NOTE DE POLITIQUE TIRÉE DE LA STRATÉGIE DE PROTECTION SOCIALE EN AFRIQUE Accessibilité financière et financement des systèmes de protection sociale LA BANQUE MONDIALE MESSAGES CLÉS: La dépense en protection sociale est plus faible en Afrique que dans toute autre région du monde. Cette situation reflète la faiblesse des ressources publiques dont disposent les pays africains, particulièrement pour la conduite de programmes sociaux. Néanmoins, certains pays africains ont priorisé la dépense en protection sociale et ont mis en place des programmes d’allocations sociales, d’assurance maladie ou de travaux publics couvrant tout leur territoire. Pour multiplier les fonds nécessaires à la poursuite des objectifs de protection sociale, il faudra accroître l’efficacité des dépenses, prouver aux décideurs le bien-fondé du développement de la protection sociale, avoir accès à certaines des ressources financières issues de la croissance économique et tirer parti des ressources externes, particulièrement dans les pays qui dépendent en grande partie d’une aide extérieure. APERÇU La part des dépenses en protection sociale dans l’économie nationale a tendance à croître avec l’augmentation du revenu par habitant et avec l’expansion de la couverture et de l’envergure des programmes de protection sociale. Selon les normes internationales, les dépenses en protection sociale restent faibles en Afrique (voir l’Encadré ci-dessous), ce qui entrave la réduction de la pauvreté sur l’ensemble du continent. En Afrique, la dépense en protection sociale varie beaucoup. La moyenne régionale de 2,8 pour cent du PIB masque la grande différence dans le niveau de dépenses des différents pays, qui va d’un pic de plus de 12 et de 8 pour cent du PIB aux Seychelles et en Afrique du Sud, à moins de 0,5 pour cent du PIB au Tchad, au Soudan, en Guinée, au Niger, en Ouganda et au Zimbabwe La faiblesse du niveau général des dépenses se reflète dans la couverture des programmes de PS de la plupart des pays africains. L’Atlas1 de la protection sociale de la Banque mondiale révèle que seulement 20 pour cent des Africains bénéficient d’une forme quelconque de protection sociale publique, un taux largement inférieur à toute Dépense publique en sécurité sociale, excluant les dépenses en santé (% du PIB) Régions Moyenne régionale (pondérée selon la population) dernière année disponible Europe de l'Ouest 17.98 Europe centrale et de l'Est 14.08 Afrique du Nord CIS 8.98 11.02 Amérique du Nord 9.93 Amérique latine et Caraïbe 7.09 Moyen-Orient 7.63 Asie et Pacifique 3.65 Afrique subsaharienne 2.81 Monde 5.72 Source: Base de données mondiale sur l’expansion de la sécurité sociale Note: Comprend les pensions, les prestations pour invalidité, les allocations familiales, les compensations pour accidents du travail, l’assurance-chômage et les autres appuis publics. 1 L’Atlas de protection sociale est un outil de recherche multifonctionnel développé par le Réseau du développement humain, Protection sociale de la Banque mondiale; il comprend des données pays sur plus de 10 indicateurs de protection sociale tirées des plus récentes enquêtes des ménages. autre région du monde : 80 pour cent des ménages africains n’ont aucune protection sociale, comparativement à 56 pour cent à travers le monde. Cependant, une poignée de programmes de protection sociale de grande ampleur ont une portée nationale et une couverture importante (voir les exemples de pays ci-après). Tous ces programmes couvrent une part substantielle de la population ciblée, qu’il s’agisse de la population dans son ensemble comme dans le Programme national d’assurance maladie du Rwanda ou d’un groupe précis de personnes comme dans le régime de pensions sociales du Lesotho. Le coût de ces programmes varie de 1,2 pour cent à 6 pour cent du PIB. Dans les pays à plus faible revenu, les programmes sont fortement dépendants du financement des donateurs alors que, dans les pays à revenu intermédiaire comme l’Afrique du Sud, ces programmes sont entièrement financés à partir du budget national. Enseignements clés L’expérience africaine dans le financement de la protection sociale a permis de tirer plusieurs enseignements : ■ Les programmes à couverture nationale sont financièrement abordables. Par exemple, l’expansion de l’assurance maladie à l’ensemble de la population du Rwanda a demandé des investissements représentant environ 1 pour cent du PIB, soit un pourcentage équivalant à ce que l’Éthiopie dépense pour toucher 8 millions de ménages