L'affiche est un moyen de communication de masse créé par la société industrielle. Cet
élément familier du décor urbain informe tout en proposant un miroir à l'époque
contemporaine ; avec poésie, humour ou cynisme, le monde moderne y dévoile sa vraie
nature ; la propagande s'y mêle à l'évasion, la consommation, à l'érotisme. Depuis près d'un
siècle, l'affiche a séduit un grand nombre d'artistes et popularisé, au moyen des arts
graphiques et de la photographie notamment, les innovations les plus audacieuses.
Si l'affiche illustrée de grand format est de création assez récente, les civilisations antiques
connaissaient déjà les rudiments de ce moyen de communication. En Grèce, les axones,
constituées par des tablettes de bois orientables, informaient le citoyen des décisions
émanant du pouvoir politique, mais également des règlements concernant les jeux. À Rome,
on inventa l'album, grand mur peint en blanc sur lequel on inscrivait tout ce qui concernait les
activités de la ville. L'affichage, parfois illustré, des Romains se répandit par la suite en Gaule,
mais disparut au Moyen Âge ; il fut alors remplacé par le criage, auquel s'ajoutait parfois
l'usage d'enseignes. Si l'imprimerie permit le développement de la production d'affiches, c'est
la révolution de 1789 qui, en investissant tous les secteurs de l'information, accorda à
l'affiche un rôle prépondérant. L'invention par Alois Senefelder, en 1798, du procédé
lithographique, qui ne devint toutefois véritablement opérationnel qu'aux environs de 1820,
marque un tournant dans l'histoire de l'affiche. On vit alors de grands noms se tourner vers la
création d'affiches : Paul Gavarni, Grandville, Daumier, Doré, etc. Il s'agissait la plupart du
temps d'affiches de librairie correspondant au droit acquis par les libraires d'imprimer et
d'afficher librement pour leurs besoins.
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Les corrélats
Daumier Honoré
Doré Gustave
Gavarni (Guillaume Chevalier, dit Paul)
Grandville (Jean Ignace Isidore Gérard, dit)
lithographie
Le règne de l'estampe et de l'Art nouveau
Avec Jules Chéret, qui augmenta considérablement les surfaces d'impression en utilisant
des pierres de grande taille, l'affiche de théâtre, de cabaret, de music-hall, aussi bien que
l'affiche publicitaire, connurent des moments de gloire, telle celle de Quinquina Dubonnet,
devenue désormais un classique. Il faut ajouter que la figure féminine mise en valeur par
Chéret engageait déjà la démarche publicitaire sur la voie d'un érotisme qui contribua
largement à sa rapide popularité. Avec Toulouse-Lautrec, Steinlen, Vallotton ou Bonnard,
c'était l'avant-garde artistique aux solutions graphiques audacieuses qui descendait dans la
rue à la fin du XIX
e
siècle. À leurs côtés, on vit apparaître une génération de grands talents
qui, à l'instar de Chéret, consacra l'essentiel de son activité à l'affiche. La plupart d'entre
eux furent des adeptes de l'Art nouveau : Eugène Grasset, Georges de Feure, Alphonse
Mucha, Privat Livemont, Jan Toorop, Thomas Theodor Heine, William Bradley, etc.
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Les corrélats
Art nouveau
Bonnard Pierre
estampe
Mucha Alphonse
Steinlen Théophile Alexandre
Toorop (Johannes Theodoor, dit Jan)
Vallotton Félix
Les livres
Toulouse-Lautrec - Jane Avril (1893), page 5232, volume 10
affiche - Affiche de Jules Chéret (1886), page 52, volume 1
Un nouveau siècle, un nouveau genre
Au tournant du siècle, le souci de lisibilité et d'efficacité succéda aux entrelacs décoratifs et
au cliché de la femme utilisée comme argument de vente. Cappiello fut peut-être le
premier à rompre avec la tradition en associant, dans une composition conçue pour
provoquer le consommateur, la dissonance des couleurs, l'outrance du graphisme,
l'incongruité du gag visuel, comme en témoignent ses créations pour le chocolat Klauss, la
ouate Thermogène et les automobiles Brasier. En Grande-Bretagne, les Beggarstaff
Brothers (James Pryde et William Nicholson) consacrèrent toute leur science à l'invention
d'une simplification graphique destinée à soutenir un monumentalisme adapté à l'affiche. En
Autriche, Koloman Moser apporta, comme dans ses illustrations pour la revue Ver Sacrum,
une invention graphique qui, par sa rigueur, fit école. En Suisse, Cardinaux, influencé par
Ferdinand Hodler, devint un des maîtres du genre avec le peintre Cunio Amiet. En
Allemagne, l'affiche, fortement influencée par le Jugendstil, trouva son meilleur
représentant en la personne de Ludwig Hohlwein. Lucian Bernhard, quant à lui, fut un des
pionniers de l'affiche publicitaire pour la promotion de produits de grande consommation.
