Corps de mère –

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D O S S I E R
E D I T O R I A L
Entretien
Nous commençons maintenant à le savoir! L’image dorée de la vie de famille
béate et naïvement heureuse qui suit
la naissance d’un enfant, ne correspond pas exactement à la
réalité. La réalité est très
souvent émotionnellement
confuse et embrouillée
alors que les deux partenaires essaient tant bien
que mal de s’adapter à
leurs nouveaux rôles de
parents. Pour un couple,
la venue d’un enfant n’est
pas réellement une opportunité de
rapprochement et il est plus courant
pour les partenaires de sentir qu’ils
s’éloignent un peu loin de l’autre...
Nous sommes à un moment unique de
l’histoire, où la femme n’a jamais été
autant libérée. Nous sommes le fruit
de luttes engagées par les générations
qui nous ont précédées. Des femmes
qui, durant ce dernier siècle, ont questionné le modèle dominant-dominé de
l’homme sur la femme. Et, la plupart
des femmes de notre génération, du
moins dans nos sociétés occidentales,
connaissent l’égalité des sexes. Pourtant, lorsque l’enfant paraît, cette
égalité, expérimentée dans l’ère préenfant, prend une toute autre allure,
allant jusqu’à s’éteindre brutalement
parfois dans les premiers mois postnataux. Pour notre génération libérée
et égalitaire, le contraste n’en est que
plus abrupt et difficile à vivre.
Le problème des couples post-bébé,
c’est qu’ils n’ont souvent pas d’autre
choix que d’intégrer des rôles plus traditionnels. L’homme devient un papa,
et la femme une maman. Très vite, ces
statuts les mettent chacun dans des
mondes très différents: Il entre dans
un rôle de soutien de famille, avec le
lourd fardeau que sont les responsabilités financières. De son côté, Elle
entre dans un rôle de mère nourricière,
compréhensive et patiente, se débattant de plus très souvent avec les
nombreuses autres tâches inhérentes
au bon fonctionnement d’une famille.
Deux mondes où il peut être frustrant
d’évoluer, surtout si, par là-dessus,
vient se greffer un manque de reconnaissance mutuelle des jobs respectifs
accomplis par les partenaires.
Si, dans ce contexte, on rajoute la fatigue, la douleur, la difficulté à s’adapter à son image corporelle, le manque
de temps, etc., il est légitime de se
poser la question suivante:
ET LE SEXE DANS TOUT CA?
Corps de mère –
Lorraine Gagnaux
Propos inspirés du livre:
«The post-baby conversation»
Alison Osborne
2006, Rockpool Publishing Pty Ltd
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Hebamme.ch
5/2009
Sage-femme.ch
Deux conseillères en santé sexuelle et reproductive ont mené une étude
quantitative et qualitative sur la contraception et la sexualité en période
de post-partum. Elles ont mis en évidence une période clé pour aborder au
mieux ces sujets ainsi que le vécu de parents et la vie du couple.
Sage-femme.ch: Vous avez expérimenté
une consultation de conseil en santé
sexuelle et reproductive six semaines
après la naissance. Comment a germé
cette idée et dans quel contexte
s’intègre-t-elle?
Les statistiques des interruptions de grossesse dans le canton de Vaud montrent
qu’en 2007, 34% des interruptions de
grossesses se faisaient dans les deux années qui suivaient un accouchement (20%
dans l’année). Cet échec de la contraception – ou son absence – était aussi fréquent
chez les Suissesses que chez les étrangères.
D’autre part, la littérature montre que les
besoins en contraception dans la période
post-partum ne sont souvent pas comblés:
on parle de «unmet needs» (que l’on peut
traduire par «besoins non comblés») pour
désigner les relations sexuelles non proté-
gées pour des raisons diverses, conscientes
ou inconscientes, et cela malgré l’absence
d’un désir de grossesse. Les femmes veulent donc espacer les naissances, mais elles
n’y arrivent pas toujours.
En conséquence, un groupe de travail interne à la maternité du CHUV s’est penché
sur ces questions: «Comment atteindre un
maximum de femmes dans le post-partum?
