5. La genèse des paysages… le résultat d`une longue histoire

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Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
5. La genèse des paysages…
le résultat d’une longue histoire géologique
Comme en archéologie, la reconstitution de l'histoire géologique repose avant tout sur
des méthodes et des outils de datation absolus et relatifs fiables.
L'essentiel de l'histoire géologique de l’île de La Réunion est aujourd'hui contrainte par
des datations effectuées par la méthode K-Ar sur roche totale, phénocristaux et
mésostase (McDougall, 1971 ; Chevallier et Bachèlery, 1981; Gillot et Nativel, 1982 ;
Kieffer et al., 1993 ; Raïs et al., 1996 ; Kluska, 1997). Un certain nombre de datations
par la méthode 14C ont été publiées en 1979 par Gérard et Stieljes (1979), Delibrias et
al. (1983) et Deniel et al. (1992). Plusieurs échantillons ont aussi été datés par U-Th
par Deniel et al. (1988, 1992). Il s'ajoute à ces âges publiés une vingtaine d'âges non
publiés à ce jour et acquis dans le cadre du projet de recherche sur les mouvements
de terrains de grande ampleur à La Réunion.
Ces âges couplés à une cartographie géologique précise permettent de reconstituer
l’histoire géologique de La Réunion.
5.1. L'HISTOIRE SOUS-MARINE
De quand date l'édification de l'île de La Réunion ? L'île est bâtie sur un plancher
océanique d'âge crétacé mais cela ne signifie pas qu'elle est elle-même de cet âge.
Les roches affleurantes les plus anciennes, situées dans le fond des cirques du Piton
des Neiges, sont trop altérées et métamorphisées (zéolitisées) pour être datées. En
fait, les datations radiochronologiques des roches les plus anciennes non altérées
indiquent un âge Pliocène (2,1 Ma) (figure 56).
5.2. L'HISTOIRE GÉOLOGIQUE DU MASSIF DU PITON DES NEIGES
Au terme des nombreuses études géochronologiques, pétrologiques et géochimiques
qui les ont accompagnées, deux grandes phases d'édification ont été distinguées : un
stade dit « océanitique » entre plus de 2 Ma et 450 000 ans et un stade différencié
entre 340 000 et 29 000 ans séparés par une période intermédiaire caractérisée par
une quasi-absence de dépôts.
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Figure 56 - Tableau de l’évolution des connaissances sur l’histoire géologique de La Réunion.
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Figure 10 - Tableau de l'évolution des connaissances sur l'histoire géologique de La Réunion.
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Cette histoire reste l'objet d'un important débat. En effet, de volumineux dépôts
d'avalanche de débris* ont été mis en évidence tant en mer qu'à terre. Ces avalanches
de débris ont des volumes de plusieurs dizaines de kilomètres cubes et ont été
responsables de la destruction de pans entiers du volcan qu'il est difficile de
reconstituer.
5.2.1. Stade précoce antérieur à 450 000 ans : construction de l'essentiel
du volcan bouclier
Il s'agit là de la phase d'émersion et de construction de l'essentiel du volcan bouclier.
Les laves émises pendant ce stade sont des océanites (basaltes à olivine cumulative),
des basaltes à olivine ou des basaltes aphyriques.
Les formations correspondantes forment les niveaux stratigraphiques les plus bas du
volcan et se trouvent sur les planchers des trois principaux cirques (Upton et
Wadsworth, 1969). Elles sont constituées par une séquence de laves et de brèches
traversées par une grande quantité d'intrusions dont la concentration augmente vers la
région centrale du volcan. Leur mise en place est aérienne (présence de laves cordées
de type pahoehoe observées). Les océanites culminent actuellement à plus de
2 000 m d'altitude dans le secteur des Trois Salazes vers le plateau du Kerval et sur la
montée menant au sommet du Piton des Neiges à hauteur du plateau du petit
Matarum.
