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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Bouvard et Pécuchet
d’après Gustave Flaubert
Distribution
Adaptation et mise en scène : Michel Tanner
Avec
Guy Pion : Bouvard
Jean-Mérie Pétiniot : Pécuchet
Scénographie : Vincent Lemaire
Assisté de Aline Breucker
Lumières : Guy Simard
Costumes : Isabelle Chevalier
Assistante à la mise en scène : Béatrix Ferauge
Création coproduction du Théâtre de l’Eveil / Le Manège.Mons / Le Service Provincial des Arts
de la Scène (SPAS) / La Province du Hainaut / L’Atelier Théâtre Jean VIlar. Avec l’aide de la
Communauté française Wallonie-Bruxelles.
Dates : du 16 janvier au 23 février 2007
Lieu : Théâtre Blocry
Durée du spectacle : 1h50 sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles :
Adrienne Gérard
0473/936.976 – 010/47.07.11 – [email protected]
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I. Présentation du projet par Michel Tanner
Bouvard et Pécuchet, est une histoire de « rencontres ». Bien sûr direz-vous.
« Comme il faisait une chaleur de 33°, le Boulevard Bourdon se trouvait absolument
désert. Plus bas le canal Saint Martin, fermé par les deux écluses, étalait en ligne droite son
eau couleur d’encre […] et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche et la
tristesse des jours d’été […].
Deux hommes parurent.
L’un venait de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes.
[…] Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur
le même banc. »
Ceci est un extrait du début de l’ultime œuvre d’ailleurs de Gustave Flaubert, Bouvard et
Pécuchet, qui dans les éditions contemporaines est le plus souvent suivi du Dictionnaire des
idées reçues.
Il s’agit d’une des plus grandes histoires d’amitié jamais écrite même si son créateur
qualifiait ses protagonistes de « Cloportes ».
La création théâtrale de Bouvard et Pécuchet est également une histoire de rencontre
mais de rencontre entre - des - gens - qui - se - connaissaient - déjà - mais - qui - ne -
savaient - pas - qu’ils - pourraient - faire - ce - type - de - travail. Un jour, dans sa maison de
campagne hainuyère (le lieu n’est pas innocent), Guy Pion, l’indispensable directeur du
Théâtre de l’Eveil est touché par une grâce laïque et conçoit le projet de porter à la scène
une de ses lectures scolaires : Bouvard et Pécuchet.
Si vous connaissez Guy Pion, vous pouvez concevoir le reste (je n’ai pas dit imaginer).
Une rencontre avec le Manège.Mons, un rendez-vous avec l’Atelier Théâtre Jean Vilar, un
contact avec un complice de longue date, Jean-Marie Pétiniot, des recherches et des
demandes dans le monde théâtral de la communauté Wallonie Bruxelles et les retrouvailles
avec la Fabrique de Théâtre co-producteur. La commande est lancée et s’emballe après
quelques démarches par ci par là ; une équipe est créée.
Il faut prendre ce vocable « commande » dans le sens noble du terme. Les auteurs
classiques, les tragiques grecs répondaient à ce concept de commande, Shakespeare et les
Elisabéthains également et sans nous prendre, même pas de loin, pour ces génies qui ont
fait l’histoire du théâtre et l’histoire tout court, il faut affirmer que cette notion permet un
confort de travail et des possibilités de création à nulles autres pareilles. Il ne convient pas
de décrire ici les tenants et les aboutissants de la création mais de savoir que un an plus
tard, nous pouvions présenter notre Bouvard et Pécuchet, dans le cadre du Festival au
carré, avec pour étrange coïncidence qu’il faisait 33° (au moins) et que outre la salle et les
premiers publics, il nous fallait nous confronter avec des conditions climatiques peu
confortables et la concurrence du Mondial footbalistique qui allait voir l’Italie triompher
quelques temps plus tard.
Nous fûmes courageux, nous tînmes bon durant cette semaine, la récompense était au
bout, un formidable accueil qui englobait toute l’équipe et qui allait nous permettre de
poursuivre l’exploration de la « commande », de la montrer au plus grand nombre dans le
plus de lieux possibles ce qui est la plus grande des récompenses pour la bande de Bouvard
et Pécuchet.
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Personne dans le monde et dans la vie de cet art vivant qu’est le théâtre ne sait jamais
comment la réception d’un travail se fera. Aucun praticien ne peut avoir la prétention de dire
comment le public, les jeunes, les adultes, les spectateurs avertis, les autres, les
professionnels, les critiques, les publics scolaires vont réagir.
