Épreuve orale Bucoliques

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ETUDE DE TRADUCTIONS DES BUCOLIQUES
Eglogue 1 :
v. 80 à 83
(fronde super viridi.) Sunt nobis mitia poma,
Castaneae molles et pressi copia lactis,
Et jam summa procul villarum culmina fumant
Majoresque cadunt altis de montibus umbrae.
Traduction 1 (en vers) de Pierre-François Thissot (1822)
J’ai des flots de laitage
Qu’une main prévoyante épaissit dans l’osier ;
J’ai la molle châtaigne et les fruits du pommier.
Entrons, les toits au loin fument dans ces campagnes
Et l’ombre en s’allongeant descend de nos montagnes.
Traduction 2 (en prose) de Désiré Nisard (1850)
J ’ai des fruits savoureux, des châtaignes amollies par la flamme,
un laitage abondant. Déjà les toits des hameaux fument au loin,
et les ombres grandissantes tombent des hautes montagnes.
Analyse traduction 1 : Traduction en alexandrins et rimes plates de 1822 par Pierre-François Thissot.
 Remarques stylistiques :
- La traduction en vers implique des modifications importantes du texte latin, pour s’adapter à la prosodie française très différente de la
poétique latine (ici, hexamètres dactyliques) : par ex, rajout du v. 2 « Qu’une main prévoyante épaissit dans l’osier » pour permettre la
rime plate (là où le texte latin donne « pressi copia lactis »). De même, rajout v. 3 de « Entrons » et « dans ces campagnes » v.4.
- Les effets de sonorités ne peuvent être conservés, par ex. les assonances en (a) dominantes dans le texte latin, associées à des
allitérations en (m), pour suggérer la douceur de cette vie campagnarde.
- Et création d’une anaphore « J’ai » v. 1 et 3 inexistante en latin où l’on ne trouve qu’une fois la 1è pers. du pluriel « nobis » : insistance
sur l’hospitalité dans la traduction.
 Remarques syntaxiques :
- La traduction fragmente cette phrase latine en 2 phrases ; la coordination « et » du v. 3 est supprimée et remplacée par une coupure
plus forte, celle de l’impératif « Entrons » qui introduit l’action dans un passage purement descriptif en latin.
- Des modifications importantes peuvent être constatées aussi dans l’ordre des groupes nominaux v. 1 et 2, « les fruits du pommier » en
3è vers pour « mitia poma » v. 1, alors que le fromage évoqué v. 2 « pressi copia lactis » est mis en valeur sur les 2 premiers vers dans la
traduction par un enjambement qui en renforce l’importance.
 Remarques lexicales :
- La périphrase pour dire le fromage « (copia) pressi lactis » (= « (une abondance) de lait pressé ») est traduite par une métaphore « des
flots de laitage ».
- Des pluriels comme « castaneae molles » et « umbrae » sont remplacés respectivement par les singuliers « la molle châtaigne » et
« l’ombre ».
- v. 4, l’adjectif « majores » est remplacé par le gérondif « en s’allongeant » et le verbe « cadunt » (= « tombent ») par « descend », ce qui
permet une allitération en (s) suggérant la douceur du crépuscule avec les nasales de « ombre », « s’allongeant » et « montagnes » : les
jeux de sonorités du texte latin sont donc remplacés par d’autres pour communiquer une impression similaire.
 Conclusion : traduction non littérale, mais qui s’efforce de communiquer par les ressources de la poésie française l’atmosphère sereine de
cette vie simple du berger. Et l’esprit du texte est finalement bien conservé.
Analyse traduction 2 : Traduction en prose et datant de 1850 par Désiré Nisard
 Remarques stylistiques : pas d’effet particulier de rythmes ou de sonorités, car c’est une traduction quasi littérale, qui se soucie d’abord de
respecter la lettre du texte latin.
 Remarques syntaxiques : Comme dans la traduction en vers, découpage de la phrase latine en 2 et suppression du coordonnant « et » v. 3.
 Remarques lexicales :
- Respect fidèle des singuliers et des pluriels du texte latin.
- Par contre, un petit développement « amollies par la flamme » pour justifier le « molles » v. 2 ; et la périphrase pour le fromage « pressi
copia lacti» traduit plus simplement par « un laitage abondant » ; de même, l’adjectif « mitia » (= « doux ») est remplacé par
« savoureux »
- Le nom « villarum » (= « fermes »= devient « hameaux » et le comparatif « majores » devient « grandissantes »

Remarques verbales :
- Respect total du présent des verbes latins. Par contre la 1è personne du pluriel de « nobis » est remplacée par « je » : la notion de vie
familiale suggérée par le « nobis » disparaît donc.
 Conclusion : Traduction fidèle au texte latin dans l’ensemble, mais sans grand relief stylistique.