Mais c'est aux États-Unis, atteints par les progrès de la mécanisation et par le gigantisme
des constructions urbaines, que naquit une véritable industrie de l'affiche. Elle eut
rapidement ses agences avec des affichistes solidement intégrés qui durent adapter leur
savoir-faire à des modèles prédéfinis.
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Les corrélats
Cappiello Leonetto
Hodler Ferdinand
Jugendstil
Les livres
tourisme - affiche d'Hugo d'Alési, page 5237, volume 10
Affiche et avant-garde artistique
En Europe, après la Première Guerre mondiale, ce sont tous les courants d'avantgarde qui
influencèrent le secteur de l'affiche et lui imposèrent des mutations décisives. Cubisme,
futurisme, constructivisme, suprématisme, voire le radicalisme d'une abstraction
géométrique issue du néoplasticisme de Mondrian, trouvèrent dans l'affiche des échos
particulièrement sensibles. En France, par exemple, Cassandre, Jean Carlu, Paul Colin,
Pierre Fix-Masseau surent largement tirer profit des recherches avant-gardistes. « Nord
Express » ou « Dubo Dubon Dubonnet » de Cassandre, aussi bien que « Monsavon » de
Carlu, sont désormais devenus de grandes références. En Russie soviétique, Vladimir et
Gueorgui Stenberg, El Lissitzky ou Alexandre Rodtchenko contribuèrent largement à
adapter la technique du photomontage à l'art de l'affiche. Aux Pays-Bas autour de De Stijl
et en Allemagne autour du Bauhaus, certains graphistes engagèrent, dans un esprit
rationaliste, une réflexion spécifique à la communication visuelle essentiellement fondée sur
la recherche typographique.
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Les corrélats
avant-garde
Bauhaus
Cassandre (Adolphe Jean-Marie Mouron, dit)
Colin Paul
constructivisme
futurisme
Lissitzky (Eliezer ou Lazar Markovitch Lissitski, dit El)
Mondrian (Pieter Cornelis Mondriaan, dit Piet)
néoplasticisme
Rodtchenko Aleksandr Mikhaïlovitch
Les livres
publicité - campagne publicitaire datant de 1937 et réalisée par Publicis pour les
chaussures André, page 4164, volume 8
publicité sur les grands boulevards, en 1934 (la), page 4165, volume 8
affiche - Affiche de Cassandre (1932), page 53, volume 1
affiche - Affiche de Lise Berset-Team pour Bally (1963), page 53, volume 1
Le cinéma et ses affiches
L'affiche cinématographique, utilisant habilement les procédés de collage, de superposition,
de changement d'échelles qui idéalisent le personnage de la « star », inventa son
vocabulaire. En France, Auzolle, avec son affiche pour le « Cinématographe Lumière » de
1896, avait déjà trouvé une présentation originale. Mais c'est aux États-Unis que
l'imprimerie A.B. See Lithograph of Cleveland créa, en 1909, la première affiche pour la
Motion Picture Patents Company, qui instaura un format et une mise en page incluant
l'image photographique spécifique. Avec la naissance du parlant, l'affiche allait, en France et
dans la plupart des pays d'Europe, mobiliser de grands créateurs comme Charles Loupot,
Cassandre, Paul Colin, l'affichiste devenant ainsi un personnage essentiel de la distribution
du film. Aux États-Unis, à partir de 1930, chaque étape de création de l'affiche – mise en
page, lettrage, illustration – fut confiée à un spécialiste, ce qui aboutit à une grande
uniformité de style dans les affiches élaborées pour chaque compagnie de distribution.
