SPÉCIAL 8 MAI
Le Point 1703 | 5 mai 2005 | 31
ART PRESSE
AFRIQUE
EUROPE
Libreville
Douala
Tripoli
Tunis
Paris
Casablanca
Faya-
Largeau
Zouar
Ghadamès
Swansea
Strasbourg
Berchtesgaden
Hull
Utah Beach
Koufra
0 500 1 000 km
2e DIVISION
BLINDÉE
(2e DB)
FORCE “L”
8e Armée
britannique
Colonne volante
2e DIVISION
FRANÇAISE LIBRE
(2e DFL)
COLONNE
LECLERC
Unités
d’Afrique
du Nord
Évadés par
l’Espagne
25 août 1940
1er août 1944
25 août 1944
22 avril 1944
24 janvier 1943
8 mai 1943
4 mai 1945
des autochenilles Citroën dans les sables saha-
riens. En réalité, il s’agit d’une entreprise risquée.
Des forts défendus par les Italiens, alliés des Alle-
mands, sont disséminés çà et là. Et Leclerc a si
peu de moyens… Pendant plusieurs semaines, il
s’attelle à rassembler une force composite qui se
baptise la « colonne saharienne », puis plus tard la
« colonne Leclerc ». Six mille hommes, pour la plu-
part africains, et 500 Européens. Sur la carte, une
oasis tracasse Leclerc : Koufra. En plein désert li-
byen, la citadelle italienne menace ses plans. Il lui
faut la prendre. Même si ses principaux collabo-
rateurs, tel le capitaine Massu – qui deviendra le
général de la guerre d’Algérie –, trouvent l’expé-
dition insensée. Même si des officiers méharistes
disent haut et fort que le raid est pure folie ! Cent
Européens seulement sont de la partie, assistés
par 250 tirailleurs sénégalais du Tchad.
La ruse du canon. Leclerc n’en démord pas.
Quand il donne l’ordre de départ, tout est prêt.
« Pour utiliser 100 litres d’essence, il fallait en faire
venir du Gabon dix fois plus ! » explique le colonel
Maurice Courdesses, ancien volontaire de la divi-
sion Leclerc. Arrivé aux abords de la citadelle du
désert, Leclerc ruse comme il peut. Il n’a qu’un
seul canon, un 75 de montagne. « On a tiré comme
des fous, en déplaçant chaque fois la pièce, raconte
Daniel Pevot, l’un des trois survivants de Koufra,
aujourd’hui âgé de 85 ans. Ils ont cru qu’on avait
plusieurs batteries ! Les 300 Italiens et Allemands du
fort se sont rendus sans coup férir. » La victoire
auréole la France libre. Même la BBC – c’est tout
PAR OLIVIER WEBER
Q
uand il s’élance pour reconquérir l’Afrique,
en 1940, Leclerc est bien seul. Il ressemble à
Albert Londres devant la cathédrale de Reims
bombardée par les Allemands, durant l’autre guerre,
celle de 1914 : « Nous étions deux, moi et ma ciga-
rette… » La cigarette de Leclerc, en l’occurrence,
c’est sa canne. Pas encore le légendaire bois qu’il
arborera à tout crin, mais un plant de caféier of-
fert par un volontaire de la France libre. Il la perd
au Cameroun et fonce aussitôt dans une boutique
de Douala pour s’acheter une vraie canne. Ce bout
de bois est un signal de ralliement, un indice de la
volonté du colonel Leclerc de libérer la France. Le
fétiche aussi de son incroyable épopée, des sables
du Sahara au nid d’aigle de Hitler.
Avec son stick, svelte, débordant d’énergie,
rayonnant, Leclerc, un ancien de Saint-Cyr issu
d’une vieille famille aristocratique, de son vrai
nom Philippe de Hauteclocque, va rassembler les
Français d’Afrique. Envoyé sur le continent noir
par le général de Gaulle pour rallier les colonies
de l’Empire français, il a déjà mis dans sa besace
le Cameroun et le Gabon. Les Français d’Afrique
le respectent pour son charisme et, déjà, ses faits
d’armes. Blessé à la tête pendant la campagne de
1940, il a réussi à s’enfuir alors que les Allemands
encerclent l’hospice où il est soigné. A Londres,
où il apprend sa condamnation à mort par contu-
mace par le gouvernement de Vichy, le capitaine
Philippe de Hauteclocque se met au service de la
France libre. Pour ne pas mettre en péril sa femme
et ses six enfants, restés en France, il adopte le
pseudonyme de Leclerc.
Koufra, coûte que coûte. De Gaulle n’hésite pas
un seul instant devant ce brillant officier de cava-
lerie et l’expédie en Afrique. Un voyage mouve-
menté l’attend : l’hydravion de Leclerc, le « Clyde »,
heurte le mât d’un bateau de pêche à l’escale de
Lisbonne. Leclerc s’en sort, arrive au Nigeria, passe
au Cameroun, libère Douala. Entre-temps, sur l’une
des trois pirogues de sa petite armée de 23 parti-
sans, il est nommé colonel par le capitaine Hettier
de Boislambert… qui arrache deux galons d’ar-
gent de sa manche pour les apposer sur celle de
son supérieur ! Leclerc s’excusera de cette auto-
promotion auprès du général de Gaulle. « Seuls les
résultats comptaient », écrit-il au Général. Le Came-
roun se rallie à la France libre. Première victoire.
De Gaulle n’en attendait pas moins. La voie est
libre pour faire basculer l’Afrique.
Une fabuleuse aventure commence alors, faite
de sang, de bluff, d’audace. Leclerc a pour tâche,
ni plus ni moins, de livrer bataille dans le désert
et de foncer vers la Libye, occupée par les Italiens
et les Allemands. Sur la carte, le trajet ressemble
à un itinéraire de la croisière noire, cette aventure
Les « people »
de la 2e DB
Le capitaine Alain de
Boissieu, commandant
l’escadron de protection
à l’état-major de la
division. Epousera Elisa-
beth, fille du général de
Gaulle, en 1946. Général
d’armée depuis 1971 et
chef d’état-major de
l’armée de terre.
L’adjudant-chef Legrand,
dit Jean Nohain, dit Ja-
boune. Grièvement
blessé devant Stras-
bourg, le 23 novembre
1944. Deviendra présen-
tateur vedette de télé-
vision, animant « Reine
d’un jour » et « Trente-
six chandelles ».
Son frère, le capitaine
Claude Legrand, dit
Claude Dauphin. Chargé
des liaisons avec les
autorités américaines
à l’état-major de la
division. Il mènera une
carrière de comédien.
Le second maître Jean
Alexis Moncorgé, dit
Jean Gabin, du 2e
escadron du régiment
blindé des fusiliers
marins. Il a déjà tourné
plus de 30 films quand
il s’engage en 1943 dans
les FFL.
Le capitaine Robert
Galley, commandant
le 501e régiment de
chars de combat (RCC).
Il épousera Jeanne, fille
de Leclerc, en 1960. Il
deviendra maire de
Troyes, député et minis-
tre de VGE (lui-même
ancien de la 1re armée
de De Lattre).
L’aspirant Yves Guéna,
du 4e escadron du
régiment de marche
de spahis marocains
(RMSM). Sera maire de
Périgueux, ministre de
Pompidou et de Giscard.
Président de l’Institut
du monde arabe.