C haque année au mois d'août, les Jamaïcains fêtent deux grands moments de leur histoire: l'émancipation de l'esclavage et l'indépendance. Et ils associent à ces célébrations le souvenir de Marcus Garvey, héros national qui s'est battu pour la dignité et la liberté des noirs. Le mois d'août étant également la saison des festivals « reggae », de grandes vedettes telles que Beenie Man et Anthony B. viennent donner des concerts et invitent le monde entier à s'enivrer de leur musique. La Jamaïque lutte depuis trente-sept ans pour devenir un État autonome stable et pour que son économie parvienne à faire vivre les libertés acquises jusqu'aux prochaines générations. Avec une longueur de 256 km et une superficie de 11.000 km2, la Jamaïque est la troisième île des Caraïbes et la principale anglophone. Ce pays tropical abrite 2,5 millions de Jamaïcains d'origines africaine, européenne et asiatique. Plus favorisé que beaucoup de ses voisins, il possède une économie assez diversifiée. La production agricole traditionnelle, qui comprend le sucre et les bananes, ne représente que 8% du PIB mais son rôle dans la consommation alimentaire nationale et sur les marchés étrangers, dans la création d'emplois et dans la lutte contre la pauvreté en régions rurales en fait un secteur de premier plan. Le véritable moteur de l'économie sont les services, qui contribuent à hauteur de 60 à 70% au PIB - grâce au tourisme principalement. Mais d'autres services se développent, notamment dans le secteur financier, des télécommunications et du divertissement. Les indices de niveau de vie y sont plutôt favorables. Les risques pour la santé sont davantage associés à la vie moderne, au tabac, à l'alcool, etc. qu'à des épidémies chroniques. Le taux d'alphabétisation des adultes atteint 85%. L'Université des Indes occidentales fait de la Jamaïque un centre d'apprentissage pour le reste des Caraïbes. Le réseau électrique couvre 95% de l'île et l'infrastructure sanitaire est suffisante. Le processus d'urbanisation est rapide et Montego Bay, deuxième ville du pays, aura bientôt la taille de Kingston. Les signes de la consommation de prestige sont là: la télévision américaine est captée par une multitude d'antennes paraboliques, les téléphones cellulaires ne se comptent plus et le nombre de voitures a triplé au cours des cinq dernières années. La parole, qu'elle soit écrite, parlée ou chantée, fait partie intégrante de la créativité et de l'expression de soi du peuple jamaïcain. Les médias dont le pays s'est doté conviendraient à une nation deux fois plus importantes: trois grands quotidiens, une douzaine de stations de radio et trois chaînes nationales de télévision. La plupart des émissions radiophoniques accueillent d'ailleurs des invités qui ne demandent qu'à faire connaître leurs opinions sur les ondes. Les normes sociales ne sont guère libérales. Vivant dans la crainte de Dieu et le souci de la collectivité, la Jamaïque a probablement la plus grande concentration d'églises au monde. La gent masculine reste largement prédominante dans la vie professionnelle, où les femmes font défaut alors que bon nombre d'entre elles ont suivi un enseignement supérieur. Les critères fondés sur la classe sociale et la couleur de la peau, fussent-ils tacites, restent d'actualité. L'homosexualité n'est pas tolérée: généralement considérée comme un phénomène venu de l'étranger, elle reste interdite par la loi et fait l'objet d'insultes dans la culture populaire. Les membres du JFLAG, groupe de défense des droits des homosexuels en quête d'un cadre légal et social, opèrent dans l'anonymat par crainte des représailles. jamaïque Un pays d'eau et de bois Les Jamaïcains à l'étranger Les 2,8 millions de Jamaïcains vivant hors des frontières nationales ont aidé à faire connaître leur pays en répandant sa culture et autres succès, notamment dans le domaine du sport, de la musique et des arts. Le fait que l'on parle de Miami ou de New York comme du 21ème canton postal de Kingston atteste à suffisance des liens étroits - et réciproquement bénéfiques - que les « expats » conservent avec la mère patrie. Les sommes d'argent qu'ils envoient à leur famille représentent un apport annuel net de 600 millions de dollars US pour la balance des paiements de la Jamaïque. Du côté négatif, par contre, il convient de signaler que la déportation de criminels jamaïcains, en provenance des Etats-Unis surtout, fait monter la criminalité - un problème actuellement examiné avec le Procureur général américain, Janet Reno. Une société duale La Jamaïque a deux sociétés, une riche et une pauvre. 