Les Vagues - Les Quinconces

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Les Vagues
Une adaptation du roman de Virginia Woolf
Traduction Marguerite Yourcenar
Théâtre et Vidéo
Atelier hors champ – Création 2015
Contacts
Pascale Nandillon : 06 62 06 29 01 / Frédéric Tétart : 06 63 66 89 34
[email protected] / www.atelierhorschamp.org
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- Nous sommes prêts à considérer favorablement les propositions que le monde pourrait nous faire…
Les Vagues - Neville
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- En ce moment, cette chambre me paraît située au centre même du monde, dit Neville, et détachée
sur la nuit éternelle. Au-dehors, les lignes se courbent et s'entrecroisent, mais ici leurs méandres ne
font que nous envelopper. Nous sommes au centre. Ici nous pouvons nous taire, ou parler à voix
basse.
- Les forêts et les pays situés de l'autre côté du monde sont contenus dans cette chambre, dit Rhoda ;
et les mers et les jungles ; et les aboiements des chacals, et le clair de lune qui baigne les sommets
autour desquels planent les aigles.
- Le bonheur est contenu dans cette chambre, dit Neville, et la paix que dispensent les objets
familiers. Une table, une chaise, un livre, avec un coupe-papier inséré entre ses pages. Et un
pétale tombe d'une rose, et la lumière palpite pendant que nous sommes assis, en silence, ou que
peut-être, traversés par une pensée sans importance, nous prononçons soudain une parole.
- L'avenir est dans cette chambre, dit Bernard ; voici le moment de laisser tomber une dernière
goutte brillante comme un surnaturel vif-argent dans ce globe splendide créé par nous autour
de Perceval. Que va-t-il arriver ? Qu'est-ce qui nous attend au-dehors?... Nous nous sommes
prouvés que nous étions capables d'ajouter aux richesses de l'heure présente. Nous ne sommes pas
des esclaves, obligés de recevoir incessamment sans se plaindre d'insolents coups sur leurs nuques
inclinées. Nous ne sommes pas un troupeau, forcé de suivre un berger. Nous sommes des
créateurs. Nous venons de créer quelque chose qui ira rejoindre les innombrables constructions du
passé.
Les Vagues (extraits) - Virginia Woolf
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Index
Présentation
Pages 6 à 7
Adaptation
Page 8
Dispositif scénique
Pages 9 à 14
Intentions
Pages 15 à 16
Les Vagues dans le parcours de la compagnie
Pages 17 à 18
L’équipe
Pages 19 à 23
Les citations sont extraites du Roman les Vagues de Virginia Woolf.
Les illustrations pages 1, 4 et 24 sont issues de la série Seestück (1969-1970) de Gerhart Richter.
Les illustrations pages 4, 7, 10, 11, 12, 16, 18 sont issues du film «La tour : les vagues »
Frédéric Tétart, atelier hors champ.
Les illustrations pages 11et 12 sont issues des dessins au crayon de Vija Celmins.
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Présentation
La porte s’ouvre. On attend Perceval - Perceval va venir - Perceval part pour les Indes - Perceval y
meurt.
Mais ici, mais en ce moment, nous sommes ensemble, dit Bernard. Nous nous sommes réunis à
cette minute, à cet endroit. Nous y avions été attirés par quelque profonde émotion commune, qui
nous unit. Pour plus de simplicité, la désignerons-nous sous le nom d'amour ? Parlerons-nous
d'amour pour Perceval, parce que Perceval part pour les Indes ? (…)
Six amis sont réunis pour un repas autour de l’absence de Perceval.
Leurs voix recomposent en creux le récit de leur propre biographie, de l’enfance à l’âge mûr. Les
monologues intérieurs de ces six personnages (ces six modes) dont les motifs et les courbes se
succèdent et s’entrecroisent, tissent la trame des Vagues.
Mais Rhoda, Jinny, Suzanne, Neville, Louis et Bernard ne sont peut-être qu’une seule et même entité,
un seul et même flux de parole difractée au travers d’un prisme (les six faces d’un cristal éclairé par
Perceval).
Dans ce vase, il y a un œillet rouge. Tout à l'heure, lorsque nous attendions, ce n'était qu'une seule
et simple fleur. Maintenant, c'est une fleur heptagone, une fleur aux mille pétales, une fleur
rouge, brune, ombrée de mauve, une fleur aux raides feuilles d'argent. Et à cette fleur totale chacun
de nos regards ajoute un attribut.
Ce qu’ils évoquent de leurs expériences intimes se distille toujours en quelque chose de plus
substantiel et de plus large que leur existence privée. Lançant les fibres de leurs esprits loin au-delà
d’eux-mêmes (comme des antennes), les locuteurs ramènent dans la chambre où ils sont réunis la
totalité du réel, des espaces et des temps.
Leurs voix nous font plonger dans la blancheur d’une nappe, le reflet d’un couteau, la couleur d’un
pétale, la rumeur du jardin, le cristal d’un lustre, mais nous emmènent aussi au-dessus des forêts, des
cheminées de Londres la nuit, au-dessus de l’Inde, du Nil, nous font pénétrer l’intimité des demeures
et des chambres, nous font goûter le souvenir d’un baiser, le remord d’un amour empêché.