Quel est le moment optimal pour informer
le plus efficacement possible?» Une information concernant la contraception est
donnée avant la sortie par les soignant(e)s,
par les médecins ou les conseillères en santé sexuelle et reproductive, ceci de manière
systématique. Toutefois, les séjours se raccourcissent et les femmes ont beaucoup à
gérer dans cette période.
A la constatation qu’un certain nombre
de femmes qui ont accouché à la Materni-
Méthodologie
Projet-pilote au Planning familial du CHUV
Hypothèses
1. Les femmes ont besoin d’un espace
supplémentaire et spécifique de discussion autour de la contraception, la
sexualité et la relation de couple, afin
d’élaborer sereinement un choix le
plus optimal possible en fonction de
leurs besoins spécifiques.
2. Le post-partum (environ six semaines
après l’accouchement) est un moment approprié, car la femme est réceptive et se sent concernée. C’est
également un moment idéal pour détecter d’éventuelles difficultés, telles
que des difficultés à la reprise des rapports sexuels ou, par exemple, une
dépression du post-partum.
Matériel
– Entre le 28.11.2007 et le 28.5.2008,
évaluation quantitative et qualitative
prospective des entretiens avec les
conseillères en santé sexuelle et reproductive à l’aide d’un document d’évaluation et de transmission au médecin.
– Assignation aléatoire des femmes (2
par semaine) au moment de la prise de
rendez-vous pour la consultation médicale de contrôle des six semaines
post-partum.
Résultats
1. Au total, 40 femmes ont été vues lors
de cette période d’essai:
– 27 primipares, 13 multipares;
– 28 allaitements complets, 6 partiels,
6 stoppés avant 6 semaines, 2 sans
allaitement.
2. Le besoin de contraception s’est avéré non comblé chez 45% des femmes
(18 cas).
Suite du projet
Proposition d’augmenter l’offre.
corps de femme
Christiane Dufey-Liengme et Fabienne Coquillat, Conseillères en santé sexuelle et reproductive, Planning familial, CHUV, Lausanne.
té du CHUV reviennent vers les six semaines de post-partum pour une visite médicale de contrôle, il nous a semblé intéressant de faire précéder cette visite d’un
entretien avec une conseillère en santé
sexuelle et reproductive. Notre objectif
principal est la contraception et la prévention des grossesses non désirées mais, nous
abordons aussi tout ce qui concerne la
sexualité, l’affectivité et les relations au sein
du couple ainsi que la prévention de la dépression post-natale.
Quels sont les objectifs particuliers
de ce projet-pilote?
1. Prévenir les grossesses non désirées par
un choix de contraception optimal et accessible favorisant la compliance à la méthode contraceptive
2. Aborder ou ré-aborder le thème de la vie
affective et sexuelle du couple conjugal
et parental dans cette période de transition
3. Evaluer les ressources et les besoins, afin
d’orienter si nécessaire
4. Préparer la consultation médicale, en faisant émerger les questions, les plaintes et
les besoins des patientes
Comment entrez-vous en contact
avec les femmes, les couples au sujet
de l’intimité et en si peu de temps?
Même si l’entretien est parfois un peu
court (30 minutes), les femmes sont généralement satisfaites, car elles savent qu’elles
peuvent revenir quand elles en éprouveront
le besoin. Concrètement, nous utilisons
l’écoute active et entrons en matière avec
des questions très ouvertes: «Comment allez-vous faire?» ou «Comment voyez-vous
la suite?» ou tout simplement «Comment
allez-vous»? Puis, nous orientons la discussion avec des questions ciblées sur la reprise des rapports et leur désir d’enfant pour
le futur. Dans ce contexte, nous percevons
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notamment la représentation que la femme
se fait de la fertilité dans cette période particulière.
