tout cesse d’être mû ?»3 S’interrogeant à ce propos, il mentionne la «translation» de la
«pierre», qu’il relie à son «lieu propre», tout en concluant «à l’impossibilité du mouvement
ou du repos perpétuels de toutes choses» :
Quant à la translation, il serait étonnant, lorsque la pierre est mue ou reste sur la terre, que
ce changement là ne nous fût pas sensible. En outre, la terre et chacun des autres
éléments restent nécessairement dans leur lieu propre et n’en sortent que par un
mouvement violent ; si donc certaines choses sont dans des lieux propres, nécessairement
il n’est pas vrai, même pour le mouvement local, que tout soit en mouvement. Voilà, entre
autres, des raisons de croire à l’impossibilité du mouvement ou du repos perpétuels de
toutes choses.4
Puis, il en vient aux «légers» et aux «graves» (le mot «gravitation» vient du latin «gravitas»,
qui signifie : lourdeur), et soulève une question : «Il est difficile de savoir par l’action de
quoi (...) sont mues (...) les légers et les graves. Ces choses en effet sont mues par
violence vers les lieux opposés, mais par nature vers leurs lieux propres, le léger vers le
haut, le lourd vers le bas. Or, sous l’action de quoi ? Voilà qui n’est plus évident comme ce
l’était dans le cas du mouvement contre nature».5
Nous avons ici un tekmèrion, un signe irréfutable vrai de quelque chose : il existe des
«légers» et des «lourds». Et nous avons aussi la recherche d’une quiddité pour le fait : on
va au lieu propre par nature, au lieu opposé, par violence. La pierre de la fronde est
propulsée par violence en lâchant une des cordes, alors que l’homme qui tient la fronde
demeure en place.
Aristote explore cette quiddité : «On peut dire que tout ce qui est mû est mû par quelque
chose» selon «un principe (...) de passivité» ; et il précise que «les choses légères et
lourdes (...) se meuvent ou en vertu de la cause génératrice et efficiente de leur légèreté et
de leur lourdeur [essentiellement], ou en vertu de ce qui les délivre de l’obstacle et de
l’empêchement [accidentellement] », comme suit :
Il est donc clair qu’aucune de ces choses ne se meut soi-même. Disons cependant que, si
elles ont en elles un principe de mouvement, c’est un principe, non de motricité ni d’action,
mais de passivité. Donc, si toutes les choses mues le sont, ou par nature, ou contre nature
et violemment ; si, d’autre part, les choses mues violemment et contre nature sont mues par
quelque chose qui leur est étranger ; et si, à leur tour, les choses mues par nature sont
mues, les unes par elles-mêmes, étant mues par quelque chose, les autres non par elles-
mêmes (ainsi les choses légères et lourdes, puisqu’elles se meuvent ou en vertu de la
cause génératrice et efficiente de leur légèreté et de leur lourdeur, ou en vertu de ce qui les
délivre de l’obstacle et de l’empêchement), — dès lors on peut dire que tout ce qui est mû
est mû par quelque chose.6
À de prétendues «conceptions aristotéliciennes», Jacques Léon oppose «la mécanique
newtonienne et classique [qui] a jeté un éclairage rationnel sur la gravitation, [en] l'intégrant
au grand édifice des lois de la nature. La gravitation y jouissait même du statut de loi
universelle. À l'aide d'une formule très simple, l'Homme pouvait dès lors calculer la
3 Aristote, Physique, VIII, 250b 11
4 Aristote, op. cit., VIII, 253b 31 254a 1
5 Aristote, ibidem, VIII, 255a 1-4
6 Aristote, ibidem, VIII, 255b 29 256a 3 2