
Mauvaise Nouvelle - L’enseignement des lettres selon Mère Simoulin
enseignées ces langues est celui que nous voulons. Je ne vous parlerai point, non plus, ni de la grammaire, ni de
l’orthographe, bien utiles cependant à l’expression claire, sinon belle, des idées exprimées, mais je vous parlerai
précisément des textes anciens que nous faisons lire et étudier aux élèves. Mettre les enfants en contact direct –
et non à travers des commentaires ou avec des digests souvent indigestes – avec une pensée vivante, droite et
belle, tel est notre propos. Par ce moyen, nous voulons leur apprendre à penser droit, à s’exprimer clairement et le
plus bellement possible, et à vivre droitement, c’est-à-dire en chrétiennes. La lecture des textes sacrés se fait de
préférence pendant les cours de Doctrine Chrétienne et celle des textes profanes pendant les cours de français, de
latin, de grec et de langues vivantes. La traduction des textes de latin liturgique se fait jusqu’en classe de 2nde, non
pendant le cours de latin proprement dit, mais pendant un moment strictement réservé à cette étude et de toute
autre manière d’un texte de César ou de Cicéron… Nous pénétrons le texte de manière à ce qu’il devienne prière
et non dissection littéraire. Nous refusons de prendre les textes liturgiques comme matière scolaire, leur faisant
l’honneur de les réserver pour des exercices spirituels plus élevés, comme nous refusons d’utiliser les beaux textes
poétiques pour l’acquisition de l’orthographe ou de la grammaire. Avec les élèves de classes de 2nde, 1re et
philosophie nous traduisons en latin des textes de saint Thomas d’Aquin, saint Augustin, Prudence et en grec le
prologue de saint Jean, des extraits de saint Basile, saint Jean Chrysostome, saint Grégoire de Nysse, etc…
La lecture des écrivains, des grands écrivains surtout, nous révèle le mystère de l’homme. Tel est le privilège des
grands écrivains, évoquer en profondeur le mystère de l’homme, de la vie, du monde, d’où l’importance du choix
des lectures à proposer aux enfants, dès les plus petites classes. À ce propos, je dois vous dire que nous avons eu
la joie de lire dernièrement qu’une voix autorisée, qui n’est autre que celle du souverain pontife régnant, le Pape
Benoit XVI, condamnait Harry Potter par ces mots : « Derrière Harry Potter se cache la signature du roi des
ténèbres, le diable. » Pouvez-vous après cela, et comment pouviez-vous même avant, offrir à vos enfants les livres
de Madame J. K. Rowling, qui s’est fait une fortune au mépris de l’âme de vos enfants ? Nous sommes souvent
affligés de voir entre les mains des enfants des livres de très mauvaises qualité, aux images souvent laides, aux
caricatures déformantes et méchantes, au vocabulaire grossier, aux couleurs agressives. L’art et le goût semblent
ne plus avoir lieu où reposer dans notre monde. Aidez-nous à développer ces valeurs chez vos enfants et autour
de vous, au lieu de critiquer la sévérité de nos propos. Développez le goût, l’amour du bien, du beau, et du vrai
chez vos enfants en ne leur offrant que de bons et beaux livres. Méfiez-vous-même de certains livres de piété
médiocres, moralisants et dépourvus de qualités artistiques. Vous savez aussi bien que moi, sinon mieux, que tout
autour de nous, est laid et agresse les yeux, l’esprit et le cœur de vos enfants. Les panneaux publicitaires, les
affiches, les journaux, sauf rare exception, la TV et le cinéma que fréquentent trop certaines enfants, rivalisent les
uns avec les autres en mauvaise qualité. Ce sont des organes non seulement de désinformation mais de
diffamation qui salissent et abîment le cœur de vos enfants. Pour votre tranquillité, ne les installez pas devant un
poste de TV mais promenez-les en leur faisant admirer les beautés de la Création, offrez-leur des jeux nobles ou
donnez-leur de bons livres. Où trouver, en effet, le contrepoison à cette laideur sinon dans la belle littérature ?
Dès les plus petites classes, dès qu’un enfant sait lire, il importe de ne mettre sous ses yeux que de que de belles
images et de belles pensées adaptées à son âge. J’ai essayé de trouver dans les livres de lecture pour enfants du
CP des pages qui, par comparaison, puissent illustrer notre pensée. Je les joins simplement comme exemples
positifs et négatifs de ce que je voudrais vous faire sentir. Et je n’ai pas choisi ce qu’il y a de plus laid comme
exemple négatif.
Je voudrais maintenant vous entretenir de la littérature grecque et latine, car, comme la littérature française, elles
sont très riches. Certains voudraient que nous limitions aux auteurs chrétiens, après la Révélation, les lectures à
proposer à nos élèves et ne comprennent pas l’importance que nous donnons aux auteurs anciens, sous prétexte
qu’ils étaient païens. Saint Paul ne nous dit-il pas que la grâce transcende la nature et ne l’abolit pas ? À vouloir
surnaturaliser tout, on risque de tomber dans l’infrahumain car, comme disait Pascal, « qui veut faire l’ange fait la
bête. » Méfions-nous donc de l’angélisme et sachons reconnaître la vérité et le bien partout où ils se trouvent.
C’est pour cette raison qu’avec nos élèves nous lisons les auteurs grecs et latins dans le texte originel chaque fois
que c’est possible, sinon, dans la meilleure traduction possible, sachant que toute traduction est une trahison et
que rien ne remplace le contact direct avec le texte. Parce que les Anciens n’ont pas eu la chance de vivre après la
venue de Notre-Seigneur Jésus Christ, parce que leur science est tronquée, parce que les dieux qu’ils vénèrent
sont faux (or les dieux officiels, auxquels les meilleurs d’entre eux adressaient des prières admirablement pures et
saintes, ne correspondent pas à la notion du divin qu’ils avaient. Le dieu symbole de l’idéal, le Dieu des idées
platoniciennes correspondaient aux aspirations les plus profondes de l’âme humaine mais ils n’avaient pas de nom
pour ce Dieu.) Parce que la grandeur que nous relevons chez eux se limite souvent aux valeurs de noblesse et
d’héroïsme inscrites dans la nature, devons-nous les passer sous silence ? Non. Et je vais vous donner pour
preuve quelques exemples.
Lorsque Homère, qui vivait au IXème siècle avant JC, place ces mots sur les lèvres d’Eumée, le porcher d’Ulysse,
dans le chant XIV de l’Odyssée : « tout mendiant est un envoyé des dieux », ne pouvons-nous dire que c’est sous
l’effet de la grâce christique, par anticipation, sous la loi de nature qu’il prononce ces mots, et les rapprocher de
ceux de Notre Seigneur rapportés par Saint Matthieu au chapitre XXV, v. 34-41 : « en vérité je vous le dis chaque
fois que vous l’avez fait au moindre de mes frères que voici, c’est à moi que vous l’avez fait. » ?
Et la fidélité de Pénélope, qui attendit son mari vingt ans durant, faisant le jour la tapisserie qu’elle défaisait la nuit,