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Les corrélats
Cassandre (Adolphe Jean-Marie Mouron, dit)
Colin Paul
collage
Lumière (les frères)
Les livres
Jouvet Louis - Affiche pour Knock, page 2704, volume 5
Keaton Buster, page 2735, volume 5
Lumière (les frères), page 2934, volume 6
affiche - Affiche pour le film Metropolis, de Fritz Lang, page 52, volume 1
affiche - maquette d'affiche de Paul Colin, page 54, volume 1
France - publicité de la Gaumont, page 2046, volume 4
affiche - Affiche pour le film la Haine, de Mathieu Kassovitz, page 54, volume 1
L'après-guerre
Organe essentiel de la propagande politique avant la Seconde Guerre mondiale, l'affiche
joua pendant toute la durée du conflit un rôle mobilisateur de premier plan et, la paix
revenue, l'affiche publicitaire eut beaucoup de peine à retrouver sa place. Avec l'utilisation
systématique du gag visuel parfaitement insolite, Savignac, en France, parvint pourtant
assez rapidement à de belles réussites, et sa vache « Monsavon » posa de grandes
bouffées d'air pur sur les murs des villes qui se relevaient de leurs ruines. Sur cette voie, il
fut rapidement rejoint par Herbert Leupin, Hervé Morvan, Julian Key, etc. En dehors de la
tendance humoristique se développa un autre courant, abstrait celui-là, lié au
développement du design « fonctionnaliste » des objets produits en série et dans lequel
excellèrent les graphistes suisses, et notamment Josef Müller-Brockmann, Armin Hoffmann
et Karl Gestner. Le surréalisme et les formes libres de l'abstraction de Klee ou de Calder
donnèrent parfois à l'affiche une grande force poétique.
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Les corrélats
Calder Alexander
Klee Paul
Savignac Raymond
Les livres
publicité - affichette pour les produits Vichy datant des années cinquante,
page 4166, volume 8
publicité pour les bas Exciting parue dans le magazine Femina, en 1950,
page 4166, volume 8
syndicalisme - affiche antiparlementaire, en 1920, page 4993, volume 9
syndicalisme - affiche de la CGT à l'occasion de la fête du 1er mai 1936,
page 4994, volume 9
affiche - Affiche de Savignac pour Monsavon (1949), page 53, volume 1
affiche - Affiche du Polonais Jan Lenica pour l'opéra Wozzeck, d'Alban Berg
(1964), page 54, volume 1
affiche - Affiche de Shigeo Fukuda, page 55, volume 1
L'affiche aujourd'hui
Depuis le style psychédélique des années soixante et le style brutal de Mai 68, le fossé n'a
cessé de se creuser entre l'affiche culturelle – sans cesse renouvelée par le talent d'artistes
comme Folon ou Topor, sans oublier la production exceptionnelle de l'école polonaise (Jan
Lenica, Henryk Tomaszewski, Franciszek Starowieyski, Roman Cieślewicz) – et l'affiche
publicitaire où le réalisme photographique a pris le pas sur l'invention graphique. L'impact de
la publicité au service de la consommation est devenu tel dans les années soixante qu'un
grand mouvement artistique comme le pop' art, qui voulait intégrer le quotidien dans l'art,
s'est beaucoup inspiré de l'affiche. Simultanément, l'affiche a conquis un public de
collectionneurs et a trouvé place dans des musées.
Aujourd'hui, l'affiche se fait de plus en plus provocatrice. Jouant habilement de
l'abolition progressive des tabous, elle utilise tous les moyens possibles pour choquer, pour
heurter. La qualité à laquelle est parvenue la reproduction photographique de grande
dimension permet en particulier de pousser très loin la proposition érotique. De ce point de
vue, l'affiche de cinéma a incontestablement ouvert la voie.
L'affiche, qui doit désormais intégrer les résultats d'études de motivations de plus en
plus approfondies, devient davantage l'œuvre d'une équipe de stratèges que celle de
l'artiste solitaire. Élément essentiel du folklore urbain, changeant le visage de la rue, elle lui
prête le renouvellement de ses couleurs et aussi, fréquemment, son sourire.
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