Nous avons été comblés pour nos premières représentations au Festival au Carré en
juillet 2006 et au Festival de Spa. Les spectateurs ont été intéressés par le fond et par la
forme, par la transcription d’une écriture romanesque qui prend près de 400 pages dans une
forme inachevée, vers une écriture théâtrale qui tend à montrer que les deux héros
flaubertien sont de géniaux protagonistes dans le sens le plus strict du terme, porteur d’une
action, d’un « conflit » théâtral magnifique. Ils sont tellement universels qu’ils fondent leur
force et leur puissance dans une forme à laquelle Flaubert n’avait même pas pensé.
II. Gustave Flaubert : biographie
Gustave Flaubert est né le 12 décembre 1821, à Rouen. Il est le deuxième enfant
d’un chirurgien réputé et d’une fille de médecin.
Après une scolarité sans enthousiasme au Collège Royal puis au lycée de Rouen, il
entreprend, en 1841, des études de droit qu’il abandonnera après trois ans, notamment en
raison de crises nerveuses. Flaubert est de famille bourgeoise. Les revenus de ses parents
lui permettent de vivre sans préoccupation financière, il se consacre alors exclusivement à
l’écriture.
Sa rencontre avec Élisa Schlésinger au cours de l’été 1836 est un élément important
de son adolescence. Elisa a 26 ans et est mariée, il n’a que 15 ans. Tout au long de sa vie,
Flaubert lui vouera une profonde passion. Cette rencontre inspire d’ailleurs à Flaubert
l’écriture de L’Education sentimentale. Des années après, il fait encore état de la flamme qui
le consume dans ses correspondances avec sa nièce « Je n'ai eu qu'une passion véritable.
J'avais à peine quinze ans. ».
En 1846, son père et sa sœur meurent successivement, celle-ci venait d’accoucher
d’une petite fille, que Flaubert prend en charge et avec qui il entretiendra une abondante
correspondance.
Il assiste à Paris à la Révolution de 1848 qu'il voit d'un œil très critique, une de ses
grandes préoccupations est de savoir quel sort sera réservé à l’art et il soutient le
gouvernement en place. A cette époque, il entame la rédaction de La Tentation de Saint
Antoine, roman qui le travaille toute sa vie et dont il livre au final trois versions.
Sous le Second Empire, il fréquente les salons parisiens les plus influents, comme
celui de Madame de Loynes dont il est très amoureux. Il y rencontre entre autre George
Sand. Mais Flaubert n’est pas seulement un homme d’intérieur, et il fait un long voyage en
Orient entre l'année 1849 et 1852. Outre ses voyages, c'est un homme sportif : il pratique la
natation, l'escrime, l'équitation, la chasse…
Entre-temps, Flaubert continue à écrire et Madame Bovary, son roman le plus
célèbre est publié dans La revue de Paris sous la forme de feuilletons en fin ‘56. L’ouvrage
provoque de vives réactions et fait l’objet d’un procès retentissant pour atteinte aux bonnes
mœurs. Flaubert est finalement acquitté. Madame Bovary est édité en avril 1857. Le livre
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connaît très rapidement un important succès en libraire, la première édition étant épuisée
après seulement quelques semaines.
Les voyages de Flaubert continuent et en 1858 il se rend à Carthage pendant trois
mois afin de se documenter pour rédiger Salammbô. L’action du roman se situe à Carthage
au IIIèmesiècle avant J-C. Flaubert voulait en effet s ‘éloigner du monde contemporain dans
son écriture. Ce roman relate la passion impossible d’un homme pour une femme, passion
qui déclenchera de violentes guerres. L’ouvrage paraît en ‘62.
Durant les années qui suivent, Flaubert multiplie les voyages, mais reste en Europe.
Son amitié avec George Sand se renforce et ils se rendent souvent visite. Il retravaille une
nouvelle fois La Tentation de Saint Antoine mais aussi L’Education sentimentale, dont la
première version date de 1844. Par ailleurs, il commence à méditer sur sa nouvelle création,
Bouvard et Pécuchet.
Le 6 avril 1872, la mère de Flaubert meurt. A cette époque, il a des difficultés
financières et sa santé est délicate. Toutefois sa production littéraire continue.
De 1877 à 1880, il s’atèle à la rédaction de Bouvard et Pécuchet, qu'il avait entamée
en 1872-1874. Mais la mort l'emporte, le 8 mai 1880, à Canteleu, au hameau de Croisset.
L’ouvrage paraîtra quand même, en publication posthume, en 1881.
De son temps à la fois contesté - pour des raisons morales - et admiré - pour sa force
littéraire -, Flaubert apparaît aujourd'hui comme l'un des plus grands romanciers de son
siècle.
III. L’œuvre de Flaubert
Gustave Flaubert est un auteur profondément pessimiste qui se situe à la charnière
du romantisme et du réalisme. Il est intéressant de noter que des auteurs comme Guy de
Maupassant, Zola et Daudet le considèrent comme leur maître.
