Civisme & dÉmocratie MÉMOIRE ET HISTOIRE REPÈRES POUR ÉDUQUER REPÈRES POUR ÉDUQUER MÉMOIRE ET HISTOIRE Civisme & dÉmocratie Le CIDEM est un collectif d'associations qui a pour but de promouvoir le civisme et revitaliser la démocratie. En tant que centre national de ressources pour l’éducation à la citoyenneté, le CIDEM développe une collection d’ouvrages pour donner des repères essentiels et l’envie d'en savoir plus. Cette collection se décline en six grandes thématiques : Droits, Mémoire et Histoire, Europe, Solidarité fraternité, Développement durable et Démocratie citoyenneté. Tous les ouvrages de cette collection sont disponibles sur le site du CIDEM : www.cidem.org REPÈRES POUR ÉDUQUER DROITS Respecter la dignité et les droits de chacun. EUROPE Être citoyen européen. MÉMOIRE et HISTOIRE Connaître le passé pour éduquer à la citoyenneté aujourd’hui. SOLIDARITÉ fraternité 11 NOVEMBRE Agir au quotidien et vivre ensemble. DÉVELOPPEMENT DURABLE Agir et comprendre pour les générations futures. DÉMOCRATIE citoyenneté 16, boulevard Jules-Ferry - 75 011 Paris Tél. : 01 43 14 39 40 – Fax : 01 43 14 39 50 PHOTO DE COUVERTURE : Lycée Arago-Paris/Droits réservés Participer à la vie démocratique. Commémorer l’Armistice de 1918 Lazare Ponticelli La France rend au dernier M.Pourny/ONAC 94–DR Le dernier survivant français de la Grande Guerre s’appelait Lazare Ponticelli, il est mort le 12 mars 2008. Lazare Ponticelli, le dernier survivant français de la Grande Guerre. Arrivé en France en 1906, à l’âge de neuf ans, cet immigré italien a rejoint le front en 1914, en s’engageant dans l’armée française où il est incorporé au sein de la Légion étrangère (il ne sera naturalisé qu’en 1939). C’est un adolescent de seize ans, qui a dû mentir sur son âge pour aller se battre. Concernant les raisons de son engagement, Lazare Ponticelli dit avoir voulu défendre la France « parce qu’elle [lui] a donné à manger », et aussi parce que l’armée lui donnerait du 2 repères pour éduquer pain. En 1915, lors de l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de la France, il est contraint de rejoindre l’armée italienne. Lazare témoigne avoir vite perdu le sens de cette guerre : « On se tirait dessus et on ne se connaissait pas. Pourquoi ? ». Il rapporte également avoir participé, sur le front italo-autrichien, à des scènes de fraternisation entre soldats ennemis. De retour en France en 1918, il réussit à développer une petite entreprise de ramonage qui deviendra une grande société de maintenance industrielle. Des obsèques nationales La disparition du « dernier poilu » a donné lieu à des obsèques nationales, le 17 mars 2008, lors d’une cérémonie officielle aux Invalides. Sur tout le territoire national des hommages ont été rendus : rassemblements devant les monuments aux morts, minutes de silence, drapeaux en berne, évocations dans les établissements scolaires… Lazare Ponticelli n’avait pourtant accepté le principe d’obsè- hommage poilu ques nationales que tardivement, après le décès de Louis de Cazenave – l’avant-dernier survivant - et à la condition que la cérémonie se déroule dans le cadre d’un hommage à tous les poilus. Lors de la cérémonie officielle, le Président de la République a dévoilé une plaque, apposée sous le Dôme des Invalides, en mémoire de l’ensemble des combattants de la Première Guerre mondiale. Il a ensuite prononcé un discours exaltant le souvenir des anciens combattants de la Grande Guerre et affirmant qu’il «est de notre devoir que, par-delà l’Histoire, la mémoire demeure malgré tout vivante. » Commémorer le 11 novembre aujourd’hui… Chaque année, Lazare Ponticelli assistait aux commémorations du 11 novembre dans sa commune du Kremlin-Bicêtre. À des collégiens qui l’interrogeaient en 2007, il confiait : « Je continue à témoigner et à participer aux cérémonies du 11 novembre car je me suis promis de respecter jusqu’au bout le serment que nous nous faisions avant de 11 novembre : commémorer l’Armistice de 1918, l’occasion d’un moment de réflexion avec les jeunes générations. monter à l’assaut : “Si je meurs, tu penseras à moi !”». Le 11 novembre, date anniversaire de l’Armistice de 1918, est l’occasion de retracer l’histoire de la mémoire de la Grande Guerre. Or, la mémoire n’est pas l’histoire.... Quel message les commémorations nous transmettent-elles de ce que fut la Grande Guerre? Le 11 novembre est l’occasion de découvrir les monuments aux morts, de revisiter l’Histoire, les lieux de mémoire… et de mesurer les écarts entre la mémoire des différents groupes, à l’échelle locale, et entre différents pays... et de réaliser comment plusieurs mémoires peuvent se constituer autour d’un même événement. Les mots en bleu dans le texte sont définis dans le lexique page 31. le 11 novembre 3 Retour sur la Grande Guerre Jeu des alliances et rivalité entre les puissances PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : les alliances lors des entrées en guerre Pour les dirigeants des puissances concernées, la guerre est le moyen de régler leurs différends territoriaux en Europe ou dans les colonies. Toutefois, l’entrée en guerre massive des Etats européens s’explique par le jeu d’alliances qui ont soudé deux camps, opposés l’un à l’autre. L’engagement dans le conflit semble faire l’unanimité : les crédits de guerre sont votés presque sans opposition en France, en Allemagne et au Royaume Uni. Le rassemblement de la majorité des partis politiques, des autorités religieuses et des syndicats autour de la défense de la patrie est appelé « Union sacrée » en France par le président Poincaré, « Burgfrieden » - « trêve interne » - en allemand. Comment ont réagi les populations concernées ? Les soldats ont massivement obtempéré à l’ordre de mobilisation : en France, 1,5 % des appelés ne se sont pas présentés alors que l’État-major craignait que 10 % des conscrits ne leur fassent faux bond. En 1914, les soldats partent en guerre par obligation, par sens du devoir ou par patriotisme. 