B. Les premiers empires coloniaux. • Récit de la conquête du Mexique par Cortès • Carte des premiers empires coloniaux. • Le « choc des civilisations » : bouleversements culturels et intellectuels en Amérique et en Europe XVIe-XVIIe s. Sevan Ananian Clg G. Braque Neuilly-sur-Marne Comment se déroule la conquête de l’Amérique ? Quelles sont ses conséquences ? 1) La conquête des premiers empires coloniaux. Les Espagnols vus par les Indiens En 1519, Motecuhzoma, l’empereur aztèque, envoie des messagers accueillir les Espagnols. A leur retour, ils lui rapportent ce qu’ils ont vu. « Et cela ainsi fait, aussitôt, ils ont fait récit à Motecuhzoma, ils lui ont dit combien ils avaient été émerveillés, et ils lui ont montré comment était la nourriture des Espagnols. Et lorsqu’il eut entendu ce que racontaient les messagers, il fut grandement épouvanté, étonné, et il fut grandement émerveillé par leur nourriture. Mais, encore, il se crut à demi-mort quand il entendit comment éclate sur leur ordre la trompette-à-feu, comment on entend le tonnerre quand elle éclate, comment elle étourdit, elle assourdit nos oreilles Et, lorsqu’elle éclate il y a comme un galet arrondi qui en sort, du feu se met à pleuvoir à petites gouttes, à pétiller ; et sa fumée est tout à fait répugnante, à l’odeur suffocante qui frappe fort à la tête des gens ; et, lorsqu’il heurte une montagne, c’est comme si elle la renversait, comme si elle s’écroulait ; et un arbre est mis en morceaux, comme s’il se dissolvait, comme si on lui avait soufflé dessus. Uniquement, tout en métal, sont leurs engins de guerre ; de métal ils s’habillent ; de métal ils couvrent leurs têtes ; en métal sont leurs épées, en métal leurs arcs, en métal leurs boucliers, en métal leurs lances. Et ceux qui les portent sur leurs dos, leurs chevreuils, c’est comme s’ils étaient aussi grands que les terrasses des maisons. Et de tous côtés ils recouvrent leurs corps, seuls apparaissent leurs visages, très blancs, ils ont des visages comme de la craie ; ils ont les cheveux jaunes, cependant certains ont des cheveux noirs ; leur barbe est longue et jaune aussi, ce sont des barbes-jaunes ; ils sont crépus, frisés. Et leur nourriture est comme de la nourriture d’homme, très grande, blanche, légère comme si c’étaient des débris, comme si c’était de la tige de maïs tendre ; elle a bon goût comme si c’était de la farine de tige de maïs, assez douce, assez mielleuse, elle est mielleuse à manger, elle est douce à manger. Et leurs chiens sont très, très grands ; ils ont des oreilles plusieurs fois repliées, de grandes mâchoires tremblantes ; ils ont des yeux enflammés, des yeux comme des braises ; ils ont des yeux aux feux jaunes ; ils ont des ventres maigres, ils ne sont pas paisibles, ils trottent en haletant, ils vont avec la langue pendante ; ils sont tachetés comme des jaguars, ils ont des taches de couleurs variées. Et lorsque Motecuhzoma entendit cela, il fut extrêmement terrorisé, comme s’il était à demi-mort ; son cœur se tourmentait, son cœur était bouleversé. » Codex florentin, Chapitre VII, Livre XII, 1550-1555. Travail à la maison : 1) Relevez les éléments du texte qui montrent la supériorité militaire des Espagnols. 2) Relevez ceux qui soulignent l’étonnement des Aztèques. 3) Relevez ceux qui évoquent la crainte des Aztèques. Récit de la conquête du Mexique par le professeur Codex Duran, v. 1580. L’entrevue de Cortès et Motecuhzoma, le 8 novembre 1519. Selon la chronique en langue nahuatl recueillie par Fray Bernardino de Sahagùn vers 1550, Motecuhzoma accueille Cortès comme un dieu : « Oh ! Notre seigneur ! Tu as souffert bien des fatigues, tu es las ; voici que tu es arrivé sur la terre, voici que tu es venu t’approcher de ta cité de Mexico, voici que tu es venu descendre sur ta natte, sur ton siège, que pour un moment je t’ai gardés, que je t’ai conservés. (…) Va