Identification et analyse de quelques distorsions
sémantiques rencontrées dans le résumé de texte.
Cas des étudiants de l’Institut national Polytechnique Félix
Houphouët Boigny de Yamoussoukro
Johnson Manda Djoa
Introduction
Le résumé de texte occupe une place essentielle dans les cours de
technique d’expression à l’université et dans les Grandes Ecoles.
Malheureusement, sa pratique cause problème aux apprenants. Dans les
Grandes Ecoles ivoiriennes et particulièrement à l’Institut National
Polytechnique Félix Houphouët Boigny (INP-HB) de Yamoussoukro, les
étudiants sont confrontés aux difficultés que suscite cette épreuve.
En effet, en plus de la paraphrase et du non respect du nombre de mots
imposé, on rencontre chez les étudiants d’autres lacunes qui, cette fois-ci,
dénaturent le sens du texte original. Ces lacunes peuvent recevoir la
désignation de « distorsions sémantiques ». Les enseignants et les
apprenants sont conscients de ces difficultés, mais ils ont du mal à les
identifier et à déterminer leur nature. Aussi toute solution visant à limiter
ces distorsions reste-elle-inefficace. Cette préoccupation constitue notre
objet de recherche.
Le but de l’étude est donc d’identifier les phénomènes linguistiques
susceptibles de déformer le contenu sémantique du texte à résumer.
L’opération permettra de connaître leur nature en vue d’une analyse.
Le résumé de texte, selon J.B. Kouamé (1998 : 78) et ses collaborateurs,
exige du candidat « qu’il sache trier les idées, c’est-à-dire qu’il sache retenir
l’essentiel en élaguant au maximum tout le superflu sémantique ». De même,
Y. Stalloni (1998 : 23) recommande « une fidélité scrupuleuse au sens et à
l’ordre du texte ». En somme, les exigences sémantiques font la spécificité
de cet exercice.
Certes, ces auteurs s’intéressent à la question du sens dans le résumé,
mais leurs réflexions portent pour la plupart sur la méthodologie qui sous-
tend cet enseignement. Les rares travaux qui évoquent la question dans une
visée linguistique portent en général sur les mots et sur les phrases au
détriment du texte. Cette rareté s’explique selon M. Grawitz par le fait que
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Toutes les recherches conduites dans ce domaine partent du principe que les
énoncés ne se présentent pas comme des phrases ou des suites de phrases mais
comme des textes. Or le texte est un mode d’organisation spécifique qu’il faut
étudier comme tel en le rapportant aux conditions dans lesquelles il est produit.
Considérer la structuration d’un texte en le rapportant à ses conditions de
production, c’est l’envisager comme discours (Grawitz 1990 : 354).
Il s’agira donc pour nous de dépasser le cadre phrastique au profit d’un
objet plus vaste : le texte. Cette perspective place notre étude dans le champ
de la grammaire de texte dont l’activité se situe autour de l’idée qu’un texte
est une unité linguistique qui peut faire sur le plan grammatical l’objet de la
même attention que la phrase. Nous nous appuierons sur des théories de
l’énonciation pour désigner et analyser les difficultés des étudiants.
Notre corpus est constitué de résumés de cent soixante dix (170)
étudiants issus de trois classes de l’Ecole préparatoire : Prépa Commerce
première année A et B (PC1A) et (PC1B) et Prépa Biologie deuxième année
A (PB2A). Pour mieux comprendre l’étude, nous allons axer notre
développement sur trois points essentiels :
un aperçu sur le résumé de texte ;
le texte à résumer ;
l’analyse des distorsions identifiées.
1 Le résumé de texte
1.1 Principes généraux
Y. Stalloni (1998 : 23) résume en dix (10) points les principes de
l’exercice.
1. Appellation : Résumé ou contraction. Termes interchangeables.
2. But : Restituer brièvement un texte pour un lecteur qui ne le
connaîtrait pas.
3. Dimensions : Textes de plus de 2000 mots : 1/10
Textes de moins de 2000 mots : de 1/5 à 1/8.