L’absence de Perceval parti pour les Indes est une force centrifuge, magnétique : le vide central qui
met le cercle de la parole en mouvement, fait graviter un nombre infini d’instants, de détails, de
paysages, d’histoires.
Dans ces allers-retours incessants entre le dedans et le dehors, la table et l’ailleurs, la préhistoire et le
présent, ils sont des poètes qui soulèvent des mondes, des créateurs, des demi-dieux consumant et
transformant tout le réel disponible.
Aspirant à se fondre dans les mouvements naturels du monde, ils défient avec les mots les
frontières des lois matérielles et abolissent les contours de leur identité.
Par moment je ne me connais plus moi-même, je ne sais plus comment nommer, mesurer et totaliser
les atomes qui me composent.
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Sans cesse la porte s’ouvre. L’identité est poreuse. Des seuils de perception et de conscience sont
traversés.
En se servant de la poésie pour déployer et révéler la réalité, Rhoda, Jinny, Suzanne, Louis,
Neville et Bernard s’engendrent, se dévisagent, se réfléchissent, se dévoilent, maintiennent vivant un
cercle magique qui ordonne leur cosmos, l’enfance, l’amour, l’amitié, le silence, le secret, la mort.
Perceval est le centre incandescent et immortel de ce cercle qui les rassemble. Curieuse cérémonie,
durant laquelle les mots apprivoisent la brûlure du vivant, la fixité de la mort – dans une vertigineuse
tentative d’affranchissement.
Et pourtant, il y a des instants où la muraille de l’esprit devient presque diaphane, où tout
s’absorbe en tout, et où je crois presque que nous pourrions réussir à souffler une bulle si vaste que
le soleil pourrait s’y lever et s’y coucher, que le bleu de midi et le noir de minuit y trouveraient
place, et que nous pourrions nous y perdre, libérés de l’espace et du temps.
Les Ephémères (ces papillons nocturnes qui se brûlent à la lumière de nos lampes) fut le premier titre
que Virginia Woolf pensait donner à son ouvrage. Mais par-delà cette métaphore de la disparition, on
entend dans la variation des Vagues, ses motifs, les mouvements profonds d’un texte à la lumière
perpétuellement changeante, miroitant, fractal et insaisissable.
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À chaque instant, Perceval semble répandre dans cette chambre cette lumière ardente, ce sens
passionné de l'existence qui fait perdre aux choses leurs valeurs usuelles, de sorte que la lame de ce
couteau n'est plus qu'un éclair de lumière, et non un objet avec lequel on peut couper. L'ordre
normal est aboli.
Adaptation
Le récit des Vagues se déroule en neuf mouvements, chacun précédé de neuf interludes descriptions de paysages marins qui illustrent la courbe du soleil jusqu’à son déclin.
L’essentiel de notre montage s’appuie sur les mouvements IV à VII du texte : entre le repas
qui accompagne le départ de Perceval pour les Indes et celui qui rassemble les six locuteurs
après sa mort.
On y retrouve, à l’âge adulte, tous les motifs qui circulent depuis le début du récit – boucles
mémorielles que les personnages ont fabriqué dans l’enfance : les points d’impacts et leurs ondes de
choc continueront de s’étendre et d’agir souterrainement sur les six personnages jusqu’à la fin de
leur vie. Ces motifs se déclinent tout le long des récits dans une infinie variation.
Les passions qui reposaient dans les profondeurs où croissent les algues sombres remontent à
la surface, et leurs vagues nous ballottent. La jalousie et la douleur, le désir et l'envie, et je ne sais
quoi de plus profond encore, de plus fort et de plus souterrain que l'amour.
C’est le moment du texte où Perceval est le point de convergence de tous les désirs. Sa figure en
creux cristalise le manque central. Son absence habite et irradie la nature et tous les objets du monde
; elle conditionne intimement la façon qu’ont ses amis de traverser la vie.
C’est également le moment du texte où les personnages, sortis de l’enfance puis de l’adolescence,
sont capables d’analyses et d’autocritiques aiguisées mais aussi de dérives poétiques profondes,
lumineuses, extraordinaires, sur l’identité, l’espace et le temps, la solitude.
Bien sûr la mort est là (la méconnue) - la question du texte est peut-être de l’apprivoiser ensemble, de
la transformer positivement.
La disparition de Perceval met à l’épreuve l’organisation souterraine qui les lient, ils se
réunissent pour vérifier le possible de leur communauté.
Ici on s’intéresse à la façon qu’ont les personnages de se rendre friables et de se révéler, d’interroger
leur incomplétude ontologique. L’Autre est le bord extérieur de l’être, l’incontournable révélateur
qui nous apprend peut-être le bonheur risqué d’être multiple et dissout – à contre-courant de
notre modernité, hantée par les fantasmes de « l’identité » et de « l’appartenance ».
Je ne crois pas à la valeur des existences séparées. Aucun de nous n'est complet en lui seul.