500 km 0 km Norvège Suède Zones de tension, revendications nationalistes Mer du Nord Royaume-Uni Pays-Bas Pays ralliés à l'Entente après 1914 Mer Baltique Danemark Triple Entente et ses alliés en 1914 Océan Atlantique Empire allemand Belgique France Triple Alliance (Triplice) et ses alliés Empire austro-hongrois Suisse Royaume du Portugal Empire russe Italie Serbie Royaume d'Espagne Montenegro Roumanie Bulgarie Albanie « Le 5 août au soir… Maintenant j’y suis, en guerre et il pleut à cordes. Quand nous avons été trempés comme des soupes nous sommes montés dans le train […] Les journaux ont déjà dit qu’en partant, tous criaient : « À Berlin ! ». Mais ce n’est pas vrai. » civismeet Afrique du Nord française Empire ottoman Royaume de Grece Méditerranée www.cidem.org L’image de soldats partis « la fleur au fusil » mérite d’être nuancée . Les photographies de scènes de liesse sur les quais des gares au moment du départ des soldats ont été, souvent, mises en scène : les gouvernants des différents États avaient convoqué fanfares et drapeaux dans les grandes gares. 4 repères pour éduquer « Les hommes pour la plupart n’étaient pas gais ; ils étaient résolus, ce qui vaut mieux. » Marc Bloch, Souvenirs de guerre 1914-1915 source documentation CIDEM–DR Triple Alliance, Triple Entente, voir lexique page 31. Documentation CIDEM–DR Témoignage de Xavier Buzy, paysan béarnais. Archives départementales Mer Mer Noire En France, le leader socialiste Jean Jaurès, qui s’oppose avec véhémence à l’idée de la guerre, est assassiné à Paris le 31 juillet 1914. le 11 novembre 5 Retour sur la Grande Guerre Des sociétés dans la tourmente d’une guerre totale 6 repères pour éduquer e (Somme ) che-Hongrie où les Tchèques sont surveillés de près - comme le raconte avec humour Jaroslav Hašek dans son roman « Le brave soldat Chvéïk » -. Dans l’Empire ottoman, cette traque de « l’ennemi intérieur » mène le gouvernement Jeune-Turc à perpétrer un génocide. Grande Guerre – Péronn Le génocide des Arméniens © Yazid Medmou À l’Ouest, rien de nouveau, roman de Erich Maria Remarque. La guerre industrielle impose un immense effort de production pour livrer des armes et munitions, ravitailler les soldats… À l’arrière, les civils, les prisonniers de guerre et la main d’œuvre coloniale font tourner les industries et nourrissent, autant que possible, le pays. Les impôts augmentent, des emprunts de guerre sont émis alors que l‘inflation se développe. Les civils sont aussi les cibles de la violence de guerre. L’offensive allemande de 1914 provoque l’exode de millions de civils en Belgique, en France du Nord et de l’Est. À l’invasion succède une occupation extêmement dure : pillage économique, famine, transfert de travailleurs forcés vers l’Allemagne et d’autres territoires occupés, incendies, otages fusillés… Des mesures de surveillance particulières visent les populations conquises et les minorités, soupçonnées de trahison comme en Allemagne, où les Juifs sont particulièrement visés, ou en Autri- ial de la Mère, que pourrais-je te répondre ? Tu ne le comprendrais pas, non, jamais tu ne le saisirais. Il ne faut pas, non plus, que tu le comprennes jamais. Tu me demandes si c’était dur ? C’est toi qui me demandes cela, toi, mère ! Je secoue la tête et dis : « Non, mère, pas tant que ça. Nous sommes là-bas beaucoup de camarades et ce n’est pas si dur que ça » . Une guerre totale ion Histor n/ Collect « Cela a-t-il été très dur, là-bas, Paul ? » En arrivant au front, les soldats s’attendent à une guerre courte, mais dès la fin de 1914, les armées sont enlisées dans une guerre de position : les soldats creusent des tranchées dans le cadre d’une stratégie défensive. La guerre sera une expérience terrible : chaque jour 1 millier environ de soldats de chaque camp sont tués. Les poilus sont soumis aux aléas climatiques, ils vivent dans la boue, entourés de cadavres. La mise au point d’armes nouvelles – chars d’assaut, lance-flammes… - et l’utilisation des gaz transforment le front en un véritable enfer. Les soldats peuvent difficilement rapporter leur expérience à leurs proches restés à l’arrière : ils hésitent à raconter leurs souffrances à leur famille. De plus, leur courrier est soumis à la censure : les autorités sont soucieuses du moral de la population civile qui participe à l’effort de guerre. Ce silence creuse encore davantage le fossé entre le front et l’arrière, nourrissant parfois le mépris des soldats pour les civils. La propagande est à l’œuvre pour inciter les civils à soutenir le plus possible leur pays. Au tournant du XXe siècle le gouvernement du Sultan organise une série de massacres visant les Arméniens de l’Empire ottoman. Dès le début de la Première Guerre mondiale, le gouvernement des Jeunes Turcs poursuit les persécutions envers la minorité chrétienne accusée de trahison. À partir d’avril 1915, les massacres se mutiplient et les populations arméniennes sont systématiquement déportées vers les déserts de Syrie, condamnées à y mourir de faim, de soif et d’épuisement. Les 2/3 de la population arménienne, 1 à 1,5 million d’hommes, femmes et enfants, ont été assassinés. le 11 novembre 7 11 novembre 1918 Après l’armistice de Salonique (29 septembre 1918) avec la Bulgarie, celui de Moudros avec l’Empire ottoman (30 octobre 1918) et de Villa-Giusti avec l’Autriche-Hongrie (4 novembre 1918), la France signe le 11 novembre 1918 – au nom des puissances alliées – un armistice avec l’Allemagne. Initialement conclu pour une durée de 36 jours, il met fin aux combats entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. 11 novembre 1918, 11 heures. dr L’armistice suspend les combats en Europe mais ne met pas fin à la guerre : la paix avec l’Allemagne sera signée en juin 1919… mais en France, à 11 heures, toutes les cloches se mettent à sonner et l’annonce de l’armistice déclenche une explosion de joie. Dans tout le pays, des fêtes, des défilés s’improvisent. Le silence tombe sur les champs de bataille. Les visages sont graves, plongés dans le doute : « En un instant ce fut fini. On se demande parfois s’il est bien vrai que ce soit la fin. » (Un soldat du 151e R.I.). Vers Charleville-Mézières, peu avant 11 heures, des soldats français essuyaient encore des tirs de mitrailleuse et des salves d’obus. La joie se mêle de tristesse : des soldats enfilent un brassard noir en signe de deuil pour leurs camarades disparus. 