privilégié l’hypothèse que cette mesure viendrait atténuer les risques baissiers qui pèsent sur l’investissement en logement des ménages. Alors que nous retenions encore en avril dernier un scénario de recul de l’investissement en logement des ménages en 2008, nous privilégions désormais une légère progression de ce type de dépense et ce en dépit de la brutale remontée des stocks de maisons neuves qui s’est opérée au cours des derniers mois. La progression de l’emploi irait en se modérant Si les mesures fiscales pourraient à nouveau favoriser la consommation des ménages, celleci risque toutefois de se trouver affectée par la modération de l’emploi comme par une inflation un peu plus vive en 2008 que lors de l’exercice en cours, voire par des prélèvements accrus face à la montée du déséquilibre des comptes de l’assurance-maladie (mise en place d’une franchise sur les actes médicaux). Avec 60 000 créations d’emplois salariés dans le secteur concurrentiel, les chiffres de l’emploi au deuxième trimestre marquent un fléchissement après, il est vrai, un début d’année très dynamique. Ce léger ralentissement se double toutefois d’un recul des missions d’intérim depuis quelques mois et d’une remontée du nombre de chômeurs en août. Par ailleurs, les soldes d’opinions des industriels comme des chefs d’entreprise dans les services quant à l’évolution prévue de leurs effectifs plafonnent depuis quelques mois, suggérant, une dérive un peu moins vive de l’emploi marchand. Pour sa part, la hausse des effectifs salariés des administrations publiques pourrait se modérer en 2007 et plus encore en 2008 après avoir contribué à un peu moins de la moitié des créations d’emplois observées entre 2003 et 2006. Du côté des prix, l’inflation serait soutenue par une accélération progressive des prix des produits alimentaires en 2007 et 2008 en ligne notamment avec les tensions sur les cours mondiaux de ces produits. Les dépenses des administrations publiques se modéreraient pour leur part sous l’effet 19 Conjoncture et prévision d’une décélération des dépenses de consommation collective (notamment les achats de produits de santé). L’entrée dans le cycle électoral communal pèserait également jusqu’en milieu d’année prochaine sur les dépenses d’investissement des collectivités locales. Du reste, les permis de construire pour les bâtiments publics ont vivement corrigé à la baisse au cours des derniers mois. Le comportement de dépense des entreprises apparaît plus difficile à tracer. La modération de l’investissement productif au printemps se marie mal avec des intentions de commandes de la part des commerçants de gros de biens d’équipement qui restent bien orientées. Elle est également contredite par la bonne tenue des opinions des industriels du secteur des biens d’équipement quant au niveau de leurs carnets de commandes. Enfin, les mises en chantier de bâtiments non résidentiels s’inscrivent à un niveau élevé depuis le début de l’année. Le principal frein à une franche accélération des dépenses d’investissement qui les feraient passer au-dessus de leur rythme tendancieux qu’elles suivent depuis quatre ans est à rechercher à nouveau dans les médiocres résultats des sociétés non financières installées sur le territoire. Connus jusqu’au deuxième trimestre, les profits bruts (avant distribution) de ces dernières reculent de 9,4 % sur un an et leur taux d’endettement inscrit trimestre après trimestre de nouveaux records. Il voisine avec le seuil de 150 % de la valeur ajoutée au terme du deuxième trimestre. Par ailleurs, les flux entrants d’IDE en capital social ont reculé de 19 % au premier semestre 2007 par rapport à la même période de l’année dernière quand dans le même temps les flux sortants de ce même type de capitaux ont été quasiment multipliés par deux. Le potentiel d’accélération des dépenses d’investissement productif apparaît ainsi des plus modestes d’autant que le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie manufacturière reste à un niveau relativement proche de sa moyenne de longue période. Dans un contexte de croissance molle, le redressement des résultats des entreprises ne s’opérerait que lentement et ce d’autant que les salaires progresseraient à nouveau d’un peu plus de 20 2,5 % soutenus notamment par l’aiguisement des difficultés de recrutement. Le redressement des comptes des entreprises reste tributaire de l’arrêt de la dégradation de la compétitivité de l’économie française. Pour l’heure, le recul de nos parts de marché à l’exportation se poursuit que ce soit pour les échanges internationaux de marchandises ou pour ceux de services. La pénétration du marché domestique par les importations s’est en outre encore renforcée. Les premières mesures annoncées (extension du crédit d’impôt recherche notamment) ne sauraient exercer d’effet positif sur la compétitivité extérieure avant quelques exercices. D’ici là, la compétitivité du site de production France risque de pâtir du niveau élevé de l’euro mais aussi à d’une montée des difficultés d’offre du fait d’un faible investissement passé, notamment dans l’industrie dont le capital installé sur le territoire se contracte depuis 2002. Elle serait aussi pénalisée par les tensions liées aux goulots de main d’ouvre. Nous retenons ainsi à nouveau pour l’exercice 2008 une hypothèse de progression des exportations françaises moins vive que celle de la demande mondiale adressée à la France. Enfin rappelons que notre scénario macroéconomique fait implicitement l’hypothèse que les turbulences financières récentes ne se traduiraient pas par un durcissement prononcé et durable des conditions de crédit. Le moteur de l’endettement qui a été l’un des principaux véhicules de la croissance de la demande interne resterait ainsi encore allumé en 2008. Les chiffrages des comptes trimestriels suggèrent que le PIB pourrait progresser de 1,8 % en 2007. Toutefois, certaines informations complémentaires, issues notamment des enquêtes de conjoncture, donnent à penser que la croissance en moyenne annuelle pourrait être plus proche de 2 % finalement. En 2008, la croissance du PIB ressortirait également à 2 %. Achevé de rédiger le 28 septembre 2007 Denis Ferrand - [email protected] Alain Henriot - [email protected] Cet article est basé sur les données connues au 13 septembre 2007. Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Annexe statistique 21 Conjoncture et prévision Principaux indicateurs mondiaux Part (%)1 2006 2006 Monde Etats-Unis Canada Japon Zone euro Allemagne France Italie Espagne Pays-Bas Belgique Autriche Grèce Portugal Finlande Irlande Luxembourg Royaume-Uni Suède Danemark Suisse Norvège Turquie Europe de l’Est Pologne Rép. tchèque Hongrie Roumanie Slovaquie Bulgarie Russie Ukraine Asie émergente hors Chine et Inde Chine Inde Corée du Sud Indonésie Taiwan Thaïlande Philipines Malaisie Hong-Kong Singapour Amérique latine Brésil Mexique Argentine Colombie Chili Pérou Venezuela Afrique Moyen-Orient 1 3 22 PIB2 2007 2008 Prix à la conso.2 2006 2007 2008 Balance courante3 2006 2007 2008 100 20,0 1,8 6,3 15,2 4,0 3,1 2,8 1,9 0,9 0,6 0,4 0,5 0,4 0,3 0,3 0 5,3 2,9 2,7 2,2 2,8 3,1 2,0 1,9 3,9 2,9 3,2 3,1 4,2 1,3 5,5 6,0 6,2 5,1 2,0 2,5 2,0 2,5 2,6 1,8 1,8 3,9 2,5 2,7 2,7 3,4 2,0 4,7 4,5 3,8 4,7 2,3 2,2 1,9 1,9 2,1 2,0 1,5 2,6 2,1 2,1 2,2 3,1 2,0 2,7 3,5 3,5 3,2 2,0 0,2 2,2 1,7 1,7 2,1 3,5 1,2 1,8 - 2,9 2,4 0,1 2,0 2,0 1,6 1,7 2,7 1,6 1,5 - 2,6 2,3 0,6 1,8 1,7 2,0 1,9 2,9 1,6 1,6 - -811 20,8 171 -10,5 147,8 -28,3 -47,3 -106,3 57,4 7,9 - -726 25,5 195 -17,7 188,0 -32,5 -42,0 -130,7 54 9,8 - -697 23,7 202 -39,0 184,0 -35,2 -37,8 -143,9 52,4 8,3 - 3,2 0,5 0,3 0,4 0,3 1,0 5,4 0,9 0,4 0,3 0,3 0,1 0,1 2,6 0,6 32,5 7,3 16,9 6,6 1,8 1,7 1,1 0,9 0,7 0,5 0,4 0,2 7,2 2,7 1,8 0,9 0,6 0,3 0,3 0,3 2,6 1,9 2,8 4,2 3,0 3,2 2,8 5,8 6,5 6,1 6,1 3,9 7,7 8,3 6,1 6,7 7,1 9,2 5,8 11,1 9,4 5,0 5,5 4,6 5,0 5,4 5,9 6,8 7,9 5,3 3,7 4,8 8,5 6,8 4,0 7,8 10,3 5,6 5,1 2,9 3,5 2,1 2,7 3,2 5,2 6,4 6,4 5,6 2,4 6,3 8,7 5,8 7,0 6,5 9,1 5,5 11,3 8,8 4,4 5,8 4,2 4,0 6,0 5,2 5,5 6,9 4,6 4,4 2,5 7,0 6,0 5,9 7,0 6,0 5,2 4,5 1,9 3,0 1,9 2,0 2,7 5,0 5,8 5,0 5 2,9 5,8 7,0 5,4 6,5 6,0 8,3 5,2 10,0 8,0 4,3 5,2 4,1 4,2 5,2 4,8 5,1 6,0 3,9 4,4 2,7 4,0 4,8 4,5 6,0 2,5 4,4 4,4 2,3 1,1 2,5 3,9 6,6 4,5 7,3 9,8 9,1 1,5 5,8 2,2 13,1 0,6 4,7 6,3 3,6 2,0 1,0 4,2 3,6 10,9 4,3 3,4 13,7 - 2,5 2,3 2,6 7,6 4,0 2,5 5,3 8,5 10 3,9 6,0 2,5 6,3 1,1 2,5 2,5 1,9 1,6 2,1 3,6 4,1 9,6 5,8 3,0 18,3 - 2,0 2,8 4,0 4,0 4,3 2,2 4,5 7,7 8,8 3,4 5,3 2,9 5,7 1,5 2,9 2,4 2,4 1,8 2,8 4,3 3,6 14,5 4,0 3,4 25,3 - -88,1 -8,0 -4,4 -6,3 -4,6 95,3 249,9 -9,3 6,1 10 24,7 3,2 5,0 25,6 20,6 36,7 13,6 -2,4 8,0 -3,1 5,3 -76,8 -12,5 -3,5 -5,8 -3,0 75,0 329,9 -14,9 2,1 9,8 24,2 10,0 6,0 26,0 19,0 40,6 9,0 -6,5 4,5 -3,0 5,5 -69,2 -10,0 -3,0 -5,5 -2,0 65,0 369,9 -14,5 1,4 7,0 22,0 11,0 3,5 26,0 12,0 45,3 8,0 -6,0 2,0 -3,1 2,0 27,2 - 17,5 - 15,0 - A parité de pouvoir d’achat - 2 Taux de variation annuel, en % Milliards de dollars (hors échanges intra-zone pour la zone euro). Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008 Taux de change et taux d'intérêt 2006 2007 2007 2008 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 2008 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 1. Taux de change 1 dollar US = … yen " = … euro 1 euro =…$ " = … yen " =…£ 1£ =…$ 116 0,80 1,25 146 0,68 1,84 118 0,74 1,35 159 0,68 1,99 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 119 0,76 1,32 156 0,67 1,95 121 0,74 1,35 163 0,68 1,99 118 0,73 1,37 161 0,68 2,02 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 115 0,74 1,35 155 0,68 1,99 2. Taux d'intérêt à 3 mois (%) Etats-Unis (bons du Trésor) Japon (euro-yen) Royaume-Uni (Libor) Zone euro (euribor) 5,2 0,3 4,8 3,1 5,2 0,7 6,0 4,1 4,4 1,0 5,9 4,1 5,3 0,6 5,5 3,8 5,3 0,6 5,7 4,0 5,4 0,8 6,3 4,5 4,8 0,8 6,5 4,3 4,6 0,9 6,3 4,3 4,6 1,0 6,0 4,3 4,3 1,0 5,8 3,9 4,2 1,1 5,5 3,8 3. Taux d'intérêt à 10 ans (%) Etats-Unis Japon Royaume-Uni Allemagne France Italie Espagne Zone euro 4,8 1,7 4,5 3,8 3,8 4,0 3,8 3,9 4,8 1,8 5,1 4,3 4,3 4,5 4,3 4,3 4,8 2,2 5,0 4,2 4,4 4,6 4,3 4,4 4,7 1,7 4,9 4,0 4,1 4,2 4,1 4,1 4,8 1,8 5,2 4,3 4,4 4,6 4,4 4,4 4,8 1,7 5,2 4,4 4,4 4,6 4,4 4,5 4,8 2,0 5,2 4,3 4,4 4,6 4,3 4,4 4,8 2,1 5,1 4,3 4,4 4,6 4,2 4,4 4,8 2,2 5,0 4,3 4,4 4,6 4,3 4,4 4,8 2,2 5,0 4,2 4,3 4,5 4,2 4,3 4,8 2,2 5,0 4,2 4,3 4,5 4,2 4,3 Prix des matières premières 2005 2006 2007 2008 Pétrole : $/baril de Brent 2007 2008 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 54,5 65,2 67,6 70,0 58,5 68,7 73,1 70,0 70,0 70,0 70,0 70,0 Matières premières hors énergie* (en rythme annualisé pour les données trimestrielles) en $ (indice Coe-Rexecode) 4,4 26,8 18,9 1,7 5,5 52,0 -3,0 -2,3 0,0 0,0 0,0 en euro (indice Coe-Rexecode) 4,1 25,6 11,0 1,2 -4,9 36,6 -7,2 2,5 0,0 0,0 0,0 * Taux de variation par rapport à la période précédente, en % 0,0 0,0 23 Conjoncture et prévision Prévisions annuelles des principaux indicateurs macro-économiques de la France Variations annuelles en % 2005 2006 2007 2008 1. Compte emplois-ressources (en volume) PIB Demande interne stocks compris Demande interne hors stocks Consommation privée Consommation publique FBCF totale logement productif administrations publiques Exportations de biens et services Importations de biens et services 1,7 2,4 2,2 2,2 0,9 4,0 6,2 2,7 7,2 3,2 5,4 2,2 2,5 2,4 2,3 1,6 4,1 4,5 4,6 1,3 6,3 7,1 1,8 2,1 2,0 2,0 1,6 3,0 1,3 4,5 4,1 3,3 4,2 2,0 2,1 2,1 2,5 1,4 2,1 0,7 2,8 1,8 3,9 4,1 2. Evolutions nominales PIB Prix de détail 3,5 1,8 4,5 1,7 3,9 1,5 4,1 2,0 3. Marché du travail Emploi salarié "marchand" Taux de chômage au sens du BIT (%) Salaire mensuel de base 0,5 9,9 2,8 1 9,0 2,8 1,5 8,1 2,7 0,6 7,8 2,8 4. Comptes d'agents Taux de marge des SQS en %* Pouvoir d'achat du RDB des ménages** Taux d'épargne brute des ménages (%)* Solde des comptes publics en % du PIB * 30,2 1,7 15,3 -3,0 5. Commerce extérieur Balance commerciale