Conjoncture et prévision - Coe

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Conjoncture et
prévision
5
Perspectives de l’économie mondiale
2007-2008
Coordonné par Denis Ferrand
et Alain Henriot
25 Positionnement cyclique des économies
Jacques Anas
3
Conjoncture et prévision
Perspectives de l’économie
mondiale 2007-2008
Coordonné par Denis Ferrand et Alain Henriot1
La crise financière intervenue durant l’été a accru les incertitudes concernant
les perspectives économiques mondiales. Dans le scénario privilégié ici la
croissance de l’économie américaine resterait autour de 2 % l’an, avec une
tendance à une légère accélération fin 2008, une fois achevés les ajustements
dans le secteur immobilier. Dans ce contexte, la croissance de la zone euro
serait également proche de 2 %, un rythme considéré comme étant son
potentiel de long terme. L’économie française enregistrerait une progression
du PIB du même ordre de grandeur. La consommation serait stimulée par la
mise en ouvre du « paquet fiscal », mais les exportations n’enregistreraient
qu’une progression modérée, ce qui constituerait un frein à la croissance.
A
u printemps dernier, les grandes
institutions internationales comme
la plupart des instituts de conjoncture pronostiquaient la poursuite
d’une croissance mondiale forte et ne
voyaient pas d’inflexion avant 2009.
Aujourd’hui, le mot d’ordre est au ralentissement, voire pour certains au risque d’une
récession aux Etats-Unis. Que s’est-il donc
produit et quelles perspectives faut-il maintenant envisager ?
Une crise de confiance financière
Etats-Unis
Taux d'intérêt à 3 mois
6.0
En %
5.0
4.0
Bons du trésor
Euro dollar
3.0
2.0
2005
2006
2007
Source : Réserve Fédérale
La crise financière de l’été est passée par là.
Cette crise n’est pas un événement fortuit
venant modifier de façon inopinée le cours
naturel de l’économie. Elle traduit des déséquilibres et des inflexions qui étaient déjà
présents bien avant l’été et qui ont émergé
brutalement à la fin juillet. Les surprises ont
été à la fois de nature financière et de nature
économique et leur entrée en résonance a
conduit à des mouvements de marché d’une
grande ampleur, qui perdurent encore sous
1
Ont également participé à la rédaction de ce
document : L. Ali, J.M. Boussemart, S. Chort,
M. Didier, S. Duchassaing, et O. Reymondon.
une forme atténuée, et qui contribueront à
coup sûr à modifier le cours de l’économie.
Tous les marchés ont été touchés, marchés de
taux, marchés d’actions, marchés de change.
Le sujet principal est celui du crédit.
La fausse surprise des subprimes
La montée des défauts sur des prêts hypothécaires consentis aux débiteurs fragiles
n’est pas vraiment une surprise si l’on se
rappelle que le violent retournement des
5
Conjoncture et prévision
permis de construire aux Etats-Unis date du
début 2006, que les prêteurs avaient progressivement outrepassé les normes classiques de risque (ce que M. Alan Greenspan
avait dénoncé bien avant son départ). Mais
le marché des subprimes (c’est-à-dire des
crédits immobiliers les plus risqués aux
Etats-Unis) est de dimension relativement
limitée et les défauts sur ces crédits n’auraient pas eu des conséquences de l’ampleur
constatée si aucun facteur d’amplification
n’était venu s’y ajouter.
massifs des fonds et des besoins de liquidités
du système bancaire. Il en est résulté des ventes d’actifs sains (actions, matières premières) qui ont amplifié et généralisé la crise. Les
injections de liquidités par les Banques centrales ont mis fin à la phase aiguë sans faire
cesser pour autant à ce jour les tensions sur
le marché monétaire et sans éliminer le risque de nouvelles secousses.
L’amplification par la titrisation
Le calme est revenu sur les marchés monétaires mondiaux grâce aux injections de liquidités des banques centrales. Ce calme reste toutefois précaire et ne signifie pas que tous les
problèmes sont réglés. Le marché des ABCP
(Asset-Backed Commercial Paper) billets de
trésorerie adossés à divers actifs financiers,
dont la taille est d’environ 1 200 milliards de
dollars, risque encore d’être affecté par l’ampleur des refinancements à assurer. Les tensions restent vives sur les taux monétaires et
les taux interbancaires.
La surprise principale a été la généralisation
de la défiance des investisseurs à tous les placements. Il s’est avéré que des créances dites
subprimes se trouvaient logées dans des
fonds considérés comme des placements sans
risques et souscrits par de nombreux investisseurs dans l’ensemble du monde, y compris
directement ou indirectement par des banques. La généralisation de la méfiance à une
large gamme de titres a provoqué des retraits
Faut-il craindre une réplique ?
Chiffres clés des perspectives
2006 2007 2008
1/ Croissance du volume du PIB (%)
Monde
Etats-Unis
Japon
Zone euro à 12
Union européenne à 15
Allemagne
Royaume-Uni
Italie
Espagne
Pays hors OCDE
2/ Marchés mondiaux
Commerce mondial (volume)*
Prix du pétrole ($/baril, Brent)**
Prix des matières premières ($)***
3/ Taux de change
1 $ = … yen
116 118 115
1 euro = … dollars
1,25 1,35 1,35
1 £ = … dollars
1,84 1,99 1,99
4/ Taux d'intérêt à 3 mois
Etats-Unis (bons Trésor) 5,2
5,2
4,4
Japon (euro-yen)
0,3
0,7
1,0
Zone euro (euribor)
3,1
4,1
4,1
5/ Taux d'intérêt à 10 ans
Etats-Unis
4,8
4,8
4,8
Japon
1,7
1,8
2,2
Zone euro
3,9
4,3
4,4
9,5
6,4
7,3 6/ Taux d'inflation*
65,2 67,6 70,0
Etats-Unis
3,2
2,9
2,6
26,8 18,9 1,7
Japon
0,2
0,1
0,6
Zone euro
2,2
2,0
1,8
5,3
2,9
2,2
2,8
2,9
3,1
2,8
1,9
3,9
8,3
5,1
2,0
2,0
2,5
2,6
2,6
2,9
1,8
3,9
8,2
4,7
2,3
1,9
1,9
2,1
2,1
1,9
1,5
2,6
7,4
* taux de variation annuel (%) ** moyenne annuelle *** hors énergie
6
2006 2007 2008
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
L’amplification par l’économie
Après une crise financière, les fondamentaux
économiques reprennent toujours le dessus à
un moment ou un autre. La persistance d’une
croissance forte permet d’absorber rapidement des pertes financières. Une rupture de
croissance contraint au contraire les acteurs
économiques à des décisions restrictives qui
amplifient le ralentissement. Les informations
récentes suggèrent que la réalité actuelle est
entre les deux et en tous cas moins favorable
qu’on le pensait avant l’été. La croissance des
pays développés (Etats-Unis, Europe, Japon)
s’avère depuis le printemps moins forte qu’il
était anticipé il y a encore quelques mois. On
est loin au stade actuel d’une rupture de
croissance, mais les résultats décevants tendent à s’accumuler : tassement des indicateurs d’opinion sur le niveau d’activité dans
les pays développés, recul du PIB japonais au
deuxième trimestre, moindres créations d’emplois et surtout aux Etats-Unis nouvel approfondissement de la crise de la construction de
logement. Il est probable en outre que la
remontée du risque conduira le secteur bancaire à un resserrement du crédit.
Fin de cycle
ou simple pause de croissance ?
L’expansion mondiale devrait
se poursuivre, mais sur un
rythme plus modéré
Le risque américain
Les prémices d’une vraie spirale négative
sont présentes aux Etats-Unis avec la baisse
des prix des logements et la multiplication
des défauts de paiement des ménages. Le risque d’une pause de la consommation s’accentue et s’il se propageait à l’investissement
productif, la menace serait que l’économie
bascule dans la récession (comme cela a été
le cas quasi-général lors des retournements
du logement). Mais nous n’en sommes pas
là. Nous privilégions pour les Etats-Unis l’hypothèse d’une croissance proche de 2 % l’an
en 2007 qui remonterait à la mi-2008 vers sa
tendance longue.
Etats-Unis
Taux de défaut sur le crédit à l'habitat
Ensemble des Banques
3.5
En %
3.0
2.5
2.0
Un indicateur crucial sera le rythme de
remontée des taux de défauts sur les obligations des entreprises (speculative grades).
Selon Moody’s, ce taux qui était aux EtatsUnis de 1,4 % au premier trimestre 2007
devrait atteindre 3,5 % au printemps 2008.
Ces niveaux resteraient encore sensiblement
au-dessous de la moyenne longue (4,5 %).
On est encore loin des taux de l’ordre de
10 % qui avaient été atteints lors des récessions de 1991 et 2001. Les défauts sont aussi
très bas tant en Europe que dans les pays
émergents. Cette situation, le niveau élevé de
liquidité des grandes entreprises, l’effet d’entraînement des pays émergents plaident en
faveur d’une prolongation de la phase d’expansion à un rythme plus modéré mais sans
inversion conjoncturelle.
1.5
1.0
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08
Source : Réserve Fédérale
Les facteurs de soutien
Le risque d’une récession de l’économie américaine a gagné en probabilité, mais il ne faut
pas pour autant ignorer des forces de soutien
à l’activité, qui vont d’ailleurs se renforcer à
mesure que la Réserve fédérale va abaisser
ses taux directeurs.
La crise qui secoue les institutions financières est sévère mais celles-ci avaient antérieu7
Conjoncture et prévision
rement engrangé des profits substantiels qui
devraient leur permettre d’absorber le choc.
De leur côté, les entreprises non financières
abordent la crise avec des comptes et des
bilans satisfaisants. Elles n’ont pas au cours
de ces années de reprise investi de façon
excessive et il n’y a donc pas, tant du côté du
capital circulant que du côté du capital fixe,
des excès à corriger. Elles bénéficient par ailleurs d’un dollar compétitif vis-à-vis de
l’euro, du sterling et du dollar canadien qui
ne peut que continuer à les aider à défendre
leurs parts de marché à l’exportation dans un
environnement mondial dont le dynamisme
reste actuellement encore vif, essentiellement
tiré par la vigueur de la croissance dans les
pays émergents.
Par ailleurs, tant du côté de la politique budgétaire que du côté de la politique monétaire,
les autorités disposent de marges de manœuvre appréciables pour contrer un éventuel
début de mouvement récessif. Les fonds fédéraux, maintenus à 5,25 % pendant plus d’un
an, ont ainsi enregistré une première baisse
de 50 points de base à la mi-septembre. Le
déficit des comptes publics s’est plutôt réduit
en dépit d’une croissance économique inférieure à son potentiel depuis six trimestres.
La dette publique reste par ailleurs contenue
sous la barre des 52 %. Si besoin est, les
autorités budgétaires disposent de degrés de
liberté pour réduire les prélèvements ou accélérer les dépenses.
Le point noir de l’immobilier
En juillet 2007, les mises en chantier de logements ont encore baissé, portant leur repli à
40 % depuis leur record inscrit en janvier
2006. Le recul est loin d’être fini, c’est ce que
suggère du moins la poursuite de la baisse des
permis de construire et c’est surtout ce qu’annonce l’envolée des stocks qui n’en finit pas
dans le secteur de l’ancien où ils représentent
9,6 mois de ventes, un record depuis que la
chronique existe, soit depuis janvier 1999. Le
taux d’investissement en logement, qui avait
inscrit un point haut, à 5,4 % du PIB, au
8
Etats-Unis
Permis de construire
2400
Milliers par an
2000
1600
1200
800
90
92
94
96
98
00
02
04
06
08
Source : Census
second semestre 2005, est tombé à 4,2 % au
deuxième trimestre 2007 et il n’a pas fini de se
replier. La crise immobilière actuelle est au
moins aussi sévère que celle de 1990-1991 où
les mises en chantier étaient devenues inférieures à 900 000 en rythme annualisé (premier trimestre 1991) et où le taux d’investissement en logement était tombé à 3,6 % du
PIB (premier semestre 1991). L’hypothèse
retenue ici est un recul du taux d’investissement en logement pendant quatre trimestres
supplémentaires pour se stabiliser à 3,7 % à
compter du printemps 2008, et donc retrouver
son niveau bas qu’il avait inscrit pendant
quatre trimestres d’affilée au creux de la crise
immobilière de 1990-1991. Le nombre de
ménages incapables de faire face à leurs
échéances de remboursement dans le secteur
du subprime n’a pas fini de s’accroître et donc
le nombre de saisies non plus. Cela va retarder la résorption des stocks d’invendus et
donc la sortie de crise du secteur de la
construction résidentielle. Cette dernière a
déjà amputé comptablement le PIB à hauteur
d’un point, elle pourrait encore l’amputer à
concurrence d’un demi-point à l’horizon du
printemps 2008. Cependant, dans le sillage
des taux sur emprunts d’Etat à 30 ans, les
taux hypothécaires ont déjà reculé, ce qui
contribue à soulager les emprunteurs. De
même, l’amorce d’une baisse des taux directeurs de la Fed va alléger la pression sur les
emprunteurs endettés à taux variables.