8 repères pour éduquer Le lundi 11 novembre 1918, à 5 heures du matin, une délégation allemande conduite par le député Erzberger signe l’armistice dans le wagon du général Foch, stationné dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. Il prend effet le jour même à 11 heures. Vincennes -11 novembre 1918 /Rue des Archives/Tal Arrêt sur image Dans une grande partie de l’Europe, le 11 novembre passe inaperçu. En Allemagne, – où la République est proclamée depuis le 9 novembre 1918 – de mutineries de marins, épuisés par la guerre, en insurrections, la révolution a poussé l’Empereur Guillaume II à la fuite. Un socialiste, F. Ebert, prend la tête du pays. En Autriche, la République est proclamée le 12 novembre 1918. L’armistice, qui prévoit l’évacuation des troupes allemandes, ne fixe pas de délais à l’Est de l’Europe. La Russie, à l’issue de deux révolutions, est en pleine guerre civile. Le 11 novembre 1918, une foule en liesse s’empare des rues de Paris. En 1918, une épidémie de grippe “espagnole” frappe l’Europe et le monde. Elle fera plus de 20 millions de morts. le 11 novembre 9 L’après 11 novembre 1918 Un temps suspendu entre guerre et paix Pour les soldats français, la guerre ne s’arrête pas le 11 novembre 1918 : il faudra attendre le printemps 1921 pour que la totalité des 5 millions de combattants soient démobilisés. La démobilisation est progressive : certains hommes sont sous les drapeaux depuis huit ans, sans discontinuer. Les soldats des classes 1912 et 1913 retrouvent la vie civile durant l’été 1919, les dernières classes mobilisées ne seront libres qu’en 1920 ou 1921. En ce qui concerne les opérations militaires, la guerre n’est pas finie. L’armée française maintient sa pression sur l’Allemagne et occupe militairement la Rhénanie, conformément à la convention d’armistice, jusqu’en 1919. Sur le front oriental, elle poursuit les combats aux abords de la Russie jusqu’au printemps 1919 contre un nouvel ennemi : les bolcheviks. La démobilisation est longue et difficile : c’est un mouvement sans précédent d’hommes et de matériel, dans un contexte de difficultés économiques et dans un pays désorganisé où les infrastructures sont détruites ou endommagées. On comprend l’impatience des soldats français : en juin 1919, à la veille de la signature du Traité de Versailles, les hommes déjà démobilisés craignent d’être rappelés sous les drapeaux. Le temps du retour Le retour des démobilisés suscite des appréhensions, tant pour les soldats que pour les civils qui se sentent redevables du sacrifice PERTES HUMAINES DES PRINCIPAUX BELLIGÉRENTS FRANCE ALLEMAGNE AUTRICHE-HONGRIE ROYAUME UNI ET COLONNIES morts et disparus 1,4 million > 2 millions 1,3 million blessés et invalides > 4 millions > 4millions 3,6 millions > 900 000 230 000 RUSSIE 1,8 million 4,9 millions ETATS-UNIS 120 000 230 000 La Première Guerre mondiale a fait 10 millions de victimes militaires. 10 repères pour éduquer consenti par les combattants sans oublier qu’un soldat sur cinq est mort au combat -. Depuis 1914, le fossé entre le front et l’arrière s’est creusé. Il faut maintenant revivre ensemble : on organise des fêtes dans les villes et les villages au fur et à mesure du retour des régiments. De plus, 600 000 prisonniers de guerre français rentrent d’Allemagne fin 1918, parfois regardés comme des “lâches”, bien qu’ils aient souffert de la captivité et des privations. La réinsertion dans le monde du travail pose des difficultés, en particulier pour les invalides et les mutilés. Ces problèmes sont d’autant plus aigus pour les pays européens dont les finances ont été ruinées par le conflit. Une catastrophe humaine et économique Dans les zones de combats, les dégâts sont considérables : en France, 3 millions d’hectares de terres agricoles sont dévastées et les infrastructures de transport anéanties. Partout ce sont des usines, des villes en ruines, des villages détruits… comme dans la Marne ou en Lorraine où des communes sont déclarées « mortes pour la France ». Neuf communes autour de Verdun ne seront jamais reconstruites. Documentation CIDEM/Renonciat–DR Quelle paix pour l’Europe ? Lucien Duflot est mort au combat le 25 septembre 1915. Son fils unique, âgé de un an, ne connaîtra son père qu’à travers une photographie prise avant son départ au front. Cette broderie, modeste hommage de son épouse, reproduit la symbolique en vigueur dans l’immédiate après guerre : les couleurs du drapeau, les palmes, les canons. Elle porte une mention : 1914-1917. Probablement la date de l’hommage familial qui lui a été rendu. le 11 novembre 11 L’après 11 novembre 1918 La paix des vainqueurs L'Europe remodelée après les traités de paix, à l'issue de la Première Guerre mondiale 0 km L’Allemagne doit payer ! La conférence de la paix s’ouvre à Paris en janvier 1919, avec l’ambition de sanctionner les vaincus tout en organisant la paix pour le futur. Pourtant, le règlement du conflit sera imposé par les vainqueurs : entre 1919 et 1920, quatre traités (traités de Saint Germain, Versailles, Trianon et Sèvres) vont régler la paix à leur profit. L’Allemagne est désignée comme responsable de la guerre et le Traité de Versailles impose à la jeune République des conditions très dures: paiement de réparations économiques, désarmement, occupation de l’Ouest du Rhin, abandon de ses colonies… 500 km Finlande Norvège États vainqueurs États vaincus (et Empires démantelés) Estonie Océan Atlantique Mer du Nord Nouveaux États Lettonie Mer Baltique Lituanie Danemark Royaume-Uni Pays-Bas États neutres Pour l’opinion allemande, ce traité est un diktat ; les vainqueurs, quant à eux, veulent des réparations à la hauteur du désastre économique qu’ils subissent et craignent un redressement trop rapide de l’Allemagne qui pourrait mener à une nouvelle guerre… Suède Belgique Frontières de 1914 modifiées par les Traités de paix Pologne Allemagne Tchécoslovaquie France Autriche Hongrie Roumanie Portugal Espagne Italie Bulgarie Albanie civismeet Le 11 décembre 1918, le chancelier Ebert accueille les premiers régiments de retour à Berlin : « Je vous salue, vous qui rentrez invaincus des champs de bataille ». Beaucoup d’Allemands n’acceptent pas l’idée de défaite : leur pays n’aurait pas été vaincu sur les champs de bataille et ils auraient Ed. Berg int. été trahis par ceux qui ont signé J.Kotek G.Sylvain/ Carte postale antisémite éditée à Vienne (Éditions Nationalsocialistes) en 1919. 