FAB-FAB en mrds d'euros (taux annuel) Balance courante (taux annuel) - en mrds d'euros - en % du PIB Moyenne sur la période 30,8 30,1 2,6 2,7 15,4 15,9 -2,5 -2,6 30,5 2,2 15,7 -2,6 -23 -27 -36 -40 -16,5 -1,0 -23,0 -1,3 -24,2 -1,3 -26,1 -1,3 * moyenne sur la période ** déflateur utilisé : indice des prix à la consommation Profil trimestriel de la croissance et des principaux indicateurs macro-économiques de la France Variations trimestrielles au taux 2007 2008 annuel (en % l’an) 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 1e tr. 2e tr. 3e tr. PIB 2,3 1,2 2,4 2,1 1,8 1,9 2,2 Consommation privée 2,1 2,4 2,6 2,4 2,4 2,4 2,5 Consommation publique 1,1 1,9 1,4 1,4 1,3 1,3 1,3 FBCF totale 4,9 1,5 3,0 2,4 1,7 1,7 2,6 Exportations de biens et services 5,6 3,5 4,9 3,6 3,4 3,4 4,1 Importations de biens et services 2,6 7,9 4,6 3,4 3,5 3,7 4,3 Prix de détail 0,9 2,6 3,3 2,4 2,0 1,2 1,6 24 4e tr. 2,3 2,6 1,3 3,0 4,6 4,8 1,4 Conjoncture et prévision Positionnement cyclique des économies par Jacques Anas Cet article récurrent de la revue Diagnostic(s) vise à fournir chaque trimestre une évaluation actualisée du positionnement cyclique des grandes économies, c’est-à-dire une première datation des points de retournements récents et une détection rapide des points de retournement en cours ou imminents. L’article se clôt par un « focus » sur l’indicateur de croissance sous-jacente. l est important de distinguer le présent du futur. Cela paraît une évidence mais à en croire les discussions sur la croissance française, il semble bien qu’il y ait confusion. Le PIB trimestriel est devenu l’instrument privilégié pour évaluer la croissance. Pourtant, il est volatil, connu avec retard et sujet parfois à révision deux à trois ans plus tard (± 0,3 %). Aussi, n’est-il pas forcément l’instrument adéquat pour évaluer la vitesse de déplacement de l’économie. Des indicateurs alternatifs existent. L’OCDE comme le Conference Board ont élaboré des indicateurs avancés ou coïncidents pour la France, mais peu connus et utilisés. Divers organismes français, publics ou privés tâchent d’estimer la croissance à travers des modèles économétriques : l’OFCE, la Banque de France, Natexis avec plus ou moins de succès. L’INSEE a construit un indicateur probabiliste mais fondé uniquement sur l’enquête INSEE dans l’industrie. La DGTPE a récemment élaboré un indicateur prototype. A coté ou sur la base de ces indicateurs, les économistes eux--mêmes font des évaluations chiffrées de la croissance. question anodine dans le cadre du positionnement cyclique tel que nous le définissons. Alors oui, il y a débat. La croissance tendancielle de la France est d’environ 2%. Est- on au-dessus ou en dessous ? Sera--t-on en dessous ou au-dessus l’an prochain ? C’est à ces questions que l’on doit répondre. Pour ce qui concerne le présent, l’indicateur de croissance sous-jacente développé par Coe-Rexecode (objet du « focus » qui en présente les principales caractéristiques méthodologiques) indique depuis six mois une croissance sousjacente aux alentours de 2,3 % - 2,4 %, ce qui est largement au-dessus de l’estimation INSEE. Ainsi, il n’y aurait pas eu encore de ralentissement en France, au sens cyclique du terme. Evidemment, un trimestre « exceptionnellement mauvais » (raisons climatiques) a pu venir troubler les cartes mais ne devrait pas mener à considérer que la croissance a fléchi. Ceci ne préjuge en rien du futur et n’empêche pas que l’on puisse prévoir un ralentissement cyclique dans les trimestres à venir. Tel semble bien être le signal donné par les indicateurs avancés de Coe-Rexecode au niveau global de la zone euro mais aussi pour la France. L’INSEE a soufflé un froid en publiant un chiffre bas de croissance au deuxième trimestre (0,3%) mais aussi parce que le glissement annuel avait chuté à 1,3%, ce qui semblait peu compatible avec d’autres indicateurs réels, comme la baisse importante du chômage. La question est donc : la croissance a-telle déjà ralentie en France ?. Ce n’est pas une Le risque de ralentissement serait plutôt devant nous que derrière nous. Bien entendu le policy-mix pourra infléchir ces tendances. Par exemple, le paquet fiscal en France pourrait soutenir la croissance au prix d’un déficit moins maitrisé. Une baisse des taux d’intérêt par la BCE pourrait aussi servir de stimulus pour contrecarrer des tendances baissières. I 25 Conjoncture et prévision Les fluctuations de la production Cyc le d e s affair es . . B A . .. β C D . α niveau tendance Cycle des affaires ou cycle classique (business cycle ), représenté par le niveau de la production. Cyc le d e c roissan c e . A 0 . écart à tendance D phase de ralentissem ent phase de récession Cyc le d u t aux d e c r oissan c e . α . 0 B taux de croissance instantané . β Source : Coe-Rexecode 26 Cycle de croissance (growth cycle ou deviation cycle ), représenté par l'écart du niveau de la production à sa tendance. . C Cycle du taux de croissance ou cycle d'accélération (accelation cycle ), représenté par le taux de croissance instantané de la production. Positionnement cyclique des économies Mais le signal est bien là et la probabilité d’un ralentissement est donc grande. Par contre, l’ampleur du ralentissement est encore incertaine. D’une part, l’évolution et la durée de la crise financière actuelle est difficile à prévoir, dépendant de l’étendue des pertes qui seront révélées peu à peu et de leur impact sur la confiance et les conditions de crédit. D’autre part, tout dépendra de la durée du ralentissement aux Etats-Unis et de ses répercussions en Europe en termes commercial et financier. Approche ABCD Le cycle économique peut être défini de plusieurs façons avec, pour chacune de ces définitions, une chronologie forcément différente des « points de retournement ». Dans le suivi empirique des cycles, on retient généralement trois définitions : le cycle classique, le cycle de croissance et le cycle