Après sa mort, il prend une place de plus en plus importante dans la littérature
française en tant que chef de file de l'école réaliste. Pourtant, Flaubert jugeait son œuvre
trop complexe pour pouvoir la classifier. Il s’est d’ailleurs défendu de son vivant d’être le
meneur d’un quelconque mouvement littéraire. Il affirmait plutôt la dualité de son œuvre : « Il
y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de
gueulades, de lyrisme, de grands vols d'aigles, de toutes les sonorités de la phrase et des
sommets de l’idée ; un autre qui creuse et fouille le vrai tant qu'il peut. »
A la recherche de la vérité sous les apparences, il décrit, tel un médecin, la réalité
avec la plus grande objectivité et une précision scrupuleuse, presque scientifique. « La
littérature prendra de plus en plus les allures de la science », déclare Flaubert. Le roman
flaubertien se devait d'obéir à deux disciplines corollaires : l'observation scientifique et
l'impassibilité de l'observateur. Cette impassibilité cède pourtant souvent le pas à une ironie
féroce. Flaubert se moque de tout, il est l'écrivain du dérisoire.
D’un autre coté, l’influence qu’il a le plus profondément subie est celle du romantisme
finissant. Les aspirations des romantiques ont été balayées, il n’y a plus d’espoir, ceci
expliquant le pessimisme qui règne dans l’œuvre de Flaubert. La plupart de ses
personnages souffrent, tous pour les mêmes raisons : ils se sont fait une idée par avance sur
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les sentiments qu'ils éprouveront et sont forcément déçus. Ses personnages se coupent du
monde pour finalement devoir confronter leurs idéaux à la réalité. Partout, leurs espoirs
viennent de leurs conversations ou lectures, et l’on peut aisément établir un parallèle avec
Flaubert lui-même. L’homme était empli d’espoir romantique, suite à ses nombreuses
lectures de jeunesses, mais a rapidement dû déchanter.
Il n’y a pas de passage d’un courant à l’autre dans l’œuvre de Flaubert, il alterne
production d’influence romantique et réaliste.
Selon lui, le génie littéraire n’existe pas. La ténacité est suffisante pour se livrer au
travail long et difficile d'écrivain. Flaubert rompt ainsi avec la tradition de l'artiste inspiré.
Obsédé par le style, il rature et réécrit sans cesse ses textes. Les multiples versions de La
Tentation de Saint-Antoine attestent bien ce comportement, de même que la durée que lui a
pris la rédaction de Madame Bovary : 56 mois, presque 5 ans. Flaubert vérifiait même si ses
textes « sonnaient » bien à l’oral. Il les soumettait donc à l’épreuve du « gueuloir » devant
des invités, tant pour avoir leur avis général, que pour pouvoir entendre ses productions. Si
beaucoup de gens jugent Flaubert comme un génie précoce, et il l’était sans doute, Madame
Bovary, son premier roman publié ne paraît que lorsque Flaubert est âgé de trente ans.
Chaque roman de Flaubert a son style. Madame Bovary est un roman de mœurs,
Salammbô est un récit antique, L’Education sentimentale est considérée comme son
ouvrage politique, en raison de son contexte, les mois de la révolution de ‘48, Bouvard et
Pécuchet est presque une œuvre scientifique et il s’intéresse à la religion dans La Tentation
de Saint-Antoine. Flaubert écrit par ailleurs des contes et même un vaudeville pour le
théâtre.
En dehors de ses principales œuvres, l’écrivain échangeait avec ses amis une
impressionnante correspondance. Elle constitue en elle-même un véritable chef d’œuvre qui
permet de mieux connaître l’homme. Flaubert considérait pourtant que l'écrivain doit rester
absent de son œuvre et déclarait : « L’artiste doit faire croire à la postérité qu’il n’a pas
vécu. »
Flaubert est sans doute l’écrivain français à qui on accorde le plus facilement
le mot « modernité », concept qu’il a aidé à faire exister voire même qu’il a
créé de fait.
Flaubert est celui qui conteste.
Son écriture dans sa forme et dans son fond fonctionne résolument contre son
siècle. L’auteur s’inscrit partout et toujours contre les idées dominantes de son
temps, il est celui qui dit « non » à tout ce qui dirige, qui fait la mode et les
courants et ainsi. Il est plus proche de nous que n’importe quel auteur non
seulement du XIXème mais de toute l’histoire littéraire.
Ses observations sur la société et sur les mœurs de son siècle sont faites
d’abord d’observations, de descriptions mais surtout de critiques et de
distances. Quoiqu’il arrive, Flaubert, sans crainte, exprime son désaccord, le
défend, l’assume.
Michel Tanner
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