32 Les cahiers de la communication interne n°35 - Décembre 2014
DOSSIER
RH et Communication
au cœur du social
opérationnel. Si on n’y prend garde, le risque est de
désincarner la communication interne comme les
RH et de ne plus prendre en compte le salarié dans
son environnement local, personnel et professionnel.
Intimement liées dans l’entreprise, la communication
interne et les RH le sont donc aussi dans notre forma-
tion. Notre pratique professionnelle, à la fois d’ensei-
gnants et de chercheurs en sciences de l’information
et de la communication, nous incite à témoigner
qu’on ne peut plus penser les savoir-faire de ces deux
fonctions en dehors des savoirs qui concernent tant le
rapport de l’entreprise à la société que les relations
entre salariés. Ces derniers sont aujourd’hui plus
informés, mais aussi plus sceptiques et plus critiques.
Cela oblige les communicants comme les gestion-
naires RH de demain à décoder les collectifs ancrés
dans une histoire et une culture, les communautés
qui se forment au gré des projets, les environnements
qui se décloisonnent et se recoupent, à identifier ce
qui est continuité ou rupture dans l’entreprise en se
délestant des effets de mode qui semblent consacrer
le présent. Cette capacité de décodage, qui permet
de rendre le social intelligible, pousse alors naturel-
lement vers une utilisation pratique8 des sciences de
l’information et de la communication, de la sociologie,
des SHS en général, afin d’aider nos étudiants à
penser différemment et à agir autrement. C’est ce qui
fait de ce master une formation singulière.
1 Ce master est proposé en formation initiale, continue
et en alternance.
2 Renaud Sainsaulieu et Denis Segrestin créent la
sociologie de l’entreprise en 1986 : voir « Vers une
théorie sociologique de l’entreprise », revue
Socio-
logie du travail
n°3,1986.
3 Philippe Schwebig.
Les Communications de l’entre-
prise
, Mc Graw-Hill, 1988.
4 Isabelle Ferreras.
Critique politique du travail
,
Sciences Po Les Presses, 2007.
5 Mathieu Detchessahar.
«
Faire face aux risques
psycho-sociaux : quelques éléments d’un manage-
ment par la discussion »
,
Négociations
2013/1 (n°19).
6 Vincent Brulois, Jean-Marie Charpentier.
Refonder la
communication en entreprise : de l’image au social,
Fyp, 2013.
7 « Nouvelles formes de visibilité des individus en
entreprise : technologie et temporalité »,
Communi-
cation & Organisation
, 2013 (n°44).
8 À noter que des témoignages concernant une telle
utilisation seront présents dans le n°30 de la revue
Sociologies pratiques
consacré à la communication
et aux communicants confrontés aux tensions de
l’entreprise (sortie avril 2015).
d’autres et d’exercer ses savoir-faire en situation
professionnelle. La bonne insertion professionnelle
des étudiants nous confirme que notre exigence sur
le stage et le mémoire n’est pas déplacée. Parallè-
lement, nous encourageons nos étudiants à parti-
ciper aux différents événements organisés par des
associations telles que l’Afci et l’APSE (Association
des professionnels en sociologie de l’entreprise). De
notre côté, nous aidons les promotions de seconde
année à organiser leur propre événement. Cela se
concrétise par une Journée d’étude, à la fin mai,
faisant dialoguer entre eux des chercheurs, des
enseignants et des praticiens sur des sujets aussi
variés que le sens du travail, la professionnalisation
de la communication interne, l’intimité au travail, la
reconnaissance professionnelle, les situations de
burn-out,
ou la question de la sécurité.
L’alliance des savoirs et des savoir-faire
Le Master Communication et RH est ainsi à la
croisée de plusieurs chemins. Il est d’abord une
formation professionnalisante ; mais les savoir-
faire présentés – apprendre à agir – n’ont de sens
qu’au regard de savoirs plus théoriques – apprendre
à comprendre. Il se présente ensuite comme une
formation universitaire en communication, mais il
est dans les faits une formation transdisciplinaire
en Sciences humaines et sociales. Il forme enfin
des étudiants à un ensemble de métiers, mais
les aide aussi à comprendre un contexte profes-
sionnel et ses acteurs. Comprendre, par exemple,
que le salarié ne peut pas être qu’une cible pour
le communicant ou que la « banalisation » des
terminaux numériques7 ouvre la communication à
tout un ensemble d’acteurs, bien au-delà des seuls
communicants. Comprendre encore que le salarié
ne peut pas être qu’une ressource pour le gestion-
naire RH ou que la fonction RH se doit de trouver un
équilibre entre son rôle de
business partner
et celui
de
human partner.
En outre, nombre d’étudiants
ne feront pas le même métier tout au long de leur
vie. Il faut en tenir compte dans notre ingénierie de
formation, insister sur leur capacité à comprendre,
à donner du sens et à agir en trouvant la bonne
distance face aux êtres et aux choses de l’existence.
Cette idée de distance est peut-être ce qui relie le
plus ces deux fonctions. L’accroissement de la taille
des entreprises et leur activité mondialisée ont
accru la distance entre décideurs et salariés. Il y a
donc une mise à distance des individus qui modifie
les comportements de ceux qui travaillent dans
l’entreprise et plus encore de ceux qui la dirigent :
la réalité du travail, les préoccupations et les enjeux
ne sont pas les mêmes vus du siège ou vus d’un site