Eglogue 3 :
v. 108 à 111
Non nostrum inter vos tantas componere lites.
Et vitula tu dignus et hic et quisquis amores
aut metuet dulcis aut experietur amaros.
Claudite jam rivos, pueri ; sat prata biberunt.
Traduction 1 (en vers) de Paul Valéry (1956)
Il ne m’appartient pas de trancher entre vous,
Vainqueurs tous deux, avec tous ceux qui de l’amour
Craignirent les douceurs, connurent l’amertume.
Mais, barrez les ruisseaux, garçons ! La terre a bu.
Traduction 2 (en prose) de Maurice Rat (1967)
Nous ne pouvons prononcer entre vous dans un si grand débat. Toi et lui méritez la génisse, et quiconque avec vous
redoutera les douceurs de l’amour ou en éprouvera l’amertume. Fermez maintenant les ruisseaux, enfants : les prés
ont assez bu.
Analyse traduction 1 : Traduction en alexandrins sans rimes (mais avec assonances finales) de 1956 par Paul Valéry.
 Remarques stylistiques :
- La traduction en vers implique des modifications importantes du texte latin, pour s’adapter à la prosodie française très différente de la
poétique latine (ici, hexamètres dactyliques) : par ex, v. 1 « tantas componere lites » est traduit par le seul verbe « trancher » (au lieu de
« trancher de si grands différents » littéralement) ou encore, au v. 2 le double vocatif « tu » et « hic » est unifié par « tous deux ».
- Les effets de sonorités ne peuvent être conservés, par ex. les allitérations en (s) du v. 1 ou en (r) du v. 4.
- Par contre, la dissociation du groupe nominal en fin des v. 2 et 3 « amores amaros » et l’opposition entre « dulcis » et « amaros » est
conservées dans ses effets rythmiques grâce au contre-rejet v. 2 « de l’amour » et au parallélisme v. 3 de « les douceurs » (à la césure) et
« l’amertume » (à la rime).
 Remarques syntaxiques :
- La traduction garde 2 phrases sur 3 du texte latin, et supprime les constructions parallèles des v. 2 et 3, marquées par le redoublement
des conjonctions de coordination « et » v. 2 et « aut » v.3.
- Par ailleurs, rajout de « mais » à la place de « jam » (= « désormais ») v. 4 et modification de la phrase par la tournure exclamative : ces
2 éléments renforcent l’injonction à clore la joute poétique entre les 2 bergers bien plus que dans le texte latin, où l’impératif
« claudite » est plus de l’ordre du conseil amical.
 Remarques verbales :
- Les futurs du v. 3 « metuet » et « experietur » sont transformés en passé simple « craignirent » et « connurent »
- Le verbe « être» est sous-entendu v. 1 « non (est) nostrum » et la 1ère personne du pluriel est remplacé par la 1è du singulier.
 Remarques lexicales :
- v. 1 : « componere tantas lites » = « trancher »
- v. 2 : « vitula (…) dignus » (= « digne de la génisse ») remplacé par « vainqueurs tous deux »
- v. 4 : « claudite » (= « fermez ») devient « barrez ». Et « sat » (= « satis » = « assez ») est supprimé. Enfin, « prata » (= « les prés »)
devient « la terre » sereine
 Conclusion : traduction non littérale, mais qui s’efforce de communiquer par les ressources de la poésie française le ton de l’arbitre de
cette joute poétique. Mais la conclusion se fait plus impérative dans le dernier vers.
Analyse traduction 2 : Traduction en prose et datant de 1967 par Maurice Rat
 Remarques stylistiques : pas d’effet particulier de rythmes ou de sonorités, car c’est une traduction quasi littérale, qui se soucie d’abord de
respecter la lettre du texte latin.
 Remarques syntaxiques :
- Respect des 3 phrases du texte latin et de la ponctuation (sauf v. 4 où le point-virgule est remplacé par les deux-points explicatifs).
- Mêmes types de phrases qu’en latin : la 1ère déclarative négative, la 2è déclarative affirmative et la 3è impérative.
 Remarques verbales :
- Respect total des modes et temps des verbes latins, par ex les futurs du v. 3 sont conservés.
- Et la 1è personne du pluriel de « nostrum » est gardée au v. 1.
 Remarques lexicales :
- v.1 : « componere tantas lites » devient « prononcer dans un si grand débat » (le pluriel de « lites » disparaissant au profit du singulier).
- v. 2 : l’adjectif « dignus » est remplacé par le verbe « méritez » et rajout de « avec vous ».
- v. 3 : l’adjectif « amaros » (allant avec « amores » = les amours amères ») est remplacé par le nom « amertume »
 Conclusion : Traduction fidèle au texte latin dans l’ensemble, et respectueuse des effets rythmiques du texte.
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