souffrant d’insécurité alimentaire à travers le Programme de filets sociaux productifs. ■ La croissance économique actuelle et à venir de l’Afrique a dégagé une partie de l’espace fiscal nécessaire à une meilleure couverture en protection sociale. Avec la croissance des économies au cours des dernières années, le montant alloué à la dépense en protection sociale en tant que part du PIB a également augmenté. Ainsi, les subventions sociales accordées en Afrique du Sud et au Lesotho confirment que les budgets nationaux disposent d’une marge de manœuvre financière accrue à partir de laquelle des initiatives de protection sociale peuvent être financées. ■ L’appui externe des donateurs s’est avéré non seulement essentiel en termes de financement, mais également déterminant en tant qu’instrument de réforme et de mise à l’épreuve de différentes approches (voir l’Encadré). Les dispositions du financement d’urgence du Programme de filets sociaux productifs de l’Éthiopie sont un exemple de ce type d’innovation (voir l’Encadré ci-dessus). 2 NOTE DE POLITIQUE TIRÉE DE LA STRATÉGIE DE PROTECTION SOCIALE EN AFRIQUE ■ En cas d’absence de programmes de protection sociale, les gouvernements ont souvent instauré des subventions générales des prix afin de réduire les effets néfastes des chocs à court terme. Ces dispositions ont été particulièrement populaires suite à la crise alimentaire et du carburant de 2008-2009. Au Sénégal, le gouvernement a dépensé entre 3 et 4 pour cent du PIB en subventions pour protéger ses citoyens contre la hausse du prix des biens de consommation de base. Une large part de cette dépense a profité aux non-pauvres. De plus, les subventions ont maintes fois agi comme des incitatifs économiques néfastes, particulièrement en matière de réduction de la productivité et de frein au développement économique à long terme. Utiliser le financement d’urgence dans les programmes de protection sociale Afin de pouvoir amplifier rapidement le Programme de filets sociaux productifs (PSNP) en cas de crise transitoire, les décideurs éthiopiens ont créé un mécanisme de financement du risque (RFM). Le RFM permettait de sécuriser les engagements financiers des donateurs avant qu’une crise ne survienne. En 2008, en réponse à l’augmentation des prix alimentaires et au déficit pluviométrique pendant le belg, le gouvernement a eu recours au RFM pour verser des transferts additionnels aux 4,43 millions de bénéficiaires du PSNP qui avaient souffert de la crise. Le RFM a été utilisé à nouveau en 2009 pour le versement de transferts additionnels à 6,4 millions de participants au PSNP affectés par le manque répété de pluies pendant le belg. Ces opérations ont été financées à partir d’un engagement antérieur de 50 millions $ EU de la Banque mondiale. Le RFM a été conçu de façon à réduire le délai imparti par la mobilisation de l’aide humanitaire et à s’assurer que les ménages dans le besoin bénéficieraient d’une aide plus rapide. Alors qu’il faut en moyenne huit mois pour la mobilisation d’une réponse humanitaire, le RFM d’Éthiopie a réduit ce délai à deux mois. EXEMPLES DE DÉPENSES EN PROTECTION SOCIALE DANS LES PAYS AFRICAINS Le Programme de filets sociaux productifs d’Éthiopie (PSNP) a été lancé en 2005 afin de transformer le système d’aide alimentaire antérieur en un filet social plus prévisible qui crée des actifs productifs dans les communautés pauvres. Le PSNP verse des transferts monétaires et alimentaires aux ménages souffrant d’insécurité alimentaire à travers la conduite de travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre lorsqu’au moins un membre du ménage est apte au travail (80 pour cent) et des transferts directs aux ménages n’étant pas en mesure de répondre aux exigences des travaux publics (20 pour cent). On estime que les transferts aux ménages sont équivalents à 40 pour cent de leurs besoins alimentaires annuels. Le PSNP touche plus de 7 millions d’individus, soit 10 pour cent de la population nationale. Le programme opère avec un budget annuel de près de 500 millions $ EU, soit 1,2 pour cent du PIB, dont la majorité (90 pour cent) provient d’une aide extérieure. Cette forte dépendance aux financements externes illustre à la fois le rôle important que les donateurs ont longtemps joué dans la distribution d’aide alimentaire et la forte proportion de financements extérieurs dans le budget national (environ 25 pour cent). Le régime d’allocations sociales d’Afrique du Sud comprend plusieurs types d’allocations qui sont versées aux