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RÉSUMÉ
Cette thèse propose une vision intégrée des enjeux éthiques et féministes que mobilise le
concept de care (soin, sollicitude). À l’origine d’un champ théorique appelé par certains
carology, l’éthique dite du care ou « paradigme relationnel » remet en question
l’androcentrisme en philosophie et avec celui-ci, certaines de ses distinctions fondatrices
telles que raison / émotions ou impartialisme / contextualisme moral, questionnant dans la
foulée le postulat du rationalisme en éthique. L’invitation à penser le care comme vision du
monde ou culture plutôt que comme simple « dispositif » éthique (ou politique) constitue la
thèse à proprement parler, formulée à l’issue d’une démarche essentiellement synthétique.
En regard des débats propres à la carology même, sont mises de l’avant les conceptions
propres à sa « deuxième vague » théorique (abordant le care dans sa valeur de travail et sa
dimension politique) dans le but de repositionner le care au cœur de l’idéalisme affectif de
sa « phase initiale ». Côté théorie féministe, la posture avancée est différentialiste –
promeut la different voice dans une conception genrée du care – mais radicale – ni libérale,
ni essentialiste –, de sorte qu’est misé sur le potentiel universel de la culture relationnelle
féminine davantage que sur sa démarginalisation via une extirpation du genre et du
sentiment. Une lecture radicale vient pointer le biais dualiste de la pensée humaine ainsi
que le caractère primitif ou « ontologique » des paradigmes [andro/ anthropo/ logo/
occidentalocentriques] enserrant le care mais que le care, aussi, reformule. Ressort alors la
nécessité de projeter la société du care sous l’angle d’un « idéalisme accessible » mariant
promesse d’une humanité post-patriarcale et valorisation des formes concrètes (bien
qu’imparfaites), intelligibles et habilitantes de la culture relationnelle féminine — le care
comme pouvoir et non comme aliénation. Le tout débouche sur une synthèse
anthropologique des enjeux du care visant à prendre acte de la diversité des mécanismes
relationnels (moraux, épistémiques, cognitifs, symboliques, institutionnels voire
métaphysiques) et à en élargir la portée au monde non-humain. Enfin, est présentée la
pensée traditionnelle autochtone tel un « modèle d’inspiration » cohérent pour cheminer
vers une société du care culturellement intégrée.