Depuis le début des années 1970, ce stade est classiquement subdivisé en deux
périodes majeures sans qu'il soit toujours possible de les distinguer sur le terrain.
5.2.1.1. Océanites anciennes (antérieures à 2,1 Ma)
Si l’on excepte un premier stade d’activité volcanique sous-marine dont la durée exacte
est inconnue, les plus vieilles formations volcaniques du massif correspondent à la
« série des océanites anciennes » aussi dénommée « série des brèches primitives »
en raison de la nature des matériaux hétérogènes qui la constituent. Cette série qui
constitue le substratum du Piton des Neiges est principalement rencontrée dans le
fond des cirques, à la faveur des coupes naturelles réalisées par les différentes rivières
et ravines. On y distingue schématiquement des coulées de laves et des brèches. Les
laves sont essentiellement représentées par des océanites qui, bien que très altérées
et fortement zéolitisées, laissent encore deviner quelques figures caractéristiques
(cordes, structures en tubes, etc.).
Au-dessus de ces laves, se superposent plusieurs niveaux bréchiques de nature et
d’origine variées, en alternance avec d’autres coulées d’océanites. Les plus fréquentes
sont des brèches de remaniement qui sont issues du démantèlement des reliefs créés
sous l’effet de la gravité.
Ces formations du cœur du volcan ont été fortement zéolitisées et n'ont pour l'instant pas
pu faire l'objet de datations géochronologiques. C'est ce qui les distingue des océanites
récentes.
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5.2.1.2. Océanites récentes (2,1 Ma à 450 000 ans)
Pendant cette phase se manifeste essentiellement une activité de type effusif
caractérisée notamment par des émissions de laves fluides. Ces laves émises à l’air
libre et représentant une épaisseur totale de plusieurs centaines de mètres sont des
océanites mais également des basaltes à olivine et des basaltes aphyriques. Ces
basaltes se distinguent essentiellement de la « série des océanites anciennes » par
une plus faible altération qui permet d’observer de nombreuses figures souvent très
bien conservées (cordes, tubes, tunnels de lave…). Au cours de cette période
d’activité, le Piton des Neiges prend une forme circulaire en bouclier qui correspond à
un vaste dôme surbaissé d’un diamètre moyen de 50 kilomètres et d’une hauteur
supérieure à 2 000 mètres.
Les phases les plus anciennes de ce volcanisme sont connues uniquement dans la
région du massif de la Montagne (2,1 à 1,9 Ma ; McDougall, 1971) et correspondent à
la mise en place d'une succession de coulées de basaltes à olivine. Le massif de la
Montagne pourrait correspondre aux restes du premier volcan sub-aérien au NNW de
l'île. Ensuite, entre 1,2 et 1 Ma, se manifeste un volcanisme basaltique que l'on
retrouve sur les pentes est (Takamaka) et sud (rempart de la vallée du Bras de Cilaos)
du massif volcanique.
Enfin, entre 0,58 et 0,45 Ma se mettent en place les océanites affleurant sur les parois
des cirques et en périphérie du volcan.
5.2.2. Stade différencié entre 340 000 et 29 000 ans (fin de l'activité
volcanique)
Ce stade dont le centre d’activité principal se situe au niveau du Rond du Bras Rouge se
traduit par l’édification d’un appareil volcanique d’environ 800 mètres de hauteur ainsi que
par divers petits volcans secondaires fonctionnant également sur les pentes. Les coulées
de lave qui en résultent s’étendent assez largement sur tout le massif, empruntant et
comblant les vallées. Son extension est maximale vers l’ouest, entre l’embouchure du
cirque de Cilaos et celle du cirque de Mafate. A l’est du massif, les laves ont emprunté des
vallées étroites et montrent actuellement des exemples d’inversion de relief. Après cette
période d’activité effusive, le dynamisme du Piton des Neiges change pour devenir
explosif.
