Frères, j`aimerais vous voir libres de tout souci... monde comme n`en

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Dt%18,%15‐20%;%1%Corinthiens%7,%32‐35%;%Marc%1,%21‐28%
Frères,
j'aimerais vous voir libres de tout souci...
Les textes de ce quatrième dimanche abordent deux
questions aujourdhui comme hier très délicates en Église :
celle de l’autorité et celle du célibat.
Le livre du Deutéronome (18,15-20) et lévangile de Marc
(1,21-28) soulèvent la problématique du pouvoir conféré à ceux
qui annoncent la Parole de Dieu. Dans la première lecture,
Moïse promet au peuple dIsraël que Dieu lui enverra un
prophète qui parlera en son nom, quil conviendra d’écouter.
En lui, chrétiens, nous reconnaissons Jésus. Les vrais
prophètes sont toujours revêtus dune surprenante
autorité, car le souffle de Dieu lui-même les habite. Ainsi
Jésus, si effacé jusque là, stupéfie les gens dans la
synagogue de Capharnaüm par l’assurance de sa parole. À
nous tous, en vertu de notre baptême et de notre
confirmation, il appartient aussi maintenant de témoigner du
Christ, dans nos propos certes, mais surtout par l’exemple.
Mais laissons de côté cette question de l’autorité en
prenant le risque de commenter aujourdhui le passage de la
lettre aux Corinthiens qui n’aura sans doute pas manqué de
vous surprendre. Dieu vous demanderait-il de laisser votre
femme ou votre mari pour vous occuper exclusivement de ses
affaires ? Le célibat devrait-il être préféré ? La question
justement fait débat dans l’Église, dans celle du monde
occidental pour le moins ?
Vous aurez probablement remarqué que ce passage suit
immédiatement celui que nous lisions dimanche dernier (1 Co 7,
20-31). Pour ne pas faire de contresens, on se référera donc
aux lignes qui précèdent, où Paul recommandait d
user
du
monde comme nen nusant
: «
ceux qui pleurent comme s’ils ne
pleuraient pas, ceux qui sont heureux comme sils ne l’étaient
pas
». En dautres termes, l’apôtre nous invite à faire « comme
si », et cela à propos des cinq domaines de la vie qui nous
tiennent peut-être le plus à cœur parce quils font la trame
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concrète de nos journées : le couple, la souffrance, le
bonheur, les achats et la possession des biens matériels.
Le propos de Paul peut donc avoir de quoi nous inquiéter :
est-ce un appel à la schizophrénie ou une invitation à
cultiver une conscience malheureuse ? On comprend que cet
apôtre nait pas que des supporters et qu’à la lecture de sa
lettre certains pensent devoir se rebeller.
La première recommandation sera de bien entendre le
contexte.
À la première ligne de ce chapitre 7, Paul écrit : «
Venons-
en à ce que vous m’avez écrit : quil est bon pour l’homme de
s’abstenir de la femme.
» Ce sont donc ses correspondants qui
ont abordé le sujet en posant l’alternative mariage/célibat,
faisant probablement écho à certains courants de l’époque
condamnant le corps. Dans les lignes qui suivent relisez v.
2-5 Paul, qui tient par ailleurs à son célibat, déconseille la
continence totale aux époux : « pour éviter tout
dérèglement » précise-t-il, en confirmant que, si le mariage
est la condition normale de l’homme et de la femme, le célibat
comme le mariage sont tous deux un « charisme », cest-à-dire
un don particulier de Dieu qui peut être mis au service de la
communauté.
Traitant de ce thème très délicat, Paul énonce un
prudent préliminaire : à ce sujet, «
je n’ai pas reçu dordre
spécial du Seigneur ; cest un avis personnel que je donne
».
Mais il ajoute aussitôt : «
celui dun homme qui, par la
miséricorde de Dieu, est digne de confiance
» (v.25). Cest
alors quil avance que le célibat peut avoir l’avantage de
lirer des soucis de la vie conjugale en vue d’une
disponibilité plus grande «
aux affaires du Seigneur
».
Un regard sur ce qui se passe en ce temps-à Corinthe
nous aidera aussi à mieux comprendre son intention. Corinthe
est alors une ville portuaire de très mauvaise réputation, où
des milliers de prostituées vivent, selon les coutumes
païennes, en offrant leurs services autour du temple
d’Aphrodite. Par réaction, en mettant ses pas dans ceux du
Christ, les baptisés de la jeune communauté découvrent dans
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l’Évangile le chemin de la virginité «
pour le royaume de
Dieu
». L’engagement au célibat nétait guère valorisé dans le
judaïsme, bien plus soucieux dassurer une descendance à
Israël. Mais le jour où les disciples interrogent Jésus sur la
question, celui-ci se contente de leur répondre qu’il ya «
des
eunuques qui sont nés ainsi, des eunuques qui ont été
rendus tels par les hommes, et ceux qui se sont eux-mêmes
rendus eunuques à cause du Royaume des cieux
», ajoutant
pour seul commentaire : «
Comprenne qui peut comprendre !
»
(Mt 19, 12). Une libre suggestion, pas une obligation.
