L’exposition
Avec Gilbert Garcin (photographies), Sébastien Laudenbach (lm d’animation), Jean Le Gac
(dessins), Chloé Micout (court-métrage), Marcel Miracle (dessins), Valérie Mréjen (vidéos),
Natalia Solo-Mâtine (installation)
L’exposition Autoctions et mythologies personnelles décrit l’aventure d’artistes contemporains qui
explorent l’intime, croisent ction et réalité. Dans une perspective de composition, ou recomposition
de soi, ce processus permet l’émergence de l’œuvre. Ces auteurs se façonnent une identité
artistique en se prenant comme objet de leur œuvre, pour s’inventer un destin et élaborer une
autre représentation de soi.
« Je est un autre », la formule de Rimbaud est devenue universelle. « Je est un autre », beaucoup
d’autres, sans pour autant être vraiment quelqu’un d’autre. Le moindre blogueur, en jouant avec
les identités, en s’inventant des parcours de vie ctifs, le sait. « Je » deviendrait même cette
aptitude baroque à la métamorphose.
On peut se souvenir aussi de la formule de Roland Barthes, en exergue de son autobiographie,
« tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman », puis du néologisme
« autoction » inventé en 1977 par Serge Doubrovsky en quatrième de couverture de son livre
Fils qu’il dénit comme « une ction d’événements et de faits strictement réels ». De là est né
un nouveau genre littéraire, à mi-chemin entre l’autobiographie et l’invention pure, représenté
par Alain Robbe-Grillet, Georges Perec, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute et plus récemment
Emmanuel Carrère ou Chloé Delaume.
Un élan similaire traverse la création plastique à la n des années 60. En réaction à la pensée
formaliste, certains artistes réintroduisent la narration dans l’art et des critiques évoquent le
concept de mythologie personnelle. À la Documenta V de Kassel en 1972, Harald Szeemann crée
une section qu’il nomme Mythologies individuelles et englobe dans cette dénition des œuvres
de caractères formels différents. « Mythologie personnelle » exprime la transposition du quotidien
par l’individu pour atteindre le personnel, c’est-à-dire l’intime. Parmi ces artistes pionniers gurent
Jean Le Gac, aux côtés de Christian Boltanski et Annette Messager.
Aujourd’hui, ce territoire de l’autoction est toujours vaste et les procédés aussi variés. Les œuvres
choisies dans cette exposition convoquent les mots, le dessin ou l’image. Elles sont des chroniques
individuelles où seuls des fragments sont livrés. Certains, comme Sébastien Laudenbach, mettent
en scène dans une version romancée un moment précis de leur propre vie. D’autres, comme
Valérie Mréjen, utilisent un moment de la vie des autres qu’ils transforment subjectivement en
autoctions. Jean Le Gac et Marcel Miracle cèdent, quant à eux, à la tentation littéraire. Hommes
d’images et peintres de paroles, le premier nous plonge dans sa bibliothèque surdimensionnée,
l’autre nous dévoile son petit manuel de minéralogie prophétique. Enn, Chloé Micout, Natalia
Solo-Mâtine et Gilbert Garcin inventent, par des procédés multiples, des mondes étranges où le
surnaturel devient une magnique supercherie.
Parler de mythologie personnelle et d’autoction, dans le domaine artistique, revient à évoquer
les interrogations que pose l’artiste à la société dans laquelle il vit. Interrogations qui portent sur
l’identité et sa fragilisation.
Aujourd’hui, à l’ère du développement de la globalisation et de la cybernétique, le net est devenu
un support de diffusion et de démultiplication de l’écriture de soi.