Ce phénomène est à l’origine de coulées pyroclastiques et ignimbritiques, les
ignimbrites (figure 56) étant datées à 188 ± 25 000 ans par Gillot et Nativel (1988) ;
Ce stade met en place des coulées et des dômes coulées de hawaiïtes et mugéarites
mais aussi des benmoréïtes, des trachytes et des comendites.
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Les ignimbrites
© BRGM - 2005
Figure 57 - Echantillon d’ignimbrite prélevé
à Plateau Wickers, cirque de Salazie.
L'ensemble de ces laves différenciées représente moins de 10 % du volume total du Piton
des Neiges. Dans la région centrale elles atteignent au moins 700 m d'épaisseur mais
s'amincissent rapidement vers la périphérie du volcan.
Parmi les produits volcaniques différenciés du Piton des Neiges, il faut souligner la part
volumétrique importante dans cet ensemble d'un faciès pétrographique particulier ; il s'agit
des roches dites « pintades » (figure 58). Elles consistent en des hawaiites porphyriques*
riches en phénocristaux de plagioclase.
Les roches pintades
© BRGM – 2005
Figure 58 - Echantillon de « roche pintade » prélevé
au lieu-dit Le Bloc dans la rivière des Remparts.
L’activité terminale du volcan du Piton des Neiges est limitée au sommet du Piton des
Neiges. Elle a engendré des accumulations de scories rouges et de bombes fusiformes
qui jonchent les pentes avoisinant le sommet (figure 59).
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© BRGM - 2005
Figure 59 - Champ de bombes fuselées témoignant de l’activité terminale du Piton des Neiges.
Les ignimbrites de La Réunion permettent de reconstruire les paléo-paysages ?
Les ignimbrites de La Réunion sont des brèches, quelquefois à fiammes* vitreuses,
composées d'une matrice verdâtre englobant des fragments laviques et des cumulats
de nature variée ainsi que de nombreux phénocristaux isolés d'anorthose*.
Au niveau de l'îlet Morin à la sortie du Cirque de Salazie, des ignimbrites affleurent en
une puissante unité de près de 100 m de haut que l'on peut suivre en continuité depuis
Salazie jusqu'au lieu-dit l'Escalier. Ces ignimbrites forment un placage correspondant
au remplissage d'une ancienne vallée qui a été recreusée ultérieurement pour former
l'actuelle vallée de la rivière du Mât. Une datation de cette ignimbrite sur anorthose a
fourni un âge de 188 ± 25 000 ans (Gillot et Nativel, 1982).
Au niveau du Piton d'Enchaing, les ignimbrites reposent sur les océanites du fond de
cirque avec un fort pendage* sud-ouest. Elles sont surmontées par un empilement de
coulées de laves dont certaines avec un faciès Pintade et qui ont été datées à
138 000 ans et 96 000 ans par Kluska (1997) et Gillot et Nativel (1982).
Les produits ignimbritiques ont un volume de quelques kilomètres cubes (Rocher et
Westercamp, 1989 ; Kieffer, 1990). Ils moulent les paléovallées et reposent sur des
brèches typiques de celles des fonds de cirque actuels. Parce qu'ils se mettent en
place en un temps très court autour de 180 000 ans (Kluska, 1997), parce qu'ils ont
une très grande extension aréale et parce qu'ils fossilisent la topographie sur laquelle
ils se sont mis en place, ils peuvent être utilisés pour reconstruire les
paléotopographies. La synthèse effectuée par Kluska (1997) indique que le relief du
Piton des Neiges devait présenter une topographie entaillée par un proto-cirque de
Salazie et une proto-rivière du Mât. D'après Kluska (1997) l'existence de la vallée de la
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rivière du Mât remonte au moins à 250 000 ans sachant qu'une coulée de vallée au
niveau de la rivière du Mât donne un âge de 255 000 ans. Cette coulée aphyrique
repose sur des galets de roches à faciès pintade correspondant à des alluvions, ce qui
suggère que l'érosion est active dans ce secteur depuis au moins 255 000 ans,
entraînant la formation d'emboîtements successifs. Suite à l'épisode ignimbritique, le
cirque de Salazie est caractérisé par une longue période d'arrêt du volcanisme qui ne
reprend que vers 50 000 ans (Gillot et Nativel, 1982).
