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Logistique et techniques pour le D-Day
Par Marie-France Montel
Le débarquement en Normandie correspond à la stratégie américaine de frapper l’adversaire sur ses bastions dans l’espoir
d’accélérer la fin de la guerre (alors que la stratégie britannique privilégie la guerre d’usure). Cette stratégie demande un
effort de guerre et d’organisation exceptionnel ; effort d’abord coordonné par le COSSAC (Chief of Staff to Supreme Allied
Commander, état-major anglo-américain durant l’année 1943) auquel succède le SHAEF (Supreme Headquarters Allied
Expeditionary Force), commandement suprême créé en décembre 1943 et dirigé par le général Eisenhower. Le défi lancé
aux Alliés est alors inégalé. Olivier Wieviorka cite, dans son Histoire du débarquement en Normandie, des origines à la
libération de Paris 1941-1944, le général américain Gerow, qui, à la fin de l’année 1941, écrit « qu’il serait illusoire de croire
que nous pouvons défaire l’Allemagne simplement en produisant plus qu’elle. Les guerres sont gagnées par des stratégies
pertinentes, mises en œuvre par des forces bien entraînées, équipées de façon adéquate et efficace ». Ainsi, devons-nous
mettre en perspective cette réalité-là, toujours dans l’optique actuelle de l’historiographie qui tente de dégager de son
mythe l’histoire du débarquement.
Il faut tout d’abord repréciser la légitimité de l’expression, proposée dès 1941, désignant les États-Unis comme « arsenal
des démocraties », que le Victory Program incarne avec le Liberty ship. Ce pays met au service de la guerre sa rationalité
industrielle (le cargo est construit en cinq jours) et fournit 60 % des munitions alliées. Néanmoins, il faut rappeler que la
mobilisation de son économie ne fut pas totale (notamment concernant la main-d’œuvre) et assez tardive (pour des
raisons électorales). Ces raisons expliquent, en plus des difficultés industrielles rencontrées par la Grande-Bretagne, que le
débarquement ait été retardé d’un mois.
Néanmoins, dans la nuit du 5 au 6 juin démarre l’opération Neptune, une démonstration logistique magistrale :
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le D-Day est précédé de l’opération Boléro, qui permet d’acheminer les troupes et les matériels des États-Unis vers
la Grande-Bretagne. Les forces américaines doublent au Royaume-Uni entre décembre 1943 et mai 1944,
engendrant d’ailleurs des problèmes de saturation des infrastructures de transport et d’accueil dans le Sud du
pays. La préparation de la bataille suit une organisation sans failles : le chargement des navires en marchandises est
réalisé à partir du début du mois de mai dans des ports spécialisés selon le type de marchandises. Les hommes sont
embarqués à la fin du même mois ;
l’entrée en scène des différents corps d’armée suit une partition très précise :
- les opérations aériennes commencent en premier : les parachutistes-éclaireurs sont largués le 5 au soir, dès
22 h 15, puis le gros des hommes à partir de minuit. Les bombardiers opèrent à partir de 3 h 15 jusqu’à 5 h,
- l’artillerie navale,
- les flottilles de dragueurs de mines qui ouvrent préalablement le chemin aux différents navires (4 266
embarcations),
- enfin, l’infanterie peut débarquer, suivie des tanks ;
un oléoduc sous-marin sous la Manche (Pluto = pipe-line under the ocean) est mis (assez tard) en service pour
alimenter le front ;
les Mulberries (voir notice « Les Mulberries ») parachèvent le dispositif logistique en permettant le débarquement
de toutes les troupes.
L’ampleur du débarquement et son déroulement, sans port en eaux profondes, expliquent le grand nombre d’innovations
nécessaires à son organisation. Celles-ci sont liées principalement au caractère amphibie de l’opération (les Mulberries, les
chars et « machines » de l’ingénieur anglais Hobart appelées « funnies », les multiples types de barges de débarquement)
mais concernent aussi les opérations aériennes. Signalons également le rôle important de la radio, grâce à une
modernisation des appareils les rendant plus légers, comme moyen de communication entre les parachutistes, les hommes
de la résistance française et Londres.
La réussite alliée est d’autant plus grande que les pays concernés ne disposaient pas réellement d’expérience de
débarquement de cette nature en 1939.
L’ampleur de la mobilisation logistique et technique fit de l’espace maritime proche et des plages de Normandie le lieu d’un
combat particulièrement intense, à tel point que la géographe Edwige Savouret donne aujourd’hui au débarquement le
titre d’ « événement géographique », dont l’impact continue de perturber l’évolution des environnements côtiers.
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