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Les risques sur la consommation
A mesure que l’immobilier s’enfonce dans la
crise (ou reste enfoncé dans la crise), les risques d’une défaillance de la consommation
des ménages croissent. Au-delà des effets de
richesse négatifs qu’il faut attendre de la
baisse des prix de l’immobilier qui devrait se
poursuivre, de l’impact négatif du durcissement des conditions de crédit qui s’est déjà
opéré, la consommation des ménages devrait
souffrir de la détérioration encore à venir du
marché du travail. Elle sera pénalisée par la
nécessaire remontée du taux d’épargne. Ce
dernier atteignait 0,7 % en juillet 2007 ; nous
envisageons qu’il se redresse jusqu’à 2,6 % à
horizon de la fin 2008. La consommation des
ménages augmenterait ainsi à un rythme
inférieur à 2 % l’an au second semestre 2007
et à peine supérieur à 2 % l’an au premier
semestre 2008, se raffermissant un peu dans
la deuxième partie de 2008. Des scénarios
plus pessimistes peuvent être envisagés, mais
il ne faut pas oublier que la situation patrimoniale nette des ménages reste à ce jour
encore favorable malgré le recul de Wall
Street, que l’inflation devrait se modérer ce
qui soutiendra le pouvoir d’achat et que la
Fed va baisser ses taux, soulageant les ménages endettés.
La demande intérieure
peine à prendre le relais
comme facteur de soutien
à la croissance japonaise
Alors que l’économie nippone semblait se
diriger en 2006 vers une croissance plus équilibrée où le dynamisme des exportations se
transmettait non seulement à l’investissement productif mais également à la consommation privée, les récentes évolutions
conjoncturelles ont mis à mal ce scénario. Le
PIB s’est replié de 1,2 % au deuxième trimestre 2007 en rythme annualisé. Ces chiffres
reflètent une forte contraction de l’investissement (-4,8 % l’an), ainsi qu’une progression
limitée de la consommation des ménages.
Rien n’indique qu’une amélioration soit
intervenue récemment concernant ces deux
aspects. Les ventes au détail étaient encore
en recul de 2,3 % sur un an au mois de juillet, leur plus forte baisse enregistrée depuis
dix sept mois. Toujours en juillet dernier, les
gains mensuels nominaux et réels s’inscrivaient en baisse de 3,9 % sur un an, et ce
malgré une poursuite de la baisse du taux de
chômage. A l’atonie de la consommation des
ménages s’ajoute un repli de l’investissement
résidentiel. L’anémie des salaires s’explique
par un partage de la valeur ajoutée toujours
plus favorable aux entreprises, l’enquête du
Ministère des finances indiquant une hausse
de 12 % sur un an des profits des sociétés
non financières. Pourtant, ces dernières
continuent à réduire leurs dépenses d’investissement (- 4 % sur un an selon cette même
enquête).
Légère décélération de la croissance
en perspective
En ligne avec un ralentissement de l’activité
aux Etats-Unis, le rythme de progression des
exportations japonaises décélèrerait en 2007
et 2008, progressant au rythme de 6,8 % et
5,6 % l’an contre 9,6 % en 2006. Par ailleurs, le débouclage des opérations de carry
trade, consécutif à la crise des subprime,
s’est traduit par un raffermissement du yen
qui pourrait affaiblir le moteur externe de la
croissance. Il en résulterait un ralentissement de l’investissement productif. Le
potentiel de rebond de la consommation privée reste en question. Pour que celle-ci progresse significativement, il faudrait que le
partage de la valeur ajoutée des entreprises
se fasse davantage en faveur des salaires. Au
total, la croissance nippone ressortirait à
2 % en 2007 et 1,9 % 2008 contre 2,2 % en
2006. Du côté de la politique monétaire, une
hausse des taux a peu de chance d’intervenir avant la fin de l’année, tant le contexte
reste déflationniste. L’indice d’inflation
sous-jacente était encore en recul de 0,1 %
en glissement annuel en juillet pour le
sixième mois consécutif.
9
Conjoncture et prévision
La croissance reste forte
dans les pays émergents
Un des principaux faits saillants de la
conjoncture actuelle est la résilience des pays
émergents face au ralentissement économique observé dans les pays développés.
Une croissance chinoise
toujours exubérante
Le Bureau National de la Statistique a
annoncé cet été une révision de la hausse du
PIB chinois pour l’année 2006 (+11,1 % en
moyenne annuelle contre 10,7 % en première
estimation). Si le détail des comptes n’est à
ce jour pas communiqué, il semblerait qu’à
nouveau les exportations tout comme les
investissements aient largement contribué à
ce résultat. Les rythmes de croissance affichés depuis le début de l’année 2007
(+11,9 % en glissement annuel au deuxième
trimestre après 11,1 % au premier trimestre)
ainsi que la bonne orientation des récents
indicateurs conjoncturels donnent à penser
que la croissance 2007 pourrait à nouveau
franchir la barre des 11 %.
Les exportations continuent à progresser
vivement, suggérant la poursuite d’importants gains de marché. L’excédent de la
balance des marchandises atteignait d’ores et
déjà atteint fin juillet 156 milliards de dollars,
Chine
Inflation
9
Glissement annuel en %
6
3
0
Du côté de la demande interne, le ralentissement à peine perceptible de l’investissement
en capital fixe n’est pas de nature à satisfaire
les autorités. En dépit de l’ensemble des
mesures administratives instaurées pour lutter contre les surcapacités qui se développent
dans certains secteurs, l’investissement a
encore progressé de 25 % en glissement
annuel au premier semestre, contre 29,8 %
en 2006. Néanmoins, le redéploiement géographique de l’investissement à la faveur des
zones urbaines du centre et de l’ouest se
poursuit. Du côté de la consommation, la
progression des ventes au détail en volume
reste forte (10,8 % sur un an en juin), mais
ne s’accélère pas. Le rééquilibrage de la croissance chinoise – moins d’investissements et
d’exportations, plus de consommation privée
domestique – se fait donc toujours attendre.
L’accélération de la hausse des prix observée
en Chine ces derniers mois (+5,6 % en juillet 2007) tient davantage à un choc d’offre
sur certains produits (comme le porc ou les
oufs) qu’à une véritable dynamique inflationniste. Pourtant, la Banque centrale a de nouveau augmenté le ratio de réserves obligatoires. Le durcissement des conditions monétaires répond moins à une accélération de l’inflation, qu’à un objectif de lutte contre les risques de surinvestissement et de distribution
excessive des crédits. La poursuite du resserrement du crédit et le développement des
surcapacités finiraient par freiner la croissance à partir de 2008.
Résilience de la croissance en Asie
-3
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Source : China Economy
10
après un surplus record en 2006 (177 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année).
Alors que les pressions internationales pour
une appréciation plus rapide du yuan s’intensifient, les possibilités accrues de sorties de
capitaux chinois, induites par la récente
vague de libéralisation financière, pourraient
en revanche limiter l’appréciation de la
devise chinoise.
La crise des subprimes n’a pas généré, pour
l’instant, de tensions majeures dans les pays
émergents d’Asie autres que la Chine. Les
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
indices boursiers et les devises des principaux pays de la région ont effacé en partie la
correction qu’ils avaient subie au cours de
l’été. Seuls les « spreads » obligataires restent
encore tendus suggérant une réévaluation
depuis des niveaux très bas du risque souverain à l’égard des pays les plus fragiles. A
moins qu’elles ne s’amplifient encore, les turbulences financières actuelles ne semblent
pas sur le point de casser le dynamisme
régional.
La vigueur de la croissance a de nouveau surpris au premier semestre 2007. Les acquis de
croissance s’inscrivent pour de nombreux
pays au-delà de ceux constatés lors du premier semestre 2006 : c’est le cas des
Philippines, Singapour, Taiwan ou encore de
l’Indonésie. Les récents indicateurs d’activité
semblent annoncer un prolongement de la
dynamique.
Les moteurs de la croissance ne sont cependant pas homogènes. Alors que certains pays,
comme la Malaisie et Singapour, bénéficient
d’un soutien important de la consommation
domestique, d’autres, comme la Corée du
Sud ou l’Indonésie, connaissent un essor
remarqué de leur commerce extérieur. Il reste
à signaler le cas des Philippines où la croissance est en trompe-l’œil procédant en premier lieu d’un vif recul des importations.
Tous les pays de la zone, excepté l’Inde, affichent au demeurant des excédents courants
au premier semestre 2007. En outre, les autorités monétaires semblent avoir réussi à garder l’inflation sous contrôle (excepté
Singapour et l’Inde). Au total, hors Chine et
Inde, la croissance régionale atteindrait
encore 5 % cette année et 4,7 % l’an prochain.
Pour sa part, l’économie indienne ralentirait
un peu plus nettement en 2008. Le pays fait
actuellement face à des entrées massives de
capitaux qui non seulement alimentent l’appréciation réelle de la roupie mais génèrent
également un endettement extérieur important. Sur l’année 2007-2008, le surplus du
compte de capital s’est élevé à + 47 milliards
de dollars, dont 67 % s’est révélé générateur
de dette. Face au coût élevé du crédit domestique, de nombreuses entités locales se sont en
effet tournées vers des emprunts en devises
étrangères. La dérive des prix et l’appréciation
réelle de la devise (+7,5% depuis le début de
l’année) confrontent les autorités à un
dilemme. Si le durcissement des conditions
monétaires est nécessaire pour freiner l’inflation, il alimente en retour les entrées de capitaux et l’appréciation réelle de la roupie, renforçant le déséquilibre extérieur. Dans ces
conditions, la RBI pourrait n’avoir d’autre
choix que de resserrer à nouveau sa politique
monétaire, ce qui finirait par peser sur l’investissement domestique et donc la croissance.
Atterrissage en douceur
en Amérique latine
L’Amérique latine n’a pas été épargnée par
les turbulences financières de l’été (dépréciation du change, recul des indices boursiers, montée des « spreads » obligataires).
Toutefois, la région paraît mieux armée que
précédemment pour résister aux chocs externes. Tous les pays de la zone affichaient des
excédents courants au premier trimestre
2007, exception faite du Mexique et de la
Colombie où les déficits restent cependant
modérés. Les réserves de changes se situent
à des niveaux élevés même si elles ont légèrement reculé au Mexique, au Venezuela et
au Chili. Enfin, la demande intérieure continue de soutenir la croissance ce qui rend la
zone moins vulnérable à un ralentissement
de la croissance économique mondiale, sauf
au Mexique dont l’économie reste très sensible au cycle américain.
Sur le front de l’inflation, le dynamisme de la
demande interne, conjugué à la hausse des
prix des produits agricoles et alimentaires,
génère des tensions d’ampleur variée selon
les pays. Les risques restent limités au
Mexique, au Brésil, en Colombie et au Chili.
Dans ces pays, les tensions inflationnistes
paraissent modérées et les politiques monétaires crédibles dans le cadre de stratégie de
ciblage d’inflation et de politique active de
taux d’intérêt. La situation apparaît plus critique en Argentine où l’inflation officielle
11
Conjoncture et prévision
était de 8,7% en août et au Venezuela où elle
atteignait 17,2% en juillet, sans que les
mesures administratives ne parviennent à les
juguler.
Dans un contexte mondial de ralentissement
ordonné, le scénario d’un atterrissage en
douceur des économies latino-américaines
paraît devoir être privilégié. En 2007 et 2008,
la hausse du PIB agrégé de la zone se modérerait (4,5% en 2007, 3,8% en 2008 après
5,2% en 2006). Le moindre dynamisme des
exportations serait partiellement compensé
par une demande intérieure encore bien
orientée. Seuls l’Argentine et le Venezuela
connaitraient un ralentissement marqué, la
trajectoire actuelle de leur économie paraissant insoutenable.
Perspectives favorables en Europe
de l’Est, malgré certains facteurs
de vulnérabilité
Au premier semestre 2007, l’activité est restée
soutenue en Europe de l’Est, dopée par le
dynamisme du PIB russe (+ 7,9 % sur un an
en volume) mais également par les belles
performances enregistrées par la Pologne
(+ 7 %), la République tchèque (6 %) et la
Slovaquie (9,1 %). Seuls les résultats de la
Hongrie ont déçu avec une hausse du PIB en
volume de seulement 2,1 % sur un an.
Si la croissance des pays de la région est restée dynamique au cours des six premiers
mois de l’année, elle est cependant entrée
dans une phase de décélération après avoir
atteint un point haut à la fin 2006 - début
2007. Ainsi, les indices de production industrielle tendent à plafonner en Pologne,
République tchèque et Hongrie (ils demeurent cependant orientés nettement à la
hausse en Slovaquie et Russie). De même, les
carnets de commandes dans l’industrie ont
cessé de progresser depuis le printemps dernier sans pour autant afficher un repli (sauf
en Hongrie). Si le dynamisme des exportations se maintient, celles-ci augmentent
cependant à un rythme moins soutenu. Autre
preuve d’une modération de l’activité, les
déficits courants ne se sont pas accentués au
12
premier trimestre 2007 en Europe centrale. En
revanche, ils ont continué de se creuser en
Europe orientale et dans les pays Baltes.
