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Chapitre 6 : L’intégration monétaire de
l’Europe
Introduction :
Les liens généraux entre intégration
commerciale, monétaire et politique.
I – L’échec du serpent monétaire
européen : 1972-1978
A – Les origines : les plans Barre et Werner
B – La raison immédiate de sa mise en
place : éviter la désorganisation de la PAC
C – Le fonctionnement : mécanismes, causes
de l’échec, enseignements
II – Le succès relatif du Système
Monétaire Européen : 1979-1999
A – Les mécanismes du SME : des taux de
change fixes mais ajustables, l’écu, les
interventions des banques centrales, les
mécanismes de solidarité
B – Le bilan : désinflation, baisse relative de
l’instabilité des changes, domination
monétaire de l’Allemagne, faible croissance
III – La marche vers l’Union
Economique et Monétaire
A – Pourquoi passer du SME à la monnaie
unique ?
B – Les 3 étapes de l’accession à la monnaie
unique
C – Les avantages et les coûts potentiels de
la monnaie unique
IV – La zone euro : une zone
monétaire optimale ?
A – Les critères des ZMO appliqués à la zone
euro
B – Les leçons de l’histoire : l’union politique
précède l’union monétaire
C – La tentative de coordination des
politiques budgétaires par le Pacte de
stabili
V - L’euro : notre monnaie et notre
problème
A – Un premier bilan de l’euro
B - La crise en zone euro : les origines
C – La gestion de la crise de la zone euro
Conclusion
Chronologie :
1958 : Accord monétaire européen : marges de
fluctuation de +/- 0.75% vis à vis du $
1961 : Robert MUNDELL développe la théorie des
ZMO
1969 : plan BARRE
1970 : rapport WERNER
1972 : création du serpent monétaire européen et
du FECOM
1976 : le franc quitte définitivement le serpent
monétaire européen
1979 : entrée en vigueur du SME avec 8 monnaies
1987 : Accords de NYBORG : les interventions infra
marginales deviennent multilatérales
1989 : adoption du plan DELORS sur l’Union
Economique et Monétaire en 3 étapes ; entrée de
la peseta dans le SME
1990 : rapport EMERSON sur les gains potentiels
de la monnaie unique ; libéralisation des
mouvements de capitaux en Europe ; réunification
allemande ; entrée de la livre dans le SME
1992 : signature du traité de MAASTRICHT ; la lire
et la livre quittent le SME
1993 : crise du SME et élargissement des bandes
de fluctuations à +/- 15%
1995 : entrée du schilling autrichien dans le SME ;
nom d’euro officiellement adopté
1996 : entrée du mark finlandais dans le SME,
retour de la lire italienne
1997 : adoption du Pacte de stabilité et de
croissance ; retour de la lire dans le SME
1999 : création de l’euro
2001 : entrée de la Grèce dans la zone euro
2002-2003 : la France et l’Allemagne affichent un
déficit public supérieur à 3% du PIB
2007 : entrée de la Slovénie dans la zone euro
2008 : entrée de Chypre et Malte dans la zone euro
2009 : entrée de la Slovaquie dans la zone euro
2011 : entrée de l’Estonie dans la zone euro
2011 : décote de 50% de la dette grecque
2012 : le taux de chômage en Espagne atteint 25%
L’élargissement de la zone euro
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Bibliographie:
ElieCOHEN,
Latentationhexagonale
,Fayard,1996,chapitre7.
AlainCOTTA,
Sortirdel’eurooumouriràpetitfeu
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MichelDEVOLUY,
L’Europemonétaire,
Hachette,1996.
PaulKRUGMAN,
Economieinternationale
,DeBoeck,1995,chapitre21.
Jean-PierrePATAT,
L’Europemonétaire,
Ladécouverte,1990.
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Jean-JacquesROSA,
L’erreureuropéenne
,Grasset,1998.
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Ladécouverte,2004,
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JérômeTROTIGNON,
Economieeuropéenne
,Hachette,1997.
Date d’entrée des pays dans la zone euro :
1 Allemagne 1999
2 Autriche 1999
3 Belgique 1999
4 Espagne 1999
5 Finlande 1999
6 France 1999
7 Irlande 1999
8 Italie 1999
9 Luxembourg 1999
10 Pays-Bas 1999
11 Portugal 1999
12 Grèce 2001
13 Slovénie 2007
14 Chypre 2008
15 Malte 2008
16 Slovaquie 2009
17 Estonie 2011
Membres du MCE II :
Danemark, Estonie, Lettonie, Lituanie.
