LA TRAGEDIE
Le danger du thème européen est son actualité. Le risque de tomber dans le docu-fiction où
sur scène, une réalité violente et cruelle peut basculer dans la banalité, dans les bons
sentiments. En travaillant à partir de la pièce d’Euripide, je veux donner à l’écriture de ma
pièce une architecture basée sur la tragédie grecque.
Depuis longtemps, je veux travailler sur la structure de la tragédie et, avec le thème de
l’Europe, il y a ici plusieurs enjeux à filtrer l’écriture dans une telle architecture.
Tout d’abord le chœur omniprésent dans nos démocraties européennes puis propre aux
tragédies, la peur de propagation d’une famine, une maladie ou d’une malédiction. Les peurs
fantasmées exacerbées par des extrêmes pour mener à bien leurs velléités de pouvoir.
On retrouve sans cesse cette peur de l’invasion suite à l’ouverture des frontières, cette peur
peut prendre toutes les formes : humaine, alimentaire, épidémique. Et enfin, l’enjeu du
destin, l’enjeu du héros face à son destin. A quoi ressemble-t-il aujourd’hui ? Est-il celui qui
traverse l’Europe à pied en quête d’un absolu déguisé en utopie européenne ? Jusqu’où est-
il prêt à aller pour vivre dans cette Europe ? Que va-t-il perdre ? Pourra-t-il un jour rentrer au
pays ?
LE MENSONGE IDENTITAIRE
Je tiens à développer ce thème du mensonge identitaire, à le mettre au cœur de ma pièce.
Certains mentent sur leurs origines, ils mentent pour vivre, pour rester, pour être acceptés.
L’Europe distille aujourd’hui les restes de mensonges de la seconde guerre. Chacun panse
les plaies, colmate les brèches de nos identités mal menées par des années de guerres, de
déportations et d’occupation.
Pour moi, l’Europe est là, avec ceux qui se retranchent dans du régionalisme à outrance,
perdus dans ce terrain sans frontières, ils luttent pour garder un misérable 62 sur une plaque
d’immatriculation de voiture. D’autres, à force de changer de prénom, de nom pour survivre
en arrivent à vraiment oublier d’où ils viennent. Mon frère était-il mon oncle ?
Dans ce texte, pour moi le mensonge sera le ressort tendu entre tous, une bombe à
retardement dont la Suisse reste un lieu de passage, située au cœur du problème, mêlée
aux enjeux des réfugiés politiques.
Pourtant, je ne pense pas qu’on m’ait menti sur l’Europe. Je crois encore à l’outil de paix, à
l’union des états indépendants démocratiques, à ce ciel bleu étoilé. Reste à savoir quelles
sont les règles du jeu et là commence ma pièce.
SCÉNOGRAPHIE
L’Europe, histoire d’une utopie ? Histoire d’une tragédie ? Il est clair que le choix de l’espace
dans lequel va se construire ce thème est capital. Des frontières qui s’ouvrent, qui
s’emmêlent, qui se referment. Avec Serge Perret, le scénographe du spectacle, nous
voulons cette fois travailler sur les volumes et la verticalité, afin de faire ressortir l’ampleur
tragique et utopique du mythe européen.
Depuis trois spectacles, nous avons établi comme processus de création,
que les lumières créées par Antoine Friderici et la scénographie sont
étroitement liées et doivent se construire de manière imbriquées. En effet il
ne s’agit pas seulement d’arriver au final pour éclairer le décor, mais bien
d’être présent depuis le point de départ de la création et de la scénographie.
EUROPE texte et mise en scène Marie Fourquet_cie ad-apte
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