31 jamaïque Selon le PIOJ (Planning Institute of Jamaica), la tranche supérieure de 20% représentait en 1997 pas moins de 49% du total de la consommation nationale alors que les 70% inférieurs n'en représentaient que 38,8%. Ce sont aujourd'hui 32% de la population qui vivent en deçà du seuil de pauvreté. C'est à Kingston que le contraste est le plus frappant. Des banlieues chics et prospères, qui se sont choisi des noms comme Beverly Hills, sont établies au pied des Montagnes bleues qui entourent New Kingston, cur commercial de la cité. Les villas et propriétés ne feraient pas tache dans leurs quartiers homonymes de Californie - hormis pour les marchands ambulants. Le bas de la ville, West Kingston, constitue une toute autre réalité urbaine, celle de la misère et de l'exclusion. Les habitants des ghettos du centre-ville occupent des logements surpeuplés et n'ont pas toujours accès aux commodités et services les plus élémentaires. Ici, la vie est régie par un code non écrit sous la houlette d'un leader accepté par la collectivité et généralement appelé le « Don ». La criminalité Une église le dimanche. Les Jamaïcains craignent Dieu et ont le sens de la collectivité ci-dessus Downtown West Kingston - une autre réalité urbaine cidessous L'inégalité criante en termes de richesses et de privilèges, l'urbanisation rapide, la montée du chômage, parmi les jeunes en particulier, et la toxicomanie sont autant de causes qui sous-tendent le taux croissant de criminalité en Jamaïque. La peine de mort n'a pas fait diminuer le nombre de crimes, qui a dépassé le millier en 1997 et dont il faut rechercher l'origine dans les conflits de groupe, la violence domestique et les conflits inter-personnels. La violence a mauvaise presse et sape, partant, la confiance économique. Les trois journées de manifestation organisées en avril pour protester contre une hausse de 30% de la taxe sur les carburants a provoqué 144 bouchons routiers, neuf morts et 152 arrestations, et a coûté des millions au pays en termes de dégâts et de pertes de recettes touristiques - la plupart des pays ayant recommandé à leurs concitoyens de rester au large. L'opinion internationale a par ailleurs été choquée en apprenant le décès de Rose Leon, importante personnalité politique jamaïcaine de l'aprèsguerre, suite à une infraction de son domicile. Une gestion publique encore hésitante En tant que jeune nation, la Jamaïque a connu sa part d'incohérences en matière de gestion économique et poli- 32 tique. Au moment de l'indépendance, elle était le joyau des Caraïbes avec une forte croissance attestée d'une progression annuelle de 5% du PIB. L'action énergique de Michael Manley, leader du PNP (People's National Party) pour atteindre les « sommets de l'économie » au cours des années 1970 a connu de sérieux revers. Des réformes sociales majeures ont été introduites mais l'époque a surtout été marquée par une évasion massive de capitaux, par l'émigration de 25% des Jamaïcains qualifiés et par la régression économique. Lorsqu'Edward Seaga était au gouvernail du JLP (Jamaica Labour Party) pendant les années 1980, le pays mit le cap dans la direction opposée. Des mesures énergiques ont été prises pour améliorer les relations plutôt tendues avec les EtatsUnis et les institutions de Bretton Woods, et les processus de libéralisation économique et d'ajustement structurel ont été amorcés. Les possibilités excessives d'emprunt extérieur ont retardé, dans un premier temps, la mise en uvre des réformes indispensables pour rétablir la croissance économique, qui a été de 4% en moyenne entre 1987 et 1990. Le financement du déficit de la balance des paiements par des emprunts à l'étranger a engendré, au cours de la même période, une dette extérieure de 4,6 milliards de dollars US, soit 8% du PIB. Revenu au pouvoir depuis 1989, le PNP a plus ou moins gardé le même cap. Ses objectifs primordiaux sont l'abaissement de l'inflation, le renforcement de la compétitivité