La crise mondiale et l`Afrique. Philippe Hugon La crise actuelle est

La crise mondiale et l’Afrique. Philippe Hugon
La crise actuelle est la première mondiale : elle est globale,
monétaire, financière, économique, environnementale. De
financière elle est devenue économique et sociale. Elle montre
les limites de la financiarisation du capitalisme , du mode de
développement des pays industriels. Elle traduit également le
déplacement du centre de gravité du capitalisme et la montée
en puissance du second monde émergent.
Le Tiers monde n’a pas été épargné par cette crise
mondiale. Les crises africaines sont toutefois nombreuses,
alimentaires, environnementales, économiques, sociales ou
sécuritaires. Les pays africains sont impactés par cette crise
mondiale même s’ils le sont selon des intensités différentes du
fait de leurs dynamiques plus ou moins extravertie, de leurs
structures et politiques.
Notre intervention présente l’impact de la crise en Afrique,
différencie les économies africaines et gage certaines
perspectives.
I/ L’impact de la crise mondiale en Afrique
I.1 Les trajectoires passées de l’Afrique ont été marquées
par une relative marginalisation et stagnation en longue
période de l’Afrique. On avait toutefois noté une reprise
économique, un assainissement financier et une forte
différenciation des partenaires au tournant du XXI ème siècle.
12. La crise mondiale infléchit les trajectoires de l’Afrique
par :
-Le canal commercial et productif . La chute de la demande
de la part des pays industriels et émergents et la montée du
protectionnisme ont réduit les exportations africaines en
volume et en valeur. La baisse en valeur des exportations s’est
répercutée en termes de devises et de recettes budgétaires.
-Le canal financier. Les économies africaines ont été à court
terme relativement déconnectées de la crise financière exception
faite des pays intégrés au système financier (ex de ‘lAfrique du
Sud). Il y a eu toutefois baisse des IDE, des transferts des
migrants, de l’APD, des prêts bancaires, des crédits
commerciaux .
- Les risques et l’incertitude et les instabilités des prix et des flux.
Largement dépendantes des prix pétroliers, agricoles et
alimentaires les économies africaines subissent les effets de
l’extrême volatilité des prix rendant impossible toute prévision
et privilégiant ainsi des comportements court termistes.
L’ensemble de ces facteurs a conduit à une chute de plus
de l’ordre de 3 points du taux de croissance en 2009. Celui-ci
s’est situé à 2,5% contre 5,7% en 2007. Une chute de 1 point de
la croissance mondiale (pondérée en fonction des échanges par
partenaires commerciaux se traduit en moyenne par un recul
entre 0,3 et 0,5 points de la croissance africaine (Hugon 2009).
Dans l’ensemble les pays africains ont relativement maintenu
leur taux d’investissement (23%) et leur taux d’importation
(38%) alors que le taux d’épargne est pasde 24,5 à 17,6%, le
taux d’exportation de 40,8 à 32,1%. On a noté une aggravation
des trois déficits de la balance interne, de la balance courante et
du budget.
1.3 Il importe également de ne pas se limiter à la
partie visible de l’iceberg mais de prendre en compte
l’économie « informelle » et les dynamiques endogènes. Les
Africains ne disposent pas de mécanismes de protection sociale
jouant un rôle d’amortisseur de la crise. Moins de 10% de la
population africaine est bancarisée et la population active
employée dans le secteur moderne représente moins de 10% en
moyenne des actifs. La population africaine en deçà du seuil de
pauvreté a cru de 10% pour se situer à 550 millions en 2009. Le
nombre de mal nourris a fortement progressé.
II/ Les effets différenciés selon les économies africaines
2.1 Selon la BAD (juillet 2009), les taux de croissance prévisibles
pour 2009 seraient de 0,2% en Afrique australe, de 2,8% en
Afrique centrale, de 3,3% en Afrique du Nord, de 4,2% en
Afrique de l’Ouest et de 5,5% en Afrique de l’Est. Les pays
exportateurs de pétrole (+2,8%) seraient plus touchés que les
pays importateurs. Les pays à revenu moyen élevé (ex de
l’Afrique du Sud), les pays miniers et pétroliers sont plus
touchés que les pays les moins avancés. Les pays en conflits et à
forte défaillance institutionnelle connaissent des crises
largement déconnectées de la crise mondiale.
