Conjoncture et
prévision
5 Perspectives de l’économie mondiale
2007-2008
Coordonné par Denis Ferrand
et Alain Henriot
25 Positionnement cyclique des économies
Jacques Anas
3
5
Conjoncture et prévision
u printemps dernier, les grandes
institutions internationales comme
la plupart des instituts de conjonc-
ture pronostiquaient la poursuite
d’une croissance mondiale forte et ne
voyaient pas d’inflexion avant 2009.
Aujourd’hui, le mot d’ordre est au ralentisse-
ment, voire pour certains au risque d’une
récession aux Etats-Unis. Que s’est-il donc
produit et quelles perspectives faut-il mainte-
nant envisager ?
Une crise de confiance financière
La crise financière de l’été est passée par là.
Cette crise n’est pas un événement fortuit
venant modifier de façon inopinée le cours
naturel de l’économie. Elle traduit des dés-
équilibres et des inflexions qui étaient déjà
présents bien avant l’été et qui ont émergé
brutalement à la fin juillet. Les surprises ont
été à la fois de nature financière et de nature
économique et leur entrée en résonance a
conduit à des mouvements de marché d’une
grande ampleur, qui perdurent encore sous
une forme atténuée, et qui contribueront à
coup sûr à modifier le cours de l’économie.
Tous les marchés ont été touchés, marchés de
taux, marchés d’actions, marchés de change.
Le sujet principal est celui du crédit.
La fausse surprise des subprimes
La montée des défauts sur des prêts hypo-
thécaires consentis aux débiteurs fragiles
n’est pas vraiment une surprise si l’on se
rappelle que le violent retournement des
Perspectives de l’économie
mondiale 2007-2008
Coordonné par Denis Ferrand et Alain Henriot1
La crise financière intervenue durant l’été a accru les incertitudes concernant
les perspectives économiques mondiales. Dans le scénario privilégié ici la
croissance de l’économie américaine resterait autour de 2 % l’an, avec une
tendance à une légère accélération fin 2008, une fois achevés les ajustements
dans le secteur immobilier. Dans ce contexte, la croissance de la zone euro
serait également proche de 2 %, un rythme considéré comme étant son
potentiel de long terme. L’économie française enregistrerait une progression
du PIB du même ordre de grandeur. La consommation serait stimulée par la
mise en ouvre du « paquet fiscal », mais les exportations n’enregistreraient
qu’une progression modérée, ce qui constituerait un frein à la croissance.
A
1Ont également participé à la rédaction de ce
document : L. Ali, J.M. Boussemart, S. Chort,
M. Didier, S. Duchassaing, et O. Reymondon.
EEttaattss--UUnniiss
En %
TTaauuxx dd''iinnttéérrêêtt àà 33 mmooiiss
2005 2006 2007
2.0
3.0
4.0
5.0
6.0
Bons du trésor
Euro dollar
Source : Réserve Fédérale
6
Conjoncture et prévision
permis de construire aux Etats-Unis date du
début 2006, que les prêteurs avaient pro-
gressivement outrepassé les normes classi-
ques de risque (ce que M. Alan Greenspan
avait dénoncé bien avant son départ). Mais
le marché des
subprimes
(c’est-à-dire des
crédits immobiliers les plus risqués aux
Etats-Unis) est de dimension relativement
limitée et les défauts sur ces crédits n’au-
raient pas eu des conséquences de l’ampleur
constatée si aucun facteur d’amplification
n’était venu s’y ajouter.
L’amplification par la titrisation
La surprise principale a été la généralisation
de la défiance des investisseurs à tous les pla-
cements. Il s’est avéré que des créances dites
subprimes
se trouvaient logées dans des
fonds considérés comme des placements sans
risques et souscrits par de nombreux investis-
seurs dans l’ensemble du monde, y compris
directement ou indirectement par des ban-
ques. La généralisation de la méfiance à une
large gamme de titres a provoqué des retraits
massifs des fonds et des besoins de liquidités
du système bancaire. Il en est résulté des ven-
tes d’actifs sains (actions, matières premiè-
res) qui ont amplifié et généralisé la crise. Les
injections de liquidités par les Banques cen-
trales ont mis fin à la phase aiguë sans faire
cesser pour autant à ce jour les tensions sur
le marché monétaire et sans éliminer le ris-
que de nouvelles secousses.
Faut-il craindre une réplique ?
Le calme est revenu sur les marchés monétai-
res mondiaux grâce aux injections de liquidi-
tés des banques centrales. Ce calme reste tou-
tefois précaire et ne signifie pas que tous les
problèmes sont réglés. Le marché des ABCP
(Asset-Backed Commercial Paper) billets de
trésorerie adossés à divers actifs financiers,
dont la taille est d’environ 1 200 milliards de
dollars, risque encore d’être affecté par l’am-
pleur des refinancements à assurer. Les ten-
sions restent vives sur les taux monétaires et
les taux interbancaires.