d’accélération. CoeRexecode se concentre sur le suivi conjoncturel des pics et creux des deux premiers types de cycles, dans le cadre d’une approche intégrée dite ABCD. Depuis 1995, Coe-Rexecode a développé un système d’indicateurs mensuels probabilistes permettant de détecter en temps réel les pics et les creux des cycles classique et de croissance. Ainsi, les indicateurs avancés de retournement conjoncturel (IARC) permettent d’anticiper les points A et D du cycle de croissance. Ils sont calculés pour la France, l’Allemagne, l’Italie, la zone euro et les EtatsUnis. D’autre part, les indicateurs d’entrée et sortie de récession (IESR) fournissent une probabilité d’occurrence des points B et D, délimitant les phases de récession économique pour les Etats-Unis et la zone euro. Enfin, plus récemment, Coe-Rexecode a mis au point un indicateur statistique du rythme de croissance (IRC), qui fournit tous les mois une estimation instantanée de la vitesse de croissance de la France et de la zone euro. Nous rappelons rapidement la définition des trois types de cycles, représentés sur la figure de la page suivante. Le cycle des affaires Le cycle des affaires (business cycle) ou cycle classique reproduit le cycle du niveau d’activité global d’une économie. C’est la définition la plus répandue dans la littérature. Les points de retournement (nommés B et C dans la figure 1) de ce cycle délimitent les périodes de croissance négative, ou récessions, des périodes de croissance positive. Bien entendu, dans la réalité, une période de croissance négative sera reconnue comme une récession si elle obéit aussi à des critères minimum de durée et/ou d’intensité ainsi qu’à une diffusion suffisante au sein de l’économie. Par exemple, bien que la croissance en zone euro soit devenue négative en 2001 et 2003 dans plusieurs grands pays dans le sillage de la récession américaine de 2001, cet épisode n’a pas été suffisamment diffusé pour que l’on puisse parler de récession globale. Les pics et creux de ce cycle classique étant les moments où la croissance s’annule pour devenir négative ou positive, on les appellera respectivement entrées et sorties de récession. Le cycle de croissance Le deuxième cycle, très largement évoqué notamment en Europe, est le cycle de croissance (growth cycle). Ce cycle est défini comme l’écart de la série utilisée (généralement le PIB) à sa tendance de long terme. Ce cycle de croissance possède des points de retournement (nommés A et D sur la figure 1) qui peuvent s’interpréter assez facilement. En effet, le pic A du cycle de croissance est le moment où le taux de croissance repasse audessous du taux de croissance tendanciel. De même, le creux C représente le moment où il repasse au-dessus. En effet, le pic est atteint lorsque la dérivée de l’écart à la tendance s’annule, donc lorsque la dérivée de la série (assimilable au taux de croissance instantané) égale la dérivée de la tendance (soit la pente de la tendance si celle-ci est linéaire). Comme 27 Conjoncture et prévision Présentation de l’indicateur de croissance sous-jacente L’indicateur de croissance sous-jacente est un indicateur mensuel permettant d’évaluer, en temps réel, le « rythme de croissance » d’une économie. Il est calculé sur la base des enquêtes de conjoncture. Il a été réalisé pour l’instant pour la France et la zone euro. Le « rythme de croissance » correspond à la croissance sous-jacente de l’économie. En effet, il apparaît que le taux de croissance trimestriel du Produit intérieur brut (PIB) publié par les différents instituts de statistiques officiels est bruité. De plus, celui-ci n’est disponible que trimestriellement avec un délai d’un à trois mois et parfois avec des révisions non négligeables. Il ne permet donc pas un suivi optimal, en temps réel, de la conjoncture. L’indicateur mensuel proposé a pour objectif de cerner chaque mois la pente « réelle » de la croissance et d’en repérer les inflexions. Il constitue donc un outil précieux pour valider les signaux des indicateurs avancés IARC. De plus, il permet de calculer chaque mois un acquis de croissance. La croissance sous-jacente s’obtient par lissage de la variation trimestrielle glissante d’une estimation du PIB mensuel. Il est exprimé en rythme annualisé. Contrairement aux indicateurs de croissance publiés par d’autres organismes, l’indicateur ne vise pas à estimer la variation trimestrielle du PIB telle qu’elle est publiée par l’INSEE ou Eurostat, mais à évaluer le rythme de croissance sous-jacent qui, par définition, est moins volatil. Cependant, d’une année à l’autre, le bruit se compense, si bien que les taux de croissance annuels de l’indicateur de Coe-Rexecode et celui du PIB officiel sont proches. Présentation de l’IESR L’indicateur probabiliste d’entrée et de sortie de récession construit par le COE est basé sur un modèle à changements de régimes markoviens. Il fournit en sortie une probabilité instantanée d’appartenance à un régime de récession de l’économie, connue comme étant la probabilité filtrée. C’est cette probabilité estimée que nous récupérons en sortie pour construire notre indicateur probabiliste. Le modèle de Hamilton est appliqué sur un nombre fini K de séries coïncidentes avec le cycle d’affaires de référence. Pour les Etats-Unis par exemple, les séries sélectionnées sont le taux de chômage, la production industrielle, l’indice des annonces d’offres d’emploi parues dans la presse et les dépenses de construction du secteur privé. A chaque temps t, on obtient ainsi en sortie K probabilités conditionnelles d’appartenance au régime de récession. Ces probabilités conditionnelles sont alors agrégées en tenant compte des risques de première et de seconde espèce estimés empiriquement par le nombre de faux signaux et de signaux manqués. A chaque temps t, l’indicateur instantané d’entrée et de sortie de récession est alors défini comme étant l’agrégation des ces probabilités. Le signal de