12 repères pour éduquer www.cidem.org Afrique du Nord française Traités imposés, défaite refusée, vainqueurs frustrés… ● Rejetant le Traité de Sèvres, les mouvements nationalistes turcs, menés par Mustapha Kemal, combattent les Grecs, les Français et les Anglais. Ils conquièrent ainsi des territoires qui leur seront reconnus par un nouveau traité, à Lausanne en 1923. la paix. Un mythe circule alors : les socialistes et les Juifs seraient responsables de la défaite… Mer Noire Yougoslavie Mer En Allemagne : le mythe du « coup de poignard dans le dos » Russie (URSS à partir de 1922) ● L’Italie frustrée de ne pouvoir récupérer les terres de l’Istrie et de Fiume, parle de « paix mutilée », un argument repris par les fascistes. Grèce Méditerranée La S.D.N. : un espoir de paix ? Créée en 1919, lors des négociations de paix à Versailles, la Société des Nations (S.D.N.) devait permettre aux États de régler les litiges et d’éviter les guerres. Toutefois l’Allemagne (jusqu’en 1925) et les autres pays vaincus en sont exclus. Les Etats-Unis eux-mêmes n’intègrent pas la S.D.N. ... Ce projet, initié par le président américain Wilson, ne tiendra pas ses promesses. Turquie Syrie (Mandat français) L’effondrement des Empires centraux. La fin de la Première Guerre mondiale s’accompagne de grands changements politiques, république et démocratie triomphent, pour un temps, du principe monarchique et des régimes autoritaires. le 11 novembre 13 La victoire endeuillée Au fil du temps, l’image du Poilu est « lissée ». On ne le montre pas ou plus comme un soldat qui tue. Ainsi, l’écrivain Maurice Genevoix a lui-même retiré un passage de son récit Sous Verdun, paru en 1916, lors de ses rééditions après guerre, car il montrait le narrateur en tant que meurtrier : « Avant d’arriver aux chasseurs, j’ai dépassé encore quatre Boches isolés. Et à chacun, courant à la même vitesse que lui, un pas en arrière, j’ai collé une balle de revolver dans le dos ou la tête. Ils sont tous tombés par terre, avec un long cri étranglé. » Au retour de la guerre, les artistes tentent de représenter le deuil et l’horreur des combats. En 1950, Maurice Genevoix réintègrera le passage en remplaçant « Boches » par « Allemands ». Source CIDEM/Documentation Renonciat–DR « Pour le soldat, l’apaisement fut long à venir, car le désordre de son âme survécut à la guerre […] au sortir de l’armée, la vie l’acceuillit mal, et ce retour au civil, tant souhaité aux heures de péril, fut source de déceptions nouvelles […] il fallut, pour gagner sa vie, se remettre à des métiers très ennuyeux, avec le sentiment très pénible qu’on y était considéré comme un Le poids du souvenir revenant importun. » Souvenirs du temps des morts. André Bridoux, Albin Michel, 1930 La guerre a fait, en France, 1,4 millions de morts, 600 000 veuves et 1,1 million d’orphelins. La plupart des familles sont touchées par la mort d’un proche : l’ensemble de la société française est en deuil. Cependant, anciens soldats et civils ne partagent pas les mêmes souvenirs de la guerre. 14 repères pour éduquer L’émergence de la mémoire des combattants Les hommes revenus du front sont transfigurés par ce qu’ils ont vécu. Ils sont dans l’impossibilité d’assumer, dans un même temps, l’usure des combats et le deuil de leurs camarades morts : ils ne participent pas totalement aux joies des fêtes du retour. Au fil des mois, une distance s’installe entre les anciens sol- dats et une société, selon eux, ingrate, qui ne peut ni entendre, ni partager leurs souffrances. Pourtant, les souvenirs diffèrent, y compris au sein du milieu combattant : selon le grade et la fonction, selon les lieux de combat, la guerre a été vécue différemment. Comment inscrire une mémoire commune ? Les anciens combattants – qui commencent à se réunir en associations – vont œuvrer pour instaurer une mémoire nationale de la guerre. Ils sont les porteurs d’une mémoire patriotique, centrée sur le sacrifice des soldats au service de la République et de la France, mais surtout de la Paix. Cette mémoire dépasse le clivage entre anciens soldats et civils, et fédère les Français, malgré les divergences de souvenirs personnels. le 11 novembre 15 L’élaboration d’une mémoire nationale 16 REPÈRES POUR ÉDUQUER Depuis 1915, une loi inscrit la reconnaissance de la Nation envers les soldats morts au combat : ils sont officiellement déclarés « Morts pour la France ». Cette mention permet aux familles de recevoir un hommage honorifique pour le sacrifice des leurs, et, au-delà, ouvre le droit à une sépulture perpétuelle et à l’inhumation dans le carré militaire d’un cimetière communal ou d’une nécropole nationale. En 1919, plusieurs milliers de fa- NCIAT–DR NTATION CIDEM / RE NO « Aux morts, la patrie reconnaissante » DOCUME La première commémoration nationale est organisée le 14 juillet 1919 à Paris : le « défilé de la victoire » se déroule le jour de la fête nationale. Il est ouvert par le cortège impressionnant d’un millier de mutilés ayant perdu bras ou jambe, défigurés, aveugles… Un immense cénotaphe est dressé sous l’Arc de Triomphe avec l’inscription « Aux morts pour la Patrie ». Peu après, le 3 août 1919 – cinq ans jour pour jour après la mobilisation de 1914 – d’autres cérémonies sont organisées par l’État dans chaque commune de France. Le 3 août est décrété « fête nationale de la reconnaissance envers le soldat français ». Un modèle de cérémonie et la trame d’un discours unique sont envoyés à toutes les municipalités, dans le souhait de fédérer la population entière dans un rituel commun. Ces premières « fêtes nationales » d’après guerre célèbrent autant l’armée que la victoire, sans prendre la mesure des souffrances qui l’ont accompagnée. En témoigne la foule venue spontanément pour la veillée funèbre du 13 juillet 1919 à Paris : à ce moment, le souvenir des morts hante les vivants. photos Premières commémorations officielles milles s’associent pour réclamer le corps de leurs morts : elles souhaitent les enterrer dans les cimetières familiaux. Une loi, votée en septembre 1920, autorisera le rapatriement de 30 000 cercueils, mais, l’immense majorité des soldats va continuer à reposer près du lieu où ils sont tombés. Ils sont morts en sol- dats : pour tous, une tombe identique – 2de classe ou gradé – ; ils demeurent, symboliquement, unis dans la mort comme ils l’étaient dans les tranchées. À partir de 1921, l’État prend