faire connaissance avec ton palais, repose ton corps. Qu’ils approchent donc de la terre, nos seigneurs ! ». Scandalisés par les sacrifices humains, les Espagnols massacrent les notables aztèques, puis remportent la guerre. Bilan du récit : Comment et pourquoi Cortès et ses quelques centaines d’hommes parviennent-ils à conquérir l’empire aztèque du Mexique ? Faits Conquête de l’empire aztèque (15 millions d’individus) du Mexique par l’Espagnol Cortès de 1519 à 1521. Causes Supériorité militaire des Conquistadores. Division des cités amérindiennes Malentendus nés du « choc des civilisations ». Les Aztèques décimés par la maladie. Les premiers empires européens aux XVIe – XVIIe s. Possessions françaises Possessions anglaises Possessions hollandaises Incursions et flibuste organisées par la France, les Provinces Unies et l’Angleterre Les conséquences politiques de la conquête : Malgré le Traité de Tordesillas (1494), Français, Anglais et Hollandais se lancent dans la compétition coloniale et s’implantent en Amérique du Nord et dans les Antilles. Attaque de corsaires français dans le port de La Havane en 1536, Théodore de Bry, vers 1595. Theodore de Bry et Charles de la Roncière, La Floride Française : Scènes de la vie Indiennes, 1564 Les conséquences économiques de la conquête : Une plantation de sucre et une mine d’or, Théodore de Bry, gravures du XVIe s. Comment l’Europe s’enrichit grâce à la conquête de l’Amérique ? Quelle main d’œuvre travaille à son profit ? Quels nouveau produits découvrent les Européens ? Carte du Brésil de Lopo Homem, 1519. Culture du maïs et de la pomme de terre, Codex péruvien illustré de 1613. Description de la tomate par le botaniste italien Matthiolus (1544) Bilan de l’étude de la carte des premiers empires : Quelles sont les conséquences politiques et économiques la conquête de l’Amérique du XVIe au XVIIe s.? Causes Faits Conquête du Mexique par l’Espagnol Cortès de 1519 à 1521. Supériorité militaire des Conquistadores. Division des cités amérindiennes Les Aztèques décimés par la maladie. Malentendus nés du « choc des civilisations ». Conséquences politiques et économiques Presque toute l’Amérique est conquise par les Espagnols, Portugais, puis les Français, Anglais et Hollandais à la fin du XVIIe s. Les pays d’Europe atlantique se font concurrence et constituent des empires en Amérique. Les plantations de sucre, café, … et les mines d’or et d’argent utilisent la main d’œuvre forcée autochtone ou les esclaves importés d’Afrique. L’Europe découvre et commercialise de nouveaux produits (tabac, tomate...) 2) La découverte de l’autre, XVIe – XVIIe s. Travail à la maison : Gravure du XVIe s., Amerigo Vespucci au Nouveau monde, Paris, BNF. Reprise en classe : L’Europe L’Amérique Les éléments qui représent ent -Caravelle -Astrolabe -Bannière -Croix -Armure -Vêtements -Nudité -Animaux sauvages -Hamac -Cannibalisme -Bijou, en or ? L’effet produit par l’image Montrer le degré de civilisation de l’Europe, sa religion, ses connaissances et sa force. Souligner l’aspect sauvage, cruel et précaire mais aussi les richesses potentielles. Problématique : Quelles sont les conséquences culturelles de la conquête de l’Amérique aux XVIe - XVIIe s. ? En Amérique ? Et en Europe ? Les Amérindiens ne sont-ils pas « civilisés » ? Pyramide inca de Chichen Itza, Chaque face de la pyramide comporte 91 marches (soit une pour chaque jour de l’année) Aux équinoxes, leur ombre dessine la queue du dieu serpent à plume. Comment dépérissent les civilisations amérindiennes ? Quel est l’effet de l’arrivée des Européens sur la démographie amérindienne ? Les bouleversements culturels et intellectuels du XVIe au XVIIe siècle. Vers la fin des civilisations amérindiennes De brillantes civilisations Catastrophe démographique Acculturation (religion, langue…) Bilan de la mise en commun Groupe 1 : Qui est le « sauvage » ? Doc. 1 : Les Indiens cannibales. Ces barbares ne se font pas la guerre pour conquérir les possessions et les terres des uns et des autres : chacun en a plus qu’il ne lui en faut. Les vainqueurs prétendent encore moins s’enrichir des dépouilles, rançons et armes des vaincus. Comme eux-mêmes le confessent, ils ne sont poussés par d’autre désir que de venger, chacun de leur côté, leurs parents et amis qui par le passé ont été capturés et mangés. (…) Néanmoins, que ceux qui liront ces crimes si horribles perpétrés quotidiennement entre ces peuples barbares de la terre de Brésil, pensent un peu attentivement à ce qui se fait ici chez nous. Car il y en a de semblables, voire de plus détestables et pires parmi nous. Jean de Léry, Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, 1578. Doc. 2 : Des hommes « à l’état de nature ». Notre monde vient d’en trouver un autre, si nouveau et si enfant qu’on lui apprend encore son a, b, c ; il n’y a pas cinquante ans qu’il ne savait ni lettres, ni poids, ni mesures, ni vêtements, ni blés, ni vignes. Il était encore tout nu et ne vivait que des moyens de sa mère nourrice. Je crains bien que nous ayons bientôt précipité son déclin par notre contagion, et que nous lui aurons vendu bien cher nos opinions et nos arts. La plupart des entretiens faits avec eux témoignent qu’ils ne sont pas inférieurs à nous en clarté d’esprit naturelle et en pertinence. L’épouvantable magnificence de Cuzco et de Mexico montre qu’ils ne nous sont pas non plus inférieurs en industrie. Quant à l’observance des lois, la bonté, la loyauté, la franchise, il nous a bien servi d’en avoir moins qu’eux. D’après Michel de Montaigne, Essais, 1580. Doc. 3 : Leçon d’humanité donnée par un « sauvage ». Trois Indiens furent à Rouen, du temps où Charles IX s’y trouvait. Le Roi leur parla longtemps. On leur fit voir notre façon, notre pompe, la forme de nos villes. Après cela quelqu’un leur demanda leur avis, et voulu savoir ce qu’ils y avaient trouvé de plus admirable. Ils dirent qu’ils trouvaient en premier lieu fort étrange que tant de grands hommes, portant la barbe, forts et armés, qui étaient autour du Roi, se soumettent et obéissent à un enfant [Charles IX était alors un très jeune roi]. Deuxièmement, ils avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins de richesses et que d’autres étaient en train de mendier à leur porte, décharnés par la faim et la pauvreté ; et ils trouvaient étrange que ces hommes si nécessiteux puissent supporter une telle injustice et ne prennent pas les autres à la gorge, ou ne mettent pas le feu à leur maison. D’après Michel de Montaigne, Essais, 1580. 1. Docs. 1 et 2, quels éléments montrent la sauvagerie des Indiens ? 2. Docs. 2, quels éléments montrent que les Indiens ne sont pas inférieurs aux Européens ? 3. Docs 2 et 3, quels éléments montrent que les Européens peuvent aussi apprendre du mode de vie des Indiens ? Groupe 2 : Comment civiliser les « sauvages » ? Doc. 1 : « Ne sont-ce pas des hommes ? » Je suis la voix du Christ qui crie dans le désert de cette île [Hispaniola] (…). Cette voix dit que vous êtes tous en état de péché mortel à cause de la cruauté et de la tyrannie dont vous usez à l’égard de ce peuple innocent. Dites-moi, en vertu de quel droit et de quelle justice maintenez-vous ces Indiens dans une servitude si cruelle et si horrible ? Qui vous a autorisé à faire des guerres aussi détestables à ces peuples qui vivaient autrefois pacifiquement dans leurs pays, où ils ont péri en quantités infinies ? (…) Pourquoi les maintenez-vous dans un tel état d’oppression et d’épuisement, sans leur donner à manger ni les soigner dans les maladies dont ils souffrent et meurent à cause du travail excessif que vous exigez d’eux, en les tuant tout bonnement pour extraire l’or jour après jour ? Vous préoccupez-vous de ce qu’un prêtre les