personnes âgées, aux familles pauvres avec enfants, aux familles d’accueil, aux invalides et aux vétérans en fonction de leurs revenus. À peu près 15 millions de personnes bénéficient d’une allocation sociale, ce qui représente environ 30 pour cent de la population. Les allocations familiales, introduites en 2001, touchent environ 10 millions de bénéficiaires alors que les pensions de vieillesse, qui sont versées aux personnes pauvres de plus de 60 ans, couvrent un peu plus de 2 millions d’individus. Selon les données de l’enquête des ménages, les allocations sociales constituent plus de 60 pour cent du revenu des 20 pour cent des ménages les plus pauvres, la part la plus importante provenant des allocations familiales. Les allocations sociales d’Afrique du Sud sont financées à partir des recettes fiscales générales; elles représentent plus de 10 pour cent de la dépense totale du gouvernement et 3,5 pour cent du PIB. Le régime de pensions de vieillesse du Lesotho alloue des pensions sociales non contributives aux personnes âgées de 70 ans et plus ne bénéficiant d’aucun autre régime de retraite. Il a été créé en 2004 en réponse aux forts taux de pauvreté chez les personnes âgées (89 pour cent) attribuables au système de migration du travail et à la prévalence élevée du VIH sida, qui avaient tous deux réduit la capacité des ménages à prendre soin de leurs membres plus âgés. Les transferts mensuels sont à peu près équivalents au quart du salaire minimum et ont diminué le taux de pauvreté chez les personnes âgées de 19 points de pourcentage. Le programme touche environ 82 000 individus, soit 4,3 pour cent de la population et plus de 85 pour cent des personnes âgées. Les deux tiers des bénéficiaires sont des femmes chefs de ménage. Les coûts fiscaux du programme représentent environ 3,6 pour cent de la dépense totale du gouvernement (Excercise financier 2009-2010). Au cours des cinq dernières années, les pensions de vieillesse ont demandé des investissements équivalents à 1,6 pour cent du PIB. Le régime est entièrement financé par les recettes fiscales générales. Le programme d’assurance maladie du Rwanda a fait l’objet d’une expansion considérable au cours des dernières années, ceci afin d’augmenter l’utilisation des services de santé et de protéger les ménages contre les chocs sur les revenus et la santé. Près de 9,75 millions d’individus, soit 91 pour cent de la population sont actuellement couverts par le régime national de mutuelles de santé. Au début, la prime forfaitaire d’adhésion à une mutuelle de santé s’élevait à environ 2 $ EU par personne et par année, et les donateurs subventionnaient les primes qu’auraient dû verser 1,5 million de ménages très pauvres. Selon la planification, les primes devraient augmenter d’environ 5 à 12 $ EU par personne par année. En 2006, 70 pour cent des primes étaient versées par les membres, 8 pour cent par les employeurs, 9 pour cent par les donateurs et 13 pour cent par le gouvernement. La dépense totale en primes, soit la part allouée à la protection sociale du système de santé, ne représente pourtant que 5 pour cent des dépenses totales en santé. Les membres des ménages couverts par une assurance maladie mutuelle ont utilisé les services de santé deux fois plus souvent en cas de maladie que les ménages n’ayant aucune assurance. Cette couverture est également associée à un niveau plus élevé de protection contre les risques financiers, puisque l’incidence d’une dépense de santé catastrophique est près de quatre fois moins élevée que dans les ménages non couverts. La dépense totale en santé du Rwanda a fortement augmenté suite au financement accru des mutuelles et à l’augmentation de l’utilisation des services de santé. Alors qu’en 2000 le pays ne dépensait que 4 pour cent de son PIB en santé, soit l’une des dépenses les plus faibles d’Afrique, il figure actuellement parmi ceux dont la part est la plus importante - plus de 10 pour cent en 2010. La moitié de la dépense publique en santé est financée par l’aide extérieure. NOTE DE POLITIQUE TIRÉE DE LA STRATÉGIE DE PROTECTION SOCIALE EN AFRIQUE 3 DÉFIS ET OPPORTUNITÉS Plusieurs défis clés sont associés à la disponibilité de financements suffisants pour la protection sociale de base en Afrique. Les grandes tendances internationales indiquent des liens positifs entre le niveau de développement économique d’un pays, l’importance de sa dépense publique et l’ampleur des fonds investis en protection sociale. Les pays Africains devront maintenant s’atteler à