2.2 Des capacités différentes de résilience des Etats
Les effets de la crise diffèrent selon trois déterminants :
-Les régimes de développement. Structurellement, les régimes
rentiers, liés aux exportations de produits primaires notamment
d’hydrocarbures et minières (malédiction pétrolière, croissance
extravertie, enclaves minières ou pétrolières, importations
alimentaires), divergent des régimes d’accumulation extensive
ou intensive.
- Les vulnérabilités. On peut différencier les indicateurs de
vulnérabilité et de contrainte extérieures (déficits courants,
poids de la dette extérieure en % du PIB, réserves de change en
mois d’importation, indice de diversification) et les indicateurs
de contrainte interne (déficits publics, dette publique, solde
global en % du PIB..).
-Les politiques. Il faut intégrer les effets des politiques
internationales, (rôle de l’aide, de la gestion de la dette
extérieure, des conditionnalités), des politiques régionales
(programme de relance des banques régionales, effets
d’entraînement des pôles régionaux..) et les politiques
nationales de relance qui peuvent être de nature différentes
Tableau Diversité des vulnérabilités des pays africains à
la crise mondiale
Régimes
d’accumulation/
Contraintes
financières
Economies
agro
exportatrices
Régimes
rentiers
miniers et
pétroliers
extraverti
s
Régimes mixtes
accumulation
Déficits
extérieurs.
Contrainte
extérieure forte
_______________
___
Déficits publics
Poids élevé de la
dette publique.
Ethiopie, Côte
d’Ivoire.
Economies
sous
perfusion
Burundi,
Ghana,
Kenya,
Burkina Faso,
Madagascar,
Mali, Sénégal
Congo
Brazzavill
e, RDC,
Zambie
Mauritani
e, Congo
Brazzavill
e, Tchad
Afr Sud
______________
___
Pas de contrainte
financière forte
Pays
Libéria,Tanza
nie
Pays
pétroliers
(Algérie,
Angola
Nigeria) ;
Botswana,
Maurice, Maroc,
Tunisie
III Quelles perspectives ?
La crise traduit des ruptures. Elle peut également être une
opportunité pour réaliser des réformes. L’Afrique doit répondre
à un certain nombre de défis majeurs démographiques,
environnementaux, sécuritaires, alimentaires, d’urbanisation,
de changement de place dans la division internationale, de
sortie de relations post coloniales, d’amélioration des jeux de
contrepouvoirs et de séparation des pouvoirs permettant une
démocratisation .
3.1 Les enjeux sont internationaux
-Un rôle de relais en Afrique des pays émergents ?
-La voix de l’Afrique dans la nouvelle architecture
internationale-La stabilisation de l’environnement des marchés
internationaux
- La régulation d’un monde sans loi
3.2 Les enjeux sont également internes à l’Afrique. Nous
listerons quelques pistes de réformes :
-La valorisation du capital naturel et l’économie verte
-La sécurité alimentaire
-Les mesures contra-cycliques : la transition fiscale, la
déconnexion des budgets des fluctuations internationales ,
affectation des capitaux à des fins contra-cycliques,
-Les montées en gamme de produits dans les chaînes de valeur
internationale
- Un rôle accru de la Gouvernance régionale
Bibliographie
Afrique contemporaine Comment l’Afrique subsaharienne s’adapte
t elle à la crise ? 232 4-2009 (articles de Pierres Jacquemot,
Philippe Hugon, Marc Raffinot).
BAD (2009) Rapport sur l’impact de la crise sur l’économie africaine,
Tunis, avril -
BAD (2009), Les perspectives économiques de l’Afrique, juillet
Banque mondiale (2008), Les perspectives pour l’économie
mondiale, Washington, déc
H Ben Hammouda, M Sadni-Jallab, H Bachir (2009) La crise va-t-
elle emporter le sud ? L’effet d’esquive de la crise, à paraître Ellipses
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