5.3. L'HISTOIRE GÉOLOGIQUE DU MASSIF DE LA FOURNAISE
Le Massif du Piton de la Fournaise occupe le tiers est de l’île. Il s’est formé sur le flanc
sud-est du Piton des Neiges alors que ce dernier était encore en activité. Son sommet
présente actuellement trois remparts d’effondrements successifs et concentriques
ouverts vers l’est correspondant à des caldeiras d'effondrement gravitaire dont la plus
récente constitue l’Enclos Fouqué. Certaines limites de ces effondrements sont
aujourd’hui occupées par des cours d’eau : la rivière des Remparts, la rivière Langevin
et la rivière de l’Est.
Son histoire peut être décomposée en plusieurs grands évènements : le volcan des
Alizés, le Bouclier ancien, le Bouclier récent et le Piton de la Fournaise actuel.
5.3.1. Le Volcan des Alizés (plus de 1 Ma à 450 000 ans)
Avant le massif du Piton de la Fournaise actuel devait exister un autre volcan, le volcan
des Alizés, dont le centre d'émission se situait vers le Grand Brûlé actuel. Des vestiges
de cet édifice ont été dragués au large de l'Enclos et des roches pintades datées à
530 000 ans affleurent dans la rivière des Remparts.
5.3.2. Le Bouclier ancien (450 000 à 150 000 ans)
Les laves du volcan des Alizés ont été recouvertes par un épais empilement de
coulées basaltiques émis par un centre d'émission situé au niveau de la plaine des
Sables. Ce bouclier est aujourd’hui observable à l’affleurement dans le fond de la
vallée de la rivière des Remparts, de la rivière de l’Est et sur le flanc sud-ouest. Aux
alentours de 300 000 ans, la caldeira de la « rivière des Remparts » dont les limites
sont mal connues, abaisse la rive gauche de la rivière des Remparts actuelle.
L'édification du Bouclier ancien s’achève par un accident tectonique majeur dit du
« Morne Langevin » il y a 150 000 ans.
5.3.3. Le Bouclier récent (150 000 à 4 700 ans)
Entre 150 000 et 4 700 ans, l’activité volcanique se déplace vers le lieu de l’activité actuelle.
De nombreuses coulées de lave se superposent à celles du Bouclier ancien et remplissent
l’espace affaissé de la caldeira du Morne Langevin. Un nouvel effondrement du bouclier
volcanique conduit à la formation de la première caldeira des Sables. D’un diamètre
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supérieur à 10 km, ses limites préservées sont définies à l’ouest par les remparts de la
plaine des Sables et du Morne Langevin, et au nord par les falaises de la rivière de l’Est.
Entre 65 000 et 20 000 ans environ, les pitons des Neiges et de la Fournaise sont en
activité simultanée, chacun alimenté par ses propres réservoirs magmatiques
indépendants. La direction de fracture N120 sur laquelle se situe les deux volcans devient
active entre les deux cratères* sur toute la chaîne de la plaine des Cafres. La dimension
des nombreux pitons de scories qui s’y développent traduit un volcanisme explosif
beaucoup plus important que celui observé aujourd’hui à la Fournaise. De nombreuses
coulées descendent jusqu’à l’océan en comblant les ravines, les anciens reliefs et les
dépressions, formant les pentes actuelles du Tampon, de la plaine des Palmistes et SaintBenoît.
Il y a 4 700 ans se forme la caldeira en fer à cheval, dite de l’Enclos, dont les bordures
sont matérialisées par les remparts du Pas de Bellecombe, du Tremblet et du Bois
Blanc et qui s’ouvre vers la mer à l’est.