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Dispositif scénique
Une chambre de révélation
L’espace scénique est une chambre de révélation. La voix, les corps, la lumière, l’image et le son
opèrent à égalité des transformations, incarnent le texte.
(…) L’improbable réalité fait alors place à un réel d’une autre nature, quelque chose qui prend
consistance psychique, presque hallucinatoire dans sa netteté même.
Georges Didi-Huberman – Phalènes
À l’avant scène, toute proche, une table, un pan de mur. Autour de la table, trois hommes et trois
femmes portent chacun une des voix des Vagues. Cette intimité spatiale englobe les spectateurs
dans le travail du regard et de la sensation. La table est à la fois le lieu matériel du repas et un
espace originel de création et d’effacement.
Les six acteurs parlent et quelquefois lisent le texte, nous rappellent que nous sommes dans un
dispositif où le poème se recompose à nu.
Un caméraman gravite autour, circule à l’intérieur de ce dispositif et filme en direct.
Autour de la table les corps changent d’orientation et de place, dévoilant un dos, un visage, une main,
révélant tour à tour celui qui écoute, celui qui parle, celui qui se tait - imperceptible rotation qui crée et
défait continuellement le paysage. La chambre des Vagues est un univers suspendu, une île - au centre
de la table passe l’axe du monde. Constamment les prises de parole en déplacent le pôle et la direction
– maintiennent la table à flot.
C’est un espace concret minimal, à la fois la chambre où ils se réunissent et l’espace du dedans - sa
tendance est d’aller vers l’abstraction.
Vers le vide (la lumière)
La table n’est pas un décor, c’est un site, une plaque photosensible.
La table est dressée : verres, carafes, fleurs, eau, vins, fruits, couverts, peut-être les reliefs d’un repas
déjà consommé ou qui n’aura pas lieu, ou bien ceux d’une offrande, d’une discrète célébration.
La lumière fait travailler cette nature morte. Elle exacerbe et dissout les matières. Successivement, elle
fait ressortir un détail : détoure, cisèle, change d’angle puis floute les contours, altère, consume,
jusqu’à faire disparaître les présences. La lumière suit la courbe du texte, qui est celle du soleil, de son
aurore à son déclin ; comme les ciels de mer, c’est une variation météorologique qui embrasse la
totalité du plateau – jusqu’à la monochromie.
Images et sons
Les images sont projetées sur un écran dialoguant avec l’espace du repas : miroir psychique du
texte, mise en abîme des espaces-temps du plateau. La caméra plonge dans le visible et l’invisible
des visages, des corps, des objets, des fleurs, jusqu’à l’abstraction. Le détail d’un pistil occupe tout
l’écran, l’image ouvre des immensités dans l’infiniment petit – elle ramène aussi le hors champ du
texte (la mer, les Indes…) dans les images en temps réel.
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La caméra cherche les points de contacts entre l’image et le texte, entre ce qui est vu et ce qui est
entendu, entre l’image mentale et le réel. Elle tisse avec les voix un flux ininterrompu : c’est un plan
séquence sans début ni fin, un mouvement en tension.
Car ici, l’image écoute, comme une antenne, cherche et suit des fréquences et les mouvements
d’ensemble.
Comme une septième présence, un septième regard, la caméra atteste aussi de la façon dont les
objets, la nature, se chargent de la présence invisible de Perceval. L’image affleure, disparaît, on
l’oublie…
Le son ramène à la surface le spectre des paysages souterrains et des bruits concrets convoqués par les
récits : saynètes inaudibles, rues, bruissement du jardin, fréquences ténues, rumeur du monde…
Dans la chambre des Vagues cohabitent plusieurs espace-temps.
Nous sommes invités à une dérive, jusqu’à ne pas savoir si ce qu’on voit a été soulevé par le texte
ou si c’est l’image qui a pris le relais de la vision – quand avons-nous glissé de l’un à l’autre ?
Quand sommes-nous revenus à table ?
Quelle manifestation physique nous fait entrer, modifie notre perception ? Qu’est-ce que voir ?
Sans cesse nous formons de nouveaux mélanges avec des éléments inconnus, tout n’est qu’expérience et
qu’aventure… Qui suis-je moi qui vous parle lorsque s’additionne à moi cet inconnu ? L’univers où nous
vivons est dépourvu de stabilité. Qui nous dira le secret des choses ? Qui peut prévoir la courbe d’un mot
une fois lancé ?
Une musique de chambre, un chant du monde
Les personnages des Vagues s’expriment l’un après l’autre, suivent le fil de leurs pensées, dérivent,
reviennent - un autre s’engage alors dans le sillage laissé par la parole. Quelque chose dialogue entre
eux. Le récit est travaillé comme s'il avait déjà commencé et cesse en laissant toujours derrière lui une
porte ouverte. Ici on parlerait comme on suit un courant qui nous emporte et nous ramène.
La parole n’est à personne. Parler à tour de rôle est seulement une façon de ne pas laisser
mourir le mouvement, de pratiquer activement la poésie. « Comment faire pour que le feu brûle
toujours ? »
La voix des acteurs est le point de passage entre un mouvement intérieur et sa dissolution dans le bain
acoustique du monde : la forme émergée d’un mouvement qui apparaît et disparaît.