changement de régime est donné lorsque l’indicateur franchit le seuil de 0,5. Présentation du IARC L'indicateur avancé IARC combine l'information fournie par des séries qui ont une avance sur le cycle (elles se retournent avant que l'économie globale ne passe par son point de retournement). Pour la zone euro par exemple, les cinq séries qui composent l'indicateur sont un indicateur synthétique des principales bourses en zone euro, l'écart de taux d'intérêt (taux de rendement des obligations d’Etat à dix ans moins EURIBOR à trois mois), l'indicateur avancé du cycle économique aux Etats-Unis, un indicateur des prix de vente prévus dans le commerce de gros (biens intermédiaires industriels) et une variable synthétique des enquêtes d’opinion mensuelles en zone euro dans l'industrie des biens intermédiaires (résumé des réponses sur la production passée et prévue, les carnets de commandes global et étranger et le niveau des stocks). Les séries ont été sélectionnées parmi un inventaire de séries qui se sont révélées avoir une capacité prévisionnelle des points de retournement. Les propriétés suivantes ont été prises en considération : avance, pertinence économique, obtention rapide des données, faiblesse des révisions et de la volatilité. Chaque mois est calculé la probabilité que chacune des six séries soit passée par un point de retournement, suivant la formule des probabilités séquentielles de Neftçi. L'hypothèse est faite que la probabilité d'occurrence d'un point de retournement est indépendante de la durée de la phase en cours qui s'est déjà écoulée. Ces probabilités sont ensuite agrégées avec une pondération qui tient compte, pour chaque série, du risque de faux signal ou de celui de rater le cycle économique. 28 Positionnement cyclique des économies il faut donner un nom aux phases baissières et haussières, nous parlerons respectivement de ralentissement conjoncturel et de reprise (ou rebond) conjoncturelle. De même, nous dénommerons les pics A et les creux D, les points de retournement conjoncturels. Le cycle du taux de croissance Le troisième cycle est le cycle du taux de croissance ou cycle d’accélération. Le pic du cycle d’accélération (point ? sur la figure 1) représente le maximum atteint par le taux de croissance, et le creux (point ? sur la figure 1) indique que le taux de croissance est passé par son point bas. Il est difficile de donner un nom aux phases de ce cycle. Il est en tout cas périlleux de parler de ralentissement lorsque le taux de croissance franchit un pic. Par exemple, lorsque la croissance trimestrielle du PIB de la France, passe de 4 % l’an à 3 %, on ne peut parler de ralentissement conjoncturel car le PIB continue de croître à un rythme se situant au-dessus de sa croissance tendancielle. Il est aussi contestable de parler de reprise conjoncturelle lorsque la croissance passe de – 2 % l’an à – 1 %. Même si le taux augmente, il reste négatif, ce qui correspond à une baisse d’activité, donc à une période récessive. Paradoxalement, le cycle d’accélération est le plus populaire auprès des praticiens. Il est approché par le glissement annuel ou le taux de croissance trimestriel (du PIB en général). priori d’affirmer combien de temps il faut pour valider de manière définitive en « datation finale » ces points de retournement provisoires. En tout cas, si l’incertitude sur leur existence peut être levée assez rapidement, il n’en est pas de même pour la fixation de la date car les données sont souvent révisées et les effets de bord des filtres, lorsqu’ils sont utilisés, ajoutent une imprécision supplémentaire. Evaluation du passé récent La méthode non paramétrique de Bry et Boschan, complétée par une mesure de la sévérité (degré combiné de durée et d’intensité), est utilisée pour identifier les points de retournement provisoires sur le passé récent. Concernant le cycle de croissance, nous utiliserons en supplément d’appréciation, l’indicateur de rythme de croissance IRC (voir encadré) qui permet d’apprécier si la pente de croissance a croisé ou non la pente tendancielle, ce qui est le signe d’un changement de phase. Notons dès à présent la difficulté à identifier les « trous d’air » qui ne sont que des pauses dans la croissance et qui se caractérisent par le caractère « transitoire » du croisement de la pente tendancielle. Evaluation en temps réel Méthodologie La détection en temps réel s’appuie sur des indicateurs élaborés sur la base d’une modélisation non-linéaire à changement de régimes (pour plus d’information, voir Anas et Ferrara, 2004). Pour anticiper les points A et D du cycle de croissance, nous utilisons l’indicateur avancé de retournement conjoncturel (IARC) créé par le COE en 1995. Pour détecter en temps réel les points B et C du cycle d’affaires (il est difficile de trouver un indicateur avancé pour les récessions), nous utilisons l’indicateur d’entrée-sortie de récession (IESR) créé par le COE en 2000, à partir d’un modèle à changements de régimes markoviens. La datation récente des points de retournement ne peut être que provisoire, comme cela a été souligné précédemment. Il est difficile a Pour la zone euro, une mesure du degré de diffusion et de synchronisation des mouvements cycliques peut expliquer pourquoi au niveau global on identifie ou non un changement de Positionnement cyclique Le positionnement cyclique des Etats-Unis et de la zone euro est réalisé dans le cadre de l’approche ABCD. Dans un premier temps, nous rappelons la méthodologie utilisée pour mener à bien cette évaluation et notamment les indicateurs cycliques de Coe-Rexecode. 