Par exemple, 80% des femmes ignorent
qu’il peut y avoir un cycle avec ovulation
juste avant le retour de couches… Les
femmes mettent en relation des informations qu’elles possèdent déjà mais qu’elles
n’utilisent pas. Elles disent, par exemple,
«Ah oui, ma sœur – ou ma cousine – a eu
une nouvelle grossesse, sans avoir le retour
des couches…» Elles le savaient donc, mais
elles l’interprétaient comme un «cas extrême», une «exception», sans en comprendre la cause réelle.
Des études ont montré que les femmes
attendent des professionnel(le)s qu’ils-elles
abordent la question de la santé sexuelle.
Et les professionnel(le)s font de même... et
attendent que les femmes posent les questions. Il n’est, d’ailleurs, pas toujours évident pour les professionnel(le)s de la santé
d’être à l’aise pour aborder ce sujet. C’est
la raison pour laquelle, nous nous formons
et nous avons des supervisions. Il faut développer un «savoir être» pour aborder les
tabous. Mais surtout pour continuer à s’interroger sur nos propres préjugés.
Résultats
18 femmes ont
des «besoins non
comblés»
– 14 manquent de conscience concernant la possibilité d’une grossesse non désirée. Elles attendent
le retour de couches pour prendre
une contraception. Elles doutent
de leur fertilité pendant cette période. Elles pensent que l’allaitement les protège jusqu’au retour
de couches. Elles ont peu ou pas
de rapports sexuels.
– 1 est opposée au contrôle des
naissances, mais ne désire pas
d’autre enfant.
– 3 supposent que la contraception
provoque des effets secondaires.
– 7 manquent de connaissances concernant l’existence ou l’accès aux
méthodes contraceptives.
– 2 ont d’autres préoccupations
– 3 ont le projet d’attendre la venue
de leurs règles après l’arrêt de la
Cérazette avant de reprendre une
pilule œstroprogestative.
NB: Certaines femmes cumulent plusieurs réponses.
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Quels sont les résultats de votre évaluation après six mois d’expérience?
Il est impressionnant de constater que 18
femmes sur 40 (45%) n’ont pas tous les
éléments pour être protégées contre une
grossesse non désirée (voir encadré).
Presque une sur deux! Nous constatons
qu’il y a beaucoup de fausses croyances, de
méconnaissances et de peurs.
Quels sont les besoins les plus significatifs
des femmes et des couples?
Nous nous sommes aperçues, d’une
part, que proposer de parler de contraception et de sexualité, six semaines après la
naissance, répond à un véritable besoin,
mais qu’une demande claire n’est pas toujours formulée... D’autre part, que ce sont
deux thèmes qui sont liés ou découlent
d’un autre sujet plus global... Nous pourrions dire que ce qui les préoccupe et se
trouve en amont, ce sont les relations, au
sens large:
• Nouvelles relations de la mère et du père
avec le bébé.
• Relation à soi-même, naissance d’une
mère et d’un père.
• Relation au corps transformé par la grossesse et l’accouchement.
• Mais aussi, les relations au sein du couple
à réinventer.
Quand nous ouvrons cette porte de discussion, la question de la contraception et de
la sexualité peut être abordée tout naturellement. Les femmes parlent facilement de
la douleur, mais également nous disent
Illustrations
Isabelle Ammon Saugy
Artiste sculpteure suisse, née en 1968,
mère de deux filles. En bref: formation
d’ergothérapeute, nombreux voyages,
animation d’un atelier créatif, quelques
expositions en Suisse et en France.
Travaille principalement la terre, depuis
peu aussi le métal. Ici: une série de
couples en terre cuite patinée, jeux à
deux, entre rencontre, fusion, attirance
et rupture. Le tout inspiré par la sensualité des arbres.
Isabelle Ammon Saugy
Pont-Neuf 31, CH 1341 L’Orient
[email protected]
www.ammon-sculpture.ch
parfois ne plus rien sentir ou n’avoir jamais
eu de sensation. Comment être créative et
reprendre confiance pour ré-apprivoiser le
corps transformé? Elles se demandent si un
corps de mère peut oser la séduction pendant l’allaitement. «Etre mère et se permettre d’avoir du plaisir», est-ce compatible? Certaines disent n’avoir jamais eu
vraiment de communication intime en
couple: «Comment dépasser les simples
performances sexuelles? Comment mettre
en valeur l’affectivité et la sensualité absentes? Comment retrouver un équilibre
couple-famille perturbé?» Autant de questions ou de difficultés qui sont exprimées
couramment.