Elle rend poreux les corps animés ou inanimés du plateau - imbibe le réel jusqu’à ce qu’il cède.
Ses vibrations témoignent des passages secrets qui la relient à la rumeur du monde.
L’immatérialité des récits vient se déposer sur les matières organiques de la table – travaille le
vivant – les corps, la nature morte - jusqu’à sa ruine.
Dans notre dispositif, la lumière, le son, l’image, la voix, le texte, les corps – leurs rapports sont les composants des mélanges et des réactions chimiques du plateau, fusionnantes ou
corrosives.
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- Ce silence est si grand, dit Suzanne, qu’il semble que nulle feuille ne pourra plus jamais tomber, que
nul oiseau ne pourra plus jamais prendre son vol.
- Comme si un miracle avait eu lieu, dit Jinny, et que nos vies se soient immobilisées à un point de
l’espace et du temps
- Mais écoutez plutôt le bruit formidable du monde en marche à travers les abîmes de l’espace infini.
Ce coin éclairé de l’histoire disparaît avec nos rois et nos reines ; nous passons, et avec nous notre
civilisation, le Nil et toute vie. Nos gouttelettes séparées se dissolvent en un tout, nous nous
engloutissons, perdus dans les abîmes du temps, dans les ténèbres.
- Le silence tombe, le silence tombe goutte à goutte. Mais j’entends tout à coup le tic-tac de l’horloge
et les couacs des voitures. Le monde nous rappelle à lui. Pendant un instant, j’ai cru percevoir les
rugissements du vent des ténèbres, comme si nous avions dépassé la vie. Mais ces bruits familiers
nous ramènent à terre. Nous touchons le sol ; nous regagnons le rivage ; nous sommes six personnes
assises autour de cette table.
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Intentions
L’ordre normal est aboli
Voici la chambre où il va entrer. Voici la table où il va s’asseoir. Ici, si incroyable que cela soit, se posera
son corps. Cette table, ces chaises, ce vase de métal et ces trois fleurs rouges sont tout près de subir une
extraordinaire transformation. Déjà cette chambre, avec ses battants de portes qui s’ouvrent sans cesse,
ses tables chargées de fruits et de viandes froides, a l’aspect irréel et flottant d’un endroit où quelqu’un
attend que quelque chose ait lieu. Les choses frémissent comme si elles s’apprêtaient à naître (…)
L’ordre normal est aboli.
Ce qui va passer la porte, ce n’est pas Perceval : c’est une nouvelle intensité.
Invoquer Perceval, c’est désirer que la réalité s’exacerbe et se transforme, c’est accueillir une nouvelle
dimension de l’être et du réel.
Cette libération est le fruit d’un travail poétique qui interroge sans cesse les limites de la perception,
résiste à un appauvrissement du vivant.
Les choses frémissent comme si elles s’apprêtaient à naître.
Le théâtre est le moment et la chambre de révélation.
Ceux qui attendent qu’un déplacement ait lieu, que l’ordre usuel des choses soit aboli au profit d’une
autre expérience de la réalité, c’est tout ensemble acteurs et spectateurs qui se réunissent rituellement
pour éprouver la plasticité du réel - activité à laquelle les locuteurs des Vagues s’exercent
incessamment.
Les choses frémissent comme si elles s’apprêtaient à naître.
Comme Jinny, Rhoda, Suzanne, Louis, Neville et Bernard, nous sommes toujours au début, nous
recommençons le monde, naïvement et lucidement - depuis nos lieux de créations, qui sont à la fois le
point d’une convergence du collectif et celui de nos utopies poétiques.
Cette chambre à soi qui est notre lieu nécessaire de soustraction du monde pour retrouver le monde –
notre lieu de travail.
Les réalités de l’atelier ne sont pas seulement ce qui est observé (comment le monde est
assemblé), mais l’expérience visuelle, et souvent corporelle ou phénoménologique que l’artiste en fait
(comme cela est expérimenté).
Les Vexations de l’art, Svetlana Aspers
Immensités intérieures
Place aux rêveurs et à ceux aspirent à la possibilité d’une vie indifférenciée reliée aux pulsations
archaïques du monde, qui puisent dans leur enfance la certitude d’une connaissance magique de la
nature (ils rêvent d’y disparaître).
Ils savent que la parole est avant tout un envoûtement, un appel, une séduction pour que le réel penche
gentiment sa tête. Révéler des objets, des espaces et des corps, non pas une face inaccessible, mais
d’autres échelles, des profondeurs, une incertitude - que les mots ne servent pas à assigner le réel dans
des logements tous faits mais servent à le déloger, à l’étirer.
C’est à cette subtile activité, à cette chimie des mots sur les choses, que les locuteurs des Vagues nous
convoquent. Ce qu’on partage ici, plus substantiellement que le repas, c’est le poème, qui fait
graviter toutes les particules du monde autour de la table.