Dans les trimestres à venir, l’activité en
Europe de l’Est devrait continuer à se modérer sans pour autant connaître un ralentissement très marqué. Tout d’abord, l’investissement demeurerait bien orienté comme le suggère le niveau élevé des taux d’utilisation des
capacités de production en Pologne et en
République tchèque. Par ailleurs, la situation
sur le marché du travail s’est nettement améliorée depuis 2004, tout particulièrement en
Pologne et en Slovaquie où le taux de chômage a fortement reculé. La consommation
privée devrait donc se maintenir en ligne
avec des hausses de salaires réels qui ont
continué d’accélérer en Pologne et en
Slovaquie depuis le début de l’année et se
sont stabilisées à un niveau élevé en
République tchèque et en Russie. Par ailleurs,
la croissance russe continuerait de profiter
d’un prix du pétrole élevé.
Au total, l’hypothèse retenue est celle d’un
atterrissage en douceur de la croissance avec
un PIB en volume de la zone agrégée ressortant en hausse de 5,8 % en 2008 après 6,5 %
en 2006 et 2007. Ce scénario reste néanmoins
conditionné au fait que la crise financière de
cet été ne se traduise pas par une contraction
des flux de capitaux étrangers nécessaires au
financement des déficits courants qui sont
élevés en Europe orientale et dans les pays
baltes. Certains pays sont d’ailleurs très
exposés aux investissements de portefeuille
étrangers et/ou avec un secteur privé très
endetté en devises (à l’instar de la Hongrie
ou de la Roumanie).
Tensions persistantes
sur les prix du pétrole
Les cours du pétrole ont fortement augmenté
depuis leur niveau plancher de janvier 2007.
Contrairement à l'année 2006, le contexte géopolitique explique une faible part de cette
envolée. En outre, les troubles récurrents au
Nigeria et en Iraq, qui ont impliqué des diffi-
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Cours du pétrole brut (Brent)
85
$/baril
75
la production non-OPEP et à celle de la filière
du gaz naturel liquéfié des pays de l’OPEP
(+0,6 mb/j). Au final, l’Organisation restera
un acteur majeur dans un marché toujours
tendu.
65
Les prix des métaux ont connu une accalmie
durant l’été, après avoir enregistré une forte
hausse depuis le début 2007. Le repli reste
limité pour le cuivre et le plomb, mais les
cours de l’aluminium, du zinc et du nickel se
situent désormais à des niveaux plus bas
qu’au début d’année 2007.
55
45
35
25
2003
2004
2005
2006
2007
Source : Teleco
cultés d'approvisionnement et une amputation
de production au printemps d'environ
0,5 mb/j, sont désormais bien moins sérieux
depuis juillet. Le niveau relativement faible des
stocks de brut, tant aux Etats-Unis qu'en
Europe ou en Asie, convient d’être rapproché
de la politique de réduction des quotas de production décidée par l'OPEP à la fin de l'année
dernière, qui s'inquiétait alors d’un cours du
pétrole durablement inférieur à 60 dollars le
baril. A cela s'est ajouté le problème du vieillissement de l'appareil de raffinage aux EtatsUnis qui s'est soldé par l'indisponibilité technique de certaines installations et une forte envolée du prix de l'essence. Le rebond prévu de
la production de l'OPEP, supérieur à 2 mb/j
pour les deux derniers trimestres de cette
année, ne tient pas tant à la récente révision
mi-septembre des quotas qu’à l'accroissement
de la production rendu nécessaire à l'approche
de l'hiver. En outre, la croissance de la
demande mondiale, qui est ressortie au premier semestre à seulement +0,8 % sur un an,
devrait, d'après l'Agence Internationale de
l’Energie (AIE), s'accélérer à + 2,7% en
moyenne au cours des deux derniers trimestres
de cette année. En moyenne, cela conduirait à
une augmentation de la demande mondiale en
2007 de 1,7 % relativement à 2006. L'année
2008 devrait rester une année de croissance
soutenue de la demande, voisine de celle
observée en 2007. De son côté, l’offre mondiale
devrait être plus vigoureuse l’année prochaine
et ainsi être en mesure de satisfaire les besoins
mondiaux, notamment grâce à la croissance de
Par ailleurs, il est probable qu’en 2008 les
matières premières agricoles connaîtront à
nouveau des tensions particulièrement vives.
Si la hausse des cours des matières agroindustrielles s’est assagie, la hausse des cours
des produits alimentaires (+24,6% en août
sur un an) est la plus soutenue depuis début
2003. Les besoins des pays émergents en sont
la principale raison et concernent tout particulièrement les céréales, les huiles et le blé,
mais également le café.
Croissance modérée
persistante en Europe
Retour vers la croissance
potentielle en zone euro
La croissance de la zone euro a fléchi au
deuxième trimestre 2007 (1,5 % en taux
annualisé par rapport au premier trimestre).
Certes, ce chiffrage comporte une partie
d’aléas, en particulier concernant l’investissement. Un sursaut devrait donc intervenir
au troisième trimestre. Il reste que plusieurs
signaux convergent pour indiquer une
inflexion de la croissance européenne. Ceci
signifie que la forte croissance enregistrée en
2006, et plus particulièrement au premier
semestre où elle avait approché 4 % l’an, correspondait à une phase d’accélération cyclique, plutôt qu’à un relèvement significatif de
la croissance potentielle, et ce malgré un certain nombre d’avancées sur le plan des réformes structurelles.
13
Conjoncture et prévision
Zone euro
Croissance du PIB en volume
4
%
teur. Enfin, la croissance des prêts immobiliers
aux ménages s’est ralentie : leur encours
n’était plus en progression que de 8,1 % en
juillet 2007, contre un pic à 12 % mi-2006.
3
Pas de tensions inflationnistes
2
1
0
-1
2001
2002
2003
2004
Variations trimestrielles
Source : Eurostat
2005
2006 2007
Glissement annue
L’appréciation de l’euro mord
sur la croissance européenne
Le premier facteur qui explique cette modération de la croissance de la zone euro réside
dans l’appréciation du change. Le taux de
change effectif nominal de l’euro s’est apprécié d’un peu plus de 6 % entre le début 2006
et la mi-2007. Dans le contexte d’une
conjoncture internationale un peu mois porteuse, les exportations de la zone euro ont
ainsi sensiblement ralenti au premier semestre 2007, enregistrant une progression
moyenne de 3,6 % l’an, à comparer avec une
hausse supérieure à 8 % en 2006.
Un retournement est amorcé
dans l’immobilier résidentiel
Un second facteur à l’origine du ralentissement de la croissance dans la zone euro réside
dans les effets du resserrement de la politique
monétaire qui s’est progressivement retrouvé
dans les taux de marché. Ceci a notamment eu
pour conséquence l’amorce d’un atterrissage
– jusqu’ici en douceur – de l’immobilier résidentiel. Les permis de construire résidentiels
ont ainsi fortement reflué depuis le début de
l’année, même si ce tassement a été accentué
par les soubresauts du marché espagnol.
L’érosion du climat de confiance des chefs
d’entreprise du secteur de la construction
depuis l’automne 2006 constitue un autre indicateur de l’inflexion de la conjoncture du sec14
Avec la montée des tensions sur l’appareil de
production, le net recul du chômage et le relèvement de la TVA des craintes avaient commencé à émerger avant l’été quant à la résurgence de pressions inflationnistes. En fait, il
n’en a rien été, la hausse des prix à la consommation restant sous la barre des 2 % la mi2006 (1,7 % sur un an en août 2007). Un effet
de base sur les prix du pétrole (ces derniers
avaient fléchi fin 2006-début 2007) pourraient,
temporairement, ramener le glissement annuel
des prix de détail au-dessus de 2 %, mais une
nette décélération interviendrait ensuite. Celleci tiendrait à une stabilisation des prix du
pétrole en euros et à la disparition de l’effet du
relèvement de la TVA allemande qui aurait
impacter la hausse des prix dans l’ensemble
de la zone euro d’environ 0,25 point cette
année. Cela signifie que l’inflation sousjacente, plus exactement hors énergie et alimentation, est de l’ordre de 1,5 % en excluant
l’effet TVA en Allemagne. Dans le contexte
d’une croissance économique plus lente, l’inflation reviendrait vers ce rythme dans le courant du second semestre 2008, même si quelques de tensions ne sont pas à exclure du côté
des prix des produits alimentaires. Ceci devrait
inciter la Banque centrale européenne à assouplir sa politique monétaire dans la seconde
moitié de l’année 2008.
Une croissance inférieure au potentiel
en 2008
Après le redressement attendu au troisième
trimestre 2007, la croissance de la zone euro
devrait repasser pour quelques trimestres
sous le rythme de 2 % l’an, comme le suggère l’annonce d’un signal de retournement
de l’indicateur avancé de Coe-Rexecode.
La fermeté de l’euro continuerait à peser sur
les exportations, tandis que l’ajustement du
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Zone euro
100
Indicateur avancé de retournement
conjoncturel
80
60
40
20
0
-20
-40
-60
-80
-100
2003
2004
2005
2006
2007
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
Source : Coe-Rexecode
secteur de la construction résidentielle
devrait se poursuivre. S’adaptant à un rythme
d’activité moins soutenu, les entreprises
pourraient modérer leur effort d’équipement,
et ce en dépit d’une situation financière
encore globalement bonne, au moins jusqu’à
la fin 2006, comme le suggère la hausse du
taux de marge au second semestre de l’an
passé (dernière donnée connue). Par ailleurs,
conséquence de la crise financière, les entreprises pourraient éprouver davantage de difficultés pour financer certaines opérations
tandis que le relèvement des primes de risque
contribuerait à renchérir le coût du crédit.
En revanche, la consommation des ménages
pourrait assez bien résister, connaissant même
une augmentation moyenne de 2 % en 2008
contre seulement 1,5 % cette année. Certes, la
progression de l’emploi s’atténuerait graduellement, en ligne avec la croissance économique. Mais les ménages bénéficieraient d’une
modération de l’inflation l’an prochain, tandis
que la progression des salaires nominaux se
maintiendrait autour de 2,5 % l’an, suite
notamment à la concrétisation des accords de
revalorisation des rémunérations signés outreRhin au printemps dernier.
Au total, la progression du PIB de la zone
euro atteindrait 2,5 % cette année, contre
2,9 % en 2006. Elle reviendrait à 1,9 % l’an
prochain.
La réduction du chômage, qui s’est amorcée
début 2005, se poursuivrait, mais à un
rythme plus atténué. Fin 2008, le taux de
chômage atteindrait 6,5 %, contre 6,7 % un
an plus tôt.
Du côté des finances publiques, l’ensemble
de la zone enregistrerait un déficit inférieur à
1 % du PIB cette année, ce qui constitue une
nette amélioration par rapport à la situation
observée sur la première moitié de la décennie. Mais cet assainissement reste très inégal
selon les pays et reflète surtout le redressement des finances publiques allemandes. En
l’absence de nouveaux programmes d’ajustement de grande ampleur, le solde se stabiliserait autour de ce niveau en 2008.
La demande intérieure
va-t-elle prendre le relais
des exportations en Allemagne ?
La croissance allemande a décéléré au premier semestre 2007, le PIB en volume progressant de 2,2 % l’an au cours des trois premiers mois de l’année puis de seulement 1 %
au printemps. Si le choc de la hausse du taux
de TVA a entraîné un vif recul de la consommation privée au premier trimestre 2007, le
ralentissement enregistré au printemps dernier a été plus fort qu’anticipé. Outre un
mouvement de déstockage, la progression de
l’activité a été grevée par une vive correction
à la baisse de l’investissement en construction. Cette dernière ne devrait cependant pas
s’accentuer, les permis de construire de logements et les surfaces autorisées en construction non résidentielle étant reparties à la
hausse depuis le début de l’année.
La croissance allemande a probablement
atteint un point haut à la fin 2006 avec un
PIB en volume progressant de 3,9 % en glissement sur un an, elle est entrée désormais
dans une phase de décélération.
Les enquêtes de conjoncture indiquent que
l’activité industrielle devrait se modérer. Les
exportations se maintiennent à un niveau
élevé mais ne donnent plus de signe d’accé15
Conjoncture et prévision
lération. Si le commerce mondial devrait être
globalement moins dynamique dans les trimestres à venir, les exportations allemandes
continueraient de bénéficier de la bonne
tenue de l’activité dans les pays émergents,
tout particulièrement de l’appétit d’investissement chinois mais également des pays
d’Europe de l’Est. Cependant, la cherté persistante de l’euro devrait mettre un terme aux
gains de parts de marché enregistrés outreRhin.
Face à une demande externe un peu moins
vaillante mais qui demeurerait finalement
encore bien orientée, la principale incertitude
reste toujours de savoir si le moteur interne
sera capable de prendre le relais pour éviter à
l’économie de replonger dans une longue
phase d’atonie comme celle qu’elle a traversée entre 2002 et 2005. Outre le fait que la
crise actuelle de crédit pourrait avoir des
conséquences négatives sur l’investissement
des entreprises si elle était amenée à se poursuivre, le taux d’utilisation des capacités de
production se replie depuis fin 2006, les commandes intérieures de biens d’équipement
plafonnent et celles adressées au seul secteur
de la construction de machines sont en recul
après, il est vrai, avoir atteint un point haut
historique.
