
2/ L'État peut aussi entériner le déficit commercial et se résigner à l'appauvrissement de la
population : par une réduction autoritaire des revenus, il va faire en sorte que les importations
redescendent au niveau des exportations.
La première attitude est celle des États démocratiques, soucieux de préserver la cohésion
nationale ; la seconde est celle imposée par la «troïka» à Athènes et dont on a vu la difficulté
de mise en oeuvre et l'injustice sociale, les classes dominantes ayant toujours moyen
d'échapper à la rigueur commune.
Il y a un troisième remède au déficit commercial, qui consiste à dévaluer la monnaie de l'État
(lorsqu'il y en a une) ou laisser glisser son taux de change.
La dévaluation permet de répartir l'effort de façon parfaitement équitable et indolore entre tous
les citoyens. Au demeurant, cet effort est relatif : la dévaluation accroît le prix des importations
mais n'affecte pas le prix des productions nationales. D'autre part, cerise sur le gâteau, elle
réduit le prix des exportations et permet de relancer celles-ci, autrement dit de développer
l'activité.
[Note : le prix du carburant (produit sensible entre tous) est à plus de 80% constitué par les
taxes intérieures, le coût du raffinage et de la distribution ; l'effet d'une dévaluation est dans ce
cas facilement compensé.]
Par le biais d'une dévalorisation régulière du franc par rapport au mark, la France a pu ainsi,
pendant un demi-siècle, se confronter avec succès à l'Allemagne, en dépit d'une organisation
industrielle beaucoup moins agressive. Il y a encore une quinzaine d'années, PSA pouvait
concourir avec Volkswagen pour la première place dans l'industrie automobile européenne.
En imposant une monnaie unique à des pays aussi différents que la France et l'Allemagne, la
Grèce et les Pays-Bas, on a agi comme un manager de boxe qui opposerait sur le ring un
«poids lourd» à un «poids léger» : l'un et l'autre se valent, avec leurs qualités et leurs défauts
mais ils ne sont pas faits pour s'affronter sans barrière.
Ainsi la France et la Grèce ont-elles pu pendant des décennies ou des siècles se développer,
en cultivant une manière faite de solidarité, de créativité, d'un certain laissez-aller aussi, qui
donne du goût à la vie... De même les Pays-Bas et l'Allemagne, avec d'autres qualités
collectives.
Cet équilibre a été rompu dans les années 2000 avec l'introduction de la monnaie unique. Les
Allemands ont retroussé leurs manches, fait voeu d'austérité, réduit leurs dépenses (main-
d'oeuvre étrangère corvéable à merci) et découragé les importations (hausse de la TVA), ce
qu'aucun Français n'aurait accepté, y compris parmi les laudateurs du «modèle allemand». Ils