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J’ai passionnément souhaité de voir chanceler la forme de la commode, de sentir le lit s’amollir sous
mon poids, de flotter suspendue, et d’apercevoir des arbres étirés par la distance, des personnages
rapetissés par l’éloignement, et un talus sur la plaine où deux personnes désespérées se disent
adieu (…) j’ai voulu dilater la nuit, et y faire entrer sans cesse de plus en plus de rêves… J’ai jeté
mon bouquet dans la vague qui déferlait sur la berge. « Consume-moi » me suis-je écriée, « emportemoi jusqu’aux dernières limites de tout… ». La vague a reflué ; le bouquet s’est fané. Maintenant, je
ne pense plus que rarement à Perceval.
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Les Vagues dans le parcours de l’Atelier hors champ
Les axes de travail précisés dans ce dossier creusent des directions qui font l’objet des créations de la
compagnie depuis plusieurs années.
Les textes de Pessoa (Salomé) et de Michaux, de Duras (La pluie d’été) avaient permis de questionner
la dissolution du jeu, la dissolution de soi, l’exil et la porosité des frontières intimes.
Puis Variations sur la mort de Jon Fosse avait été la matière d’une distribution chorale, où la
multiplicité des soliloques prenant en charge le récit défaisaient le personnage, faisaient apparaître
l’acteur. La question de la revenance y était bien sûr centrale sous la figure de la jeune fille, à la fois
présence charnelle et fantôme.
Les espaces-temps y étaient poreux, circulaires et stratifiés.
Cet intérêt pour des textes-partitions où la musicalité et le corps sont toujours les portes d’entrée du
travail s’était poursuivi avec l’adaptation des Cahiers de Nijinski (Au Hommes) : langue ré-inventée,
incandescente, allant à la perte et à son éclatement, jusqu’au balbutiement.
D’autres travaux autour des écrits bruts et de la folie confirmaient l’intérêt de la compagnie pour des
langues-corps, travaillées par la question de la dissociation. « Je ne suis pas un, je suis un million ».
Les derniers travaux de la compagnie fouillaient également la question de l’espace du plateau comme
site archéologique (Macbeth Kanaval, Le Banquet, La Tour). Ces dispositifs qui mettent en
perspective simultanément plusieurs espaces-temps, les histoires et leurs polysémies sont travaillés dès
l’origine par la lumière, l’image, le son, les corps et les voix.
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Mes racines descendent à travers les veines de plomb, les veines d’argent, à travers la terre humide
d’où s’exhale une odeur de marécage, jusqu’à un nœud central fait de fibres de chêne. Aveugle et
sourd, les yeux et les oreilles scellés par la terre, j’entends partout les rumeurs guerrières et la voix
du rossignol ; je sens résonner en moi le pas précipité d’innombrables hordes humaines errant ça et
là en quête de civilisation, comme des bandes d’oiseaux migrateurs en quête de l’été. J’ai vu des
femmes porter des cruches rouges sur les berges du Nil. Je me suis réveillé dans un jardin, avec un
coup brusque sur la nuque et le baiser brûlant de Jinny ; et je me souviens de tout cela comme on se
souvient de cris confus, de colonnes qui chancellent et de lambeaux rouges sombres au cours d’un
incendie nocturne. Ma vie se passe à m’éveiller puis à me rendormir.
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L’équipe – Les Vagues (en cours de distribution)
Mise en scène
Pascale Nandillon
Née en 1966. Comédienne, elle travaille avec Bruno Meyssat, David Moccelin, Pascal Kirsch, Marc François,
Vincent Lacoste, Noël Casale, Agathe Alexis, J.C. Grinevald, Jean-Yves Lazennec, Eric Vautrin, Sébastien
Derrey. Elle rencontre Antoine Caubet, Joël Pommerat, Anita Picchiarini, Ariane Mnouchkine au cours de stages
de recherche. De 2002 à 2004, elle participe à la création sous l'égide de l'AFAA, dans le cadre de Tintas frescas,
à l'Université Catholique du Pérou, avec Bruno Meyssat : Exécuteur 14 d'Adel Hakim (Traduction et
dramaturgie). En 2000, elle crée l'Atelier hors champ dont elle signe les mises en scène : L'Insoumis d'Henri
Michaux, Salomé de Fernando Pessoa, La pluie d'été de Marguerite Duras, Variations sur la mort de Jon Fosse,
Au Hommes d'après Les Cahiers de Nijinski, Le petit poucet de Caroline Baratoux, Forces. Éveil, l’Humanité,
triptyque d’August Stramm, Macbeth Kanaval, d’après Shakespeare.
De 2009 à 2012, elle est artiste associée à l'Espal-scène conventionnée (Le Mans).
Création d’une pièce de théâtre, d’une pièce radiophonique et d’un film avec les habitants du quartier des
Sablons au Mans (2008-2009), à partir du roman La Pluie d'été de Marguerite Duras.
Création théâtrale, 2010, avec les habitants du quartier des Sablons et les acteurs de la compagnie autour de
Variations sur la mort de Jon Fosse.
Création en 2011 de La Promenade de Fritz d’après R.Walser avec des enfants du quartier des Sablons au
Mans.
Réalisation d’un film en 2012, La Tour, dans le quartier des Sablons.