Si l’embellie sur le marché du travail s’est
poursuivie au premier semestre 2007 avec
358 000 emplois créés, la décrue du taux de
chômage a cependant marqué une pause en
août et les résultats des enquêtes de conjoncture ne suggèrent pas de créations d’emplois
aussi dynamiques que dans le passé. La
consommation privée ne devrait cependant
pas redevenir atone et se maintiendrait aux
alentours de 2 % l’an en moyenne. Avec un
peu plus de salaires et un peu moins d’inflation, les ménages bénéficieraient enfin en
2008 d’une légère hausse de leur pouvoir
d’achat. Par ailleurs, l’annonce de comptes
publics à l’équilibre dès cette année pourrait
les inciter à se montrer un peu moins « fourmis » et à revoir un peu à la baisse leur taux
d’épargne.
16
Croissance molle en Italie
Au deuxième trimestre 2007, l’économie italienne a confirmé son ralentissement entamé
au premier trimestre. En variation trimestrielle annualisée, la PIB en volume n’a progressé que de 0,5% contre 1,1% au trimestre
précédent. L’acquis pour l’année 2007 est
désormais de 1,5%.
Les indicateurs conjoncturels disponibles audelà du printemps plaident pour un scénario
de croissance molle fin 2007-début 2008, suivie d’une reprise graduelle à horizon 2008.
Concernant les ménages, le marché de l’automobile se porte plutôt bien avec une accélération du nombre d’immatriculations
depuis la fin de l’année 2006. Par ailleurs, la
hausse des prix à la consommation s’est stabilisée en août (+1,6% sur un an), un
rythme modéré favorable au pouvoir
d’achat. Cependant, la confiance des ménages s’est dégradée au cours des derniers
mois, les ventes au détail enregistrant une
quasi-stagnation sur un an au deuxième trimestre 2007. De fait, en glissement annuel,
le salaire nominal décélère constamment
depuis le début de l’année, ce qui se traduit
par une stagnation du pouvoir d’achat
(0,2 % sur un an en juillet). Enfin, en 2007,
les ménages ont pâti d’une fiscalité alourdie
via un nouveau barème de l’impôt sur le
revenu qui ponctionne davantage les ménages les plus aisés et aussi sous l’effet de nouveaux prélèvements sur les biens immobiliers hérités et certains produits d’épargne.
Toutefois, dès le mois d’octobre, cet effet
pourrait être légèrement atténué par les
conséquences de l’affectation de la
« cagnotte fiscale » (« tesorreto »), issue
notamment des mesures de lutte contre
l’évasion fiscale. Selon le décret de loi affectant le surplus des recettes fiscales, cette
cagnotte sera redistribuée à hauteur de
6,5 milliards d’euros, soit 0,4% de PIB. Elle
bénéficiera notamment aux petites retraites à
hauteur de 900 millions d’euros pour 2007 et
de 1,3 milliard en 2008.
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Plus généralement, la situation des finances
publiques reste préoccupante. Le surplus des
recettes fiscales n’a été que très marginalement affecté à la résorption du déficit comme
le suggérait vivement la Commission européenne. De plus, la coalition Prodi peine à
imposer les réformes structurelles concernant
les retraites notamment.
Par ailleurs, le taux d’utilisation des capacités,
bien qu’en léger repli, reste élevé (78,2%) ce
qui pourrait encourager de prochaines dépenses en biens d’équipement. Mais les marges de
manœuvre des entreprises restent limitées.
Leur taux d’investissement est déjà élevé et
leur taux d’autofinancement est faible.
Au total, le PIB ne progresserait que de 1,5 %
en 2008, soit sensiblement moins que la
moyenne de la zone euro.
Décélération de la croissance
espagnole en 2008
La croissance toujours soutenue observée au
cours des deux premiers trimestres de cette
année devrait se traduire par une progression
du PIB pour l’ensemble de l’année 2007 comparable à celle de 2006. Toutefois, dans le sillage d’un ralentissement envisagé pour l’économie mondiale et pour celle de la zone euro,
nous privilégions l’hypothèse d’une modération de la croissance plus marquée fin 2007début 2008 avec un rééquilibrage graduel à
horizon 2008.
Du côté des ménages, la consommation a
progressé de 3,2% l’an au deuxième trimestre contre 3,9% au premier trimestre et, dans
les prochains mois, les ménages pourraient
pâtir du ralentissement observé sur le marché
immobilier. En effet, sous l’effet du durcissement de la politique monétaire, les charges
d’intérêt des ménages s’alourdissent. Début
2007, elles dépassent les 16% du revenu disponible brut (RDB). L’épargne financière des
ménages espagnols est d’ailleurs négative (à
hauteur de -3,5% du RDB fin 2006) et leur
taux d’endettement avoisine les 135% du
RDB, ce qui leur laisse peu de marge de
manœuvre. Toutefois, en 2007, les dépenses
des ménages resteraient soutenues par la
modération des prix à la consommation, la
situation favorable sur le marché du travail et
la réforme fiscale. En 2008, les ménages risquent de pâtir du ralentissement de la croissance de l’emploi. En conséquence, la
consommation des ménages progresserait
finalement de 3,3% en 2007 et de seulement
2,3% en 2008. L’investissement en logement
ralentirait toujours plus nettement (+3,2%
en 2007 et +0,4% en 2008 après +6,4% en
2006), une hypothèse validée par l’inflexion
des crédits hypothécaires.
Du côté des entreprises, les indicateurs de
court terme disponibles au-delà du deuxième
trimestre sont plutôt pessimistes. Même si le
taux d’utilisation des capacités reste à un
niveau élevé (81,4%), les perspectives d’investissement sont affaiblies par un besoin de
financement des sociétés non financières
élevé (17,4% de la valeur ajoutée fin 2006).
Sur le front externe, sous l’hypothèse d’une
stabilisation de la parité euro-dollar courant
2008, le handicap de compétitivité cesserait
de s’alourdir, le secteur exportateur ne
demeurant pas moins le maillon faible de
l’économie espagnole.
De bonnes surprises
outre-Manche : jusqu’à quand ?
L’économie britannique n’en finit pas de surprendre par la fermeté de sa croissance. Sur les
six derniers trimestres, la progression en
volume du PIB n’est en effet jamais descendue
en dessous du rythme de 2,7 % l’an. En outre,
les dernières enquêtes de cet été relatives à la
confiance dans l’industrie et les services restent toujours particulièrement bien orientées,
ce qui devrait impliquer une poursuite de l’aiguisement des tensions sur les capacités de
production disponibles. Cette performance de
l’économie britannique repose en grande partie
en 2007, comme en 2006, sur une consommation des ménages vigoureuse (+2,6 % sur un
an au deuxième trimestre 2007). Elle est d’autant plus remarquable qu’elle se produit en
17
Conjoncture et prévision
dépit, d’une part, de la fermeté de la livre par
rapport au dollar comme par rapport à l’euro
et, d’autre part, de la poursuite du processus
de resserrement monétaire, initié en août 2006.
La Banque d’Angleterre semble être parvenue à
maitriser la dérive des prix, l’évolution de l’indice des prix à la consommation (+1,9 % sur
un an) satisfaisant en juillet dernier, pour la
première fois depuis mars 2006, à l’objectif de
2 % qu’elle s’était fixé. Toutefois, l’indice des
prix de détail qui incorpore les charges d’intérêt hypothécaire, s’il tend également à décélérer, se situe toujours à un niveau particulièrement élevé (+3,9 % sur un an en juillet).
Le taux d’épargne financière des ménages,
négatif sur les cinq dernières années (-6,7 %
du RDB au premier trimestre 2007), s’accompagne d’un endettement des ménages accru
(156 % du RDB) avec, pour contrepartie, un
fort effet de valorisation de leur patrimoine.
Cet endettement a permis de financer leur
consommation, et ainsi de soutenir la croissance. Mais cette situation pourrait ne pas se
poursuivre au cours de l’année 2008. Le marché immobilier, dont la hausse des prix au
cours du deuxième trimestre a été la plus
vigoureuse depuis 2004, indique de légers
signes d’assagissement sur les derniers mois.
Si l’indice Halifax a crû encore en août dernier de 11,4 % sur un an, le taux de croissance sur les trois derniers mois indique une
inflexion. D’autant que le nombre de prêts
hypothécaires accordés est désormais en net
repli et que le nombre de saisies de logements
de ménages surendettés, qui certes n’atteint
pas le niveau atteint en 2003, est reparti à la
hausse depuis 2005, avec une forte accélération depuis le début 2007. Alors même que
l’accession à la propriété a été avancée
comme le dossier prioritaire du nouveau gouvernement Brown, les secousses financières
d’août dernier pourraient avoir comme effet
de déprimer l’offre de crédit et d’entraîner un
retournement du marché immobilier britannique dès la fin 2007. Cela ne manquera pas
d’avoir des effets sur la consommation. Les
ménages devraient toutefois bénéficier d’un
contexte plus favorable en termes de pouvoir
d’achat, grâce notamment au reflux de l’inflation, après un exercice 2006 médiocre
(+1,1 % relativement à 2005).
18
La crise financière pourrait également affecter
la croissance britannique via la modération de
ses exportations. Alors que l’excédent des
exportations de services a doublé sur les cinq
dernières années, la croissance de ces dernières pourrait marquer le pas, indépendamment
de la tendance à l’appréciation de la livre,
observable depuis le début 2007. Les exportations britanniques reposant fortement sur les
services d’intermédiation bancaire, financière
et les activités d’affaires (un tiers du secteur
des services), la crise financière pourrait avoir
pour conséquence une aggravation du déficit
extérieur courant, alors qu’il semblait se stabiliser au premier trimestre à environ 3,6 % du
PIB. Au total, la croissance britannique devrait
être inférieure de l’ordre d’un point en 2008
par rapport à 2007 (1,9 contre 2,9 %).
Une croissance française
en peine d’accélération
Comme la plupart des économies européennes,
la croissance française a déçu au printemps en
ne ressortant qu’à 1,3 % l’an. Toutefois, alors
qu’en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie et en
Espagne, la décélération de l’activité tient à un
tassement des dépenses des ménages, et
notamment de leurs dépenses d’investissement, l’affaiblissement de la croissance française s’explique pour l’essentiel par une modération de l’investissement productif et par une
nouvelle contribution négative de la demande
extérieure à la croissance. La progression des
exportations (3,5 % l’an et 2 % sur un an)
reste ainsi très en retrait de celle des marchés
français à l’exportation (que nous estimons à
5,6 % sur l’ensemble de l’année en cours). A
l’inverse, le dynamisme des importations s’est
accéléré, ressortant à 8,5 % l’an. Les traits distinctifs de l’économie française semblent ainsi
s’être encore renforcés au cours des derniers
mois : soutenue par la dépense des ménages,
qu’elle soit destinée à la consommation ou à
l’investissement, la croissance en France reste
bridée par une compétitivité toujours défaillante et même gagnée par des signes d’attentisme du côté de l’investissement productif.
Les premières estimations de la croissance au
deuxième trimestre soulignent combien l’éco-
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
nomie française peine à accélérer. Les premières indications disponibles relatives au troisième trimestre apparaissent toutefois plutôt
favorable. Les dépenses de consommation des
ménages ont vivement rebondi, les exportations ont été bien orientées en juillet et août, et
l’indice de la production industrielle a effacé
en juillet et en août son recul des deux mois
précédents. Ce rebond peinerait toutefois à se
prolonger durablement. Les enquêtes de
conjoncture auprès des directeurs d’achat se
tassent depuis plusieurs mois. C’est notamment le cas de l’enquête PMI dans l’industrie
qui reste tirée à la baisse par le tassement régulier des opinions sur les nouvelles commandes,
notamment à l’exportation. Les résultats des
enquêtes Insee dans l’industrie sont en revanche mieux orientés. Pour sa part, si l’indice de
confiance dans le secteur de la construction ne
marque aucun signe d’inflexion pour l’heure,
la dynamique du secteur paraît se modérer en
ligne avec le vif repli de la consommation de
ciment et, à plus long terme, avec l’amorce
d’un recul des permis de construire de logements et de bâtiments non-résidentiels. A nouveau, le secteur du commerce de détail fait
exception. Interrogés en août, les chefs d’entreprise de ce secteur faisaient état d’intentions
de commandes record. Le particularisme français qui tient à ce que la progression de la
consommation des ménages a systématiquement dépassé celle du PIB depuis 2001 pourrait
ainsi se prolonger en 2007 et 2008.
La consommation des ménages serait en effet
favorisée par l’introduction du paquet fiscal
voté à l’été. Les mesures liées à la déduction
des intérêts, aux exonérations sur les droits de
succession et les donations, à la défiscalisation
des heures supplémentaires, à l’abaissement
du bouclier fiscal et aux aménagements des
règles de l’ISF portent sur des montants (en
année pleine et en régime de croisière) qui
approchent neuf milliards d’euros. La majeure
partie de ce montant vient soutenir le pouvoir
d’achat du revenu des ménages. Il est toutefois
probable qu’une part de ce surcroît de revenu
sera épargnée. Il reste également délicat d’évaluer ex ante dans quelle mesure la défiscalisation des intérêts versés pour l’acquisition du
logement viendra soutenir les volumes d’activité et d’investissement dans le logement ou
plutôt les prix de ces derniers. Nous avons privilégié l’hypothèse que cette mesure viendrait
atténuer les risques baissiers qui pèsent sur
l’investissement en logement des ménages.