En complément, nous les avons parfois
orientées vers d’autres professionnelles
(sage-femme, infirmière de la petite enfance,
sexologue, etc.) ou leur avons conseillé la
rééducation périnéale. Il arrive également
que nous reparlions de l’accouchement, du
bébé qui pleure beaucoup et qui dort peu
ou qui ne correspond pas au bébé imaginé,
rêvé. Les femmes se rendent compte lors
des entretiens qu’il y a des espaces pour
aborder ces sujets aussi divers que sensibles.
Aujourd’hui, à quelle conclusion
arrivez-vous?
Cette étude met en évidence un nombre
élevé de femmes qui sont sexuellement actives, sans ou avant d’être suffisamment
protégées lors du retour de la fertilité dans
le post-partum, alors qu’elles ne désirent
pas d’enfant.
Nous constatons que les 40 entretiens du
post-partum réalisés ont répondu à un
besoin et ont permis en plus d’aborder
d’autres questions ou difficultés liées au
corps de mère et corps de femme, au
couple conjugal et au couple parental. 왗
Propos recueillis par
Josianne Bodart Senn
Recherches récentes
Difficultés à reprendre
les rapports sexuels
Il est un équilibre dans le couple de jeunes parents que la sage-femme peut
soutenir et promouvoir la sexualité dans le postpartum. Quel est le meilleur
moment pour aborder ce sujet? Deux recherches récentes ont été publiées sur
le sujet: l’une sur l’impact du traumatisme génital sur la fonction sexuelle du
postpartum et l’une sur l’allaitement et la sexualité.
Emanuela Gerhard
sage-femme à la maternité de
l’hôpital du Samaritain à Vevey
«C’était difficile, ce corps devenu étranger, qui soudain, enfin, s’unissait au
mien. Il était à la fois inconnu et bizarrement familier. Il était un père, et un frère
depuis que nous étions devenus une famille. (...) J’étais mal dans ma peau.
J’étais ailleurs. Mon corps était insensible,
insoumis, et je ne ressentais plus rien
qu’une sorte de gêne. J’avais encore
mal.» (Abecassis, 2005, p. 148).
La naissance d’un enfant apporte une
multitude de changements pour une
nouvelle maman. Beaucoup de femmes
expérimentent la fatigue, la douleur périnéale, l’incontinence urinaire, la dépression, ainsi que des changements dans la
fonction sexuelle. Alors que la dépression
du postpartum et l’incontinence urinaire
ont reçu une attention modérée de la
part des chercheurs, les études concernant la fonction sexuelle ont été négligées. Les données européennes disponibles suggèrent que les problèmes
sexuels du postpartum sont courants.
Jusqu’à 83% des femmes rapportent des
problèmes sexuels dans les 3 mois après
la naissance, et à 6 mois postpartum,
18% jusqu’à 30% des femmes expérimentent toujours des problèmes sexuels,
dyspareunie y compris. Plusieurs raisons
ont été suggérées pour le retard de la
reprise des rapports sexuels vaginaux après la naissance. Les
principales sont: la
douleur liée à
l’épisiotomie, les
saignements ou
écoulements vaginaux, la fatigue,
ou l’inconfort lié à l’inadéquate lubrification du vagin due au taux plus bas d’œstrogène dans la période postpartum.
Le peu d’études conduites sur le comportement sexuel des couples lors de la
grossesse et dans le postpartum s’accordent à conclure qu’une information exacte peut aider les couples pendant les périodes de transition avant et après la naissance. Une discussion des changements
attendus dans la sexualité devrait être introduite dans la routine du suivi prénatal.