en charge le déplacement des familles, une fois par an : ce sont les premiers pélerinages vers les champs de bataille. Après l’annonce de la mort d’un soldat tué au front, sa famille reçoit une médaille et un certificat à son nom attestant qu’il est mort pour la France. le 11 novembre THÈME 17 La mémoire Documentation CIDEM – Cimetière Douaumont–DR combattante s’affirme 11 novembre 1919 et 1920 Le mouvement des anciens combattants prend de l’ampleur : c’est un mouvement de masse. Les anciens combattants, les veuves et orphelins constituent une part considérable de la population et regroupent au moins un quart de l’électorat ; ils veulent se faire entendre des parlementaires et souhaitent faire peser leurs revendications. Dans ce contexte, les associations de combattants sont animées par le souvenir de la fraternité des tranchées et par la volonté de commémorer ellesmêmes leurs camarades morts 18 au combat. Elles organisent massivement des cérémonies, dans leurs communes, hors des dates officielles : le 11 novembre 1919, puis le 11 novembre 1920. Le Soldat Inconnu Parmi les soldats morts au front, un corps sur cinq n’est pas identifiable, enseveli dans une tranchée ou déchiqueté par un obus. Sur les tombes figure, à la place du nom, une simple mention : « soldat inconnu ». Pour leurs familles, le deuil est impossible, insurmontable. En septembre 1919, un groupe de « À travers ce corps officiel et sans nom, le soldat inconnu représente la génération du sacrifice et il est le fils de toutes les mères qui n’ont pas retrouvé le leur. » Journal Officiel de la République française, 19 septembre 1919 88 députés – conduit par André Maginot – demande le transfert au Panthéon d’ « un soldat obscur ». Une première proposition de loi inscrit l’idée de « faire entrer dans la gloire les déshérités de la mort », c’est-à-dire de donner une tombe symbolique à tous les soldats inconnus morts pour la France : en choisir un pour les représenter tous. En honorant sa mémoire, la Nation honorera tous les morts de la guerre. La décision aboutit en novembre 1920 la cérémonie est prévue sous l’Arc de Triomphe à Paris : « Près de Rouget de l’Isle qui l’a créée, un enfant de France in- cantera la Marseillaise, et les familles de disparus viendront, avec un noble orgueil, saluer une relique où elles garderont l’illusion de retrouver la tombe qu’elles pleurent. ». Les députés voulaient faire transférer le corps du Soldat Inconnu au Panthéon. L’idée est défendue jusqu’en octobre 1920, mais elle ne recueille pas tous les suffrages : une partie de la droite, majoritaire à partir des élections de 1919, trouve le Panthéon – temple républicain – trop marqué “à gauche”. Léon Daudet, député d’extrême droite, souligne même qu’il ne veut pas « voir le soldat glorieux mort pour la patrie voisiner avec le dreyfusard Émile Zola.» le 11 novembre 19 Le 11 novembre dans l’histoire 11 novembre 1920 : hommage national au Soldat Inconnu Papillon patriotique Appel à manifester le 11 novembre pendant l’Occupation Musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne . 11 novembre 1922 Sous la pression des associations de combattants, le 11 novembre devient un jour férié et chômé. Dès lors, des cérémonies officielles sont organisées chaque année par les combattants, dans chaque 20 REPÈRES POUR ÉDUQUER « Honneur aux morts » lance Clémenceau à la Chambre des députés, le 11 novembre 1918, « ils nous ont fait cette victoire ». documentation CIDEM–DR Le 10 novembre 1920, la dépouille d’un soldat inconnu, choisi au cœur du champ de bataille “mythique” de Verdun, est tranférée à Paris – place Denfert Rochereau – pour une veillée funèbre. Le 11 au matin, à l’image d’un enterrement solennel, des mutilés et une famille fictive - une veuve de guerre, une mère et un orphelin - accompagnent à travers la ville le cercueil transporté sur un affût de canon. La procession s’arrête symboliquement devant une autre cérémonie, celle du transfert du cœur de Gambetta au Panthéon. Elle se termine sous l’Arc de Triomphe où le Soldat Inconnu est officiellement honoré. La tombe sera inaugurée en janvier 1921. Une plaque de bronze recouvre sa dépouille où est inscrit : « Ici repose un soldat français mort pour la France (1914-1918) ». commune de France, devant des plaques, des stèles ou des monuments… qui portent le nom des morts. Un rituel patriotique rassemble la population pour une célébration du sacrifice accompli par les combattants. Elle est organisée selon un véritable cérémonial : discours, drapeaux, fleurs, appel des morts auquel les enfants des écoles répondent « mort pour la France », minute de silence… 11 novembre 1923 : la flamme du souvenir En présence de très nombreuses associations, André Maginot allume, pour la première fois, la flamme du souvenir. Le foyer est placé sous l’Arc de Triomphe, sur la plaque qui recouvre la tombe du Soldat Inconnu. Elle est symboliquement rallumée chaque soir par une association du souvenir. 11 novembre 1940 La France est occupée depuis juin 1940 et toute manifestation interdite. Des lycéens et des étudiants lancent un appel à manifester le 11 novembre pour fleurir les monuments aux morts de la 1ère Guerre Mondiale. Ces manifestations sont violemment réprimées. À Paris, Place de l’Étoile, elles sont dispersées par des tirs : on déplore des blessés et de nombreuses arrestations parmi lesquelles Claude Lalet, dirigeant des étudiants communistes, l’un des 27 camarades de Guy Môquet fusillés le 22 octobre 1941. 11 novembre 1942 L’armée allemande occupe toute la France. 11 novembre 1944 L’heure de la Libération a sonné : une cérémonie est organisée à Paris en présence de Winston Churchill, Premier Ministre britannique et de Charles de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire français. Le 11 novembre 1945 10 novembre 1945 les corps de quinze français « morts pour la patrie » – combattants, prisonniers, déportés, hommes et femmes – sont portés aux Invalides. Le 11, les cercueils sont conduits sous l’Arc de Triomphe, puis déposés au Mont Valérien. Les commémorations du 11 novembre en France, ont conservé, depuis la Libération, leur caractère d’hommage aux combattants. Depuis le 80e anniversaire de l’Armistice de 1918, les derniers poilus survivants ont été, chaque année, au cœur de la cérémonie. Le 90 e anniversaire marque l’ère d’une mémoire sans témoin. le 11 novembre 21 Les monuments aux morts Le rappel des morts Tout au long de la guerre, l’annonce des morts au combat s’effectue par des listes affichées sur la porte des mairies. Ces listes ephémères portent très vite une valeur symbolique, d’où l’idée de les graver dans la pierre. Dans l’élan commémoratif de l’aprèsguerre porté par les anciens combattants, le rappel des morts sera matérialisé par une statue placée au cœur de l’espace public, au milieu des vivants. 