sur le sort des individus arrêtés le 2 décembre ou par la suite. La
force
et l'arbitraire soulèvent les consciences quand leur règne se
prolonge après les événements qui ont pu paraître les justifier.
Les
deux cent dix-huit députés arrêtés à la mairie du Xe arron-
dissement, furent en principe libérés de suite. Certains refusèrent
leur élargissement pour faire éclater l'arbitraire de leur détention, et
on dut user de la force pour leur rendre la liberté. Pour certains, on
l'a
vu, le chemin de Mazas avait été le chemin de Damas, celui du
ralliement,
et sortis de prison ils se précipitèrent à
l'Elysée.
Mais
la liberté ne fut pas le sort de tous. Se transformant en
haut justicier le Président prit contre certains des détenus, à lui
seul,
arbitrairement, des mesures rigoureuses. Cinq d'entre eux,
considérés
comme ayant fait acte d'insurrection, furent soumis à la
transportation à Cayenne, transformée pour quatre d'entre eux en
exil
et pour le cinquième en déportation en Algérie. Soixante-dix dé-
putés de la Montagne, dont
Victor
Hugo, Schoelcher, Charras, qua-
lifiés
chefs du parti socialiste, furent
exilés,
d'autres
« qui s'étaient
fait
remarquer par leur hostilité violente », étaient « éloignés », tels
les
généraux d'Afrique : Le Flô, Bedeau, Changarnier, Lamoricière,
et
des hommes politiques comme Thiers, de Rémusat, Edgard Qui-
net, de Girardin 1. C'étaient 90 personnes dont la liberté était grave-
ment atteinte, qui subissaient pour la
plupart
la
dure
peine de
l'exil,
et
cela
sans jugement, par la décision tout arbitraire du
chef
de
l'Etat.
Restaient
les
26.000
détenus. A Paris ils étaient
4.000.
Les com-
missaires
de police et les juges d'instruction en élargirent un très
grand nombre. Ceux qui étaient prévenus de délits ou de crimes
véritables
furent déférés aux tribunaux ou aux conseils de guerre.
Ceux
que l'on considérait comme des révolutionnaires dangereux,
en vertu du décret du 8 décembre furent acheminés par bandes la-
mentables vers les ports pour être transportés. Beaucoup d'entre eux
furent exilés ou transportés en Algérie et échappèrent à Cayenne.
Pour les
22.000
incarcérés de province l'embarras était grand.
La
circulaire des ministres de la
Justice,
de la Guerre et de l'Inté-
rieur, créant les « commissions départementales mixtes pour le
prompt jugement des individus arrêtés à la suite des événements de
décembre
1851 2 », recommandait de statuer sur leur sort « dans le
1
Décret du 9 janvier
1852.
—
Taxile
DELORD,
Histoire
du
Second
Empire,
t. I,
P.
390,
noms
des bannis et des
«
éloignés
».
2
Circulaire des Ministres de la
Justice,
de la Guerre et de l'Intérieur relative à la
créa-