internationale, l'amélioration des finances publiques et la constitution de réserves adéquates en devises. Les réformes ont porté sur la libéralisation du commerce, des prix et du contrôle des changes, ainsi que sur le système de fiscalité indirecte. Des droits d'importation de 5 à 35% ont été instaurés, la plupart des restrictions quantitatives et des monopoles commerciaux ont été abolis, et la privatisation a été introduite. Mais la rapidité du processus de libéralisation a eu un prix, à savoir la diminution du PIB jusqu'à moins de 1%. Au début des années 1990, une forte dévaluation monétaire accompagnée d'une montée des prix a poussé l'inflation au niveau record de 80% en 1991. Depuis 1995, la politique macroéconomique a été essentiellement axée sur la stabilité des prix en tant que condition impérative d'une croissance soutenue. Le taux actuel d'inflation est de 5,6% et il peut être largement attribué aux politiques monétaires restrictives adoptées par le pays. Les réserves internationales sont saines et le régime de change plus stable. jamaïque La dette À l'issue de quinze années de programmes d'ajustement structurel pour lesquels la Jamaïque s'est qualifiée en 1996 - le plus grand fardeau pesant sur son économie reste la dette nationale et le déficit budgétaire. Le pays croule sous un endettement de plus de 120% de son PIB et un service de la dette (que la Jamaïque a toujours honoré) de plus de 62% de son budget annuel. L'augmentation de la dette intérieure rend les contraintes de la dette extérieure d'autant plus pénibles. Les chocs internationaux ont provoqué l'effondrement du secteur financier. Se trouvant dans l'incapacité d'emprunter des fonds sur les marchés extérieurs, le gouvernement a accru sa dette intérieure à grands frais pour sauver le secteur. La FINSAC (Financial Sector Adjustment Company) a coûté plus de 2 milliards de dollars US au gouvernement. Mais comme l'explique Omar Davies, ministre des Finances: « La FINSAC constitue une mesure défensive nécessaire pour protéger les fonds des épargnants et des détenteurs de polices d'assurances, et les pensions ». Instituée pour une période limitée, la FINSAC a pour mission de mettre fin au mouvement de panique, de reconstruire les entreprises et de reconstituer les actifs. « Son intervention dans le secteur de l'assurance est terminée et sa tâche dans le secteur bancaire est achevée à 75% ». La politique de gestion de la dette est largement dépendante aujourd'hui des prêts extérieurs. Une réduction drastique de l'endettement a permis au gouvernement de mobiliser 200 millions de dollars US sur les marchés internationaux en 1997. Ses efforts visant à mobiliser 250 millions cette année ont toutefois échoué. « Le climat international n'était pas favorable, explique M. Davies, et les fonds auraient coûté davantage que ce que nous avions prévu - nous nous sommes donc retirés. » Croissance zéro La stabilisation des prix, le contrôle de la masse monétaire et l'abaissement de l'inflation ont limité l'expansion économique. « Le pays n'a pas réellement connu, au cours des quinze dernières années, la croissance nécessaire pour stimuler l'esprit d'entreprise », précise Peter Moses, Président de la PSOJ (Private Sector Organisation of Jamaica). Les taux des intérêts bancaires (24 à 40%) restent prohibitifs. Les obligations d'État émises pour absorber les liquidités, proposées à des taux de rendement élevés à court et moyen terme, ont détourné les fonds des banques et des dépenses d'infrastructure. P. Moses estime qu'il vaudrait la peine, au risque d'augmenter l'inflation à 10%, de réduire les taux d'intérêt à 12-15% pour stimuler la croissance. « La consolidation signifie le chômage et, dès lors, la recherche de travail dans le secteur informel, ce qui réduit encore les recettes fiscales. » La lutte contre la pauvreté Près de 300 000 Jamaïcains remplissent les conditions pour bénéficier d'une assistance sociale, et notamment de coupons alimentaires. Aussi les programmes officiels de lutte contre la pauvreté (d'une valeur de 3 milliards de dollars jamaïcains) sont-ils axés sur l'autonomie et la création d'emplois. Les collectivités locales reçoivent un financement direct pour améliorer le niveau de leur infrastructure sociale. La création d'emplois constitue