Ces entreprises qui donnent « 1 % la Une centaine de sociétés françaises ont,rejoint le club fondé en 2002 par le patron de la société Patagonia. Dans le monde, 1 500 compagnies versent 1 % de leur chiffre d'affaires à des causes environnementales. •< C'est une taxe que nous nous imposons à nous-mêmes », explique Yvon Chouinard. Une contrepartie, « un prix qui nous paraît juste pour polluer et vivre des ressources de la Terre. » Ancien alpiniste (1), le fondateur de Patagonia est un patron atypique. « Nous prenons nos décisions comme si la planète était l'actionnaire principale », aime dire cet Américain de 73 ans qui bouscule les préceptes du management. Depuis le lancement, en 1973, de sa marque de vêtements de plein air, une part des bénéfices était versée à des organisations de protection de l'environnement. Parallèlement, l'entreprise américaine fabrique ses vestes polaires à partir de plastique recyclé, n'utilise que coton bio et de la laine sans chlore En 2002, jugeant que l'urgence exigeait une mobilisation de grande ampleur, il a lancé le mouvement « 1 % pour la planète », invitant les chefs d'entreprises à faire ce que faisait Patagonia (1 300 salariés) depuis 1985 : verser 1 % du chiffre d'affaires à des causes environnementales. Le choix des bénéficiaires Figure respectée, le patron charismatique n'a pas eu à en faire trop pour entraîner d'autres dirigeants dans son sillage. Neuf ans plus tard, 1 500 entreprises dans 44 pays s'imposent le régime « 1 % ». 15 millions d'euros ont été distribués en 2010 (50 millions depuis le lancement). « Le club est devenu l'une des plus importantes sources de financement des actions de protection de l'environnement dans le monde », affirme Yvon Chouinard. En France, le mouvement prend de l'ampleur : il compte déjà 110 membres, principalement des petites entreprises. La plus importante, Léa Les ours polaires sont menacés. Ils pourraient disparaître, avertit le WWF. Cette grande organisation écologiste bénéficie des fonds du « 1 % pour la planète ». Nature (600 salariés) a son siège à La Rochelle et fait dans le « produit biologique et naturel », alimentation, cosmétiques, textile... « Nous avons adhéré en 2007. Nous avions des actions en direction de l'environnement depuis dix ans, mais nous étions en quête d'un engagement pérenne, explique son PDG Charles Kloboukoff. Fin 2010, nos versements représentaient plus d'un million d'euros à 150 associations et ONG. » Chaque membre choisit ses bénéficiaires parmi les 2 500 organisations agréées par le club 1 % et leur verse directement les fonds. En France, des « grosses machines » comme le WWF ou le Muséum national d'Histoire naturelle reçoivent de l'argent. Mais aussi des petites associations telles Eau et Rivières de Bretagne ou la Maison de la nature de Belle-lleen-jner. « Cela donne du sens à notre travail, dit Charles Kloboukoff. L'entreprise ne doit pas avoir seulement un rôle économique ». « Qui va résoudre les problèmes comme le changement climatique ? interroge, en écho, Yvon Chouinard. Les gouvernements ? Non, personne n'y croit. C'est de la responsabilité de chacun et l'entreprise peut être un outil très efficace. » (1) Yvon Chouinard raconte son parcours dans le livre Homme d'affaires malgré moi, édition Vuibert. Le logo environnement, « plus efficace que la publicité » Entretien Yvon Chouinard. Patron de l'entreprise Patagonia, né dans le Maine (États-Unis). Que dites-vous aux chefs d'entreprises pour les convaincre d'adhérer au club « 1 % pour la planète » ? Les jeunes d'aujourd'hui sont très préoccupés par l'environnement. Ils connaissent les problèmes, ne croient pas la publicité, votent avec leurs dollars en achetant des produits responsables. Ils ont besoin de croire en quelque chose. Une compagnie qui essaie d'être responsable et honnête, ils ont envie de la soutenir. Je dis aux patrons : «Vous dépensez 10 % de votre chiffre d'affaires en publicité ; dépensez 9 % et rejoignez 1 % pour la planète ! Avoir le logo 1 % sur vos produits sera beaucoup plus efficace vis-à-vis des jeunes». Cela vous réussit : les deux dernières années sont les meilleures que Patagonia ait connues... Oui, c'est incroyable. C'est le cas pour les cinq plus grosses sociétés du club. Normalement, Patagonia accroît son chiffre d'affaires de 5 ou 7 % par an. Pendant la crise, c'est monté au plafond : 25 % l'an dernier, sans doute 30 % cette année. En période de récession, le consommateur achète moins, mais de meilleure qualité. Si c'est un bon argument commercial, pourquoi le club n'a-t-il que 1 500 membres ? Adhérer est un engagement très sérieux, Même si vous ne faites pas de profits, vous devez verser 1 % de votre chiffre d'affaires. Ce sont essentiellement des petites compagnies qui adhèrent. Nous sommes la deuxième en taille.'En Amérique, les dons des 10 % de gens les plus pauvres représentent 6 % de leurs revenus. Les 10 % les plus riches donnent, eux, 1,2 %. C'est un fait : les pauvres sont les plus généreux. Voilà pourquoi les plus petites compagnies sont celles qui font le plus de bien. Quand elles grossissent, les entreprises ne pensent plus qu'à faire de l'argent. Recueilli par Serge POIROT onepercentfortheplanet. org