29 Conjoncture et prévision Etats-Unis Cycle des affaires (milliards $ 2000, CVS) 12000 11000 A B 10000 C D 9000 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2007 2008 Cycle de croissance en % 2 A 1 A 0 -1 D -2 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Cycle du taux de croissance en % 6 α α 4 α 2 β 0 Taux de croissance tendanciel Taux de croissance du PIB (mm3) β -2 1999 2000 2001 2002 2003 Source : Coe-Rexecode 2 30 2004 2005 2006 2007 2008 Positionnement cyclique des économies phase du cycle classique ou de croissance. Il est possible que des sous-ensembles cycliques persistants empêchent l’européanisation du cycle (voir par exemple Bovi, 2005) A un niveau international, il est intéressant d’examiner la diffusion et la synchronisation cyclique (voir les études de Harding et Pagan, 2005, ou Chauvet et Yu, 2006). Etats-Unis 100 Indicateur avancé de retournement conjoncturel 80 60 40 20 0 -20 Position cyclique des Etats-Unis -40 -60 -80 L’économie américaine a connu au premier trimestre 2006 un pic de son cycle de croissance et évolue actuellement dans la phase baissière de ce cycle. Une double question se pose sur la position cyclique des Etats-Unis. Tout d’abord, à quel moment l’économie américaine va-t-elle sortir de la phase baissière du cycle de croissance dans laquelle elle se trouve depuis début 2006 ? A l’inverse, existe-t-il un risque d’approfondissement du ralentissement en récession ? En d’autres termes, si la croissance est repassée clairement en dessous de sa croissance tendancielle évaluée aujourd’hui à 2,6%, peut-elle devenir négative ? L’indicateur avancé de retournement conjoncturel aux Etats-Unis (IARC) est utilisé pour détecter à l’avance la sortie de la phase baissière actuelle. L’indicateur a frôlé à la mi-2007 le seuil significatif de -80 qui, une fois franchie, signale avec une forte probabilité un rebond conjoncturel dans les trois mois. Mais, Cycle de croissance aux Etats-Unis 2.0 En % de la tendance du PIB 1.5 1.0 0.5 0 -0.5 -1.0 100 2004 2005 2006 2007 Possibilité de retournement Forte probabilité de retournement Source : Coe-Rexecode depuis lors, il s’en est éloigné, en corrélation avec l’éclatement de la crise des « subprime » qui s’est convertie en une crise financière. Deux composantes de l’indicateur sont devenues très défavorables. Tout d’abord, le nombre de permis de construire qui a chuté 28% en dessous de sa tendance en août 2007 et se rapproche du plus bas historique (35% en janvier 1991). Ensuite, la confiance des ménages qui, sans s’effondrer, baisse continûment depuis le début de l’année, malgré un rebond transitoire en juillet. Dans une moindre mesure, l’ISM manufacturier est aussi moins favorable, retombant de 56 en juin à 52 en septembre. Quant à la Bourse, elle se situe au milieu d’une correction marquée dont ne sait si elle débouchera sur un renversement de tendance à la baisse (la probabilité d’un renversement atteint 63 % en septembre). L’écart de taux d’intérêt est la seule composante qui pointe vers une reprise économique depuis que la Fédérale réserve a abaissé de 5 points de base le taux des fonds fédéraux à la mi-septembre (l’avance moyenne sur les reprises est de trois trimestres). Il semble donc que le ralentissement pourrait durer plus longtemps que prévu, la crise dans l’immobilier n’étant pas terminée et le crédit devenant plus difficile à la suite de la crise financière. -1.5 90919293949596979899000102030405060708 Source : Coe-Rexecode Qu’en est-il du spectre de la récession ? L’indicateur IESR que l’on utilise pour repérer en temps réel les entrées et sorties de réces31 Conjoncture et prévision Zone euro Cycle des affaires (milliards d'euros 2000, CVS) 1900 1800 A D 1700 1600 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2006 2007 2008 2007 2008 Cycle de croissance en % 2 A 1 0 D -1 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Cycle du taux de croissance en % 6 α Taux de croissance tendanciel Taux de croissance du PIB (mm3) 4 α 2 α α β 0 β β -2 1999 2000 2001 2002 2003 Source : Coe-Rexecode 1 32 2004 2005 2006 Positionnement cyclique des économies Etats-Unis Indicateur d'entrée-sortie en récession IESR 1.0 Cycle de croissance 1.5 En % de la tendance du PIB Zone euro France Italie Allemagne 1.0 Récession 0.5 0.5 0 Non-récession -0.5 0 -1.0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Source : Coe-Rexecode sion a connu récemment une amélioration méthodologique pour tenir compte du changement de tendance de l’une de ses composantes : les annonces d’offres d’emploi dans les journaux. Malgré cet ajustement, cette composante s’est déjà retournée, induisant un risque de récession à 27 % en août, dernier mois calculable. Les autres composantes semblent amorcer des inflexions mais trop légères pour être captées par les modèles à changement de régime. La production industrielle du secteur manufacturier était légèrement haussière en juillet mais a baissé en août. Le taux de chômage, stable à 4,5% durant trois mois, est remonté à 4,6% en juillet et août. Quant aux dépenses de construction en volume, elles connaissent un rebond depuis janvier dernier mais rechutent pour la première fois en juillet. Source : Coe-Rexecode sont désormais retournées simultanément à la baisse. Cela implique, avec un certain délai, un retour de la croissance en zone euro en dessous de son taux de croissance tendanciel estimé actuellement à 2,1%. Ce changement de régime peut être temporaire (comme en 2005) si la crise financière est vite absorbée et si le ralentissement du secteur immobilier aux Etats-Unis ne se diffuse pas dans l’ensemble de l’économie. Dans le cas contraire, il pourrait être plus profond et durable (comme en 2001), marquant un arrêt à la phase haussière du cycle de croissance initiée à la mi-2003. Toutes les composantes de l’indicateur se sont retournées à la baisse. L’indicateur synthétique de l’opinion des industriels dans le secteur des biens intermédiaires (enquête d’opinion de la Zone euro En conclusion, il existe toujours une possibilité de sortie de la phase de ralentissement dans les neuf mois et la probabilité d’une récession demeure faible (27 %). 