Alors que nous retenions encore en avril dernier un scénario de recul de l’investissement
en logement des ménages en 2008, nous privilégions désormais une légère progression de ce
type de dépense et ce en dépit de la brutale
remontée des stocks de maisons neuves qui
s’est opérée au cours des derniers mois.
La progression de l’emploi
irait en se modérant
Si les mesures fiscales pourraient à nouveau
favoriser la consommation des ménages, celleci risque toutefois de se trouver affectée par la
modération de l’emploi comme par une inflation un peu plus vive en 2008 que lors de
l’exercice en cours, voire par des prélèvements
accrus face à la montée du déséquilibre des
comptes de l’assurance-maladie (mise en
place d’une franchise sur les actes médicaux).
Avec 60 000 créations d’emplois salariés dans
le secteur concurrentiel, les chiffres de l’emploi au deuxième trimestre marquent un fléchissement après, il est vrai, un début d’année
très dynamique. Ce léger ralentissement se
double toutefois d’un recul des missions d’intérim depuis quelques mois et d’une remontée
du nombre de chômeurs en août. Par ailleurs,
les soldes d’opinions des industriels comme
des chefs d’entreprise dans les services quant
à l’évolution prévue de leurs effectifs plafonnent depuis quelques mois, suggérant, une
dérive un peu moins vive de l’emploi marchand. Pour sa part, la hausse des effectifs
salariés des administrations publiques pourrait se modérer en 2007 et plus encore en 2008
après avoir contribué à un peu moins de la
moitié des créations d’emplois observées entre
2003 et 2006. Du côté des prix, l’inflation
serait soutenue par une accélération progressive des prix des produits alimentaires en 2007
et 2008 en ligne notamment avec les tensions
sur les cours mondiaux de ces produits.
Les dépenses des administrations publiques
se modéreraient pour leur part sous l’effet
19
Conjoncture et prévision
d’une décélération des dépenses de consommation collective (notamment les achats de
produits de santé). L’entrée dans le cycle
électoral communal pèserait également
jusqu’en milieu d’année prochaine sur les
dépenses d’investissement des collectivités
locales. Du reste, les permis de construire
pour les bâtiments publics ont vivement corrigé à la baisse au cours des derniers mois.
Le comportement de dépense des entreprises
apparaît plus difficile à tracer. La modération
de l’investissement productif au printemps se
marie mal avec des intentions de commandes
de la part des commerçants de gros de biens
d’équipement qui restent bien orientées. Elle
est également contredite par la bonne tenue
des opinions des industriels du secteur des
biens d’équipement quant au niveau de leurs
carnets de commandes. Enfin, les mises en
chantier de bâtiments non résidentiels s’inscrivent à un niveau élevé depuis le début de
l’année. Le principal frein à une franche accélération des dépenses d’investissement qui
les feraient passer au-dessus de leur rythme
tendancieux qu’elles suivent depuis quatre
ans est à rechercher à nouveau dans les
médiocres résultats des sociétés non financières installées sur le territoire. Connus
jusqu’au deuxième trimestre, les profits bruts
(avant distribution) de ces dernières reculent
de 9,4 % sur un an et leur taux d’endettement inscrit trimestre après trimestre de nouveaux records. Il voisine avec le seuil de
150 % de la valeur ajoutée au terme du
deuxième trimestre. Par ailleurs, les flux
entrants d’IDE en capital social ont reculé de
19 % au premier semestre 2007 par rapport à
la même période de l’année dernière quand
dans le même temps les flux sortants de ce
même type de capitaux ont été quasiment
multipliés par deux. Le potentiel d’accélération des dépenses d’investissement productif
apparaît ainsi des plus modestes d’autant que
le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie manufacturière reste à
un niveau relativement proche de sa
moyenne de longue période. Dans un
contexte de croissance molle, le redressement
des résultats des entreprises ne s’opérerait
que lentement et ce d’autant que les salaires
progresseraient à nouveau d’un peu plus de
20
2,5 % soutenus notamment par l’aiguisement
des difficultés de recrutement.
Le redressement des comptes des entreprises
reste tributaire de l’arrêt de la dégradation de
la compétitivité de l’économie française. Pour
l’heure, le recul de nos parts de marché à
l’exportation se poursuit que ce soit pour les
échanges internationaux de marchandises ou
pour ceux de services. La pénétration du
marché domestique par les importations s’est
en outre encore renforcée. Les premières
mesures annoncées (extension du crédit
d’impôt recherche notamment) ne sauraient
exercer d’effet positif sur la compétitivité
extérieure avant quelques exercices. D’ici là,
la compétitivité du site de production France
risque de pâtir du niveau élevé de l’euro mais
aussi à d’une montée des difficultés d’offre
du fait d’un faible investissement passé,
notamment dans l’industrie dont le capital
installé sur le territoire se contracte depuis
2002. Elle serait aussi pénalisée par les tensions liées aux goulots de main d’ouvre.
Nous retenons ainsi à nouveau pour l’exercice 2008 une hypothèse de progression des
exportations françaises moins vive que celle
de la demande mondiale adressée à la France.
Enfin rappelons que notre scénario macroéconomique fait implicitement l’hypothèse
que les turbulences financières récentes ne se
traduiraient pas par un durcissement prononcé et durable des conditions de crédit. Le
moteur de l’endettement qui a été l’un des
principaux véhicules de la croissance de la
demande interne resterait ainsi encore allumé
en 2008. Les chiffrages des comptes trimestriels suggèrent que le PIB pourrait progresser
de 1,8 % en 2007. Toutefois, certaines informations complémentaires, issues notamment
des enquêtes de conjoncture, donnent à penser que la croissance en moyenne annuelle
pourrait être plus proche de 2 % finalement.
En 2008, la croissance du PIB ressortirait également à 2 %.
Achevé de rédiger le 28 septembre 2007
Denis Ferrand - [email protected]
Alain Henriot - [email protected]
Cet article est basé sur les données connues
au 13 septembre 2007.
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Annexe statistique
21
Conjoncture et prévision
Principaux indicateurs mondiaux
Part (%)1
2006
2006
Monde
Etats-Unis
Canada
Japon
Zone euro
Allemagne
France
Italie
Espagne
Pays-Bas
Belgique
Autriche
Grèce
Portugal
Finlande
Irlande
Luxembourg
Royaume-Uni
Suède
Danemark
Suisse
Norvège
Turquie
Europe de l’Est
Pologne
Rép. tchèque
Hongrie
Roumanie
Slovaquie
Bulgarie
Russie
Ukraine
Asie émergente
hors Chine et Inde
Chine
Inde
Corée du Sud
Indonésie
Taiwan
Thaïlande
Philipines
Malaisie
Hong-Kong
Singapour
Amérique latine
Brésil
Mexique
Argentine
Colombie
Chili
Pérou
Venezuela
Afrique
Moyen-Orient
1
3
22
PIB2
2007
2008
Prix à la conso.2
2006 2007
2008
Balance courante3
2006 2007
2008
100
20,0
1,8
6,3
15,2
4,0
3,1
2,8
1,9
0,9
0,6
0,4
0,5
0,4
0,3
0,3
0
5,3
2,9
2,7
2,2
2,8
3,1
2,0
1,9
3,9
2,9
3,2
3,1
4,2
1,3
5,5
6,0
6,2
5,1
2,0
2,5
2,0
2,5
2,6
1,8
1,8
3,9
2,5
2,7
2,7
3,4
2,0
4,7
4,5
3,8
4,7
2,3
2,2
1,9
1,9
2,1
2,0
1,5
2,6
2,1
2,1
2,2
3,1
2,0
2,7
3,5
3,5
3,2
2,0
0,2
2,2
1,7
1,7
2,1
3,5
1,2
1,8
-
2,9
2,4
0,1
2,0
2,0
1,6
1,7
2,7
1,6
1,5
-
2,6
2,3
0,6
1,8
1,7
2,0
1,9
2,9
1,6
1,6
-
-811
20,8
171
-10,5
147,8
-28,3
-47,3
-106,3
57,4
7,9
-
-726
25,5
195
-17,7
188,0
-32,5
-42,0
-130,7
54
9,8
-
-697
23,7
202
-39,0
184,0
-35,2
-37,8
-143,9
52,4
8,3
-
3,2
0,5
0,3
0,4
0,3
1,0
5,4
0,9
0,4
0,3
0,3
0,1
0,1
2,6
0,6
32,5
7,3
16,9
6,6
1,8
1,7
1,1
0,9
0,7
0,5
0,4
0,2
7,2
2,7
1,8
0,9
0,6
0,3
0,3
0,3
2,6
1,9
2,8
4,2
3,0
3,2
2,8
5,8
6,5
6,1
6,1
3,9
7,7
8,3
6,1
6,7
7,1
9,2
5,8
11,1
9,4
5,0
5,5
4,6
5,0
5,4
5,9
6,8
7,9
5,3
3,7
4,8
8,5
6,8
4,0
7,8
10,3
5,6
5,1
2,9
3,5
2,1
2,7
3,2
5,2
6,4
6,4
5,6
2,4
6,3
8,7
5,8
7,0
6,5
9,1
5,5
11,3
8,8
4,4
5,8
4,2
4,0
6,0
5,2
5,5
6,9
4,6
4,4
2,5
7,0
6,0
5,9
7,0
6,0
5,2
4,5
1,9
3,0
1,9
2,0
2,7
5,0
5,8
5,0
5
2,9
5,8
7,0
5,4
6,5
6,0
8,3
5,2
10,0
8,0
4,3
5,2
4,1
4,2
5,2
4,8
5,1
6,0
3,9
4,4
2,7
4,0
4,8
4,5
6,0
2,5
4,4
4,4
2,3
1,1
2,5
3,9
6,6
4,5
7,3
9,8
9,1
1,5
5,8
2,2
13,1
0,6
4,7
6,3
3,6
2,0
1,0
4,2
3,6
10,9
4,3
3,4
13,7
-
2,5
2,3
2,6
7,6
4,0
2,5
5,3
8,5
10
3,9
6,0
2,5
6,3
1,1
2,5
2,5
1,9
1,6
2,1
3,6
4,1
9,6
5,8
3,0
18,3
-
2,0
2,8
4,0
4,0
4,3
2,2
4,5
7,7
8,8
3,4
5,3
2,9
5,7
1,5
2,9
2,4
2,4
1,8
2,8
4,3
3,6
14,5
4,0
3,4
25,3
-
-88,1
-8,0
-4,4
-6,3
-4,6
95,3
249,9
-9,3
6,1
10
24,7
3,2
5,0
25,6
20,6
36,7
13,6
-2,4
8,0
-3,1
5,3
-76,8
-12,5
-3,5
-5,8
-3,0
75,0
329,9
-14,9
2,1
9,8
24,2
10,0
6,0
26,0
19,0
40,6
9,0
-6,5
4,5
-3,0
5,5
-69,2
-10,0
-3,0
-5,5
-2,0
65,0
369,9
-14,5
1,4
7,0
22,0
11,0
3,5
26,0
12,0
45,3
8,0
-6,0
2,0
-3,1
2,0
27,2
-
17,5
-
15,0
-
A parité de pouvoir d’achat - 2 Taux de variation annuel, en % Milliards de dollars (hors échanges intra-zone pour la zone euro).
Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
Taux de change et taux d'intérêt
2006
2007
2007
2008 1e tr. 2e tr. 3e tr.
4e tr.
2008
1e tr. 2e tr. 3e tr.
4e tr.
1. Taux de change
1 dollar US = … yen
"
= … euro
1 euro
=…$
"
= … yen
"
=…£
1£
=…$
116
0,80
1,25
146
0,68
1,84
118
0,74
1,35
159
0,68
1,99
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
119
0,76
1,32
156
0,67
1,95
121
0,74
1,35
163
0,68
1,99
118
0,73
1,37
161
0,68
2,02
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
115
0,74
1,35
155
0,68
1,99
2. Taux d'intérêt à 3 mois (%)
Etats-Unis (bons du Trésor)
Japon (euro-yen)
Royaume-Uni (Libor)
Zone euro (euribor)
5,2
0,3
4,8
3,1
5,2
0,7
6,0
4,1
4,4
1,0
5,9
4,1
5,3
0,6
5,5
3,8
5,3
0,6
5,7
4,0
5,4
0,8
6,3
4,5
4,8
0,8
6,5
4,3
4,6
0,9
6,3
4,3
4,6
1,0
6,0
4,3
4,3
1,0
5,8
3,9
4,2
1,1
5,5
3,8
3. Taux d'intérêt à 10 ans (%)
Etats-Unis
Japon
Royaume-Uni
Allemagne
France
Italie
Espagne
Zone euro
4,8
1,7
4,5
3,8
3,8
4,0
3,8
3,9
4,8
1,8
5,1
4,3
4,3
4,5
4,3
4,3
4,8
2,2
5,0
4,2
4,4
4,6
4,3
4,4
4,7
1,7
4,9
4,0
4,1
4,2
4,1
4,1
4,8
1,8
5,2
4,3
4,4
4,6
4,4
4,4
4,8
1,7
5,2
4,4
4,4
4,6
4,4
4,5
4,8
2,0
5,2
4,3
4,4
4,6
4,3
4,4
4,8
2,1
5,1
4,3
4,4
4,6
4,2
4,4
4,8
2,2
5,0
4,3
4,4
4,6
4,3
4,4
4,8
2,2
5,0
4,2
4,3
4,5
4,2
4,3
4,8
2,2
5,0
4,2
4,3
4,5
4,2
4,3
Prix des matières premières
2005 2006 2007 2008
Pétrole : $/baril de Brent
2007
2008
1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr. 1e tr. 2e tr. 3e tr. 4e tr.
