jamaïque
La dette
À l'issue de quinze années de pro-
grammes d'ajustement structurel -
pour lesquels la Jamaïque s'est quali-
fiée en 1996 - le plus grand fardeau
pesant sur son économie reste la
dette nationale et le déficit budgé-
taire. Le pays croule sous un endette-
ment de plus de 120% de son PIB et
un service de la dette (que la
Jamaïque a toujours honoré) de plus
de 62% de son budget annuel.
L'augmentation de la dette intérieure
rend les contraintes de la dette
extérieure d'autant plus pénibles. Les
chocs internationaux ont provoqué
l'effondrement du secteur financier.
Se trouvant dans l'incapacité d'em-
prunter des fonds sur les marchés
extérieurs, le gouvernement a accru
sa dette intérieure à grands frais pour
sauver le secteur. La FINSAC
(Financial Sector Adjustment
Company) a coûté plus de 2 milliards
de dollars US au gouvernement. Mais
comme l'explique Omar Davies, min-
istre des Finances: « La FINSAC con-
stitue une mesure défensive néces-
saire pour protéger les fonds des
épargnants et des détenteurs de
polices d'assurances, et les pensions
». Instituée pour une période limitée,
la FINSAC a pour mission de mettre
fin au mouvement de panique, de
reconstruire les entreprises et de
reconstituer les actifs. « Son interven-
tion dans le secteur de l'assurance
est terminée et sa tâche dans le
secteur bancaire est achevée à 75%
».
La politique de gestion de la dette
est largement dépendante aujourd'hui
des prêts extérieurs. Une réduction
drastique de l'endettement a permis
au gouvernement de mobiliser 200
millions de dollars US sur les
marchés internationaux en 1997. Ses
efforts visant à mobiliser 250 millions
cette année ont toutefois échoué. «
Le climat international n'était pas
favorable, explique M. Davies, et les
fonds auraient coûté davantage que
ce que nous avions prévu - nous
nous sommes donc retirés. »
Croissance zéro
La stabilisation des prix, le contrôle
de la masse monétaire et l'abaisse-
ment de l'inflation ont limité l'expan-
sion économique. « Le pays n'a pas
réellement connu, au cours des
quinze dernières années, la crois-
sance nécessaire pour stimuler l'e-
sprit d'entreprise », précise Peter
Moses, Président de la
PSOJ (Private Sector
Organisation of Jamaica).
Les taux des intérêts ban-
caires (24 à 40%) restent
prohibitifs. Les obligations
d'État émises pour absorber
les liquidités, proposées à
des taux de rendement
élevés à court et moyen
terme, ont détourné les
fonds des banques et des
dépenses d'infrastructure. P.
Moses estime qu'il vaudrait
la peine, au risque d'aug-
menter l'inflation à 10%, de
réduire les taux d'intérêt à
12-15% pour stimuler la
croissance. « La consolida-
tion signifie le chômage et,
dès lors, la recherche de
travail dans le secteur informel, ce qui
réduit encore les recettes fiscales. »
La lutte contre la pauvreté
Près de 300 000 Jamaïcains rem-
plissent les conditions pour bénéficier
d'une assistance sociale, et notam-
ment de coupons alimentaires. Aussi
les programmes officiels de lutte con-
tre la pauvreté (d'une valeur de 3 mil-
liards de dollars jamaïcains) sont-ils
axés sur l'autonomie et la création
d'emplois. Les collectivités locales
reçoivent un financement direct pour
améliorer le niveau de leur infrastruc-
ture sociale. La création d'emplois
constitue également l'objectif de pro-
grammes tels que « Skills 2000 », qui
vise à doter les bénéficiaires des apti-
tudes et moyens d'entreprendre leur
propre activité. De même, le pro-
gramme « Lift Up, Jamaica », action
de courte durée annoncée lors du
dernier budget, va créer des emplois
pour 74 000 jeunes de 17 à 30 ans.
Insertion dans l'économie
mondiale
Le processus de mondialisation
oblige la Jamaïque à rendre son
économie plus efficace. Permettant
d'amortir les chocs extérieurs, l'inté-
gration et les partenariats commerci-
aux à l'échelon régional lui accordent
un certain répit. La Jamaïque figure
parmi les fondateurs du CARICOM
(marché commun des Caraïbes) et se
prépare, dans ce contexte, à la créa-
tion du marché unique régional dès la
fin de 1999. Les exportations de la
Jamaïque vers les Etats-Unis, son
principal partenaire commercial, ont
été affectées par la création de
l'ALENA (Accord de libre-échange
nord américain). L'Union européenne
est aujourd'hui le premier marché
d'exportation de la Jamaïque avec
une part de 38%. L'accès préférentiel
et les protocoles commerciaux asso-
ciés à la Convention de Lomé font du
marché de l'UE le destinataire de
80% des exportations jamaïcaines de
sucre, de la quasi-totalité de ses
bananes et de 40% de son alumine.
La valeur nette des protocoles relatifs
au sucre et aux bananes est estimée
à quelque 55 à 65 millions d'euros.
La Jamaïque prend très au sérieux
sa relation avec l'Union europénne.
Selon Me Palmer (PIOJ), « la
coopération avec l'UE s'est avérée
déterminante pour la Jamaïque, tant
en termes de commerce que d'aide -
laquelle a représenté 160 millions
d'euros au cours des dix dernières
année ».
Les négociations sur l'après-Lomé
et le « round du millénaire » de l'OMC
sont suivis avec la plus grande atten-
tion. Des pressions s'exercent déjà
sur les exportations de sucre et de
bananes à prix et contingents fixes
vers les marchés de l'UE. Les règles
de l'OMC ont déjà donné lieu à cer-
taines modifications du régime actuel
des bananes et du système de fixa-
tion des cours du sucre. Le point le
plus litigieux est évidemment la
préférence dont les bananes jamaï-
caines bénéficient par rapport aux
bananes en provenance d'Amérique
latine (zone dollar) et la possibilité de
vendre des licences à d'autres pro-
ducteurs pour le solde des quotas.
Wesley Hughes, Directeur du PIOJ,
signale que la réforme de cette vente
33
La vie n'est
guère facile
mais le pays
est vert et le
soleil brille
Le millénaire et
au-delà
Peter Monroe: La
question du leadership est
capitale. Il nous faut un
sang nouveau et opti-
miste. Le potentiel de la
Jamaïque est immense
mais notre pays doit
assumer le passage de la
banane et du sucre vers
un avenir indépendant. La
réponse à la montée de la
criminalité n'est pas le ren-
forcement des forces de
police ni le recours à l'ar-
mée mais la croissance
économique et l'emploi
des jeunes.