4. Faculté de dépassement : 5 à 10% en plus ou en moins.
5. Mesure du format : Tous les mots comptent, même ceux formés d’une
seule lettre.
6. Pénalisations : 1 point (sur 20) en moins pour tout mot au-delà ou en
deçà de la tolérance accordée ; puis 1 point par tranche de dix mots.
7. Prise en charge : Respectez le système énonciatif ; mettez-vous à la
place de l’auteur et dites « je » si nécessaire.
8. Respect : Fidélité scrupuleuse au sens et à l’ordre du texte.
Identification et analyse de distorsions sémantiques dans le résumé de texte
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9. Synonymes et citations : Pas de citation de l’énoncé ; pas de recours
systématique aux synonymes.
10. Ton, forme, orthographe : Ecrivez correctement, lisiblement, dans un
français clair et sans faute d’orthographe.
1.2 Quelques conseils pratiques
Nous les empruntons à Y. Le Lay (2001 : 148-149).
La lecture préalable du texte à résumer se fait de manière active,
crayon en main : on repère et on entoure les mots de liaison et les
formules de transition, on annote les paragraphes en indiquant
sommairement leur contenu et leur rôle et en délimitant arguments et
exemples.
Les différentes parties ainsi définies sont numérotées, on isole
entre parenthèses les phrases redondantes qu’il n’y a pas lieu de reprendre
dans le résumé.
Chaque partie numérotée est alors résumée ; on n’oublie pas les
articulations logiques nécessaires.
On détermine le nombre de mots du texte initial et du résumé : il
suffit de compter le nombre de mots d’une ligne moyenne, articles et
prépositions élidés compris, et de le multiplier par le nombre de lignes, puis
on vérifie le rapport entre les deux (un résumé « au quart » comprendra
environ quatre fois moins de mots que le texte). On procède enfin aux
ajustements nécessaires (par exemple remplacer la locution « au cas où » +
conditionnel par « si » + indicatif suffit à faire gagner deux mots).
On relit le résumé ou on le fait relire par une personne qui ne
connaît pas le texte de départ afin d’en vérifier le style et la cohérence.
Voici à présent le texte qui a servis à l’évaluation des étudiants:
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2 Texte à résumer et remarques générales
2.1 Texte à résumer
La violence tolérée
Nous vivons, on le sait, dans une socié de spectacle et de
représentation, mais nous sommes aussi confrontés à une société paradoxale
de la violence : violences routières et domestiques, violences nocturnes des
cités, violences télévisuelles… En pit des réprobations qu’elle inspire
toujours et des sanctions qu’elle entraîne parfois, la violence continue ainsi
de se développer dans nos sociétés civilisées sous les formes les plus
diverses. Parmi celles-ci, les violences sportives ont trouvé logiquement leur
place. Mais, ce qui frappe, c’est la vigueur et la rapidité avec lesquelles elles
furent unanimement condamnées. Face au drame du Heysel, toutes parties
prenantes, portées par une même vague d’indignation et dans une recherche
affolée des responsabilités, ont invoqué tour à tour l’imprévoyance des
organisateurs ou l’ « incurie des forces de l’ordre », la « barbarie des
hooligans », l’exacerbation et l’agressivité par l’excès de boisson, les effets
dépersonnalisants de la multitude, les mouvements incontrôlables de la
foule, la vétusté des stades… Mais, pour l’essentiel, la condamnation,
médiatiquement orchestrée, a porté sur l’identification et la stigmatisation
des hooligans promus de nouveaux barbares –, des skinheads politisés et
des « excités » de toutes sortes. Ce qui surprend dans cette panoplie de
« responsabilités », c’est l’occultation du rôle de la lévision et, fait plus
surprenant encore, l’oblitération des fonctions du sport en général et du
football lui-même comme drame. Tous les arguments avancés sont putés
être, en effet, extrinsèques au sport et étrangers à son principal médium. Ces
explications
gênent
les sociologues, davantage enclins à considérer ce
phénomène, que l’événement a brusquement révélé, comme un fait social
total.