étendre l’accès des populations à des programmes de protection sociale efficaces. Les options incluent : Une meilleure efficience et efficacité de la dépense actuelle en protection sociale. Compte tenu de la faiblesse de la dépense en protection sociale en Afrique, l’amélioration de l’efficience des dépenses actuelles à l’intérieur des enveloppes disponibles n’offre que peu de possibilités d’augmentation de la couverture des programmes. Néanmoins, il reste possible d’agir avec efficience. L’option la plus pertinente consiste à remplacer les subventions générales des prix, particulièrement en réaction aux chocs économiques, par une approche plus ciblée. Le développement d’un système national de protection sociale permet également d’améliorer sensiblement l’efficience et l’efficacité. Quel que soit le niveau de financement, un meilleur ciblage peut générer un impact plus important sur la pauvreté; néanmoins, l’opportunité de cibler des initiatives de protection sociale est dépendante de l’économie politique. De même, selon le niveau disponible de ressources, l’amélioration des aspects productifs des programmes de protection sociale (par exemple la réforme de l’aide alimentaire afin d’y inclure des transferts monétaires ou d’améliorer la qualité des travaux publics) peut également contribuer à la réduction de la pauvreté, un aspect sur lequel le Programme de filets sociaux productifs d’Éthiopie a mis l’accent. L’intégration de petits programmes disparates dans un programme plus vaste permet de rationaliser les coûts administratifs, ce qui optimise l’utilisation des ressources existantes. Augmenter les ressources intérieures allouées à la protection sociale. L’augmentation de la part du financement national alloué à la protection sociale représente un défi clé. Au cours de la dernière décennie, la croissance économique a dégagé un certain espace fiscal en Afrique, mais la compétition pour les ressources budgétaires est féroce. Dans la plupart des pays africains à faible revenu, la dépense en protection sociale - surtout lorsqu’elle cherche à toucher les pauvres - ne représente encore qu’une très petite part de la dépense publique globale. La sensibilisation accrue des décideurs sur les liens entre la protection sociale et la croissance économique sera déterminante non seulement pour la création d’une coalition politique en appui au financement de la protection sociale mais aussi pour dissiper les préoccupations selon lesquelles la protection sociale favorise la dépendance. Certains pays pourraient argumenter que l’augmentation du financement en protection sociale permettrait de réaliser le droit constitutionnel des citoyens selon l’exemple du Kenya et de l’Afrique du Sud. Mobiliser l’aide extérieure. L’aide des donateurs sera nécessaire à moyen terme, particulièrement dans les pays africains à faible revenu dépendants de cette aide. En fait, l’expansion de la protection sociale qui est en cours dans certains pays à faible revenu tels que le Rwanda et l’Éthiopie résulte non seulement d’un engagement gouvernemental, mais aussi d’un accroissement des financements des donateurs. Ressources additionnelles : Barrientos, A. (2007). « Financing Social Protection. » Document de travail 5, Institut mondial Brooks sur la pauvreté, Manchester, RU. Barrientos, A. (2010). « Social Protection and Poverty. » Document du Programme de politique sociale et de développement numéro 42, Institut de recherche pour le développement social des Nations Unies, Genève. Hagen-Zanker, J. et A. McCord (2010). « Financing Social Protection in the Light of International Spending Targets: A Public Sector Spending Review. » Institut de développement outre-mer, Londres. Holmqvist, G. (2010). « External Financing of Social Protection – Opportunities and Risks. » Institut africain, Uppsala, Suède. BIT (2008). « Can Low-income Countries Afford Basic Social Security? » Briefings sur les politiques de sécurité sociale, document #3, Bureau international du travail, je n’ai. McCord, A. (2009). « Cash Transfers: Affordability and Sustainability », Briefing Projet ODI, Institut de développement outre-mer, Londres. Ravallion, M. (2008). « Bailing out the World’s Poorest. » Document de travail sur les recherches de politiques 4763, Banque mondiale, Washington D.C. On pourra trouver des outils et des conseils sur les problématiques de conception et d’exécution sur le site Web de protection sociale et de travail de la Banque mondiale: www.worldbank.org/sp Décembre 2012 LA BANQUE MONDIALE