Mise en scène : Jacques Bachelier
Décors et costumes : Andréï Ivaneanu
Lumière : Xavier Martayan
Constructions : Vianney Laurent et Stéphane Maul
Son : Maxime Daumas
Images : Pierre Lochleiter.
Avec : Frédéric Schalck, Marc Schweyer, Jules Pan, Pierre
Mirgaine, Juliette Biry, Pauline Lauhlé, Jacques Bachelier,
Yvon Wust, Caterina Autelitano.
Création Compagnie La Mesnie H
Co-réalisation Le PréO d’Oberhausbergen. En partenariat
avec le Conseil régional d’Alsace, le Conseil général du
Bas-Rhin et la Ville de Strasbourg.
Note d’intention
Avant de mettre en scène sa mort dans le Malade
imaginaire, Molière écrit une pièce ailée où il ra-
conte sa vie. Représenter les Fourberies de Scapin,
c’est un peu raconter le théâtre.
Elève d’art dramatique, je travaillais déjà le rôle.
Puis j’ai monté la pièce une première fois, pour une
tournée en Hollande. Puis, sans avoir jamais cessé
d’y songer, j’y retournai. Et j’y retourne encore. Il
s’agit pour moi d’un vieux compagnonnage…
Scapin n’est pas un personnage farcesque, c’est
un elfe, un dieu déguisé. Possédé par la passion
d’inventer des mondes, il danse sur ces frontières
ténues qui séparent le réel de l’imaginaire, man-
quant souvent s’y casser le cou, ne pouvant s’em-
pêcher d’y remettre le pied. Rendu prudent par
l’expérience, il voudrait se tenir à l’écart. Mais le
désir est trop fort : il accepte de coacher les jeunes
gens ; le voici qui conçoit l’intrigue, montre les ma-
rionnettes, endosse le premier rôle ; aspiré par la
spirale du théâtre, il se laisse avaler par ses person-
nages. Lorsqu’il bastonne le vieil avare, Scapin
perd toute mesure : le théâtre devient réalité. Et
dans le même instant, la réalité s’estompe : il ne
voit pas que Géronte est sorti du sac. Scapin l’illu-
sionniste finit par s’illusionner lui-même. Je vois
en Scapin le frère aîné de Cipolla, l’illusionniste fou
que dépeint Thomas Mann.
Le théâtre n’est pas sans danger, il y a quelque
chose d’effrayant dans le théâtre. Fellini disait que
les clowns ne le faisaient pas rire, qu’ils lui faisaient
peur. Il y a chez Fellini et les cinéastes italiens de son
époque une manière spécifique d’aborder la comé-
die qui m’a paru très tôt convenir aux comédies de
Molière, et à Scapin en particulier.
Dès ma première approche de la pièce, je cherchai
les costumes dans les greniers de Cinecittà.
Le décor est la version moderne d’une crèche
napolitaine. Je multipliai les références : Argante,
c’est Peppone ; les jeunes premiers ont tout le
charme et la médiocrité des vitelloni ; Zerbinette
fait pipi sur la plage comme la Volpina d’Amarcord ;
la fausse mort poético-farceuse de Scapin rappelle
la fin des Clowns… Je cherchai le ton surtout, ce
ton si particulier qui joue avec la mort, fait jaillir
le rire de l’horrible, poétise le sordide. Les clowns
felliniens font peur, mais ils font rire aussi. Et ils
émeuvent… et font rêver.
J’ai rêvé moi-aussi, d’une rêverie qui m’a conduit
cette fois en Angleterre. Scapin prit alors à mes
yeux les traits du John Silver de Stevenson, du
vieux Fagin d’Oliver Twist. J’ai voulu pour Géronte
un costume de Dickens.
Puis je songeai à Peter Pan. Hyacinte, du coup, se
transformait en fée Clochette…
Scapin, c’est Peter Pan, l’ami des enfants. Dans
les yeux de tous ceux qui l’entourent, jeunes et
vieux, flambe la lueur qui fait croire aux histoires.
Il y a dans les Fourberies des avares et des lâches,
des égoïstes, des cupides, des filles qui lèvent
leurs jupes, des vieillards lubriques, et même des
brigands et des voleurs d’enfants. Tous sont sau-
vés par leur candeur, leur don vertigineux pour la
rêverie, cette fleur d’innocence qui rachète toutes
les misères, fleurit tous les fumiers.
Plus qu’une pièce à faire rire, j’ai vu dans les Four-
beries une œuvre de charme, une œuvre à faire
rêver. Il y a le monde des pères : la loi, l’argent y
règnent en maîtres, ainsi que les mariages arran-
gés. Il y a le monde rêvé, celui du théâtre, dont les
mots d’ordre sont : amour, justice et liberté. Scapin
y est grand prêtre et maître des cérémonies.
Le ton des Fourberies est un regard, celui du théâtre.
C’est un regard d’enfance.
Jacques Bachelier
Jacques Bachelier
Acteur et metteur en scène, il enseigne, depuis
1979, l’Art dramatique au Conservatoire National
de
Région à Strasbourg.
Directeur de la compagnie La Mesnie H., il a
d’abord mis en scène à Paris (Lucernaire, Gaîté-
Montparnasse, Petit Montparnasse, Bouffes Pari-
siens) et aux Pays-Bas (tournées Nikos).
Installé depuis 1996 à Strasbourg avec sa compa-
gnie, il a entrepris, au théâtre de la Boîte Noire, un
travail d’investigation du répertoire théâtral clas-
sique européen.
La Mesnie H. y présente depuis 1998, deux spec-
tacles par an (80 à 100 représentations, 13 000
spectateurs annuels).
Jacques Bachelier a mis en scène des œuvres de
Shakespeare, Molière, Hugo, Marivaux, Beaumar-
chais, Genet ;
adapté pour le théâtre et mis en scène
des œuvres
de Crébillon-fils, Laclos, Diderot ; tra-
duit et mis en scène le Songe d’une nuit d’été,
Richard III et Macbeth de Shakespeare, ainsi que
des textes de Nietzsche mis ensemble sous le titre
de Zarathustras Untergang.
‘‘
’’
“
Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe,
J’admire éperdument l’auteur du Misanthrope…
”
Louis Jouvet