100 Indicateur avancé de retournement conjoncturel 80 60 40 Position cyclique de la zone euro 20 0 -20 La possibilité de ralentissement économique en zone euro que l’on indiquait dans le numéro précédent de « Diagnostic(s) » (juillet 2007) s’est converti en un fort signal de ralentissement dans les trois mois. En effet, en septembre 2007, l’indicateur avancé IARC pour la zone euro a atteint 99,3, ce qui indique que les cinq composantes avancées de l’indicateur se -40 -60 -80 -100 2003 2004 2005 2006 2007 Possibilité de retournement Forte probabilité de retournement Source : Coe-Rexecode 33 Conjoncture et prévision 6 Zone euro Zone euro Indicateur du rythme de croissance rythme annuel, en % Indicateur d'entrée-sortie en récession IESR 1.0 Croissance sous-jacente taux de croissance tendanciel 4 Récession 2 0.5 Non-récession 0 -2 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Source : Coe-Rexecode Source : Coe-Rexecode Commission européenne) est passé par un pic en avril dernier, soit bien avant le déclenchement de la crise financière actuelle. La probabilité d’un retournement récent de cette composante est passée de 50% en avril à 100% en septembre. Les anticipations sur les prix de gros des biens industriels intermédiaires se sont aussi retournées à la baisse avec un pic localisable en septembre 2006. La probabilité d’un retournement a convergé vers 100%. L’écart de taux d’intérêt est baissier depuis juin 2004 sous l’effet d’une remontée progressive des taux courts de 2,1% à 4,7% en septembre sans substantielle remontée des taux longs sur cette période. La légère remontée de cet écart depuis le début de l’année s’est inversée en août avec la crise financière. Il atteint - 0,4% en septembre, un niveau négatif jamais atteint depuis octobre 1993. Le ralentissement de l’économie américaine est intégré dans l’indicateur via l’indicateur IARC pour les Etats-Unis qui a convergé vers 100. L’indicateur boursier, en écart à la tendance, ne s’est pas encore totalement retourné. D’ailleurs, fin septembredébut octobre, il semble remonter. Sa probabilité de retournement atteint 95% en septembre mais peut être révisée en raison des effets de bord des filtres et du lissage des données. Rappelons qu’un ralentissement signifie que la croissance repasserait en dessous de la croissance tendancielle estimée aujourd’hui à 2,1 % l’an. On s’en est rapproché puisque la 34 croissance sous-jacente est redescendue de 3% à la mi-2006 à 2,3 % en septembre 2007. Les indicateurs IARC des trois grands pays de la zone euro ont aussi franchi le seuil significatif de 80, émettant ainsi un signal de ralentissement économique dans les trois mois. En septembre, le IARC avait atteint 86,3 en Allemagne, 99,2 en Italie et 95,3 en France. Au mois de juillet 2007, l’indicateur CoeRexecode d’entrée et sortie de récession (IESR) pour l’économie de la zone euro se situait toujours à son niveau minimal de zéro, écartant ainsi tout risque d’entrée en récession. Aucune des quatre composantes de l’indicateur IESR zone euro (taux de chômage, indice de la production industrielle du secteur manufacturier, indice de confiance des consommateurs et immatriculations de véhicules particuliers) n’est entrée dans un régime de récession. Bien au contraire, sur les quatre composantes, trois demeurent dans leur régime haut de croissance. Seule, la série des immatriculations automobiles est dans son régime intermédiaire de croissance depuis début 2003 (un modèle à trois régimes de croissance a été estimé pour chacune des composantes). Achevé de rédiger le 5 octobre 2007 Jacques Anas - [email protected] Positionnement cyclique des économies Focus sur l’indicateur de croissance sous-jacente Objectif L’évaluation de la croissance d’un pays en temps réel est devenue un objectif important depuis une dizaine d’années et peut être appréhendé à travers diverses techniques. Il permet de mieux assoir l’exercice prévisionnel, notamment lors des inflexions conjoncturelles qui, mal perçues, peuvent mener à des prévisions erronées. La tradition est de vouloir estimer le taux de croissance trimestriel du PIB, pour le trimestre passé, en cours et futur (Indicateurs Natexis, Banque de France, OCDE, OFCE, etc..). Mais la question est : faut-il estimer la croissance « réelle » ou celle qui sera publiée (et révisée par la suite) ? Il existe une confusion sur cette question. Nous avons délibérément choisi de vouloir estimer la croissance « réelle », même si elle peut s’éloigner de l’estimation provisoire des comptes trimestriels. Ceci peut être critiqué car les marchés et les agents économiques ajusteront leur comportement en fonction des chiffres publiés et c’est donc ce chiffre qu’il faudrait viser en prévision. D’ailleurs, tous les modèles quantitatifs prévisionnels prennent pour base les données provisoires de l’INSEE. Notre objectif soulève un paradoxe : serions-nous en état de faire mieux que l’INSEE pour estimer en temps réel la croissance ? Rappelons que le NBER, dans son exercice de datation du PIB, a longtemps hésité à utiliser le PIB et se reposait sur des séries mensuelles. Pour parvenir à cet objectif nous avons retenu comme période d’estimation, celle des comp- tes nationaux « définitifs » (jusque 2004 actuellement pour la France). Trois critères ont guidé notre choix méthodologique : la réactivité (calcul mensuel publié en tout début de mois n pour le mois n-1), l’absence de révisions (utilisation d’enquêtes et lissage) et l’élimination du « bruit ». C’est ce dernier critère qui nous incline maintenant à considérer cet indicateur comme un indicateur de croissance sous-jacente (par analogie avec l’inflation sous-jacente). Méthodologie La technique de la désagrégation temporelle permet de relier des séries de fréquences différentes (ici PIB trimestriel et enquêtes mensuelles). C’est une manière d’estimer un PIB mensuel. Nous avons délibérément choisi d’utiliser des enquêtes car elles sont rapidement disponibles, peu révisées et pas trop volatiles. Un lissage supplémentaire permet d’éliminer la volatilité résiduelle