instruise, qu’ils connaissent leur Dieu et Créateur, ne sont-ce pas des hommes ? N’êtes-vous pas tenus de les aimer comme vous-mêmes ? (…) Tenez pour certain que dans l’état où vous êtes vous ne pourrez pas plus vous sauver que les Maures et les Turcs qui refusent la foi du Christ. Sermon du prêtre dominicain Antonio Montesinos aux colons espagnols d’Haïti (Hispaniola) le 21 décembre 1511. Doc. 2 : « Des hommelets si médiocrement humains ». Doc. 3 : « Tous les hommes sont semblables » [Les Indiens] demandent, de par leur nature et dans leur propre intérêt, à être placés sous l’autorité des princes ou d’Etats civilisés et vertueux dont la puissance, la sagesse et les institutions leur apprendront une morale plus haute et un mode de vie plus digne (…). Comparez les bienfaits dont jouissent les Espagnols – prudence, invention, magnanimité, tempérance, humanité et religion – avec ceux de ces hommelets si médiocrement humains, dépourvus de toute science et de tout art, sans monument du passé autre que certaines peintures aux évocations imprécises. Ils n’ont pas de lois écrites, mais seulement des coutumes, des traditions barbares. Ils ignorent même le droit de propriété. (…) Comment douter que des peuples aussi peu civilisés, aussi barbares, souillés de tant d’impuretés et d’impiétés, n’aient été justement conquis par un souverain aussi excellent, pieux et juste, que l’était Ferdinand le Catholique et que l’est l’Empereur Charles, et par une nation aussi humaine, aussi riche de toutes sortes de vertus ? Juan de Sepulveda, Democrates alter, Séville, 1541. Il n’y a pas de nation au monde, pour rude et inculte et barbare qu’elle soit (…), qui ne puisse devenir paisibles et pacifiques envers les autres hommes, à condition d’user à leur égard de moyens appropriés et de suivre la voie digne de l’espèce humaine, à savoir amour, mansuétude et douceur, sans jamais s’écarter de cette fin. (…) Toutes les nations au monde sont faites d’hommes qui tous et chacun ne répondent qu’à une seule définition : ce sont des êtres rationnels. Tous ont leur entendement, leur volonté et leur libre-arbitre puisqu’ils sont formés à l’image et à la ressemblance de Dieu. (…) C’est ainsi que tout le lignage des hommes est un, et tous les hommes sont semblables par leur origine et leur nature, et aucun ne naît instruit ; et ainsi nous avons tous besoin au début d’être guidés et soutenus par ceux qui sont nés avant nous. Bartholomé de Las Casas, Histoire apologétique des Indes, Séville, 1551. 1. Dans le doc. 1, relevez le vocabulaire qui décrit l’attitude des Espagnols à l’égard des Indiens. 2. Comment l’auteur justifie la conquête espagnole dans le document 2 ? 3. Comment devraient se comporter les Européens dans le document 3 ? L’Europe dominante : Tandis que l’Europe civilisatrice dévoile l’Amérique, l’Afrique reste enchaînée dans les ténèbres et l’Asie se prélasse dans ses richesses. Le globe de Vincenzo Coronelli, offert à Louis XIV, 1681-1683 Le mythe du bon sauvage Pocahontas ? Las Casas ? Des caravelles volantes ? L’homme en harmonie avec la nature La nature inviolée Thème fertile de la culture occidentale, il permet une critique de la « société civilisée » comparée à « l’état de nature » dont il faudrait mieux s’inspirer. On en use et en abuse depuis Montaigne. Les bouleversements culturels et intellectuels du XVIe au XVIIe siècle. Vers la fin des civilisations amérindiennes De brillantes civilisations. Catastrophe démographique. Acculturation (religion, langue…) Bilan de la mise en commun L’Europe découvre l’autre L’Europe convaincue de sa place dominante dans le monde. Civiliser les « sauvages ». Le mythe du « bon sauvage », autocritique de l’Europe conquérante. A l’aide du schéma complété, rédigez quelques phrases en réponse à la question de départ : Quelles sont les conséquences culturelles de la conquête de l’Amérique ?