Co-mise en scène, lumières, images
Frédéric Tétart
Né en 1971. Formé à la musique classique et aux arts plastiques, il explore les domaines de la vidéo, de la
photographie, du son, de l’installation, et de l’écriture. Il expose ses travaux en France et à l'étranger. Il crée des
lumières, du son et des scénographies pour la danse (Carole Paimpol, Laurence Rondoni, Tal beit-Halachmi…),
le théâtre, et pour des installations dans l’espace urbain (Requiem 2006). Co-dirige le laboratoire et le festival
pluridisciplinaire Descent-Danse de 1998 à 2001 à Tours. Travaux récents : Rudiments et Personne, expositions
photographiques (2005, 2007, 2010) ; films sur le danseur butô Ko Murobushi et le musicien A. Mahé,
(Cinémathèque Française et vidéo-danse 2002-2011) ; création musique et lumière pour les solos de danse de L.
Rondoni (À vue, 2001) ; collaboration à la scénographie pour le spectacle "Chien de feu" avec A. Mahé, C.
Zingaro, J.F. Pauvros… 1997. Depuis 2007, il collabore au travail théâtral, radiophonique et cinématographique
de l’atelier hors champ avec les habitants du quartier des Sablons (La Pluie d'été de Duras, La Tour, film) et aux
créations (lumière et son de Forces. Éveil, l’humanité d’August Stramm, musique pour Le petit Poucet,
scénographie, lumière et son pour Macbeth Kanaval …)
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Jeu
Serge Cartellier
Comédien, danseur, il aborde le texte avec Isabelle Nanty, Françoise Roche, Patrick Bonnel et les mouvements
avec Christine Burgos, David Melon, Olivier Besson. Il participe aux créations de Marc Francois, Pascal Kirsch,
Catherine Vallon, Pascale Nandillon, Séverine Batier, Sébastien Derrey, Fabien Dariel et Philippe Jamet, Toméo
Vergès, Claire Guerrier, Perrine Mornay dans une approche liée au mouvement. Praticien de la Méthode
Feldenkrais™, titulaire d’une maîtrise en Art du Spectacle, il dirige régulièrement des ateliers de théâtre, de
mouvement et des entraînements pour acteurs. Collaborateur artistique de Pascale Nandillon sur Variations sur
la mort, Au Hommes, Le banquet, et acteur dans Macbeth Kanaval, il travaille également avec Perrine Mornay
comme consultant dramaturgique. Il a mis en scène Agatha de Duras, un travail d’improvisation vocale à partir
de textes de Pessoa et plusieurs spectacles avec la compagnie Les Pas Tentés dirigée par Sophie Faria.
Aliénor de Mezamat
Elle a étudié les lettres et la philosophie (Maîtrise et DEA consacrés à Claude Régy) et s'est formée comme
comédienne à l'Ecole et Compagnie de théâtre universitaire Les Indifférents dirigée par Michel Nebenzahl
(Nanterre, 2002-2004) et dans des stages avec Olivier Besson, Pascale Nandillon, Gilles Groppo, Serge Ricci,
Isabelle Catalan, Laurence Ferreira Barbosa.
Elle joue sous la direction de Pascale Nandillon (qu’elle assiste pour Macbeth Kanaval), Michel Nebenzahl,
Claire Chollet, Ingrid Bertol, Clyde Chabot, Urszula Mikos. Elle met en scène les créations Jeanne et Luce de
Lune au sein de la Compagnie du dehors qu'elle codirige entre 2008 et 2011 avec sa fondatrice Claire Chollet.
Sophie Pernette
Née en 1971, formée à la danse, au mime et au chant, elle travaille avec Dominique Minot, Laëtitia Brun,
François Joxe, puis Joël Pommerat, Sophie Renauld pour Hantés au théâtre de la Villette. Elle adapte et met en
scène L'innondation de Zamiatine au théâtre du Chaudron et Les lettres de Lila avec Séverine Batier. Elle
participe aux créations de l'Atelier hors champ (La Pluie d’été de Duras ; Variations sur la mort, Au Hommes,
Forces. Eveil, l’Humanité, Macbeth Kanaval) et entre 2007 et 2009 à la résidence de l'Atelier hors champ à
l'Espal (Le Mans) pour un travail avec les habitants des Sablons à partir du roman La Pluie d'été de Duras.
Jean- Benoit l'Héritier
Formé aux Beaux-arts de Clermont-Ferrand, il poursuit durant une dizaine d'année un travail de plasticien puis
se tourne vers le théâtre. Il suit des formations auprès de Jean-Paul Wenzel, Agnès del Amo, Frédéric Fisbach,
Pascale Spengler, Pascale Nandillon, Patrick Haggiag. Il est depuis quinze ans comédien et parfois scénographe
pour de nombreuses compagnies : les Foirades, l'atelier Hors-champs, Brut de Béton production, le groupe de
travail UBERYOU, compagnie Senso Tempo. Il participe à la création du Collectif Permaloso comme comédien
et plasticien. C'est un fidèle compagnon de l'atelier Hors-champs depuis 2007 il participe à un travail de
laboratoire, puis prends part au "Banquet", "Le Petit Poucet", "La Tour" et actuellement "Par les Nuits".