En dépit des variations culturelles que peut subir sa définition, selon les
civilisations, les sociétés et les groupes où elle se manifeste, la violence
qualifie toujours l’agressivité ou la brutalité que l’homme peut exercer à
l’égard de ses semblables en usant de sa force physique. Le sentiment de son
caractère illégitime se renforce dès lors qu’elle s’exerce à l’égard de ses
victimes les plus faibles (femmes, enfants, vieillards par exemple). Mais on
peut remarquer que les juristes chargés de régler quotidiennement les affaires
violentes, d’en apprécier et d’en peser les sanctions, précisent que trois
secteurs, dans l’univers social, échappent à leurs juridictions ordinaires. Il
s’agit des domaines exclusifs dans lesquels la loi reconnaît et même autorise
la mise en jeu de la violence sur autrui (dans les conditions et les limites
qu’elle s’efforce de définir), à savoir les opérations du maintien de l’ordre,
l’acte chirurgical et l’affrontement sportif.
Par ailleurs, on notera que dans nos représentations collectives trois
registres métaphoriques se disputent la prévalence pour qualifier les
principaux modes de relations sociales. Le modèle de la guerre, paradigme de
la violence collective, qualifie aujourd’hui, dans son durcissement progressif,
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la concurrence économique entre les nations. Le modèle sportif (que la
tradition imprègne de fair-play et de respect de l’adversaire dans des luttes à
armes égales) semble symptomatiquement imprégner l’ensemble des
rapports sociaux et politiques. Mais ce dernier le dispute, aujourd’hui dans
les domaines professionnels, au langage et aux tactiques de la délinquance
(« préparer » et « réussir un coup ») ou bien, pour les acteurs en position
chronique de faiblesse sociale, aux techniques des « coups de main » que l’on
pourrait croire inspirées de la guérilla de partisans. En tout cas, on peut
identifier des domaines bien délimités de notre culture les forts peuvent
imposer en quelque sorte gitimement leur puissance ou leur loi aux plus
faibles et la violence que l’on dit symbolique peut me s’exercer, en
douceur, avec le consentement de ses victimes.
Le sport, avons-nous dit, peut être considéré comme l’une des rares
occasions les forts peuvent
légitimement opprimer les faibles et, en tout
cas, la mise en jeu de la violence est réputée socialement acceptable. Il
n’est pas sans intérêt de rappeler, à ce propos, que les sports collectifs
modernes naissent, en Angleterre, dans les cours de recréation où les écoliers
sont livrés à eux-mêmes et précisément dans les internats les plus grands
élèves exercent, sans vergogne, une forme de « terreur » physique à l’égard
des plus jeunes.
Les sports d’affrontement les plus durs sont des combats qui « procurent
de l’excitation et du plaisir, sans choquer les consciences » (N. Elias).
Aujourd’hui encore, leurs glements définissent garantissent et préservent
un type particulier d’investissement de la violence dont les joueurs
assument implicitement toutes les conséquences. Le début du XIXe siècle
sera le moment historique décisif du développement des jeux de combats
collectifs, grâce à l’insolite combinaison de traits de culture urbaine
(règlements écrits définissant le calendrier, fixant les effectifs, le comptage
des points, induisant une division du travail…) avec des formes très
anciennes de culture rurale (affrontements massifs, chaotiques, marqués par
la coutume). Aussi doit-on rappeler que les jeux festifs populaires
essentiellement constitués de combats virils et d’exercices de force rurale
s’accompagnent toujours d’excès de boisson et d’ébats sexuels qui sont
autant de prétextes à la transgression réjouissante des usages et au
renversement ritualisé de l’ordre social… Mais à l’évidence le lieu et le temps
mêmes du combat poussent à son paroxysme l’excitation des spectateurs
toujours prêts à participer ellement à l’affrontement, c’est-à-dire à franchir
le pas de la violence collective.
(Encyclopaedia Universalis 1991 : 363-365)
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