du PIB mensuel estimé (ce lissage est réalisé sur la variation trimestrielle glissante du PIB mensuel à partir d’un filtre de Baxter-King et en utilisant des projections réalisée par une méthode non paramétrique). L’étude a été menée sur la période 1990-1997 avec une simulation dynamique sur la période 2000-2002 pour sélectionner les composantes du modèle. Une fois l’équation trouvée, elle est actualisée chaque année quand une année de comptes définitifs supplémentaire est obtenue. Bien entendu le PIB mensuel estimé vérifie la contrainte trimestrielle sur le passé. Ce n’est plus le cas depuis 2005 car le PIB est semi-défi- 35 Conjoncture et prévision Comparaison entre l’indicateur France et les comptes trimestriels nitif ou provisoire. Depuis 2005, le PIB mensuel est « projeté » Le modèle retenu n’est pas le modèle classique (Chow-Lin, 1971) mais une version dynamique multivariée (Proietti, 2004) qui permet d’utiliser des retards sur les variables endogènes et exogènes. La sélection des variables s’est faite dans un premier temps de manière univariée, en niveau ou en différence première. Des huit variables retenues centrées et normées, le meilleur modèle multivarié à trois variables a été retenu. Performance de l’indicateur Le modèle a été établi jusqu’à présent pour la France et la zone euro. Des premiers essais ont été réalisés sur l’Allemagne et il est prévu de l’étendre à d’autres grands pays comme les Etats-Unis et le Japon. Un premier succès est à souligner concernant l’estimation de la croissance en France en 2005. A la mi- 2006, l’indicateur de croissance sous-jacente donnait une estimation de 2,6 % alors que celle de l’INSEE était de 2,2 %. En juillet 2007, l’INSEE a révisé à 2,7 % la croissance en 2005, ce qui confirme la capacité de l’indicateur à estimer la croissance « réelle ». Mais plus d’observations en temps réel seront nécessaires pour confirmer cette performance. Sur le passé (avant 2004), par construction, l’indicateur n’a aucun intérêt particulier sinon de proposer un PIB mensuel calé sur le PIB trimestriel. C’est donc sur la période depuis 2004 que réside l’intérêt de l’indicateur. 36 Sur le passé, l’indicateur ne fait que lisser la croissance du PIB trimestriel. Cela semble être aussi le cas en 2005 (première année projetée et non estimée). Par contre, un gap se creuse depuis un an. L’indicateur est constamment audessus de l’estimation de l’INSEE si bien que le glissement annuel estimé du PIB est de 1,3 % au deuxième trimestre 2007 alors qu’il est de 2,3 % selon l’indicateur Coe-Rexecode. L’acquis de croissance atteint 2,1% en septembre d’après celui-ci. Il est aussi intéressant de comparer l’indicateur de croissance sous-jacente avec la croissance tendancielle. On notera le « trou d’air » en 2005 lorsque la croissance sousjacente passe transitoirement sous la croissance tendancielle. 6 4 France Comparaison Coe-Rexecode et comptes trimestriels Taux annuel, en % Rythme de croissance sous-jacente Taux de croissance tendanciel Variation du PIB trimestriel 2 0 Phase basse du cycle de croissance de la france -2 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Source : Coe-Rexecode Positionnement cyclique des économies Comparaison entre l’indicateur France et l’indicateur coïncident du Conference Board Comparaison entre l’indicateur euro et l’indicateur du CEPR (Eurocoin) La croissance implicite de l’indicateur coïncident du Conference Board est beaucoup plus volatile. De plus, il existe des biais assez marqués sur la croissance annuelle de l’indicateur du Conference Board pour la France : L’Eurocoin n’était plus publié depuis juillet dernier et une nouvelle version améliorée a été lancée à Londres fin septembre. Si on se réfère à l‘ancienne version, on observe une assez grande proximité des deux indicateurs sauf en 2002 où l’indicateur Coe-Rexecode identifie plus vite et plus vivement l’avortement de la reprise de début 2002. Courant 2006, l’Eurocoin semble sous-estimer la croissance en zone euro. En juillet, la croissance estimée par Eurocoin était de 2% en rythme annuel, un niveau sans doute trop bas. La nouvelle version l’estime maintenant à 2,6%, ce qui est un changement radical. Taux de croissance annuelle (en %) Conference Croissance Board sous-jacente 2004 2005 2006 2007 0,3 0,8 1,3 1,8 Comptabilité Nationale 2,3 1,6 2,1 1,9 2,3 1,7 2,2 Ceci prouve que l’indicateur coïncident du Conference Board doit surtout être interprété comme un indicateur qualitatif visant à identifier les inflexions de la croissance. Zone euro 6 Comparaison Coe-Rexecode et CEPR Variation trimestrielle glissante (en %) 4 France 1.5 Comparaison Coe-Rexecode et Conference Board Variation trimestrielle glissante (en % 2 0 Coe-Rexecode (croissance sous-jacente) Eurocoin Eurocoin (nouvelle version) -2 1.0 -4 0.5 93 95 97 99 01 03 05 07 0 -0.5 Coe-Rexecode (croissance sous-jacente) Conference Board (indicateur coincident) -1.0 93 95 97 99 01 03 05 07 37 Conjoncture et prévision Références Anas J. et T. Raffinot (2006), « L’indicateur du rythme de croissance ». Séminaire de travail du COE du 14 juin 2006 : Indicateur de croissance en France et/ou en zone euro : méthodologie et évaluation. Chow G. and Lin A. L. (1971), « Best Linear Unbiased Interpolation, Distribution and Extrapolation of Time Series by Related Series », The Review of Economics and Statistics, 53, 4,372-375. Di Fonzo T. (2003), « Temporal disaggregation of economic time series: towards a dynamic extension », European Commission (Eurostat) Working Papers and Studies, Theme 1, General Statistics. Fernandez P. E. B. (1981), « A methodological note on the estimation of time series », The Review of Economics and Statistics, 63, 3, 471-478. Hild F. (2004), « Can we anticipate the revisions of GDP ? », paper presented at the 27th CIRET Conference. Proietti T. (2004), « Temporal disaggregation by state space methods: dynamic regression methods revisited », (mimeo). 38