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Nouche Jouglet Marcus
Elle a suivi des formations avec Anatoli Vassiliev, Patrick Haggiag, Joel Pommerat, Alain Gintzburger, Philippe
Goyard, Alain Recoing, Pascale Nandillon.
Comédienne depuis 1989 sous la direction de Bruno Boussagol, Bruno Castan, Pierre Olivier-scotto, Patrick
Haggiag , Pascale Spengler, Jean Vincent Lombard, Dominique Dolmieu, Mustapha Aouar, Estelle Charles,
Pascale Nandillon, Nadege Prugnard, sur des textes tant contemporains que classiques
En 1996 elle crée La boite à chuchotements, tête-à-tête pour un spectateur. Par ailleurs elle enregistre
régulièrement pour France culture. En 2007 elle participe à la création du Collectif Permaloso comme
comédienne.
Nicolas Thevenot
Il est diplômé Ingénieur de l¹Ecole Centrale des Arts et Manufacture de Paris. Il a travaillé comme ingénieur
technico-commercial dans le secteur de l¹énergie, voyage régulièrement en Amérique du sud.
Il joue sous la direction de Pascale Nandillon dans les créations de l¹Atelier hors champ : Salomé de Fernando
Pessoa, La pluie d¹été de Marguerite Duras, Variations sur la mort de Jon Fosse,"le Banquet ou l¹Atelier du
Regard", ainsi que dans « La Tour « (projet cinématographique). Il réalise avec la participation de comédiens de
l¹Atelier hors champ des tableaux photographiques pour diverses expositions :
* Violaine la rouge, reportage fictionnel d¹une jeune « rouge » vendant Lutte Ouvrière
* Executive Life / Execute Life : série de tableaux baroques mêlant réminiscences historiques cauchemardesques
et scènes de la vie quotidienne. Il écrit et réalise un long métrage en vidéo numérique basé sur les écrits
d¹Héloïse et Abélard, et inspiré du personnage de Veronika dans La Maman et la putain de Jean Eustache et d¹un
séjour professionnel à Mathura (Inde). Il a participé en juillet 2011 à un stage organisé par le Work Center avec
Thomas Richards.
Lumière, régie lumière
Soraya Sanhaji
Elle est titulaire du Diplôme des Métiers d’Art Régie Lumière au Lycée Guist’hau de Nantes (2012) et se dédie
à la création lumière.
De 2010 à 2012 elle complète sa formation en participant aux stages d’accueil lumière sur les spectacles : Temps
de W. Mouawad au Grand T (Nantes), Tartuffe de Lacascade au Grand T (Nantes), Ma chambre froide de
J.Pommerat au Grand T (Nantes), Finnegans Wakes de Antoine Caubet au théâtre de l’Aquarium (Paris), Stomp
au théâtre de la Fleuriaye (Carquefou), Nature morte dans un fossé au théâtre du Jardin de Verre (Cholet).
Elle assiste la régie lumière pour la scène de musique actuelle du Chabada à Angers, pour des soirées et des
concerts, pour le festival d’arts de rue Chalon dans la rue, pour la compagnie de danse NGC25, pour le nouveau
Théâtre d’Angers à l’occasion du festival Cirque[s], pour le théâtre du Jardin de Verre, à l’occasion du festival
de théâtre des Arlequins (Cholet). Elle fait l’acceuil des compagnies et la régie lumière à l’occasion du festival
de danse contemporaine Dies de dansa (Barcelone)
Elle co-signe la lumière de la précédente création de Pascale Nandillon, Macbeth Kanaval.
Création costumes
Odile Crétault
Elle est costumière pour Dernières Noces de Carole Paimpol. Elle travaille régulièrement pour Marie Vayssière :
Il faut faire plaisir au client en 2000, l’art de la comédie en 2006 ; pour Alexis Armengol : I’m Sorry en 2005,
IKU en 2004 ; pour Gilles Bouillon, le songe d’une nuit d’été en 2004 et la Compagnie Hors saison, Cyrano en
2008 ; pour Didier Bezace, Philippe Adrien et Dominique Collignon-Morin : Par la taille en 2000.
Pour l’Atelier hors champ sur Forces. Éveil, l’Humanité en 2010 et Macbeth Kanaval en 2012.
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L'Atelier hors champ
Pascale Nandillon, metteur en scène, crée L'Atelier hors champ en 2000. D’abord laboratoire de recherche
accueillant comédiens professionnels et amateurs, cinéastes et plasticiens, la compagnie se professionnalise en
2003 et travaille depuis en fidélité avec une quinzaine de personnes. Elle est implantée depuis 2010 en Pays de la
Loire.
Créations de la compagnie
- L'Insoumis d'après Henri Michaux - L’Ermitage (Paris) – 2000
- Salomé d'après Fernando Pessoa - La Girandole (Montreuil) – 2001
- La Pluie d'été de Marguerite Duras - La Guillotine (Montreuil) - 2002, 2003
- Variations sur la mort de Jon Fosse - Créé en 2005 à La Fonderie (Le Mans) et joué au théâtre Berthelot
(Montreuil) et à l'Echangeur (Bagnolet). Il a bénéficié d'une aide à la création de la DRAC Ile-de-France.