Être eunuque à cause du Royaume, cest le choix que Paul a
fait pour lui et qu’il fend. Il faut encore une fois se
rappeler que la tradition rabbinique regardait le mariage
comme une obligation absolue, et que Paul écrit sa lettre à
des gens qui étaient convaincus, comme lui, que la venue
définitive du Seigneur était toute proche et qu’il fallait
donc absolument sy préparer. À partir de cette conviction,
certains faisaient des « mariages blancs » ou « fiançailles
éternelles » en voulant vivre comme frère et sœur «
dans
l’attente de la venue du Seigneur
». Cest pourquoi, prudent,
l’atre sinquiète des « dérèglements » auxquels cette mise à
l’écart du mariage peut conduire..
Nous avons entendu par ailleurs combien Paul souligne
l’exigeante beauté du mariage : le mari doit plaire à sa femme
ou la femme à son mari, lui consacrer son corps et son esprit.
Il compte du reste des couples parmi ses amis, notamment
Aquilas et Prisca, tout à fait dévoués à la mission de lÉglise
(cf. 1 Corinthiens 16, 19).
Certains philosophes stoïciens de ce temps-là
pratiquaient le célibat pour se situer au-dessus de la mêlée
du commun des mortels. Paul rejette cette attitude hautaine
et refuse de tendre un piège à qui ne supporterait pas la
condition de vie qu’il a fait sienne. Mais il assure quelle
nest pas réservée à une élite ; cest un appel proposé par
Dieu à certains pour une plus grande disponibilité. Encore
faut-il que la communauté chrétienne comprenne que ce don
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est à son service et quelle soutienne celles et ceux qui ont
fait ce choix.
La réponse de Paul déborde la question qui lui a été posée.
Il écrit : «
le temps s’est raccourci
». Il emploie ici en grec un
terme emprunté à la navigation et l’on pourrait traduire
littéralement :
le temps a cargué les voiles !
L’image est
expressive pour les habitants dun port. Il y a là plus que
l’attente dun prompt retour du Christ. La venue de Jésus a
écourté
le temps, ce quil convient dentendre dans un sens
figuré : on ne peut plus
s’installer
dans le monde présent
comme auparavant, quand on ne voyait pas plus loin que
l’horizon. Il convient de vivre maintenant entièrement
tourné vers ce qui vient, car nous ne sommes qu « étrangers
et voyageurs sur la terre ». Or ce qui vient, cest le Seigneur,
le Christ :
dans sa gloire
et
pour le jugement
.
Certes, les chrétiens vivent dans le temps présent, mais
ils tendent vers leur rencontre définitive avec le Christ.
C’est là une vue de foi et cest ainsi qu’il faut comprendre
Paul : il est pleinement habité par le Christ et transformé par
Lui. En dehors du Christ, rien ne compte pour lui.
Si le Christ est celui à qui nous nous sommes consacrés
par le baptême, il est une personne vivante et présente dans
nos vies. Il nest pas étonnant que la communauté des
chrétiens l’Église –puisse l’appeler «
l’Époux
». L’expression
est pleine de sens, même si elle peut sembler très étrange au
monde. Et dans ce contexte, aussi surprenant que cela puisse
partre, certains peuvent faire le choix du célibat ou de la
pauvreté volontaire, parce que le seul amour incorruptible,
notre seule richesse véritable, cest le Christ.
Par ses propos, Paul cherche à tendre les regards des
Corinthiens et les nôtres vers un au-delà tout proche :
Frères,
j'aimerais vous voir libres de tout souci...
Ce qui est nouveau dans l’enseignement de Paul, cest
d’affirmer qu’il existe une autre valeur que le mariage : le
célibat habité par le Christ. Mais dans sa lettre il ny a aucun
jugement de valeur sur chacun des deux états dont il est
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question, et moins encore un jugement de valeur sur les
hommes et les femmes qui vivent dans ces états. Aucun
argument donc pour ou contre le célibat ecclésiastique.
Paul voit ses frères chrétiens vivre dans une époque
difficile et une ville corrompue. Il a pris conscience du
radical changement intervenu dans l’histoire avec la venue
du Christ : «
le temps se fait courtelle passe la figure de ce
monde
». Il croit qu «
à cause des angoisses présentes
» (au
sens des épreuves familiales entraînées par la fidélité au
Christ ; cf. note TOB 1Co.7, 26), le célibat constitue létat le
plus convenable pour attendre le retour du Christ, mais sans
rien dénigrer de l’engagement des gens mariés. Dans l’ère
messianique où il était entré - le temps du Royaume des cieux -,
il pouvait lui paraître moinscessaire de procréer pour
durer que dêtre prêts pour accueillir le Christ à son retour.
Plus tard, ayant pris la mesure du temps qui passe, Paul
en arrivera à montrer aux Ephésiens comment le mystère du
mariage permet aux chtiens dexprimer en ce monde l’union
intime du Christ et de lEglise. Mais laissons-lui l’opportunité
d’avancer.
Le mariage a une réelle valeur de sanctification dans le
christianisme, mais il nest plus une obligation universelle
comme dans le judaïsme, car un autre genre de vie a surgi, qui
a aussi tout son sens quand il est donné au Seigneur, et me
consacré au service du Christ et de lÉglise. C’est le chemin
difficile du célibat, qu’il soit officiellement consacré ou non,
voulu ou parfois imposé par les circonstances.
À chacun son chemin, pourvu qu’il nous conduise à Dieu.
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