30 000 monuments aux morts de la Grande Guerre La France des années 20 se couvre de monuments aux morts: un, ou presque par commune. Acquis par souscriptions avec une subvention modique de l’État, ou financés par des mécènes, simples plaques, pyramides choisies sur catalogue ou sculptées par des artistes de renom, ces œuvres d’art au service du souvenir sont érigées sur la place publique. Les plus modestes ont la forme Les monuments aux morts en Europe et dans le monde ● Une partie seulement des corps des soldats américains, britanniques d’un obélisque, souvent surmonté d’un coq représentatif de la Patrie, les plus nombreux mettent en scène un “poilu”. Ils sont souvent ornés d’obus, et, telles des tombes symboliques, entourés d’un jardin clos. Le nom des morts de la commune y est inscrit pour l’éternité. Les inscriptions varient : classiques, « À nos morts, la Patrie reconnaissante », pacifistes « Maudite soit la guerre », ou revanchardes « On les a eus ! ». C’est l’ampleur du deuil qui a dicté ces réponses monumentales : plus de 30 000 monuments aux morts ont été érigés entre 1920 et 1925. On en construisit également dans les écoles, les lieux de culte, les entreprises, toutes les institutions célébrant leurs héros. On en érigea même dans les parties les plus reculées de l’Empire colonial. Monument aux morts de Lucenay l’Évêque (71). Monument de Chissey en Morvan (71). et dans les dominions, des monuments aux morts, les War Memorials, sont commandés dans chaque ville, village, communauté, école… ou université (comme Cambridge). En Australie, chaque localité possède un War Memorial. ● En Italie, des plaques adossées aux églises portent le nom des soldats morts originaires de la paroisse. Cela est aussi le cas des synagogues. La mémoire est attachée à l’appartenance à une communauté religieuse ainsi qu’à un quartier. ● En Allemagne, de nombreux monuments sont érigés dans les cimetières civils et militaires. ● En Europe du centre et de l’Est, le nombre de monuments est plus restreint que dans les pays vainqueurs. 22 REPÈRES POUR ÉDUQUER Les monuments, témoins de la mémoire Les monuments aux morts de la Grande Guerre perpétuent le souvenir et offrent un lieu aux commémorations du 11 novembre et, souvent, des guerres ultérieures. Ils nous éclairent sur l’esprit des Français au lendemain de la Grande Guerre. photos Source documentation CIDEM–DR et des dominions, ont pu être rapatriés outre-mers. De nombreux cimetières et monuments sont dédiés à leurs soldats sur le sol français. Au Royaume-Uni Tombe de soldat indien - Cimetière La Chapellette près de Peronne. le 11 novembre 23 Un million d’invalides et mutilés de guerre Solidarité du mouvement combattant en France Entraide et solidarité Le bilan humain de la Grande Guerre est terrible : en France, 1 million 400 000 morts, mais aussi 3,6 millions de blessés et un million d’invalides. C’est l’une des conséquences majeures de la violence des combats et l’un des pires héritages de la guerre. À leur retour, pour ces hommes jeunes, comment parler de réinsertion ? Ils ont laissé, sur le champ de bataille, un bras, une jambe, un œil, et pour certains, au visage atrocement mutilé, leur identité. Si chirurgie et médecine accomplissent, durant cette guerre, des Repères L’ONAC, Office National des Anciens Combattants et Victimes de guerre, est placé sous la tutelle du Ministère de la Défense. Il résulte de la fusion de trois organismes historiques créés par l’État devant l’importance du bilan humain engendré par la Grande Guerre : l l’Office des Mutilés et réformés de la guerre est créé en 1916, initialement rattaché au ministère du Travail, l l’Office national des pupilles de la Nation créé en 1917, rattaché au Ministère de l’éducation nationale – qui a pris en charge les études du million d’orphelins de guerre – l l’Office national du combattant créé en 1926. Pour plus de renseignements : www.defense.gouv.fr/onac 24 REPÈRES POUR ÉDUQUER progrès inouïs : vaccinations, anesthésie, radiologie… dans les hôpitaux de campagne, on cherche avant tout à sauver des vies. Les premières associations de grands mutilés et de réformés pour blessures de guerre sont constituées dès 1915 : elles engagent un combat pour la reconnaissance et pour l’indemnisation des préjudices. Elles forment dans l’immédiat après-guerre, un immense réseau d’entraide et de solidarité. Elles fondent un mouvement de pression, développent des œuvres sociales, soutiennent et accompagnent leurs adhérents. Les avancées sont considérables : loi des pensions, loi sur les emplois réservés, statut des grands invalides, création des offices nationaux qui ont fait entrer dans les faits le droit à la réparation. La Première Guerre mondiale marque l’entrée dans un mode de conflit terriblement meurtrier. Le monde combattant – un terme préféré à celui « d’anciens combattants » - a permis la prise en charge des personnes affectées par le conflit : mutilés, veuves, orphelins...et combattants euxmêmes. Les « Gueules cassées » « Ayant à vingt ans touché le fond de la détresse morale et physique, nous nous sommes unis et nous nous sommes élevés. » En 1921, la première association de mutilés spécialisée en fonction de la nature des blessures est créée, à l’initiative de blessés soignés au Val de Grâce : l’Union des Blessés de la Face et de la Tête. Ils lui choisirent un nom emblématique, passé dans le langage courant pour parler des combattants défigurés : les « Gueules Cassées », et un slogan : « Sourire quand même ! ». Lors de la signature du Traité de Versailles, la présence de mutilés avait fortement marqué les esprits, mais il faudra quatre années d’un combat sans faille pour que soient pleinement reconnus, en 1925, le préjudice spécifique à la défiguration et le droit