Les informations concernant la sexualité
exposées pendant la grossesse permettraient un meilleur vécu de la sexualité du
postpartum. Dans un article récent paru
dans La Revue Sage-femme (Décembre
2008, 301–304), Fabre-Clergue & Duverger-Charpentier affirment que «la sexualité du postpartum dépend étroitement
de la qualité de la sexualité qui a existé
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pendant la grossesse. (...) Il est donc capital d’informer les couples sur la sexualité et la grossesse pour prévenir les difficultés du postpartum.»
L’impact du traumatisme
génital sur la fonction
sexuelle du postpartum
«Est-ce que le traumatisme spontané
du tractus génital a un impact sur la fonction sexuelle du postpartum? (Does
Spontaneous Genital Tract Trauma Impact Postpartum Sexual Function?)» est
une étude comparative, descriptive, menée en collaboration par les Départements d’Obstétrique et Gynécologie,
Médecine Familiale et le College of Nursing du Centre des Sciences de la Santé
de l’Université du Nouveau Mexique (앾American College of Nurse-Midwives,
2009). Elle a été publiée dans le Journal
of Midwifery and Womens’ Health dans
le numéro de mars/avril 2009. Une cohorte prospective de patientes de sagesfemmes a consenti à l’accès à la documentation du traumatisme génital à la
naissance et à l’évaluation de la fonction
sexuelle à 3 mois postpartum. L’impact
du traumatisme génital sur la fonction
sexuelle était l’objectif de l’étude. Les
traumatismes étaient catégorisés en traumatisme mineur (pas de traumatisme ou
déchirure du premier degré ou autre
traumatisme n’ayant pas été suturé) et
traumatisme majeur (déchirure du deuxième, troisième ou du quatrième degré
ou autre traumatisme ayant nécessité
une suture). Les femmes ayant subi une
épisiotomie ou un accouchement opératoire ont été exclues.
58% (326/565) des femmes enrôlées
ont donné des données sur la fonction
sexuelle; parmi elles, 276 (85%) ont rapporté une activité sexuelle depuis la naissance. 70% (193) avaient subi un traumatisme mineur et 30% (83) avaient subi un
traumatisme majeur. Les femmes sexuellement actives ont complété une échelle
de relation intime (Intimate Relationship
Scale – IRS), un questionnaire de 12 sujets validé comme une mesure de la fonction sexuelle du postpartum Les deux
groupes de traumatismes étaient également à même d’être sexuellement actifs.
Les scores totaux d’IRS ne différaient pas
entre les groupes de traumatismes, il n’y
avait pas non plus de plainte de dyspareunie. Cependant, pour deux sujets,
des différences significatives on été
démontrées: les femmes ayant subi
des traumatismes majeurs ont rapporté avoir moins de désir à être tenues, touchées et caressées par leur partenaires que les femmes ayant subi un
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traumatisme mineur. Les femmes ayant
nécessité une suture périnéale ont rapporté un score d’IRS plus bas que les femmes
qui n’ont pas nécessité de suture.
Le silence sur le sujet de la sexualité du
postpartum va servir uniquement a garder les femmes et leur partenaires ignorants des changements qui peuvent tout
à fait être une partie normale des ajustements du post-partum ou les priver de solutions à des problèmes qui peuvent être
facilement remédiés ou du moins expliqués.
L’implication de la sage-femme auprès
du couple de jeunes parents s’avère bénéfique en matière de sexualité. Aborder
ce sujet avec eux est essentiel. En invitant
le couple à une discussion, nous pouvons
les informer à propos des changements
possibles, les adresser à des spécialistes
(gynécologue, sexologue) et leur donner
des conseils pour des solutions spécifiques. Pour certains couples, il peut être
délicat d’en parler car le manque d’envie
sexuelle peut être interprété comme un
manque d’amour. En revanche, le discours d’une sage-femme en cours de préparation à la naissance et à la parentalité
ou lors de ses interactions avec les
couples, permet aux parents de dédramatiser l’absence de désir et de leur faire
comprendre qu’ils ne sont pas des cas à
part et qu’ils peuvent se laisser du temps.