Chiffres clés des perspectives
2006 2007 2008 2006 2007 2008
1/ Croissance du volume du PIB (%) 3/ Taux de change
Monde 5,3 5,1 4,7 1 $ = … yen 116 118 115
Etats-Unis 2,9 2,0 2,3 1 euro = … dollars 1,25 1,35 1,35
Japon 2,2 2,0 1,9 1 £ = … dollars 1,84 1,99 1,99
Zone euro à 12 2,8 2,5 1,9 4/ Taux d'intérêt à 3 mois
Union européenne à 15 2,9 2,6 2,1 Etats-Unis (bons Trésor) 5,2 5,2 4,4
Allemagne 3,1 2,6 2,1 Japon (euro-yen) 0,3 0,7 1,0
Royaume-Uni 2,8 2,9 1,9 Zone euro (euribor) 3,1 4,1 4,1
Italie 1,9 1,8 1,5 5/ Taux d'intérêt à 10 ans
Espagne 3,9 3,9 2,6 Etats-Unis 4,8 4,8 4,8
Pays hors OCDE 8,3 8,2 7,4 Japon 1,7 1,8 2,2
2/ Marchés mondiaux Zone euro 3,9 4,3 4,4
Commerce mondial (volume)* 9,5 6,4 7,3 6/ Taux d'inflation*
Prix du pétrole ($/baril, Brent)** 65,2 67,6 70,0 Etats-Unis 3,2 2,9 2,6
Prix des matières premières ($)*** 26,8 18,9 1,7 Japon 0,2 0,1 0,6
Zone euro 2,2 2,0 1,8
* taux de variation annuel (%) ** moyenne annuelle *** hors énergie
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Perspectives de l’économie mondiale 2007-2008
L’amplification par l’économie
Après une crise financière, les fondamentaux
économiques reprennent toujours le dessus à
un moment ou un autre. La persistance d’une
croissance forte permet d’absorber rapide-
ment des pertes financières. Une rupture de
croissance contraint au contraire les acteurs
économiques à des décisions restrictives qui
amplifient le ralentissement. Les informations
récentes suggèrent que la réalité actuelle est
entre les deux et en tous cas moins favorable
qu’on le pensait avant l’été. La croissance des
pays développés (Etats-Unis, Europe, Japon)
s’avère depuis le printemps moins forte qu’il
était anticipé il y a encore quelques mois. On
est loin au stade actuel d’une rupture de
croissance, mais les résultats décevants ten-
dent à s’accumuler : tassement des indica-
teurs d’opinion sur le niveau d’activité dans
les pays développés, recul du PIB japonais au
deuxième trimestre, moindres créations d’em-
plois et surtout aux Etats-Unis nouvel appro-
fondissement de la crise de la construction de
logement. Il est probable en outre que la
remontée du risque conduira le secteur ban-
caire à un resserrement du crédit.
Fin de cycle
ou simple pause de croissance ?
Un indicateur crucial sera le rythme de
remontée des taux de défauts sur les obliga-
tions des entreprises (
speculative grades
).
Selon Moody’s, ce taux qui était aux Etats-
Unis de 1,4 % au premier trimestre 2007
devrait atteindre 3,5 % au printemps 2008.
Ces niveaux resteraient encore sensiblement
au-dessous de la moyenne longue (4,5 %).
On est encore loin des taux de l’ordre de
10 % qui avaient été atteints lors des réces-
sions de 1991 et 2001. Les défauts sont aussi
très bas tant en Europe que dans les pays
émergents. Cette situation, le niveau élevé de
liquidité des grandes entreprises, l’effet d’en-
traînement des pays émergents plaident en
faveur d’une prolongation de la phase d’ex-
pansion à un rythme plus modéré mais sans
inversion conjoncturelle.
L’expansion mondiale devrait
se poursuivre, mais sur un
rythme plus modéré
Le risque américain
Les prémices d’une vraie spirale négative
sont présentes aux Etats-Unis avec la baisse
des prix des logements et la multiplication
des défauts de paiement des ménages. Le ris-
que d’une pause de la consommation s’ac-
centue et s’il se propageait à l’investissement
productif, la menace serait que l’économie
bascule dans la récession (comme cela a été
le cas quasi-général lors des retournements
du logement). Mais nous n’en sommes pas
là. Nous privilégions pour les Etats-Unis l’hy-
pothèse d’une croissance proche de 2 % l’an
en 2007 qui remonterait à la mi-2008 vers sa
tendance longue.
Les facteurs de soutien
Le risque d’une récession de l’économie amé-
ricaine a gagné en probabilité, mais il ne faut
pas pour autant ignorer des forces de soutien
à l’activité, qui vont d’ailleurs se renforcer à
mesure que la Réserve fédérale va abaisser
ses taux directeurs.
La crise qui secoue les institutions financiè-
res est sévère mais celles-ci avaient antérieu-
EEttaattss--UUnniiss
En %
TTaauuxx ddee ddééffaauutt ssuurr llee ccrrééddiitt àà ll''hhaabbiittaatt
EEnnsseemmbbllee ddeess BBaannqquueess
91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08
1.0
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3.5
Source : Réserve Fédérale
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