54,5 65,2 67,6 70,0 58,5 68,7 73,1 70,0 70,0 70,0 70,0 70,0
Matières premières hors énergie*
(en rythme annualisé pour les données trimestrielles)
en $ (indice Coe-Rexecode)
4,4 26,8 18,9 1,7
5,5 52,0 -3,0 -2,3 0,0 0,0 0,0
en euro (indice Coe-Rexecode)
4,1 25,6 11,0 1,2 -4,9 36,6 -7,2 2,5
0,0 0,0 0,0
* Taux de variation par rapport à la période précédente, en %
0,0
0,0
23
Conjoncture et prévision
Prévisions annuelles
des principaux indicateurs macro-économiques de la France
Variations annuelles en %
2005
2006
2007
2008
1. Compte emplois-ressources (en volume)
PIB
Demande interne stocks compris
Demande interne hors stocks
Consommation privée
Consommation publique
FBCF totale
logement
productif
administrations publiques
Exportations de biens et services
Importations de biens et services
1,7
2,4
2,2
2,2
0,9
4,0
6,2
2,7
7,2
3,2
5,4
2,2
2,5
2,4
2,3
1,6
4,1
4,5
4,6
1,3
6,3
7,1
1,8
2,1
2,0
2,0
1,6
3,0
1,3
4,5
4,1
3,3
4,2
2,0
2,1
2,1
2,5
1,4
2,1
0,7
2,8
1,8
3,9
4,1
2. Evolutions nominales
PIB
Prix de détail
3,5
1,8
4,5
1,7
3,9
1,5
4,1
2,0
3. Marché du travail
Emploi salarié "marchand"
Taux de chômage au sens du BIT (%)
Salaire mensuel de base
0,5
9,9
2,8
1
9,0
2,8
1,5
8,1
2,7
0,6
7,8
2,8
4. Comptes d'agents
Taux de marge des SQS en %*
Pouvoir d'achat du RDB des ménages**
Taux d'épargne brute des ménages (%)*
Solde des comptes publics en % du PIB *
30,2
1,7
15,3
-3,0
5. Commerce extérieur
Balance commerciale FAB-FAB
en mrds d'euros (taux annuel)
Balance courante (taux annuel)
- en mrds d'euros
- en % du PIB
Moyenne sur la période
30,8
30,1
2,6
2,7
15,4
15,9
-2,5
-2,6
30,5
2,2
15,7
-2,6
-23
-27
-36
-40
-16,5
-1,0
-23,0
-1,3
-24,2
-1,3
-26,1
-1,3
* moyenne sur la période
** déflateur utilisé : indice des prix à la consommation
Profil trimestriel de la croissance
et des principaux indicateurs macro-économiques de la France
Variations trimestrielles au taux
2007
2008
annuel (en % l’an)
1e tr. 2e tr.
3e tr.
4e tr. 1e tr. 2e tr.
3e tr.
PIB
2,3
1,2
2,4
2,1
1,8
1,9
2,2
Consommation privée
2,1
2,4
2,6
2,4
2,4
2,4
2,5
Consommation publique
1,1
1,9
1,4
1,4
1,3
1,3
1,3
FBCF totale
4,9
1,5
3,0
2,4
1,7
1,7
2,6
Exportations de biens et services
5,6
3,5
4,9
3,6
3,4
3,4
4,1
Importations de biens et services
2,6
7,9
4,6
3,4
3,5
3,7
4,3
Prix de détail
0,9
2,6
3,3
2,4
2,0
1,2
1,6
24
4e tr.
2,3
2,6
1,3
3,0
4,6
4,8
1,4
Conjoncture et prévision
Positionnement cyclique
des économies
par Jacques Anas
Cet article récurrent de la revue Diagnostic(s) vise à fournir chaque trimestre
une évaluation actualisée du positionnement cyclique des grandes économies,
c’est-à-dire une première datation des points de retournements récents et
une détection rapide des points de retournement en cours ou imminents.
L’article se clôt par un « focus » sur l’indicateur de croissance sous-jacente.
l est important de distinguer le présent du futur. Cela paraît une évidence mais à en croire les discussions sur la croissance française, il
semble bien qu’il y ait confusion. Le
PIB trimestriel est devenu l’instrument privilégié pour évaluer la croissance. Pourtant, il
est volatil, connu avec retard et sujet parfois à
révision deux à trois ans plus tard (± 0,3 %).
Aussi, n’est-il pas forcément l’instrument adéquat pour évaluer la vitesse de déplacement
de l’économie. Des indicateurs alternatifs existent. L’OCDE comme le Conference Board ont
élaboré des indicateurs avancés ou coïncidents
pour la France, mais peu connus et utilisés.
Divers organismes français, publics ou privés
tâchent d’estimer la croissance à travers des
modèles économétriques : l’OFCE, la Banque
de France, Natexis avec plus ou moins de succès. L’INSEE a construit un indicateur probabiliste mais fondé uniquement sur l’enquête
INSEE dans l’industrie. La DGTPE a récemment élaboré un indicateur prototype. A coté
ou sur la base de ces indicateurs, les économistes eux--mêmes font des évaluations chiffrées de la croissance.
question anodine dans le cadre du positionnement cyclique tel que nous le définissons.
Alors oui, il y a débat. La croissance tendancielle de la France est d’environ 2%. Est- on
au-dessus ou en dessous ? Sera--t-on en dessous ou au-dessus l’an prochain ? C’est à ces
questions que l’on doit répondre. Pour ce qui
concerne le présent, l’indicateur de croissance
sous-jacente développé par Coe-Rexecode
(objet du « focus » qui en présente les principales caractéristiques méthodologiques) indique depuis six mois une croissance sousjacente aux alentours de 2,3 % - 2,4 %, ce qui
est largement au-dessus de l’estimation
INSEE. Ainsi, il n’y aurait pas eu encore de
ralentissement en France, au sens cyclique du
terme. Evidemment, un trimestre « exceptionnellement mauvais » (raisons climatiques) a
pu venir troubler les cartes mais ne devrait pas
mener à considérer que la croissance a fléchi.
Ceci ne préjuge en rien du futur et n’empêche
pas que l’on puisse prévoir un ralentissement
cyclique dans les trimestres à venir. Tel semble
bien être le signal donné par les indicateurs
avancés de Coe-Rexecode au niveau global de
la zone euro mais aussi pour la France.
L’INSEE a soufflé un froid en publiant un chiffre bas de croissance au deuxième trimestre
(0,3%) mais aussi parce que le glissement
annuel avait chuté à 1,3%, ce qui semblait
peu compatible avec d’autres indicateurs
réels, comme la baisse importante du chômage. La question est donc : la croissance a-telle déjà ralentie en France ?. Ce n’est pas une
Le risque de ralentissement serait plutôt
devant nous que derrière nous. Bien entendu
le policy-mix pourra infléchir ces tendances.
Par exemple, le paquet fiscal en France pourrait soutenir la croissance au prix d’un déficit
moins maitrisé. Une baisse des taux d’intérêt
par la BCE pourrait aussi servir de stimulus
pour contrecarrer des tendances baissières.
I
25
Conjoncture et prévision
Les fluctuations de la production
Cyc le d e s affair es
. .
B
A
. ..
β
C D
.
α
niveau
tendance
Cycle des
affaires ou cycle
classique
(business cycle ),
représenté par
le niveau de la
production.
Cyc le d e c roissan c e
.
A
0
.
écart à tendance
D
phase de ralentissem ent
phase de récession
Cyc le d u t aux d e c r oissan c e
.
α
.
0
B
taux de croissance instantané
.
β
Source : Coe-Rexecode
26
Cycle de
croissance
(growth cycle
ou deviation
cycle ),
représenté par
l'écart du
niveau de la
production à sa
tendance.
.
C
Cycle du taux
de croissance
ou cycle
d'accélération
(accelation
cycle ),
représenté par
le taux de
croissance
instantané de la
production.
Positionnement cyclique des économies
Mais le signal est bien là et la probabilité d’un
ralentissement est donc grande. Par contre,
l’ampleur du ralentissement est encore incertaine. D’une part, l’évolution et la durée de la
crise financière actuelle est difficile à prévoir,
dépendant de l’étendue des pertes qui seront
révélées peu à peu et de leur impact sur la
confiance et les conditions de crédit. D’autre
part, tout dépendra de la durée du ralentissement aux Etats-Unis et de ses répercussions en
Europe en termes commercial et financier.
Approche ABCD
Le cycle économique peut être défini de plusieurs façons avec, pour chacune de ces définitions, une chronologie forcément différente
des « points de retournement ». Dans le suivi
empirique des cycles, on retient généralement
trois définitions : le cycle classique, le cycle de
croissance et le cycle d’accélération. CoeRexecode se concentre sur le suivi conjoncturel des pics et creux des deux premiers types
de cycles, dans le cadre d’une approche intégrée dite ABCD. Depuis 1995, Coe-Rexecode a
développé un système d’indicateurs mensuels
probabilistes permettant de détecter en temps
réel les pics et les creux des cycles classique et
de croissance. Ainsi, les indicateurs avancés
de retournement conjoncturel (IARC) permettent d’anticiper les points A et D du cycle de
croissance. Ils sont calculés pour la France,
l’Allemagne, l’Italie, la zone euro et les EtatsUnis. D’autre part, les indicateurs d’entrée et
sortie de récession (IESR) fournissent une probabilité d’occurrence des points B et D, délimitant les phases de récession économique pour
les Etats-Unis et la zone euro. Enfin, plus
récemment, Coe-Rexecode a mis au point un
indicateur statistique du rythme de croissance
(IRC), qui fournit tous les mois une estimation
instantanée de la vitesse de croissance de la
France et de la zone euro.
Nous rappelons rapidement la définition des
trois types de cycles, représentés sur la figure
de la page suivante.
Le cycle des affaires
Le cycle des affaires (business cycle) ou cycle
classique reproduit le cycle du niveau d’activité global d’une économie. C’est la définition
la plus répandue dans la littérature. Les points
de retournement (nommés B et C dans la
figure 1) de ce cycle délimitent les périodes de
croissance négative, ou récessions, des périodes de croissance positive. Bien entendu, dans
la réalité, une période de croissance négative
sera reconnue comme une récession si elle
obéit aussi à des critères minimum de durée
et/ou d’intensité ainsi qu’à une diffusion suffisante au sein de l’économie. Par exemple,
bien que la croissance en zone euro soit devenue négative en 2001 et 2003 dans plusieurs
grands pays dans le sillage de la récession
américaine de 2001, cet épisode n’a pas été
suffisamment diffusé pour que l’on puisse parler de récession globale. Les pics et creux de ce
cycle classique étant les moments où la croissance s’annule pour devenir négative ou positive, on les appellera respectivement entrées et
sorties de récession.
Le cycle de croissance
Le deuxième cycle, très largement évoqué
notamment en Europe, est le cycle de croissance (growth cycle). Ce cycle est défini
comme l’écart de la série utilisée (généralement le PIB) à sa tendance de long terme. Ce
cycle de croissance possède des points de
retournement (nommés A et D sur la figure 1)
qui peuvent s’interpréter assez facilement. En
effet, le pic A du cycle de croissance est le
moment où le taux de croissance repasse audessous du taux de croissance tendanciel. De
même, le creux C représente le moment où il
repasse au-dessus. En effet, le pic est atteint
lorsque la dérivée de l’écart à la tendance
s’annule, donc lorsque la dérivée de la série
(assimilable au taux de croissance instantané)
égale la dérivée de la tendance (soit la pente
de la tendance si celle-ci est linéaire). Comme
27
Conjoncture et prévision
Présentation de l’indicateur de croissance sous-jacente
L’indicateur de croissance sous-jacente est un indicateur mensuel permettant d’évaluer, en
temps réel, le « rythme de croissance » d’une économie. Il est calculé sur la base des enquêtes
de conjoncture. Il a été réalisé pour l’instant pour la France et la zone euro. Le « rythme de
croissance » correspond à la croissance sous-jacente de l’économie. En effet, il apparaît que le
taux de croissance trimestriel du Produit intérieur brut (PIB) publié par les différents instituts
de statistiques officiels est bruité. De plus, celui-ci n’est disponible que trimestriellement avec
un délai d’un à trois mois et parfois avec des révisions non négligeables. Il ne permet donc pas
un suivi optimal, en temps réel, de la conjoncture. L’indicateur mensuel proposé a pour objectif de cerner chaque mois la pente « réelle » de la croissance et d’en repérer les inflexions. Il
constitue donc un outil précieux pour valider les signaux des indicateurs avancés IARC. De plus,
il permet de calculer chaque mois un acquis de croissance.