Dans son livre «Devenir parents en Maternité», Michèle Canon-Yannotti estime
que: «Si elles (les sages-femmes) sont attentives à la mise en place du lien de la
mère à l’enfant et à la qualité des soins,
elles veillent à ce que le jeune père ne se
sente pas exclu du fait de sa position
d’extériorité de départ. Puis, elles aident
la jeune femme à récupérer un corps féminin en perdant les traces du corps maternel. Elles permettent ainsi au jeune
couple de reprendre la dynamique de sa
sexualité.» (p. 66)
L’allaitement et la
sexualité du postpartum
Dans les siècles passés, le temps de l’allaitement était aussi celui de l’interdiction
des rapports sexuels. Cette période pouvant durer un an, deux ans, voir plus. Actuellement, l’effet de l’allaitement maternel sur la sexualité dans le postpartum
fait l’objet d’une controverse. Les différentes études (la plupart rétrospectives)
ont trouvé soit une augmentation, une
diminution de l’intérêt ou aucun changement du type de rapport sexuel. Une étude prospective canadienne (Ontario) intitulée «Allaitement maternel et sexualité
immédiatement après l’accouchement»
publiée en octobre 2005 dans le journal
Canadian Family Physician (texte intégral
accessible en anglais à www.cfpc.ca/cfp),
montre que l’allaitement maternel cause
un retard significatif de la reprise de l’activité sexuelle comparé à l’allaitement artificiel.
L’objectif de cette recherche est d’examiner la relation entre l’allaitement maternel et la reprise des rapports sexuels
vaginaux; d’établir la relation entre ces
comportements et les facteurs âge, parité, situation matrimoniale, type d’accouchement et usage de contraceptif; et
d’identifier les facteurs associés à la reprise des rapports sexuels.
Le contexte se situe dans les cabinets
de 11 obstétriciens dans trois localités
ontariennes, entre août et décembre
2002. Les participantes sont des femmes
à leur première consultation postpartum.
Le principal paramètre étudié est la reprise des rapports sexuels vaginaux.
Les résultats des cette recherche rapportent que sur les 316 répondantes, 181
(57,3%) allaitaient et 167 (52,8%)
n’avaient pas encore eu de rapports
sexuels vaginaux. Les femmes étaient
âgées en moyenne de 28,7 ± 5,3 ans et
leur bébé de 6,5 ± 1,1 semaines. C’était
un premier bébé dans 50,3% des cas et
un second dans 32,6% des cas. La plupart des femmes étaient mariées (72,8%)
ou vivaient en couple (19,3%). Les femmes mariées étaient plus susceptibles
d’allaiter, de même que celle ayant la plus
grande parité.
La régression logistique multifactorielle
a identifié cinq variables qui avaient une
association significative avec la reprise
des rapports sexuels 6 semaines après
l’accouchement. Les deux variables les
plus significatives du point de vue statistique étaient l’allaitement maternel (exclusif ou complété par le biberon) et l’âge
en semaines du bébé.
Un autre facteur prédictif, très significatif, était le type d’accouchement (vaginal sans déchirure vs césarienne ou accouchement vaginal avec déchirure) ainsi
que la plus forte parité. Une faible association existait entre la reprise des rapports sexuels et l’âge maternel plus élevé.
Les 167 femmes ont été questionnées sur
les principales raisons de la non-reprise
des rapports sexuels: les 161 répondantes ont indiqué 215 raisons. 54 en citant
plus d’une. Les raisons les plus fréquentes
étaient un manque d’intérêt (18,6%),
une trop grande fatigue (16,8%), la
crainte de rapports douloureux (16,8%),
les conseils en ce sens du médecin
(15,6%) et la croyance qu’elles devaient
attendre 6 semaines (14,4%).
La conclusion de cette recherche est
que les femmes allaitant qui retardent la
pour les accompagner dans leur nouvelle
vie et leur nouveau rôle.