5.3.4. Le Piton de la Fournaise actuel
La dernière phase d’activité, démarrée il y a 4 700 ans, a construit le Piton de la
Fournaise actuel, couronné par les cratères Bory et Dolomieu et culminant à 2 631 m
d’altitude (figure 60). Depuis un siècle, une éruption en moyenne a lieu chaque année.
La grande majorité des éruptions historiques et actuelles se produit à l’intérieur de
l’Enclos. Cependant, des éruptions, dont certaines très importantes, ont également eu
lieu à l’extérieur de la caldeira de l’Enclos, édifiant, par exemple, le Piton Chisny (figure
61) dans la plaine des Sables ou le cratère Commerson. Ces éruptions excentrées se
sont produites au sein de zones de faiblesse du massif volcanique, appelées riftszones*, matérialisées par des essaims de dykes par lesquels le magma remonte à la
surface.
© P. Mairine - 2001
Figure 60 - Vue aérienne des cratères sommitaux Bory (le plus petit à l’arrière-plan)
et Dolomieu du Piton de La Fournaise.
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© BRGM - 2005
Figure 61 - Vue du Piton Chisny depuis le Pas des Sables.
5.3.5 - Les éruptions historiques du Piton de la Fournaise
La plupart des coulées historiques (figure 62) ont été datées grâce à des documents
d’archives. Les premiers témoignages concernant l’activité éruptive (ouverture de
fissures, émission de coulées et construction de cônes de scories) datent de 1640.
© BRGM - 2002
Figure 62 - Cartographie des éruptions historiques du Piton de La Fournaise. La localisation et
l’extension de chaque coulée sont matérialisées par les différentes plages de couleur.
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Localisée dans la partie supérieure du cône terminal, aujourd’hui couronnée par les
cratères Bory et Dolomieu, l’activité de La Fournaise est signalée épisodiquement, au gré
des explorations, jusqu’en 1880, plus régulièrement par la suite et systématiquement
depuis la création, en 1980, d’un observatoire volcanologique à la plaine des Cafres.
Le nombre d’éruptions recensées au cours de la période historique est
impressionnant : 170 au moins (4 au XVIIème siècle ; 28 au XVIIIème siècle ; 56 au
XIXème siècle ; 76 au XXème siècle. Ce chiffre, naturellement sous-évalué au cours des
premiers siècles de peuplement de l’île, montre bien que le Piton de La Fournaise est
l’un des volcans les plus actifs de la planète !
Bien heureusement pour la sécurité des populations vivant sur les basses pentes nord
et sud du volcan (en particulier, dans les communes de Saint-Philippe et Sainte-Rose
et leurs environs), la grande majorité des éruptions est cantonnée à l’intérieur de
l’enclos Fouqué, inhabité.
Depuis 1950, presque toutes les fissures éruptives s’ouvrent sur les flancs est, sud-est
et nord-est du cône sommital ou dans le cratère Dolomieu. Plusieurs coulées de lave
atteignent l’océan au niveau du Grand Brûlé, contribuant à l’agrandissement de l’île,
mais perturbant aussi la circulation automobile en coupant par endroits la route
nationale 2.
Toutefois, une dizaine d’éruptions historiques (dont celles de 1977, 1986, 1998) se
sont produites hors Enclos (figure 63). Celle qui a le plus marqué la population est celle
de 1977 : dans le village de Piton Sainte-Rose, évacué d’urgence en pleine nuit, une
coulée de lave a détruit plusieurs maisons, contourné l’église, mais n’a fait aucune
victime humaine.
Un plan de secours spécialisé « éruptions volcaniques » a été publié en 1992. Il définit
des niveaux d’alerte qui déclenchent la chaîne de décision adaptée à chaque
situation : services de l’État (gendarmerie, SDIS, DDE, ONF, BRGM…) et collectivités
locales possèdent ainsi un guide des moyens humains et matériels à mettre en œuvre
pour faire face aux différents types d’éruptions possibles.