également l'objectif de programmes tels que « Skills 2000 », qui vise à doter les bénéficiaires des aptitudes et moyens d'entreprendre leur propre activité. De même, le programme « Lift Up, Jamaica », action de courte durée annoncée lors du dernier budget, va créer des emplois pour 74 000 jeunes de 17 à 30 ans. Insertion dans l'économie mondiale Le processus de mondialisation oblige la Jamaïque à rendre son économie plus efficace. Permettant d'amortir les chocs extérieurs, l'intégration et les partenariats commerciaux à l'échelon régional lui accordent un certain répit. La Jamaïque figure parmi les fondateurs du CARICOM (marché commun des Caraïbes) et se prépare, dans ce contexte, à la création du marché unique régional dès la fin de 1999. Les exportations de la Jamaïque vers les Etats-Unis, son principal partenaire commercial, ont été affectées par la création de l'ALENA (Accord de libre-échange nord américain). L'Union européenne est aujourd'hui le premier marché d'exportation de la Jamaïque avec une part de 38%. L'accès préférentiel et les protocoles commerciaux associés à la Convention de Lomé font du marché de l'UE le destinataire de 80% des exportations jamaïcaines de sucre, de la quasi-totalité de ses bananes et de 40% de son alumine. La valeur nette des protocoles relatifs au sucre et aux bananes est estimée à quelque 55 à 65 millions d'euros. La Jamaïque prend très au sérieux sa relation avec l'Union europénne. Selon Me Palmer (PIOJ), « la coopération avec l'UE s'est avérée déterminante pour la Jamaïque, tant en termes de commerce que d'aide laquelle a représenté 160 millions d'euros au cours des dix dernières année ». Les négociations sur l'après-Lomé et le « round du millénaire » de l'OMC sont suivis avec la plus grande attention. Des pressions s'exercent déjà sur les exportations de sucre et de bananes à prix et contingents fixes vers les marchés de l'UE. Les règles de l'OMC ont déjà donné lieu à certaines modifications du régime actuel des bananes et du système de fixation des cours du sucre. Le point le plus litigieux est évidemment la préférence dont les bananes jamaïcaines bénéficient par rapport aux bananes en provenance d'Amérique latine (zone dollar) et la possibilité de vendre des licences à d'autres producteurs pour le solde des quotas. Wesley Hughes, Directeur du PIOJ, signale que la réforme de cette vente Le millénaire et au-delà Peter Monroe: La question du leadership est capitale. Il nous faut un sang nouveau et optimiste. Le potentiel de la Jamaïque est immense mais notre pays doit assumer le passage de la banane et du sucre vers un avenir indépendant. La réponse à la montée de la criminalité n'est pas le renforcement des forces de police ni le recours à l'armée mais la croissance économique et l'emploi des jeunes. La vie n'est guère facile mais le pays est vert et le soleil brille 33 jamaïque Au-delà du millénaire: Trevor Monroe: Les Jamaïcains ont un immense potentiel: ils ont des dons, de l'énergie et de la créativité - mais si nous ne trouvons pas le moyen de vivre ensemble, le pays aura échoué de licences est en cours. Grâce au programme communautaire d'aide au secteur de la banane, le rendement, la qualité et la superficie cultivée sont en hausse. Certaines plantations, telles St Mary's Banana Estates, ont adopté les techniques appliquées en Amérique latine pour améliorer leur compétitivité. L'obtention de conditions favorables pour la Jamaïque et les ACP dans le cadre des accords post-Lomé est une mission qui incombe à Anthony Hylton, ministre du Commerce extérieur. En sa qualité de coprésident du groupe de travail UE-ACP sur le commerce, il veille aux aspects clés que sont la nature de la nouvelle relation commerciale et le temps imparti pour sa mise en uvre. Il est essentiel de rassurer à moyen terme les investisseurs dans les secteurs traditionnels. Évoquant le secteur de la bauxite/alumine, il souligne l'importance du SYSMIN dans les futurs arrangements. Suite à la diminution des exportations par suite de l'effondrement des cours mondiaux des produits de base en 1998, l'explosion à la raffinerie d'alumine Kaiser pourrait entraîner cette année des pertes de 15 millions de dollars US pour la Jamaïque. « Le SYSMIN est spécifiquement destiné à ce type de situation dans