Non membres du MCE II :
Royaume-Uni, Suède, Hongrie, Pologne, République tchèque, Bulgarie, Roumanie.
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Citations :
Une monnaie continentale ayant pour point d’appui le capital Europe tout entier et pour moteur l’activité libre
de 200 millions d’habitants. Cette monnaie unique remplacerait et résorberait toutes les absurdes variétés
monétaires d’aujourd’hui, effigies de princes, figures de misères, variétés, qui sont autant de cause
d’appauvrissement.
Victor Hugo, 1855.
« L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas »
Jacques Rueff, 1951
Ce qui est utile aux citoyens, ce n’est pas une monnaie unique, ce sont de bonnes monnaies, c'est-à-dire
essentiellement des monnaies non inflationnistes.
Pascal Salin. La vérité sur la monnaie, 1990.
« Il y a une chose dont je suis sûr : une monnaie unique (…) remplaçant toutes les autres monnaies européennes
n’existera pas encore à la fin du vingtième siècle ».
Milton Friedman, La monnaie et ses pièges, 1992
« Traité de Maastricht ou non, le climat économique et politique en Europe au milieu des années 1990 rend peu
vraisemblable la réalisation de l’Union au cours de ce siècle ».
Paul Krugman, 1994.
Nous aurons davantage de croissance, davantage d’emplois et nous lutterons mieux contre le
chômage grâce à la monnaie unique
Jean-Claude Trichet, 1996.
Des parités immuables sont dangereuses si les conditions économiques divergent entre pays membres, ce qui se
produit un jour ou l’autre.
Jean-Jacques Rosa, 1998
En fin de compte, cette construction à l’allure technocratique et progressant sous l’égide d’une sorte de
despotisme doux et éclairé, doit se transformer dans un projet porteur de sens.
Jacques Delors, Cathédrale de Strasbourg, 1999.
« Une union monétaire bien gérée, incluant aujourd’hui la plupart des pays de l’Union européenne, demain la
plupart des pays européens, engendrera un énorme bénéfice non seulement pour les Européens, mais aussi pour
le reste du monde, y compris les Etats-Unis
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».
« Soyez sûrs que l’introduction de l’euro aura un impact extraordinaire bénéfique sur le développement des
transactions commerciales en Europe. Et donc sur vos économies
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. »
Robert Mundell
Je sais très bien que le Pacte de stabilité est stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides.
Romano Prodi, Président de la Commission européenne, 2002.
On ne peut pas faire coexister dans un système de taux de changes fixes des pays qui ont des productivités
différentes.
Charles Gave, JDF, 1/12/2010
La bataille menée par le gouvernement pour tenter de sauver l’euro est une bataille perdue, il faut avoir
l’honnêteté de le reconnaître. A force de nier la réalité, de vivre dans le déni, on ne s’est résolu que sur des
montants trop faibles, engagés tardivement.
Jacques Sapir, US Magazine, supplément au n°714 du 14 novembre 2011.
Les premiers pays qui quitteront l’euro s’en sortiront le mieux.
Joseph Stiglitz, 31/01/2012.
1
Wall Street Journal, mars 1998.
2
Capital, janvier 2000, p. 147.
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Introduction :
Le lien entre intégration commerciale et intégration monétaire
- l’intégration commerciale et l’intégration monétaire de l’Europe apparaissent comme des
phénomènes complémentaires : en effet, l’intensification du commerce appelle une
certaine stabilité des taux de change
- l’intégration commerciale semble précéder l’intégration monétaire : au départ, l’Europe
s’est d’abord construite en délaissant la dimension monétaire. Le traité de la CEE en 1957
organisait la libre circulation des marchandises mais ne prévoyait pas la création d’une
union monétaire. Celle-ci ne paraissait pas indispensable car la stabilité monétaire était
vérifiée dans les faits en raison des accords de Bretton Woods. Seule exception : l’Accord
monétaire européen mis en place en 1958 prévoyait que les fluctuations des monnaies
européennes vis à vis du $ ne dépassent pas +/-0.75%.
Le lien entre intégration monétaire et intégration politique
L’histoire économique nous propose des exemples d’union monétaire (EU, Allemagne
au 19
ème
siècle) mais dans les deux cas l’union politique précède l’union monétaire. Différent
est le cas de l’UEM (Union économique et monétaire) en Europe car il n’y pas de
gouvernement européen. D’où de multiples interrogations sur le succès de l’UEM.
Comment alors expliquer l’intégration monétaire européenne ? Quelles sont ses origines
historiques ? Quelle est son mode de fonctionnement ? sa pertinence ?