- Au Hommes d'après Les Cahiers de Nijinski - Créé en 2007 à La Fonderie (Le Mans) et joué au théâtre
Berthelot (Montreuil), à L’Anis Gras (Arcueil) et dans le cadre du festival ActOral (Théâtre des Bernardines,
Marseille). Reprise en 2010 au T.U. De Nantes, en partenariat avec Le Grand T et l’Espal au Mans.
- D'une parole à l'autre (2007 – 2009), projet sur la mémoire et ses transmissions destiné à des personnes issues
de l'immigration, à Montreuil sous Bois. Réalisation d'une création théâtrale, d'un film documentaire et d'une
exposition : Les HistoRécits.
- Le Bruit du temps, création scénique et radiophonique (2009) dans le cadre des ateliers de recherche des
Bernardines en partenariat avec l’hôpital psychiatrique Edouard Toulouse (Marseille).
- Le petit Poucet de Caroline Baratoux. Spectacle pour enfant créé en 2008 à l’Anis Gras (Arcueil) et joué à La
Ferme de Bel Ebat (Guyancourt), au Théâtre Berthelot (Montreuil). Reprise en 2009 à l'Espal (Le Mans), à
l’Espace Culturel André Malraux (Kremlin-Bicêtre), au Théâtre Dunois (Paris). Il a bénéficié d'une aide à la
création de la DRAC Ile-de-France.
- Forces. Éveil, l’Humanité d’August Stramm, création en Janvier 2010 au Théâtre Vidy-Lausanne.
Coproduction l’Espal, la Fonderie, La Ferme de Bel Ebat à Guyancourt
- Macbeth Kanaval, d’après William Shakespeare, création en novembre 2012 à La Fonderie (Le Mans), et joué
en 2013 au Grand Théâtre de Calais, T.U de Nantes, Théâtre du Soleil, L’Echangeur de Bagnolet. Il a bénéficié
des aides à la création de l'Etat - Préfet de la région Pays de la Loire, du Conseil régional des Pays de la Loire, de
la Spedidam, de l'Adami, de la ville du Mans, et de l’aide à la production d'Arcadi.
Entre 2009 et 2013, Pascale Nandillon a été artiste associée à L’espal-scène conventionnée (Le Mans). Entre
2007 et 2013, l'Atelier hors champ est en résidence à l'espal pour des travaux théâtraux, radiophoniques et
cinématographiques avec les habitants du quartier des Sablons au Mans, rassemblant les acteurs de l'atelier
et des participants amateurs (adultes et enfants).
- 2008 - 2009 : Création d’une pièce de théâtre, d’une pièce radiophonique et d’un film à partir du roman La
Pluie d'été de Marguerite Duras.
- 2010 : création théâtrale avec les habitants du quartier des Sablons et les acteurs de la compagnie autour de
Variations sur la mort de Jon Fosse.
- 2011 : création théâtrale avec des enfants des Sablons, La promenade de Fritz, d’après R.Walzer.
- 2010 - 2013 : La Tour, projet cinématographique et radiophonique dans une tour HLM des Sablons
(site dédié www.la-tour.net).
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(…) Notre seul désir serait de rejoindre le corps maternel dont la vie nous a séparés (…)
L'écharpe jaune de Jinny prend sous cet éclairage la couleur d'un papillon de nuit ; Suzanne a les
yeux battus. Nos silhouettes se confondent avec l'eau du fleuve. La braise d'une cigarette est la
seule lueur qui brille parmi nous. Notre satisfaction se teinte de tristesse : la tristesse de vous
avoir laissés seuls, la tristesse d'un déchirement, la tristesse d'avoir cédé au désir d'exprimer
dans la solitude le jus sombre, le jus amer d'un fruit qui était aussi plein de douceur (…)
- Le feu qui nous consume n'a épargné aucune boucle de cheveux, aucun de ces souvenirs qu'on
enferme dans des médaillons, dit Jinny.
- Et moi, dit Suzanne, comme un jeune oiseau livide, je crie encore vers quelque chose qui m'a
échappé.
- Faisons halte un instant avant de repartir, dit Bernard. Faisons les cent pas sur la berge, dans la
solitude presque complète. Les gens sont rentrés chez eux. C'est rassurant de voir s'éclairer les
lumières des petits boutiquiers de l'autre côté de la rivière... Les chambres à coucher s'éclairent
l'une après l'autre. Que pensez-vous qu'ils aient gagné aujourd'hui ?
- Assis côte à côte à cette table étroite, dit Neville, que ressentons-nous, maintenant que notre première émotion s'est effacée ? Sincèrement, sans détours, comme il convient à de vieux amis qui se
sont donné beaucoup de peine pour arriver à se réunir, que ressentons-nous ?
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(…)
me dilater sans fin, en cercles de plus en plus larges qui comprennent l’univers (c’est
ce dont je rêve la nuit, quand mon lit flotte suspendu par delà le rebord du monde).
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