La croissance sous-jacente s’obtient par lissage de la variation trimestrielle glissante d’une estimation du PIB mensuel. Il est exprimé en rythme annualisé. Contrairement aux indicateurs de
croissance publiés par d’autres organismes, l’indicateur ne vise pas à estimer la variation trimestrielle du PIB telle qu’elle est publiée par l’INSEE ou Eurostat, mais à évaluer le rythme de croissance sous-jacent qui, par définition, est moins volatil. Cependant, d’une année à l’autre, le
bruit se compense, si bien que les taux de croissance annuels de l’indicateur de Coe-Rexecode
et celui du PIB officiel sont proches.
Présentation de l’IESR
L’indicateur probabiliste d’entrée et de sortie de récession construit par le COE est basé sur un
modèle à changements de régimes markoviens. Il fournit en sortie une probabilité instantanée
d’appartenance à un régime de récession de l’économie, connue comme étant la probabilité
filtrée. C’est cette probabilité estimée que nous récupérons en sortie pour construire notre indicateur probabiliste.
Le modèle de Hamilton est appliqué sur un nombre fini K de séries coïncidentes avec le cycle
d’affaires de référence. Pour les Etats-Unis par exemple, les séries sélectionnées sont le taux de
chômage, la production industrielle, l’indice des annonces d’offres d’emploi parues dans la
presse et les dépenses de construction du secteur privé. A chaque temps t, on obtient ainsi en
sortie K probabilités conditionnelles d’appartenance au régime de récession. Ces probabilités
conditionnelles sont alors agrégées en tenant compte des risques de première et de seconde
espèce estimés empiriquement par le nombre de faux signaux et de signaux manqués. A chaque temps t, l’indicateur instantané d’entrée et de sortie de récession est alors défini comme
étant l’agrégation des ces probabilités. Le signal de changement de régime est donné lorsque
l’indicateur franchit le seuil de 0,5.
Présentation du IARC
L'indicateur avancé IARC combine l'information fournie par des séries qui ont une avance sur le
cycle (elles se retournent avant que l'économie globale ne passe par son point de retournement).
Pour la zone euro par exemple, les cinq séries qui composent l'indicateur sont un indicateur synthétique des principales bourses en zone euro, l'écart de taux d'intérêt (taux de rendement des
obligations d’Etat à dix ans moins EURIBOR à trois mois), l'indicateur avancé du cycle économique
aux Etats-Unis, un indicateur des prix de vente prévus dans le commerce de gros (biens intermédiaires industriels) et une variable synthétique des enquêtes d’opinion mensuelles en zone euro
dans l'industrie des biens intermédiaires (résumé des réponses sur la production passée et prévue,
les carnets de commandes global et étranger et le niveau des stocks).
Les séries ont été sélectionnées parmi un inventaire de séries qui se sont révélées avoir une
capacité prévisionnelle des points de retournement. Les propriétés suivantes ont été prises en
considération : avance, pertinence économique, obtention rapide des données, faiblesse des
révisions et de la volatilité. Chaque mois est calculé la probabilité que chacune des six séries
soit passée par un point de retournement, suivant la formule des probabilités séquentielles de
Neftçi. L'hypothèse est faite que la probabilité d'occurrence d'un point de retournement est
indépendante de la durée de la phase en cours qui s'est déjà écoulée. Ces probabilités sont
ensuite agrégées avec une pondération qui tient compte, pour chaque série, du risque de faux
signal ou de celui de rater le cycle économique.
28
Positionnement cyclique des économies
il faut donner un nom aux phases baissières et
haussières, nous parlerons respectivement de
ralentissement conjoncturel et de reprise (ou
rebond) conjoncturelle. De même, nous
dénommerons les pics A et les creux D, les
points de retournement conjoncturels.
Le cycle du taux de croissance
Le troisième cycle est le cycle du taux de croissance ou cycle d’accélération. Le pic du cycle
d’accélération (point ? sur la figure 1) représente
le maximum atteint par le taux de croissance, et
le creux (point ? sur la figure 1) indique que le
taux de croissance est passé par son point bas. Il
est difficile de donner un nom aux phases de ce
cycle. Il est en tout cas périlleux de parler de
ralentissement lorsque le taux de croissance
franchit un pic. Par exemple, lorsque la croissance trimestrielle du PIB de la France, passe de
4 % l’an à 3 %, on ne peut parler de ralentissement conjoncturel car le PIB continue de croître
à un rythme se situant au-dessus de sa croissance tendancielle. Il est aussi contestable de
parler de reprise conjoncturelle lorsque la croissance passe de – 2 % l’an à – 1 %. Même si le
taux augmente, il reste négatif, ce qui correspond à une baisse d’activité, donc à une période
récessive. Paradoxalement, le cycle d’accélération est le plus populaire auprès des praticiens. Il
est approché par le glissement annuel ou le taux
de croissance trimestriel (du PIB en général).
priori d’affirmer combien de temps il faut pour
valider de manière définitive en « datation
finale » ces points de retournement provisoires. En tout cas, si l’incertitude sur leur existence peut être levée assez rapidement, il n’en
est pas de même pour la fixation de la date car
les données sont souvent révisées et les effets
de bord des filtres, lorsqu’ils sont utilisés,
ajoutent une imprécision supplémentaire.
Evaluation du passé récent
La méthode non paramétrique de Bry et
Boschan, complétée par une mesure de la
sévérité (degré combiné de durée et d’intensité), est utilisée pour identifier les points de
retournement provisoires sur le passé récent.
Concernant le cycle de croissance, nous utiliserons en supplément d’appréciation, l’indicateur de rythme de croissance IRC (voir encadré) qui permet d’apprécier si la pente de
croissance a croisé ou non la pente tendancielle, ce qui est le signe d’un changement de
phase. Notons dès à présent la difficulté à
identifier les « trous d’air » qui ne sont que des
pauses dans la croissance et qui se caractérisent par le caractère « transitoire » du croisement de la pente tendancielle.
Evaluation en temps réel
Méthodologie
La détection en temps réel s’appuie sur des
indicateurs élaborés sur la base d’une modélisation non-linéaire à changement de régimes
(pour plus d’information, voir Anas et Ferrara,
2004). Pour anticiper les points A et D du cycle
de croissance, nous utilisons l’indicateur
avancé de retournement conjoncturel (IARC)
créé par le COE en 1995. Pour détecter en
temps réel les points B et C du cycle d’affaires
(il est difficile de trouver un indicateur avancé
pour les récessions), nous utilisons l’indicateur
d’entrée-sortie de récession (IESR) créé par le
COE en 2000, à partir d’un modèle à changements de régimes markoviens.
La datation récente des points de retournement ne peut être que provisoire, comme cela
a été souligné précédemment. Il est difficile a
Pour la zone euro, une mesure du degré de diffusion et de synchronisation des mouvements
cycliques peut expliquer pourquoi au niveau
global on identifie ou non un changement de
Positionnement cyclique
Le positionnement cyclique des Etats-Unis et
de la zone euro est réalisé dans le cadre de
l’approche ABCD. Dans un premier temps,
nous rappelons la méthodologie utilisée pour
mener à bien cette évaluation et notamment
les indicateurs cycliques de Coe-Rexecode.
29
Conjoncture et prévision
Etats-Unis
Cycle des affaires (milliards $ 2000, CVS)
12000
11000
A B
10000
C
D
9000
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2007
2008
Cycle de croissance en %
2
A
1
A
0
-1
D
-2
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Cycle du taux de croissance en %
6
α
α
4
α
2
β
0
Taux de croissance tendanciel
Taux de croissance du PIB (mm3)
β
-2
1999
2000
2001
2002
2003
Source : Coe-Rexecode
2
30
2004
2005
2006
2007
2008
Positionnement cyclique des économies
phase du cycle classique ou de croissance. Il
est possible que des sous-ensembles cycliques
persistants empêchent l’européanisation du
cycle (voir par exemple Bovi, 2005) A un
niveau international, il est intéressant d’examiner la diffusion et la synchronisation cyclique (voir les études de Harding et Pagan,
2005, ou Chauvet et Yu, 2006).
Etats-Unis
100
Indicateur avancé de retournement
conjoncturel
80
60
40
20
0
-20
Position cyclique des Etats-Unis
-40
-60
-80
L’économie américaine a connu au premier trimestre 2006 un pic de son cycle de croissance
et évolue actuellement dans la phase baissière
de ce cycle. Une double question se pose sur
la position cyclique des Etats-Unis. Tout
d’abord, à quel moment l’économie américaine va-t-elle sortir de la phase baissière du
cycle de croissance dans laquelle elle se trouve
depuis début 2006 ? A l’inverse, existe-t-il un
risque d’approfondissement du ralentissement
en récession ? En d’autres termes, si la croissance est repassée clairement en dessous de sa
croissance tendancielle évaluée aujourd’hui à
2,6%, peut-elle devenir négative ?
L’indicateur avancé de retournement conjoncturel aux Etats-Unis (IARC) est utilisé pour
détecter à l’avance la sortie de la phase baissière actuelle. L’indicateur a frôlé à la mi-2007
le seuil significatif de -80 qui, une fois franchie, signale avec une forte probabilité un
rebond conjoncturel dans les trois mois. Mais,
Cycle de croissance aux Etats-Unis
2.0
En % de la tendance du PIB
1.5
1.0
0.5
0
-0.5
-1.0
100
2004
2005
2006
2007
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
Source : Coe-Rexecode
depuis lors, il s’en est éloigné, en corrélation
avec l’éclatement de la crise des « subprime »
qui s’est convertie en une crise financière.
Deux composantes de l’indicateur sont devenues très défavorables. Tout d’abord, le nombre de permis de construire qui a chuté 28%
en dessous de sa tendance en août 2007 et se
rapproche du plus bas historique (35% en janvier 1991). Ensuite, la confiance des ménages
qui, sans s’effondrer, baisse continûment
depuis le début de l’année, malgré un rebond
transitoire en juillet. Dans une moindre
mesure, l’ISM manufacturier est aussi moins
favorable, retombant de 56 en juin à 52 en
septembre. Quant à la Bourse, elle se situe au
milieu d’une correction marquée dont ne sait
si elle débouchera sur un renversement de tendance à la baisse (la probabilité d’un renversement atteint 63 % en septembre). L’écart de
taux d’intérêt est la seule composante qui
pointe vers une reprise économique depuis
que la Fédérale réserve a abaissé de 5 points
de base le taux des fonds fédéraux à la mi-septembre (l’avance moyenne sur les reprises est
de trois trimestres). Il semble donc que le
ralentissement pourrait durer plus longtemps
que prévu, la crise dans l’immobilier n’étant
pas terminée et le crédit devenant plus difficile
à la suite de la crise financière.
-1.5
90919293949596979899000102030405060708
Source : Coe-Rexecode
Qu’en est-il du spectre de la récession ?
L’indicateur IESR que l’on utilise pour repérer
en temps réel les entrées et sorties de réces31
Conjoncture et prévision
Zone euro
Cycle des affaires (milliards d'euros 2000, CVS)
1900
1800
A
D
1700
1600
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2006
2007
2008
2007
2008
Cycle de croissance en %
2
A
1
0
D
-1
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Cycle du taux de croissance en %
6
α
Taux de croissance tendanciel
Taux de croissance du PIB (mm3)
4
α
2
α
α
β
0
β
β
-2
1999
2000
2001
2002
2003
Source : Coe-Rexecode
1
32
2004
2005
2006
Positionnement cyclique des économies
Etats-Unis
Indicateur d'entrée-sortie en récession
IESR
1.0
Cycle de croissance
1.5
En % de la tendance du PIB
Zone euro
France
Italie
Allemagne
1.0
Récession
0.5
0.5
0
Non-récession
-0.5
0
-1.0
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Source : Coe-Rexecode
sion a connu récemment une amélioration
méthodologique pour tenir compte du changement de tendance de l’une de ses composantes : les annonces d’offres d’emploi dans les
journaux. Malgré cet ajustement, cette composante s’est déjà retournée, induisant un risque
de récession à 27 % en août, dernier mois calculable. Les autres composantes semblent
amorcer des inflexions mais trop légères pour
être captées par les modèles à changement de
régime. La production industrielle du secteur
manufacturier était légèrement haussière en
juillet mais a baissé en août. Le taux de chômage, stable à 4,5% durant trois mois, est
remonté à 4,6% en juillet et août. Quant aux
dépenses de construction en volume, elles
connaissent un rebond depuis janvier dernier
mais rechutent pour la première fois en juillet.
