Fiche n° 3
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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.1-n°4-octobre-novembre-décembre 2001
DOMINIQUE COGNIS,
Institut Paoli-Calmettes, Marseille
Evaluation de la douleur
Évaluer la douleur n’est pas une chose simple : comment évaluer un vécu
qui ne nous appartient pas ? S’il est difficile de pouvoir penser une éva-
luation objective de la douleur, il est nécessaire pour le patient de mettre
en mots un vécu et pour le soignant de créer une communication sur ce vécu.
Pourquoi ? Avez-vous déjà essayé de tirer sur une cible invisible ? Voilà ce que
nous, infirmiers, faisons quand nous demandons au médecin de prescrire un
traitement antalgique sans avoir évalué le vécu douloureux du patient. Le rôle
infirmier est ici majeur, il fait appel d’une part, à la dimension relationnelle du
soin (relation d’aide, diagnostic infirmier), d’autre part, à la dimension tech-
nique du soin par l’utilisation d’outils d’évaluation et la transmission systémati-
sée des informations recueillies.
Comment évaluer un vécu subjectif ? Il ne faut pas chercher à le rendre objec-
tif. Le plus important est de créer un climat d’écoute et de confiance où la parole
circule. Il existe une échelle d’évaluation en situation. Quand le patient parle,
il s’évalue lui-même : c’est l’auto-évaluation et c’est la plus fiable. Il s’exprime,
à partir de ses vécus antérieurs de douleur, sur l’intensité de celle d’aujourd’hui.
Il est donc capital de croire ce qu’il dit. L’évaluation de la douleur est une étape
indispensable à la prise en charge thérapeutique. Des outils simples doivent
pouvoir être utilisés.
Le schéma corporel
Il est intéressant pour la localisation de la douleur. Il est recommandé que le patient
le remplisse lui-même, mais une aide est toujours possible (figures 1 et 2).
Les échelles unidimensionnelles
(auto-évaluation)
L’échelle visuelle analogique (EVA) se présente sous la forme d’une réglette
horizontale, parfois verticale, de 100 mm, sur laquelle le patient déplace un
curseur de «pas de douleur» à gauche à «douleur maximale» à droite. Le soi-
gnant a la mesure graduée au verso de la réglette.
L’échelle verbale simple (EVS) est constituée de cinq qualificatifs proposés
à la suite de cette question : ressentez-vous une douleur ? Si la réponse est non,
la valeur à noter est 0. Si la réponse est oui, posez la question suivante : « Votre
douleur est-elle : faible
(valeur 2), modérée (4), forte
(6), très forte (8), insuppor-
table (10) ?
L’échelle numérique (EN)
permet au patient de situer
sa douleur entre 0 et 10.
Figure 1.
Figure 2.
Figure 3.
pas de douleur douleur
maximal
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Les échelles pluridimensionnelles
(auto-évaluation)
Ces outils permettent d’obtenir des informations sur le type de douleur (noci-
ceptive, neurogène), sur les répercussions affectives de la douleur (angois-
sante, dépressive).
Le questionnaire douleur Saint-Antoine est une adaptation française
du Mac Gill Pain Questionnaire [1]. Le patient va rechercher parmi les
16 classes présentées le(s) terme(s) approprié(s) à sa douleur et donner une
intensité. Cela permet une évaluation quantitative, qualitative qui sera effec-
tuée lors de la prise en charge de la douleur et qui pourra être répétée, soit
à la fin de l’hospitalisation, soit lors du suivi en consultation.
Le questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) [2]
permet de suspecter un état dépressif quand le score obtenu est supérieur à 15.
Le questionnaire qualité de vie de l’EORTC [3] est un outil spécifique à
la cancérologie [4]. Il mesure la qualité de vie globale du patient à travers
différentes sous-échelles relatives à l’autonomie, aux capacités de la per-
sonne, à la douleur et quelques symptômes. Il est accompagné de différents
modules spécifiques de l’affection cancéreuse ciblée.
L’utilisation de ces échelles pluridimensionnelles est plus tournée vers des
travaux de recherche.
Les échelles d’hétéro-évaluation
Elles sont utilisées quand l’auto-évaluation n’est pas ou plus réalisable pour
des raisons diverses : enfants, personnes âgées, malades comateux...
Les échelles de A. Bourhis et J.-M. Spitalier [5] permettent d’apprécier le
comportement douloureux par la fréquence des plaintes, le retentissement
sur les activités et la consommation d’antalgique.
Chez l’enfant, l’hétéro-évaluation est réalisée au travers de la grille douleur
enfant Gustave-Roussy [6]. Cette échelle, constituée de 10 items, permet
de reconnaître dans l’attitude du corps, en mouvement ou au repos, des
signes de douleurs selon trois groupes : expression volontaire, signes directs,
atonie psychomotrice.
Doloplus : l’hétéro-évaluation et la personne âgée douloureuse
Chez la personne âgée, présentant des troubles cognitifs ou des problèmes
de communication, la douleur est encore plus négligée : 76% des patients
âgés, suspects de douleur, sont du ressort exclusif d’une évaluation com-
portementale [7]. Cette échelle d’évaluation permet de quantifier les reten-
tissements somatique, psychomoteur et psychosocial de la douleur chez le
sujet.
L’évaluation du patient est unique et ne peut être comparée à celles d’autres
patients, car le référent (histoire de la douleur) est différent d’une personne
à l’autre.
Références
1. Boureau F, Luu M, Doubrere JF, Gay
C. Elaboration d’un questionnaire
d’évaluation de la douleur par liste de
qualificatifs, comparaison avec le Mac
Gill Pain Questionnaire de Melzach.
Therapie 1984 ; 39 : 119-29.
2. Razavi D, Delvaux N, Farvacques C,
Robaye E. Screening for adjustement
and major depressive disorders in can-
cer in patients. J Psychiatr 1990 ; 156 :
79-83.
3. European Organisation For Research
an Treatment of Cancer.
4. Aaronson NK, Ahmedzai S, Berg-
man B. European Organization for
Research and treatment of Cancer qlq-
30. Quality of life instrument interna-
tional clinical trials in oncology. J Natl
Cancer Inst 1993 ; 85: 365-76.
5. Bourhis A, Spitalier J.-M. La douleur,
maladie en cancérologie. Biol Med
1970; 59 : 427-58.
6. Gauvain-Piquard A, Rodary C, Rez-
vani A, Lemerle J. Pain in children of
2 to 6 years : a new observationnal
rating scale elaborated in pediatric
oncology unit. Pain 1987 ; 31 : 177-88.
7. Wary B, Berthel M, Capriz F, Filbet
M, Gauquelin F, Gentry A, et al. Dolo-
plus, échelle d’évaluation comporte-
mentale de la douleur chez la per-
sonne âgée : de la sensibilisation à la
validation. Gériatrie 1997 ; 22 : 22-3.
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