I) L’échec du serpent monétaire européen (1972-1978)
A) L’intégration monétaire, une idée dans l’air du temps à la fin des années 1960 : le plan
Barre et le rapport Werner
A la fin des années 1960, le système monétaire international devient instable, certains
pays devant dévaluer ou réévaluer leur monnaie. Dans ce contexte, les pays européens
souhaitent une plus grande stabilité des taux de change pour faciliter les échanges
commerciaux dans la CEE et pour se détacher de l’influence du dollar.
En 1969, la Commission européenne a présenté un plan (le « Plan Barre ») concrétisant
l’idée d’une monnaie unique, car le système de Bretton Woods montrait des signes de
tensions croissantes. Les chefs d’État ou de gouvernement ont demandé au Conseil des
ministres de définir, sur la base du Plan Barre, une stratégie en vue de la réalisation d’une
Union économique et monétaire (UEM). Le plan Barre propose d’ajouter une coordination
monétaire à la coordination économique.
Le Rapport Werner qui s’en est suivi et qui fut publen 1970 proposait la création
d’une UEM en plusieurs phases à l’horizon de 1980. Il préconise la mise en place d’une union
économique et monétaire en trois étapes, le remplacement des monnaies nationales par une
monnaie unique, l’harmonisation des politiques économiques, la création d’un fonds européen
de coopération monétaire, la libération des mouvements de capitaux.
Ce rapport Werner fut accepté comme base de travail par les 6 pays de la CEE, mais il
suscita des craintes et des réserves du côté français (le gouvernement français préfère accepter
l’entrée du RU que la monnaie commune) et du côté allemand (peur d’importer de l’inflation).
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Deux points de vus s’affrontent : la RFA considère que la lutte contre l’inflation est un
préalable à l’union monétaire, redoutant un système qui exonérerait les pays laxistes de toute
sanction ; la France pense qu’en progressant dans la voie d’une union monétaire les politiques
pourront s’harmoniser. Ces 2 conceptions se retrouveront en permanence dans tous les débats
sur la question. Seule la volonté politique de progresser vers l’union monétaire parviendra à
surmonter les divergences.
La crise du SMI va obliger à tout repenser.
B – La raison immédiate de sa mise en place : éviter la désorganisation de
la PAC
En décembre 1971, les accords de Washington augmentent les marges de fluctuation entre
le dollar et les autres monnaies du système de Bretton Woods à +/- 2,25%. Cet élargissement
des écarts présente un inconvénient : l’écart instantané entre deux monnaies européennes peut
aller jusqu’à 4,5% si une monnaie est au plancher et l’autre au plafond, et en cas d’inversion
des positions l’écart peut atteindre 9% (phénomène du cumul des marges). Or ces fluctuations
de taux de change portent préjudice au fonctionnement de la PAC (Politique Agricole
Commune).
La PAC garantit aux agriculteurs de la CEE un prix minimum pour leurs produits. Les
débuts de la PAC s’inscrivent dans une période de stabilité internationale des changes. Après
la dévaluation de franc le 10 août 1969, l’agriculture française devient plus compétitive que
l’agriculture allemande. Ainsi sont institués en 1969 des MCM (Montants compensatoires
monétaires) destinés à compenser cet effet en créant une taxe à l’exportation pour les produits
français et une subvention à l’importation pour les produits allemands. Après la réévaluation
du DM le 27 octobre 1969, un mécanisme symétrique est mis en place : une taxe à
l’importation et une subvention à l’exportation. Cet instrument devait être transitoire. Il sera
utilisé plus de 20 ans.
Résumons : les montants compensatoires permettent d’assurer l’unicité des prix agricoles
européens en contrepartie d’une neutralisation des effets des dévaluations et réévaluations.
Schéma des montants compensatoires
Ajustement monétaire Type de MC Rétablissement de l’unicité des prix
France Dévaluation MCM négatifs Taxe à l’exportation
+ Subvention à l’importation
RFA Réévaluation MCM positifs Subvention à l’exportation
+ Taxe à l’importation
La crise du SMI conduit à développer ces MCM et les généraliser à l’ensemble des
pays. Mais ces mesures sont complexes, coûteuses. Et aussi inéquitables : les prix des
consommations intermédiaires évoluent sans mécanisme correcteur, les agriculteurs français
connaissent l’inconvénient de la dévaluation (la hausse des prix des inputs) sans ses avantages
(la baisse du prix des exportations), ce qui attise la rancœur des agriculteurs français. Pour
diminuer ces MCM, les pays de la CEE ont décidé de diminuer les variations de change.
Comme m’indique Paul Krugman, la solution de 1
er
ordre eut été d’abandonner la PAC.
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