1977
1986
1998
© BRGM - 2003, d’après IGN 97
Figure 63 - Cartographie de l’extension des coulées pour les éruptions de 1977, 1986, 1998.
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5.3.6. Combien de caldeiras à La Réunion ?
Une caldeira est un grand effondrement volcanique, de forme plus ou moins circulaire
et de taille kilométrique à plurikilométrique lié à la vidange d’un réservoir magmatique.
Parce que ces structures sont des drains possibles pour les eaux géothermales, de
nombreux travaux de photo-interprétation, de cartographie géologique, de géologie
structurale et de géophysique se sont attachés à en trouver la trace et à les délimiter à
La Réunion.
Ainsi, par le passé, les géologues ont supposé l’existence de nombreuses caldeiras
sur le Piton des Neiges, sur la base d'interprétation de structures géologiques et
géophysiques courbes :
- vers 450 000 ans par Chevallier (1979) en association avec la mise en place des
importantes éruptions latérales des hauts de l'Etang-Salé ;
- une caldeira plus récente aux alentours de 180 000 ans (Rocher, 1988) reliée à la
mise en place des ignimbrites (Salazie) et de nuées à ponces et blocs (rivière
Takamaka, Sainte-Marie). Cette phase explosive pourrait correspondre à la vidange
d'une chambre magmatique* peu profonde (quelques kilomètres) dans laquelle le
magma a pu se différencier ;
- enfin, une dernière entre 30 000 et 20 000 ans associée à la mise en place des
nuées cendro-ponceuses qui recouvrent les laves différenciées des flancs du Piton
des Neiges.
La caldeira formée aux alentours de 180 000 ans est certainement celle qui est la
mieux documentée. De nombreuses études volcanologiques ont montré que la mise en
place de dépôts ignimbritiques est souvent associée à la formation de grands
effondrements volcaniques de forme plus ou moins circulaire et de taille kilométrique à
plurikilométrique. La plupart des reconstitutions récentes représentant la caldeira du
Piton des Neiges lui donnent une limite globalement circulaire passant par un
ensemble d'intrusions radiales concentriques (syénites de Cilaos…). Ces intrusions ont
été datées par Kluska (1997) qui trouve des âges variables sans lien apparent avec la
phase ignimbritique à 180 000 ans. Il en conclut que les intrusions différenciées ne
peuvent pas être utilisées comme critère d'existence d'une caldeira et encore moins de
sa localisation. Par ailleurs, il montre l'existence d'une continuité topographique des
océanites de part et d'autre de la dite caldeira. Cela l'amène à rejeter l'ensemble des
arguments en faveur d'une caldeira. Plus récemment, des travaux de cartographie
géologique détaillée du Piton des Neiges (Cruchet, Nehlig et al., 2005) n'ont pas
permis de mettre en évidence l'existence d'une ou de plusieurs grandes caldeiras
associées à la mise en place des ignimbrites.
Sur la Fournaise, la seule structure d'effondrement bien individualisée est la caldeira
de l'Enclos datée à 4 750 ans (Abchir, 1995) et délimitée par son rempart en forme
de U (figure 64). Cette structure se prolonge en mer. Les effondrements antérieurs à
celui de l'Enclos sont plus sujets à discussion. La nature de ces caldeiras effondrement ou glissement gravitaire - reste discutée mais il est possible que ces
phénomènes aient agi de façon concomitante.
Kit Pédagogique Sciences de la Terre
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Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
© BRGM - 2003, d’après IGN 97
Figure 64 - Relief topographique du massif volcanique Piton de La Fournaise
montrant la structure d’effondrement de l’Enclos.
