
Reintegration Awards 2014
Synthèse de la table ronde - 26.02.2015
CRéSaM, Centre de référence en santé mentale, asbl
Il reste donc une part de mystère, mais comme on est aux prises avec une ambition totalisante de
vouloir tout expliquer, cela renforce les interrogations. Ce mystère alimente ce que Lucien Bonafé
appelle « la pensée magique » qui anime les gens dès le moment où ils ont à faire à la maladie
mentale selon cette idée qu’il y a quelque chose de mystérieux, une sorte de possession, qui fait que
comme le dit Sivadon, « le fou serait d’une essence différente ». Cela touche au travail sur l’humanité
de la folie. Le malade mental est-il un humain à part entière ?
Nicolas Sarkozy s’engouffre dans cette faille. Plutôt que d’analyser ce qui s’est passé en France à Pau,
le message est : « cette catégorie de personnes est dangereuse » ; démarche archaïque où la pensée
magique est à l’œuvre, qui renvoie à quelque chose de bizarre, d’étrange.
Cette conception scientiste dominante dans la société règne aussi souvent dans les médias. Elle
explique pourquoi on monte en épingle tel ou tel fait plutôt qu’essayer de comprendre ce qu’est la
maladie mentale, et quelles sont les questions qui se posent.
- La vision gestionnaire / néolibérale de la maladie mentale :
Cette vision considère le malade mental comme un citoyen souffrant certes, mais individuellement
responsable de sa maladie et de son traitement. En cela, il ne se distingue pas d’un autre malade. La
science va régler le problème (« vous faites une crise, on vous emmène en hôpital ») et puis la
personne doit tout de suite se prendre en charge (« quel est votre projet de vie ? ») dans une
perspective de réinsertion obligatoire.
Cette vision renvoie à l’individu lui-même la responsabilité de son état.
Les deux conceptions ont un défaut majeur : elles évitent de poser la question de notre
responsabilité. C’est dans la relation que la société a avec le patient que se situe pour une part le cœur
du problème. Quel est le rapport que nous avons à la maladie mentale ? N’est-il pas stigmatisant ?
Quand le rapport est le rejet, l’exclusion, les conditions ne sont pas favorables à la guérison.
Quand on observe la trajectoire qui conduit à la réinsertion, certains patients seulement vont pouvoir
y arriver. Que deviennent les autres ? Le système les considère comme une population à risque, qu’il
faut surveiller, réguler, gérer.
Ces idées dominantes, amplifiées par les médias, font que l’opinion publique ne connaît pas la maladie
mentale et trouve normal qu’un malade qui n’est pas dans la norme soit enfermé.
Il est important de replacer la question des médias dans ce contexte, ceux-ci étant porteurs de cette
vision dominante, naturellement. Les médias ne sont que le reflet de la société dans laquelle ils
travaillent. Ils sont souvent un reflet amplificateur de ce qui se passe dans la société, des idées
dominantes.
Dans le contexte actuel de concurrence de plus en plus sauvage, les grands médias de services publics
ont tendance à s’aligner aussi sur la manière de fonctionner des grands médias privés.
Par ailleurs, on a assisté depuis 20-30 ans à un bouleversement du monde des médias, sur la base
d’une marchandisation extrême de l’information. Les faits divers ont pris une importance de plus en
plus grande. En France par exemple, avec le drame de Pau, on a assisté à un déferlement des médias.
L’analyse critique est relayée au second plan, au profit de l’audience. Or un sujet comme la santé