à la réparation. Aujourd’hui encore, l’association – et la fondation du même nom qu’elle a créée – consacre l’essentiel de ses activités à des actions sociales, au soutien du monde médical traitant des traumatismes crânio-maxillo-faciaux et de leurs séquelles et enfin à l’exercice du “Devoir de Mémoire”. L’Association, le regard tourné vers l’avenir, s’ouvre aujourd’hui aux nouvelles formes de victimes de l’insécurité et du devoir que sont les policiers, gendarmes et pompiers qui dans l’exercice de leur métier subissent de nombreux traumatismes à la face. Le bleuet, un symbole Cette fleur sauvage incarne le symbole national du souvenir des jeunes combattants – surnommés les «Bleuets» par les poilus –. Par ailleurs, on raconte, comme pour les coquelicots, que ces fleurs étaient les seules à pousser dans les champs dévastés par la guerre. La vente de bleuets de papier a longtemps marqué la date du 11 novembre. A son origine, un atelier artisanal de confection de fleurs pour une œuvre caritative, le « Bleuet de France ». Le Bleuet de France a traversé le XXe siècle avec un objectif constant : soutenir les anciens combattants et victimes de guerre. Aujourd’hui, l’œuvre perdure et agit sur de nouveaux fronts en favorisant, aux côtés des actions sociales traditionnelles, la transmission de la mémoire comme vecteur de solidarité entre les générations. Pour plus de renseignements : www.bleuetdefrance.fr le 11 novembre 25 Les commémorations en Europe et dans le monde Une date pour commémorer En Italie, des rues ont été nommées « rue du 4 novembre », en mémoire du 4 novembre 1918, date de l’armistice de Villa-Giusti avec l’Autriche-Hongrie. ● Le 11 novembre est, comme en France, la date de commémoration pour le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis. Au Canada, c’est un jour férié, mais aux Etats-Unis, le 11 novembre reste une date secondaire par rapport au Memorial day, - jour mémoire de la Guerre de Séces- documentation CIDEM–DR Rue du 4 novembre à Venise. 26 REPÈRES POUR ÉDUQUER sion - . Dans les deux cas, on honore la mémoire du sacrifice des soldats. Au Royaume-Uni, la manifestation la plus importante en 1919 est celle du « Peace day », le 19 juillet : une foule nombreuse est venue acclamer à Londres les généraux vainqueurs, français, anglais et américains, passant en revue 15 000 soldats britanniques devant un cénotaphe. Le 11 novembre ne devient la date d’une grande célébration qu’à partir de 1921. La principale manifestation se déroule à Londres devant le cénotaphe inauguré lors du « Peace day » de 1919. Cette cérémonie se déroule en présence du Roi ou de la Reine, de l’héritier du trône, des dirigeants des partis politiques, des chefs des forces armées et d’anciens combattants. La cérémonie avait, au départ, un sens patriotique et militaire, ce qui entraîna la contestation de mouvements de gauche. Cette cérémonie a encore lieu aujourd’hui, elle se déroule le dimanche de novembre le plus proche du 11. ● En Belgique, le 11 novembre est un jour férié. ● En Australie et en NouvelleZélande, les commémorations du 11 novembre sont discrètes. Les principales commémorations se déroulent le 25 avril, jour ferié et chômé. Ce choix a une signification politique : c’est le le 25 avril 1915 que les premières troupes de ces deux pays ont débarqué sur la presqu’île de Gallipoli face aux troupes ottomanes. Cet événement a participé à la reconnaissance de l’existence de deux nations là où l’on ne voyait alors que des dominions divisés en communautés. Les anciens combattants en Europe et dans le monde Dans tous les pays, les organisations d’anciens combattants réunissent des effectifs impressionnants et tiennent un rôle politique majeur après guerre. Dans les pays vainqueurs, sauf en Italie, leur action s’inscrit globalement dans le respect des formes démocratiques. Au-delà de se réunir en associations d’entraide et de constituer des groupes de pression pour améliorer leur condition, des anciens combattants, imprégnés de la culture de guerre participent à la brutalisation politique en Europe centrale et orientale. En Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Moldavie… certains anciens soldats de la Grande Guerre, prennent part à la création d’organisations politiques paramilitaires, souvent nationalistes, farouchement anticommunistes, voire fascistes ou nazies. le 11 novembre 27 Quelques rites et symboles commémoratifs en Europe La minute de silence En France, comme au RoyaumeUni, c’est le 11 novembre 1919 qu’a été inaugurée la minute de silence. Ce moment de recueillement est devenu universel. Il évoque une forme laïque de prière, chacun se recueillant dans l’intimité de ses convictions. (Les britanniques observent deux minutes de silence). A Westminster, une plaque honore le Soldat Inconnu en termes patriotiques et religieux : « On l’a enseveli parmi les rois pour avoir bien servi Dieu et sa Patrie ». In Flanders fields Le Soldat Inconnu Comme la France, le Royaume-Uni a honoré le 11 novembre 1920 un soldat inconnu qui repose au sein de l’abbaye de Westminster, où sont inhumés les rois. l 4 novembre 1921: inhumation du Soldat Inconnu italien. Il repose à Rome sous l’Autel de la Patrie -monument construit pour célébrer l’unité italienne -, l 11 novembre 1921 : le soldat inconnu américain est inhumé dans le cimetière militaire d’Arlington, près de Washington, Il en sera de même pour la Belgique en 1922 et pour la Grèce en 1923. In Flanders fields the poppies blow Between the crosses, row on row, That mark our place; and in the sky The larks, still bravely singing, fly Scarce heard amid the guns below. We are the Dead. Short days ago We lived, felt dawn, saw sunset glow, Loved, and were loved, and now we lie In Flanders fields. Take up our quarrel with the foe; To you from failing hands we throw The torch; be yours to hold it high. If ye break faith with us who die We shall not sleep, though poppies grow In Flanders fields. Poppies, coquelicots Poppy’s Day Le dimanche le plus proche du 11 novembre, jour de commémoration de la Grande Guerre à travers l’Empire, des “poppies” sont vendus au profit des familles des vétérans. On les porte au revers de la veste. Cette tradition demeure, aujourd’hui encore, très populaire, au Royaume-Uni et au Canada. 