Au-delà de l’information indispensable, l’aspect préventif est essentiel pour
un bon vécu de la naissance pour le jeune papa, pour la jeune maman et d’autant plus pour le nouveau-né. Cependant, plusieurs entraves à l’information
du couple et des difficultés sont rencontrées par les sages-femmes. Elles sont dénoncées dans la «Réflexion concernant la
place de la sage-femme dans la sexualité
du couple» de Charlotte Crouzet, sagefemme à Millau, en France: «La pudeur,
stratégie d’évitement naturelle à parler
de sexualité, induit un problème de communication. L’éducation, la religion, la
culture, l’âge et l’identité sexuelle, la santé mentale et physique, le choix de partenaire, la société et l’époque sont autant
de facteurs qui influencent notre regard
sur la sexualité et qui peuvent aller à l’en왗
contre de l’information sexuelle».
Bibliographie
reprise des rapports sexuels après l’accouchement profiteraient d’une franche
discussion sur l’allaitement maternel, la
sexualité et la contraception immédiatement après l’accouchement.
Les auteurs incitent les professionnels
de la santé à discuter de la relation allaitement maternel/sexualité au cours des
visites post-partum.
Rôle capital
de la sage-femme
Il est primordial que la sage-femme
prenne la liberté de parler de sexualité,
des changements qui vont survenir dans
leur couple, des divergences éventuelles
qu’il pourrait y avoir quand à savoir comment agir en tant que jeune parent. Lors
du cours de préparation à la naissance ou
lors d’une consultation de grossesse – ou
encore de manière plus pertinente – lors
d’une visite post-partum en milieu hospitalier ou à domicile. Pour que les couples
puissent trouver un soutien et des réponses à leurs questions.
Nous avons un rôle capital en tant que
sage-femme dans la transmission de
notre savoir autant sur tout ce qui touche
la femme enceinte et le couple pendant
la période périnatale, que sur l’allaitement, la fatigue maternelle ou encore en
matière de sexualité. Nous pouvons apporter aux couples plus qu’un soutien
Ouvrages:
Abecassis E. (2005). Un heureux événement. Paris: Albin Michel.
Canon-Yannotti M. (2002). Devenir parents en
Maternité. (Collection de périnatalité). Paris:
Masson.
Mémoire de Fin d’Etudes:
Gerhard E. (2006). Rester un couple en devenant
parents: L’accompagnement de la sage-femme à la parentalité. Genève: Haute Ecole de
Santé.
Articles/revues:
Crouzet C. (mars 2006). Réflexion concernant la
place de la sage-femme dans la sexualité du
couple. Les Dossiers de l’Obstétrique, (no
347), 6–8.
Fabre-Clergue C. & Duverger-Charpentier H. (Décembre 2008). Sexualité du post-partum. La
Revue Sage-femme, Volume 7, Issue 6,
301–304.
Sites Internet:
Janis E. Byrd, Janet Shibley Hyde, John D. DeLamater E., Ashby Plant (Octobre 1998). «Sexuality during pregnancy and the year postpartum.» Journal of Family Practice. (on line).
Available from: http://findarticles.com/p/
articles/mi_m0689/is_n4_v47/ai_21235891
(Accessed 11th March 2009).
Mary Rowland, Laura Foxcroft, Wilma M. Hopman, Rupa Patel (Octobre 2005). «Allaitement maternel et sexualité immédiatement
après l’accouchement.» Le Médecin de famille canadien. (on line) Volume 51, pp.
1366–1367. Available from: http://www.cfp.
ca/cgi/reprint/51/10/1366?maxtoshow=&HIT
S=10&hits=10&RESULTFORMAT=&fulltext=s
exuality+breastfeeding&searchid=1&FIRSTINDEX=0&sortspec=relevance&resourcetype=H
WCIT (Accessed 9th March 2009).
Rebecca G. Rogers, Noelle Borders, Lawrence M.
Leeman & Leah L. Albers (March/April 2009).
«Does Spontaneous Genital Tract Trauma Impact Postpartum Sexual Function?» Journal
of Midwifery Women’s Health, (on line) Volume 54, No. 2, pp. 98–103. Available from:
http://www.jmwh.com/article/S1526-9523
(08)00334-6/fulltext (Accessed 9th March
2009).
Hebamme.ch
Sage-femme.ch
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