laquelle un secteur tout entier se trouve confronté à des défis extrêmes ». Renforcer la démocratie Anthony Hylton: Nous aspirons tous à la prospérité économique, à la paix et à la stabilité sociale. Seule l'intégration permettra à la Jamaïque de réaliser cet objectif clé - mais d'une manière qui garantisse la stabilité et la viabilité économique Omar Davies: En tant que ministre des Finances, mes objectifs sont le rétablissement de la croissance et un excédent budgétaire. En ce qui concerne la société, la réduction de la criminalité me paraît essentielle. Et pour que les jeunes croient en leur avenir en Jamaïque, la stabilité du pays est impérative 34 Trevor Monroe, sénateur indépendant, syndicaliste et professeur d'université, considère que « la Jamaïque va renforcer son processus démocratique ou tomber dans l'anarchie ». La plupart des douze élections générales organisées au cours des soixante dernières années ont été teintées de pratiques déloyales, de polarisation des électeurs dans les garnisons et de mesures d'intimidation. Il était courant de récompenser les électeurs de quelques « avantages ». C'est largement au CAFFE (Citizens Action Group for Fair and Free Elections) que revient le mérite d'avoir assaini les élections générales de 1997 et les élections locales tenues plus récemment. Selon Alfred Sangster, membre de ce groupe, les facteurs de réussite ont été la présence très visible des contrôleurs du CAFFE, l'amélioration du comportement de la police et un consensus général à l'issue des élections de 1993 : «trop, c'est trop !». Le recours à des cartes d'identification électronique des électeurs est prévue pour le prochain scrutin. La participation électorale est toutefois en baisse puisque moins de 40% des votants se sont présentés aux urnes lors des dernières élections locales. « L'indifférence à l'égard des élections reflète une indifférence à l'égard du système politique, affirme M. Sangster. Beaucoup de nos concitoyens estiment que leur vote ne changera rien ». Les Jamaïcains semblent donc remettre leur cadre institutionnel en question. « Le manque de transparence détourne les citoyens de leurs élus - au profit de leaders des collectivités locales. Le manque de confiance dans le système judiciaire et la police a donné lieu à des manifestations de rue. Le sauvetage même du secteur financier a été perçu par certains comme une récompense du gouvernement à la mauvaise gestion. » M. Sangster n'est pas le seul à penser de la sorte. La manifestation contre l'augmentation de la taxe sur le carburant est un exemple « de violence extrême qui entre en résonance avec le mécontentement économique », affirme Peter Moses, président de la commission chargée de trouver des solutions. L'absence d'expansion économique, le manque de perspectives pour les jeunes et le phénomène d'exclusion ont été, plutôt que le prix de l'essence, les causes réelles de cette protestation. Pour Trevor Monroe, la réponse doit probablement être trouvée dans une plus grande transparence et des mécanismes plus adéquats de réparation: la Police Complaints Authority existe mais personne ne sait où ni comment y faire appel ! » Soucieux de l'opinion publique, le gouvernement a organisé une vaste table ronde en janvier pour évoquer la plupart des domaines problématiques. Une législation est à l'étude en vue de réformer la Constitution, d'instituer une Charte des Droits et de mettre en place des mécanismes anti-corruption. Dans son analyse de l'expérience jamaïcaine, le Professeur Rex Nettleford affirme que « trente-sept ans ne représentent pas une période très longue dans l'histoire d'un pays, quel qu'il soit. La Jamaïque a encore beaucoup d'étapes à franchir, que ce soit en tant que nation ou en tant que société. Il est amusant de constater que l'on imagine que l'indépendance règle tout du jour au lendemain. N'oublions pas que les Etats-Unis, 90 ans après leur indépendance, ont connu l'une des guerres les plus sanglantes de l'histoire du monde. Or la Jamaïque en est encore à définir son identité et sa finalité. » Tout au long de leur histoire, les Jamaïcains ont trouvé l'espoir dans leur désespoir. Leur optimisme et leur foi inébranlable dans leur capacité de survie et de rédemption ont forgé leur caractère et inspiré leur culture.