28 REPÈRES POUR ÉDUQUER *John Mc Crae (1872 – 1918) : médecin canadien décédé an janvier 1918, il aurait écrit ce poème en 1915, lors des combats dans les Flandres belges. *Ypres a été le siège de plusieurs batailles extrêmement sanglantes durant la Première Guerre mondiale. La zone fut notamment le lieu de la première attaque massive à l’arme chimique de l’histoire, par l’armée allemande le 22 avril 1915, ainsi que du premier usage militaire du gaz moutarde (appelé également dès lors ypérite). photos Documentation CIDEM–DR Sur les tombes et sur les stèles britanniques fleurissent, aujourd’hui encore, des coquelicots de papier. Les britanniques l’ont choisi comme «fleur du souvenir» dès 1921, suite à un poème de John Mc Crae*. La fleur couvrait les champs de Flandres détruits par des combats sanglants, comme autour de la ville d’Ypres*, en Belgique. Poppy déposé lors d’une commémoration. Tranchée des baïonnettes, Douaumont Au champ d’honneur les coquelicots Sont parsemés de lot en lot Auprès des croix. Et dans l’espace Les alouettes, devenues lasses, Mêlent leurs chants au sifflement Des obusiers. Nous sommes morts Nous qui songions la veille encor’ À nos parents, à nos amis, John Mc Crae C’est nous qui reposons ici Au champ d’honneur À vous jeunes désabusés À vous de porter l’oriflamme Et de garder au fond de l’âme Le goût de vivre en liberté Acceptez le défi, sinon Les coquelicots se faneront Au champ d’honneur. Traduction / Adaptation du Canadien J. Pariseau le 11 novembre 29 Pratique Lexique Aller Plus Loin Armistice Commémorer aujourd’hui Depuis leur retour du front, les survivants de la Grande Guerre ont porté le souvenir des combattants lors des commémorations du 11 novembre. En 2008, pour la première fois, aucun d’entre eux ne pourra témoigner. Désormais, c’est aux enseignants et aux acteurs de la communauté éducative qu’il revient d’assumer la transmission de l’Histoire et de la mémoire de ces évènements aux générations futures. Ces commémorations, comme c’est le cas depuis leur origine, auront un poids majeur et nous amèneront à d’autres pratiques commémoratives, à d’autres rites, à d’autres formes de transmission… qu’il convient d’imaginer et de concevoir dès à présent. Concours Le monument aux morts de ma commune, de mon école… Pour tous - établissements scolaires tous niveaux et structures éducatives -. Le CIDEM vous propose de participer à l’étude et au recensement des monuments aux morts de la Première Guerre mondiale. www.cidem.org Parmi de très nombreux musées et centres de ressources Historial de la Grande Guerre à Péronne. Les histoires parallèles de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, une vision culturelle la Grande Guerre. Musée de référence. Mémorial de Verdun Situé à Fleury-devantDouaumont. Ossuaire de Douaumont Les petits artistes de la Mémoire, la Grande Guerre vue par les enfants Un concours à l’initiative de l’ONAC, élèves de CM1/CM2. www.defense.gouv.fr/onac Histoire d’un soldat de ma commune Concours partenarial du Ministère de l’Éducation nationale et du Ministère de la Défense. Collèges et lycées. www.defense.gouv.fr/educadef 30 repères pour éduquer Ressources locales Contacter les services départementaux de l’Office national des anciens combattants (ONAC) www.defense.gouv.fr/onac/ Quelques sites Educ@def recense les actions du ministère de la Défense à destination des élèves et des enseignants. www.defense.gouv.fr/educadef Eduscol Le site de la direction générale de l’enseignement scolaire. http://eduscol.education.fr/ Le site des « Itinéraires de citoyenneté » du CIDEM. www.cidem.org Trêve, convention établie entre des belligérants afin de suspendre les combats en l’attente de négociations de paix. Arrière Terme utilisé par les soldats en opposition au “front” pour désigner les civils et, plus largement, la partie de la société qui ne combat. Bolcheviks, bolchévique Tendance du parti socialiste qui a pris le pouvoir en Russie en 1917, par extension pour leurs ennemis politiques communistes. Cénotaphe Monument funéraire érigé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe, qui ne contient pas de corps. Censure Ensemble de mesures soumettant les publications, les spectacles et la correspondance à autorisation ou contrôle des autorités. Historial de la Grande Guerre à Péronne. Classe Classe d’âge, année des 20 ans : la classe 14 (nés en 1894). Déportation (déporté) Transfert forçé de populations. Dominion Ancienne colonie devenue État autonome au sein de l’Empire britannique. Front Zone des combats entre armées. Poilu Surnom issu de l’argot militaire du XIXe siècle, donné aux soldats de la Première Guerre mondiale. Propagande Stratégie de diffusion de l’information en vue d’influencer le public. La propagande est parfois assortie de la censure. Traité Accord (ou convention) écrit entre gouvernements. Génocide Triple Alliance, Triplice Terme forgé en 1944, défini par le Droit international comme « le refus à l’existence de groupes humains entiers ». Alliance formée en 1882 entre l’Empire allemand et l’Empire austro-hongrois (et l’Italie qui s’en retire en mai 1915). Nécropole Triple Entente Ensemble de sépultures où sont inhumés les soldats morts au combat. Alliance formée en 1907 par l’Angleterre, la France et la Russie. Ossuaire Ralliement de toutes les forces politiques et spirituelles en faveur de la défense nationale. Lieu où sont déposés des ossements humains. Première de couverture : Le Réveil. Monument aux morts du lycée Arago à Paris, sculpté par Paul-Roussel (1867 – 1928), ancien élève du lycée. Ce lycée commémore le 11 novembre depuis l’inauguration du monument en 1920 (sauf, peut-être, pendant l’Occupation). Dans ce lycée, plus d’un élève sur cinq est mort au combat durant la guerre. Union sacrée Collection Repères pour éduquer. www.cidem.org – Direction de la collection : Civisme et démocratie-Cidem. Rédaction Benoît DELABALLE, Chef de projet Christine LOREAU, remerciements Renée Renonciat (documentation familiale) et Johanna LINSLER (conseils et relecture). Édité par Malesherbes-Publications, 8, rue Jean-Antoine-de-Baïf, 75212 Paris cedex 13. RCS Paris B323 118 315.Imprimé en France par Imprimerie de Champagne, Langres 52200. Dépôt légal : octobre 2008. ISBN 978-2-916828-19-0 © Tous droits réservés MP - Cidem le 11 novembre 31