5.4. L'ÉROSION : LE TRAVAIL DE L'EAU ET DE LA GRAVITÉ
L’île de La Réunion est certes le résultat d'une activité volcanique particulièrement
soutenue mais ses principaux traits morphologiques résultent d’une érosion
particulièrement forte. Souvent spectaculaire, elle est liée à l'influence des pluies de l’est
pendant la saison chaude et humide, de décembre à avril (figure 65). Cette exposition au
vent dominant couplée au relief déterminent une division de l'île en deux parties : région au
vent au nord et à l'est, à forte pluviométrie ; région sous le vent au sud et à l'ouest, à
moyenne ou faible pluviométrie. C'est ainsi que la région de Sainte-Rose reçoit en
moyenne 5 mètres d'eau par an alors que celle de Saint-Paul en reçoit 7 fois moins.
© BRGM – 2005, d’après Météo France
Figure 65 - Zonage de la pluviométrie sur l’île de La Réunion.
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Des records de pluie sont enregistrés lors des tempêtes tropicales ou des passages
cycloniques dévastateurs qui se produisent de décembre à avril, une ou deux fois par
an. Lors de ces pluies diluviennes, les lits des rivières et des ravines peuvent se
remplir brusquement augmentant de façon spectaculaire leur pouvoir érosif et de
transport. L'île détient tous les records mondiaux de hauteur de pluies pour des durées
allant de 3 h (600 mm) à 12 jours (6 500 mm). Le record de pluviométrie est enregistré
dans le secteur de Takamaka avec une moyenne annuelle de l'ordre de 11 mètres. Les
conséquences de ces dépressions sont parfois dramatiques tant sur le plan
économique que sur le plan humain : vents de plus de 200 km/h, crues, mouvements
de terrain, qui, ajoutés à l'activité volcanique, font de l’île de La Réunion la région
française la plus exposée aux risques naturels.
Le risque principal est certainement celui lié aux mouvements de terrain (figure 66). On
peut en distinguer deux types principaux :
- les mouvements rapides comprennent les éboulements, les écroulements, les
« déboulés ». Généralement, les phénomènes surviennent sur des sites escarpés
tels que les remparts et les flancs du Piton des Neiges ;
- les mouvements lents se font lentement de quelques millimètres par an à quelques
décimètres par an. Ce sont des mouvements de terrain repérés essentiellement
dans les fonds de cirque. Les matériaux glissent au toit du substratum volcanique
ancien hydrothermalisé et imperméable.
- Souvent plusieurs évènements peuvent se succèder dans le temps. Ainsi, la rivière
des Pluies a, en mars 2002, connu dans un premier temps, un glissement de terrain
en bordure du plateau d’Ilet Quinquina. Dans un deuxième temps, la masse de
matériaux s’est remise en mouvement donnant une avalanche de blocs barrant le lit
de la rivière, 800 m en aval. Enfin, dans un troisième temps, les fortes pluies
survenues quelques jours plus tard ont contribué à la formation d’une « lave
torrentielle » sur le cours aval de la rivière.
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© BRGM - 2005
Figure 66 - Schémas des différents mouvements de terrain observables à La Réunion.
Les mouvements remarquables sont ceux de Grand Sable à Salazie, du Grand Eboulis
dans la rivière des Pluies, de l’Eperon dans le Bras de La Plaine, de Mahavel affluent
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de la rivière des Remparts (figures 67 et 68), de Camp Mathurin dans le cirque de
Salazie, du Cap Sylvestre à Cilaos.
© BRGM - 2003, d’après IGN 97
Figure 67 - Orthophoto de la zone d’éboulement de Mahavel
produit en 1965.
© BRGM - 1980
Figure 68 - Zone éboulée dans
le Bras de Mahavel.
Cette érosion, souvent spectaculaire, conduit à la mise à disposition de grandes
quantités de matériaux meubles. Elles sont reprises par l'eau, transportées et
déposées plus en aval dans les cours d'eau et les cônes alluviaux ou emmenées en
mer. Là, la houle et les courants marins se chargent de les redistribuer.
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