ILS ONT INVENTÉ LE DÉBARQUEMENT
D
DAY
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Lorsqu’en mai 1943, à Washington, les Alliés décidèrent
d’organiser l’opération Overlord –nom de code du Débar-
quement et de la reconquête de l’Europe qui s’ensuivrait–,
la domination allemande sur le continent n’était déjà plus
ce qu’elle avait été. Mise en diffi culté par les Russes sur le
front de l’Est, l’armée du Reich avait perdu de sa superbe.
Le Débarquement allait devoir lui porter le coup de grâce ;
l’enjeu était de taille.
Depuis 1941, les Alliés envisageaient un débarquement
sur les côtes françaises. Un débarquement avait déjà eu
lieu en Afrique du Nord en novembre 1942 (opération Torch),
un autre se déroulerait en Sicile en juillet 1943. La décision
fi nale, cependant, ne fut prise qu’en décembre 1943, à la
conférence de Téhéran : il restait six mois pour mettre en
œuvre dans ses moindres détails cette opération militaire
d’une ampleur et d’une complexité sans précédent.
L’idée d’un débarquement sur les côtes françaises avait
été défendue par le général américain Dwight Eisenhower,
commandant en chef des forces alliées en Europe. Winston
Churchill, le Premier ministre britannique, n’y était guère
favorable dans un premier temps, car il craignait des pertes
humaines trop lourdes, et aurait préféré concentrer ses
forces en Méditerranée en attendant que l’Armée rouge
ait réellement pris l’avantage sur le front de l’Est. L’organi-
sation du Débarquement fut donc le fruit d’un compromis
entre Eisenhower et Churchill –rien d’étonnant, par exemple,
à ce que l’idée d’un port artifi ciel en pièces détachées ait
été à l’initiative de ce dernier, car la prise d’un port aurait
pu être très meurtrière.
Par ailleurs, si, lors du Débarquement, toutes les forces
navales, terrestres et aériennes étaient placées sous le
commandement du général Eisenhower, chacune était
dirigée par un offi cier britannique : le commandant en chef
de la fl otte alliée était l’amiral Ramsay, les forces terrestres
étaient sous la responsabilité du général Montgomery, et
l’aviation sous celle du commandant Leigh-Mallory.
Le choix du lieu de débarquement fut lui aussi l’objet d’un
compromis. Les côtes du Pas-de-Calais étaient les plus
proches de la Grande-Bretagne, mais elles étaient aussi
les plus fortement défendues par les Allemands. À l’inverse,
le golfe de Gascogne aurait été facile à attaquer, mais il
était impensable de parcourir une si grande distance depuis
les ports du sud de l’Angleterre. La traversée maritime devait
être courte, car alors les forces armées étaient particulière-
ment vulnérables : sur chaque bateau seraient regroupés
des milliers d’hommes et des tonnes de matériel, qui pour-
raient être perdus du fait d’une seule torpille ennemie… La
Normandie avait donc l’avantage d’être proche, mais pas
assez pour que les Allemands y concentrent leurs défenses.
Quant aux plages choisies pour l’assaut (de Quinéville à
Ouistreham), elles se situaient entre Cherbourg et Le Havre,
hors de portée des canons postés dans ces deux ports.
Cependant, les Allemands devaient continuer à croire
que l’attaque aurait lieu dans le Pas-de-Calais. Ils s’atten-
daient à un débarquement allié, mais il était vital de
détourner leur attention des préparatifs véritables. Les
services secrets britanniques mirent donc sur pied l’opé-
ration Fortitude, consistant à entretenir l’illusion d’une
invasion alliée à venir sur les côtes du nord de la France :
une armée, sous le commandement du général Patton,
était censément basée dans l’est de l’Angleterre. Ce
simulacre fonctionna tellement bien que les Allemands
tardèrent à déplacer leurs troupes postées dans le Pas-
de-Calais, même après le 6juin.
Quant à l’heure choisie pour l’assaut, elle fut un compromis
entre l’aviation, la marine et l’infanterie : pour la marine,
LE D-DAY A COMMENCÉ BIEN AVANT LE D-DAY
Ω Une réunion d’état-major allié.
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