Source : Coe-Rexecode
sont désormais retournées simultanément à la
baisse. Cela implique, avec un certain délai, un
retour de la croissance en zone euro en dessous de son taux de croissance tendanciel
estimé actuellement à 2,1%. Ce changement
de régime peut être temporaire (comme en
2005) si la crise financière est vite absorbée et
si le ralentissement du secteur immobilier aux
Etats-Unis ne se diffuse pas dans l’ensemble de
l’économie. Dans le cas contraire, il pourrait
être plus profond et durable (comme en 2001),
marquant un arrêt à la phase haussière du
cycle de croissance initiée à la mi-2003. Toutes
les composantes de l’indicateur se sont retournées à la baisse. L’indicateur synthétique de
l’opinion des industriels dans le secteur des
biens intermédiaires (enquête d’opinion de la
Zone euro
En conclusion, il existe toujours une possibilité
de sortie de la phase de ralentissement dans les
neuf mois et la probabilité d’une récession
demeure faible (27 %).
100
Indicateur avancé de retournement
conjoncturel
80
60
40
Position cyclique de la zone euro
20
0
-20
La possibilité de ralentissement économique
en zone euro que l’on indiquait dans le
numéro précédent de « Diagnostic(s) » (juillet
2007) s’est converti en un fort signal de ralentissement dans les trois mois. En effet, en septembre 2007, l’indicateur avancé IARC pour la
zone euro a atteint 99,3, ce qui indique que les
cinq composantes avancées de l’indicateur se
-40
-60
-80
-100
2003
2004
2005
2006
2007
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
Source : Coe-Rexecode
33
Conjoncture et prévision
6
Zone euro
Zone euro
Indicateur du rythme de croissance
rythme annuel, en %
Indicateur d'entrée-sortie en récession
IESR
1.0
Croissance sous-jacente
taux de croissance tendanciel
4
Récession
2
0.5
Non-récession
0
-2
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Source : Coe-Rexecode
Source : Coe-Rexecode
Commission européenne) est passé par un pic
en avril dernier, soit bien avant le déclenchement de la crise financière actuelle. La probabilité d’un retournement récent de cette composante est passée de 50% en avril à 100% en
septembre. Les anticipations sur les prix de
gros des biens industriels intermédiaires se
sont aussi retournées à la baisse avec un pic
localisable en septembre 2006. La probabilité
d’un retournement a convergé vers 100%.
L’écart de taux d’intérêt est baissier depuis juin
2004 sous l’effet d’une remontée progressive
des taux courts de 2,1% à 4,7% en septembre
sans substantielle remontée des taux longs sur
cette période. La légère remontée de cet écart
depuis le début de l’année s’est inversée en
août avec la crise financière. Il atteint - 0,4%
en septembre, un niveau négatif jamais atteint
depuis octobre 1993. Le ralentissement de
l’économie américaine est intégré dans l’indicateur via l’indicateur IARC pour les Etats-Unis
qui a convergé vers 100. L’indicateur boursier,
en écart à la tendance, ne s’est pas encore totalement retourné. D’ailleurs, fin septembredébut octobre, il semble remonter. Sa probabilité de retournement atteint 95% en septembre
mais peut être révisée en raison des effets de
bord des filtres et du lissage des données.
Rappelons qu’un ralentissement signifie que la
croissance repasserait en dessous de la croissance tendancielle estimée aujourd’hui à
2,1 % l’an. On s’en est rapproché puisque la
34
croissance sous-jacente est redescendue de
3% à la mi-2006 à 2,3 % en septembre 2007.
Les indicateurs IARC des trois grands pays de
la zone euro ont aussi franchi le seuil significatif de 80, émettant ainsi un signal de ralentissement économique dans les trois mois. En
septembre, le IARC avait atteint 86,3 en
Allemagne, 99,2 en Italie et 95,3 en France.
Au mois de juillet 2007, l’indicateur CoeRexecode d’entrée et sortie de récession (IESR)
pour l’économie de la zone euro se situait toujours à son niveau minimal de zéro, écartant
ainsi tout risque d’entrée en récession. Aucune
des quatre composantes de l’indicateur IESR
zone euro (taux de chômage, indice de la production industrielle du secteur manufacturier,
indice de confiance des consommateurs et
immatriculations de véhicules particuliers)
n’est entrée dans un régime de récession. Bien
au contraire, sur les quatre composantes, trois
demeurent dans leur régime haut de croissance. Seule, la série des immatriculations
automobiles est dans son régime intermédiaire
de croissance depuis début 2003 (un modèle à
trois régimes de croissance a été estimé pour
chacune des composantes).
Achevé de rédiger le 5 octobre 2007
Jacques Anas - [email protected]
Positionnement cyclique des économies
Focus sur l’indicateur de croissance
sous-jacente
Objectif
L’évaluation de la croissance d’un pays en
temps réel est devenue un objectif important
depuis une dizaine d’années et peut être appréhendé à travers diverses techniques. Il permet
de mieux assoir l’exercice prévisionnel, notamment lors des inflexions conjoncturelles qui, mal
perçues, peuvent mener à des prévisions erronées.
La tradition est de vouloir estimer le taux de
croissance trimestriel du PIB, pour le trimestre
passé, en cours et futur (Indicateurs Natexis,
Banque de France, OCDE, OFCE, etc..). Mais la
question est : faut-il estimer la croissance «
réelle » ou celle qui sera publiée (et révisée par
la suite) ? Il existe une confusion sur cette question.
Nous avons délibérément choisi de vouloir estimer la croissance « réelle », même si elle peut
s’éloigner de l’estimation provisoire des comptes trimestriels. Ceci peut être critiqué car les
marchés et les agents économiques ajusteront
leur comportement en fonction des chiffres
publiés et c’est donc ce chiffre qu’il faudrait
viser en prévision. D’ailleurs, tous les modèles
quantitatifs prévisionnels prennent pour base
les données provisoires de l’INSEE. Notre
objectif soulève un paradoxe : serions-nous en
état de faire mieux que l’INSEE pour estimer en
temps réel la croissance ? Rappelons que le
NBER, dans son exercice de datation du PIB, a
longtemps hésité à utiliser le PIB et se reposait
sur des séries mensuelles.
Pour parvenir à cet objectif nous avons retenu
comme période d’estimation, celle des comp-
tes nationaux « définitifs » (jusque 2004 actuellement pour la France).
Trois critères ont guidé notre choix méthodologique : la réactivité (calcul mensuel publié en
tout début de mois n pour le mois n-1), l’absence de révisions (utilisation d’enquêtes et lissage) et l’élimination du « bruit ». C’est ce dernier critère qui nous incline maintenant à considérer cet indicateur comme un indicateur de
croissance sous-jacente (par analogie avec l’inflation sous-jacente).
Méthodologie
La technique de la désagrégation temporelle
permet de relier des séries de fréquences différentes (ici PIB trimestriel et enquêtes mensuelles). C’est une manière d’estimer un PIB mensuel. Nous avons délibérément choisi d’utiliser
des enquêtes car elles sont rapidement disponibles, peu révisées et pas trop volatiles. Un lissage supplémentaire permet d’éliminer la volatilité résiduelle du PIB mensuel estimé (ce lissage est réalisé sur la variation trimestrielle
glissante du PIB mensuel à partir d’un filtre de
Baxter-King et en utilisant des projections réalisée par une méthode non paramétrique).
L’étude a été menée sur la période 1990-1997
avec une simulation dynamique sur la période
2000-2002 pour sélectionner les composantes
du modèle. Une fois l’équation trouvée, elle est
actualisée chaque année quand une année de
comptes définitifs supplémentaire est obtenue.
Bien entendu le PIB mensuel estimé vérifie la
contrainte trimestrielle sur le passé. Ce n’est
plus le cas depuis 2005 car le PIB est semi-défi-
35
Conjoncture et prévision
Comparaison
entre l’indicateur France
et les comptes trimestriels
nitif ou provisoire. Depuis 2005, le PIB mensuel
est « projeté »
Le modèle retenu n’est pas le modèle classique
(Chow-Lin, 1971) mais une version dynamique
multivariée (Proietti, 2004) qui permet d’utiliser
des retards sur les variables endogènes et exogènes. La sélection des variables s’est faite
dans un premier temps de manière univariée,
en niveau ou en différence première. Des huit
variables retenues centrées et normées, le meilleur modèle multivarié à trois variables a été
retenu.
Performance de l’indicateur
Le modèle a été établi jusqu’à présent pour la
France et la zone euro. Des premiers essais ont
été réalisés sur l’Allemagne et il est prévu de
l’étendre à d’autres grands pays comme les
Etats-Unis et le Japon. Un premier succès est à
souligner concernant l’estimation de la croissance en France en 2005. A la mi- 2006, l’indicateur de croissance sous-jacente donnait une
estimation de 2,6 % alors que celle de l’INSEE
était de 2,2 %. En juillet 2007, l’INSEE a révisé
à 2,7 % la croissance en 2005, ce qui confirme
la capacité de l’indicateur à estimer la croissance « réelle ». Mais plus d’observations en
temps réel seront nécessaires pour confirmer
cette performance.
Sur le passé (avant 2004), par construction, l’indicateur n’a aucun intérêt particulier sinon de
proposer un PIB mensuel calé sur le PIB trimestriel. C’est donc sur la période depuis 2004 que
réside l’intérêt de l’indicateur.
36
Sur le passé, l’indicateur ne fait que lisser la
croissance du PIB trimestriel. Cela semble être
aussi le cas en 2005 (première année projetée
et non estimée). Par contre, un gap se creuse
depuis un an. L’indicateur est constamment audessus de l’estimation de l’INSEE si bien que le
glissement annuel estimé du PIB est de 1,3 % au
deuxième trimestre 2007 alors qu’il est de 2,3 %
selon l’indicateur Coe-Rexecode. L’acquis de
croissance atteint 2,1% en septembre d’après
celui-ci. Il est aussi intéressant de comparer l’indicateur de croissance sous-jacente avec la
croissance tendancielle. On notera le « trou
d’air » en 2005 lorsque la croissance sousjacente passe transitoirement sous la croissance
tendancielle.
6
4
France
Comparaison Coe-Rexecode
et comptes trimestriels
Taux annuel, en %
Rythme de croissance sous-jacente
Taux de croissance tendanciel
Variation du PIB trimestriel
2
0
Phase basse du cycle de
croissance de la france
-2
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Source : Coe-Rexecode
Positionnement cyclique des économies
Comparaison
entre l’indicateur France
et l’indicateur coïncident
du Conference Board
Comparaison
entre l’indicateur euro
et l’indicateur du CEPR
(Eurocoin)
La croissance implicite de l’indicateur coïncident du Conference Board est beaucoup plus
volatile. De plus, il existe des biais assez marqués sur la croissance annuelle de l’indicateur
du Conference Board pour la France :
L’Eurocoin n’était plus publié depuis juillet dernier et une nouvelle version améliorée a été lancée à Londres fin septembre. Si on se réfère à
l‘ancienne version, on observe une assez
grande proximité des deux indicateurs sauf en
2002 où l’indicateur Coe-Rexecode identifie
plus vite et plus vivement l’avortement de la
reprise de début 2002. Courant 2006,
l’Eurocoin semble sous-estimer la croissance en
zone euro. En juillet, la croissance estimée par
Eurocoin était de 2% en rythme annuel, un
niveau sans doute trop bas. La nouvelle version
l’estime maintenant à 2,6%, ce qui est un changement radical.
Taux de croissance annuelle (en %)
Conference Croissance
Board
sous-jacente
2004
2005
2006
2007
0,3
0,8
1,3
1,8
Comptabilité
Nationale
2,3
1,6
2,1
1,9
2,3
1,7
2,2
Ceci prouve que l’indicateur coïncident du
Conference Board doit surtout être interprété
comme un indicateur qualitatif visant à identifier les inflexions de la croissance.
Zone euro
6
Comparaison Coe-Rexecode et CEPR
Variation trimestrielle glissante (en %)
4
France
1.5
Comparaison Coe-Rexecode
et Conference Board
Variation trimestrielle glissante (en %
2
0
Coe-Rexecode (croissance sous-jacente)
Eurocoin
Eurocoin (nouvelle version)
-2
1.0
-4
0.5
93
95
97
99
01
03
05
07
0
-0.5
Coe-Rexecode (croissance sous-jacente)
Conference Board (indicateur coincident)
-1.0
93
95
97
99
01
03
05
07
37
Conjoncture et prévision
Références
Anas J. et T. Raffinot (2006), « L’indicateur du rythme de croissance ». Séminaire de travail du COE du
14 juin 2006 : Indicateur de croissance en France et/ou en zone euro : méthodologie et évaluation.
Chow G. and Lin A. L. (1971), « Best Linear Unbiased Interpolation, Distribution and Extrapolation of
Time Series by Related Series », The Review of Economics and Statistics, 53, 4,372-375.
Di Fonzo T. (2003), « Temporal disaggregation of economic time series: towards a dynamic extension »,
European Commission (Eurostat) Working Papers and Studies, Theme 1, General Statistics.
Fernandez P. E. B. (1981), « A methodological note on the estimation of time series », The Review of
Economics and Statistics, 63, 3, 471-478.
Hild F. (2004), « Can we anticipate the revisions of GDP ? », paper presented at the 27th CIRET
Conference.
Proietti T. (2004), « Temporal disaggregation by state space methods: dynamic regression methods
revisited », (mimeo).
38
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