Journal Identification = PNV Article Identification = 0580 Date: December 3, 2015 Time: 5:50 pm
La sexualité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer
atteinte d’une maladie d’Alzheimer, que nous considérons
comme socialement inadaptée »[3, 25] ; les conduites
qui relèvent de ces comportements sont divers mais ren-
voient toujours à cette définition qu’il s’agisse de : «(...)
masturbation, gestes obscènes, harcèlement sexuel de
l’aidant »[12] ; «conduite sociale inappropriée à expression
verbale ou comportementale (...) propos grivois, propo-
sitions sexuelles, attouchements (...) ou déambule nu »
[33]. ‘L’hypersexualité’ se manifeste essentiellement par
des modalités d’expression et des tentatives de satisfac-
tion des désirs sexuels qui ne tiennent pas compte des
conventions sociales et s’expriment crûment sans consi-
dération pour l’entourage. Ces conduites sont considérées
comme inconvenantes parce qu’elles marquent l’oubli des
deux limites imposées à tous dans l’expression de la liberté
sexuelle : la pudeur qui exclut l’exhibitionnisme et le recueil
du consentement du partenaire qui bannit la contrainte.
La levée des inhibitions
Les comportements sexuels inappropriés sont rappor-
tés dans vingt-quatre guides [2, 3, 5, 9-13, 16, 20, 22,
24, 25, 27, 28, 32, 33, 36, 39-42, 44, 45] ; ils ont en
commun de manifester «une baisse de la pudeur »[2],
«l’affaiblissement des tabous »[3], «la baisse des cen-
sures »[5], «la perte de la retenue »[9], «une certaine perte
de décence »[13], «l’affaiblissement de l’autocontrôle »
[22] «l’oubli des interdits »[24]. Ils sont toujours mention-
nés comme une conséquence de la levée des inhibitions
qui conduit le malade à omettre les conventions sociales :
«En cours d’évolution, la maladie d’Alzheimer peut faire
perdre les inhibitions et les interdits. La personne oublie
que certains gestes sont liés à l’intimité »[3] ; «La mala-
die d’Alzheimer peut être à l’origine de certaines conduites
désinhibées, telles que gestes et comportements dépla-
cés, masturbation publique, agression sexuelle (...)»[10] ;
«(...) la maladie a tendance à désinhiber les patients sur
le plan sexuel »[28]. Ainsi, «le malade montre ses désirs
comme ils viennent, au moment où ils viennent »[2, 5],
«il répond à des pulsions qu’il ne contrôle plus »[12, 20].
Les conduites sexuelles qui vont à l’encontre des attitudes
socialement admises sont abordées à travers des situa-
tions diverses, soit de manière générique, soit à partir d’une
vignette clinique : un père qui déambule nu et se masturbe
en public [3], un patient qui déclare à une inconnue qu’elle a
«des gros nichons »[43], une mère qui fait des propositions
indécentes à tous les hommes qu’elle croise [45].
La maladie d’Alzheimer seule responsable
Tous les auteurs insistent sur la nécessité de ne pas tenir
le malade responsable de ses actes alors même qu’ils se
présentent comme des délits : attentats à la pudeur, condui-
tes de harcèlement ou mépris de l’obligation de s’assurer
du consentement du partenaire. Tous considèrent la dés-
inhibition qui conduit à ces comportements inappropriés
comme une conséquence directe de la maladie d’Alzheimer
et dégagent la responsabilité de la personne malade : «Elle
ne se rend pas compte de ses gestes, parce qu’elle a perdu
sa retenue et qu’elle a oublié ce qu’implique un comporte-
ment convenable »[9]. On peut lire différentes expressions
de cette causalité directe, par exemple : «Cette levée des
inhibitions, qui conduit à faire ce que l’on a envie, est la
conséquence des lésions dégénératives cérébrales »[3] ;
«Une baisse des censures figure pourtant dans l’ordre des
symptômes classifiés de la maladie d’Alzheimer (...)»[5] ;
«Dans la maladie d’Alzheimer ce qui pose problème c’est
l’expression des tendances, qui n’est plus sous le contrôle
du lobe frontal du cerveau »[32] ; «Un des éléments les plus
marquants pour l’entourage d’une personne touchée par la
maladie d’Alzheimer est l’atteinte des fonctions exécutives,
et notamment l’absence d’inhibition »[45].
Ni provocation, ni perversion
Après avoir expliqué la mise en cause exclusive de la
maladie dans ces manifestations, plusieurs guides insistent
sur la nécessité de saisir que le patient ne peut être tenu res-
ponsable de ces écarts aux conventions et qu’il n’y a dans
ces agissements aucune intention de mettre son entourage
en difficulté. Les guides s’attachent à montrer l’absence
totale de volonté de la part du malade de choquer ou de
nuire, si bien que la tendance à l’exhibition que présentent
certains patients ne doit jamais être assimilée à une per-
version ; «Ce n’est pas de l’exhibitionnisme. À partir d’un
certain degré d’évolution de la maladie, la pudeur diminue.
Il a oublié l’importance et la signification sociale que sup-
pose le fait d’être habillé »[36]. Plusieurs auteurs mettent
l’accent sur l’importance de ne pas prendre les déborde-
ments sexuels pour des comportements pervers [11, 16] ;
d’autres excluent toute intention du patient de générer un
malaise de ses proches : «Il ne le fait pas pour vous mettre
dans l’embarras. Il le fait parce qu’il répond à un instinct
profond qu’il ne maîtrise plus »[36] ; «N’oubliez jamais
que c’est la maladie qui provoque ces comportements. Le
malade, lui, ne cherche pas à vous nuire ou à vous mettre
dans l’embarras »[40]. Le propos est unanime, il n’y a,
de la part du patient, aucune volonté délibérée de se libé-
rer des contraintes sociales, aucune intention de provoquer
ou de mettre mal à l’aise son entourage, alors même que
ces comportements sexuels désinhibés sont de nature à
perturber ses proches.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦4, décembre 2015 437
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