Fiche n° 3 Evaluation de la douleur DOMINIQUE COGNIS, Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Institut Paoli-Calmettes, Marseille valuer la douleur n’est pas une chose simple : comment évaluer un vécu qui ne nous appartient pas ? S’il est difficile de pouvoir penser une évaluation objective de la douleur, il est nécessaire pour le patient de mettre en mots un vécu et pour le soignant de créer une communication sur ce vécu. Pourquoi ? Avez-vous déjà essayé de tirer sur une cible invisible ? Voilà ce que nous, infirmiers, faisons quand nous demandons au médecin de prescrire un traitement antalgique sans avoir évalué le vécu douloureux du patient. Le rôle infirmier est ici majeur, il fait appel d’une part, à la dimension relationnelle du soin (relation d’aide, diagnostic infirmier), d’autre part, à la dimension technique du soin par l’utilisation d’outils d’évaluation et la transmission systématisée des informations recueillies. Comment évaluer un vécu subjectif ? Il ne faut pas chercher à le rendre objectif. Le plus important est de créer un climat d’écoute et de confiance où la parole circule. Il existe une échelle d’évaluation en situation. Quand le patient parle, il s’évalue lui-même : c’est l’auto-évaluation et c’est la plus fiable. Il s’exprime, à partir de ses vécus antérieurs de douleur, sur l’intensité de celle d’aujourd’hui. Il est donc capital de croire ce qu’il dit. L’évaluation de la douleur est une étape indispensable à la prise en charge thérapeutique. Des outils simples doivent pouvoir être utilisés. É Le schéma corporel Figure 1. Il est intéressant pour la localisation de la douleur. Il est recommandé que le patient le remplisse lui-même, mais une aide est toujours possible (figures 1 et 2). Les échelles unidimensionnelles (auto-évaluation) L’échelle visuelle analogique (EVA) se présente sous la forme d’une réglette horizontale, parfois verticale, de 100 mm, sur laquelle le patient déplace un curseur de «pas de douleur» à gauche à «douleur maximale» à droite. Le soignant a la mesure graduée au verso de la réglette. Figure 2. L’échelle verbale simple (EVS) est constituée de cinq qualificatifs proposés à la suite de cette question : ressentez-vous une douleur ? Si la réponse est non, la valeur à noter est 0. Si la réponse est oui, posez la question suivante : « Votre douleur est-elle : faible (valeur 2), modérée (4), forte douleur pas de douleur maximal (6), très forte (8), insupportable (10) ? L’échelle numérique (EN) permet au patient de situer sa douleur entre 0 et 10. Figure 3. Bulletin Infirmier du Cancer 23 Vol.1-n°4-octobre-novembre-décembre 2001 Fiche n° 3 Les échelles pluridimensionnelles (auto-évaluation) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Ces outils permettent d’obtenir des informations sur le type de douleur (nociceptive, neurogène), sur les répercussions affectives de la douleur (angoissante, dépressive). Le questionnaire douleur Saint-Antoine est une adaptation française du Mac Gill Pain Questionnaire [1]. Le patient va rechercher parmi les 16 classes présentées le(s) terme(s) approprié(s) à sa douleur et donner une intensité. Cela permet une évaluation quantitative, qualitative qui sera effectuée lors de la prise en charge de la douleur et qui pourra être répétée, soit à la fin de l’hospitalisation, soit lors du suivi en consultation. Le questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) [2] permet de suspecter un état dépressif quand le score obtenu est supérieur à 15. Le questionnaire qualité de vie de l’EORTC [3] est un outil spécifique à la cancérologie [4]. Il mesure la qualité de vie globale du patient à travers différentes sous-échelles relatives à l’autonomie, aux capacités de la personne, à la douleur et quelques symptômes. Il est accompagné de différents modules spécifiques de l’affection cancéreuse ciblée. L’utilisation de ces échelles pluridimensionnelles est plus tournée vers des travaux de recherche. Références Les échelles d’hétéro-évaluation Elles sont utilisées quand l’auto-évaluation n’est pas ou plus réalisable pour des raisons diverses : enfants, personnes âgées, malades comateux... Les échelles de A. Bourhis et J.-M. Spitalier [5] permettent d’apprécier le comportement douloureux par la fréquence des plaintes, le retentissement sur les activités et la consommation d’antalgique. Chez l’enfant, l’hétéro-évaluation est réalisée au travers de la grille douleur enfant Gustave-Roussy [6]. Cette échelle, constituée de 10 items, permet de reconnaître dans l’attitude du corps, en mouvement ou au repos, des signes de douleurs selon trois groupes : expression volontaire, signes directs, atonie psychomotrice. Doloplus : l’hétéro-évaluation et la personne âgée douloureuse Chez la personne âgée, présentant des troubles cognitifs ou des problèmes de communication, la douleur est encore plus négligée : 76% des patients âgés, suspects de douleur, sont du ressort exclusif d’une évaluation comportementale [7]. Cette échelle d’évaluation permet de quantifier les retentissements somatique, psychomoteur et psychosocial de la douleur chez le sujet. L’évaluation du patient est unique et ne peut être comparée à celles d’autres patients, car le référent (histoire de la douleur) est différent d’une personne à l’autre. Bulletin Infirmier du Cancer 24 1. Boureau F, Luu M, Doubrere JF, Gay C. Elaboration d’un questionnaire d’évaluation de la douleur par liste de qualificatifs, comparaison avec le Mac Gill Pain Questionnaire de Melzach. Therapie 1984 ; 39 : 119-29. 2. Razavi D, Delvaux N, Farvacques C, Robaye E. Screening for adjustement and major depressive disorders in cancer in patients. J Psychiatr 1990 ; 156 : 79-83. 3. European Organisation For Research an Treatment of Cancer. 4. Aaronson NK, Ahmedzai S, Bergman B. European Organization for Research and treatment of Cancer qlq30. Quality of life instrument international clinical trials in oncology. J Natl Cancer Inst 1993 ; 85: 365-76. 5. Bourhis A, Spitalier J.-M. La douleur, maladie en cancérologie. Biol Med 1970; 59 : 427-58. 6. Gauvain-Piquard A, Rodary C, Rezvani A, Lemerle J. Pain in children of 2 to 6 years : a new observationnal rating scale elaborated in pediatric oncology unit. Pain 1987 ; 31 : 177-88. 7. Wary B, Berthel M, Capriz F, Filbet M, Gauquelin F, Gentry A, et al. Doloplus, échelle d’évaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée : de la sensibilisation à la validation. Gériatrie 1997 ; 22 : 22-3. Vol.1-n°4-octobre-novembre-décembre 2001