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Université d’Ispahan
Faculté des Langues Étrangères
Département de Langue et Littérature française
Master II
Étude comparative de l’autobiographie de Sartre à travers Les Mots et
celle de Beauvoir à travers les Mémoires d’une jeune fille rangée
Sous la direction de:
Madame le Docteur MojganMahdaviZadeh
Professeur consultant:
Madame le Docteur Zohreh Jouzdani
Par:
FirouzehEbrahimi
Septembre 2012
‫‪ ٣‬‬
‫‪ ‬‬
‫ﻛﻠﻴﻪ ﺣﻘﻮﻕ ﻣﺎﺩﻱ ﻣﺮﺗﺒﺖ ﺑﺮ ﻧﺘﺎﻳﺞ ﻣﻄﺎﻟﻌﺎﺕ‪ ،‬ﺍﺑﺘﻜﺎﺭﺍﺕ‬
‫ﻭ ﻧﻮﺁﻭﺭﻱﻫﺎﻱ ﻧﺎﺷﻲ ﺍﺯ ﺗﺤﻘﻴﻖ ﻣﻮﺿﻮﻉ ﺍﻳﻦ ﭘﺎﻳﺎﻥﻧﺎﻣﻪ‬
‫ﻣﺘﻌﻠﻖ ﺑﻪ ﺩﺍﻧﺸﮕﺎﻩ ﺍﺻﻔﻬﺎﻥ ﺍﺳﺖ‪.‬‬
۴
۵
Remerciements
Je tiens tout particulièrement à remercier Madame le professeur
MahdaviZadehpour avoir suivi mon travail avec attention, pour ses conseils et
ses corrections, pour son soutien et ses encouragements.Parailleurs je remercie
chaleureusement madame le professeur Jouzdani, et aussi les autres membres du
jury de ma soutenance.J’exprimetoute ma reconnaissance à tous les chers
professeurs qui m’ont guidée depuis les premiers cours de licence.
Je voudrais également
remercier tous les membres de ma famille, tout
particulièrement mes parents et mon cher mariHossein, qui m’ont énormément
soutenue, tout au long de ce modeste travail. Enfin, j’adresse mes plus sincères
remerciements à tous mes proches et mes amis, qui m’ont toujours encouragée
au cours de la réalisation de cette thèse.
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Abstract
This thesis prepares a comparison between two major author's autobiographies. The
effective elements of their childhood on their future personalities are addressed.
Memoirs of a Dutiful Daughter, autobiographic story of Simone de Beauvoir is
created in 1958, and then The Words of Jean-Paul Sartre in 1964. Two genius creators
spoke about their childhood. It can be seen that the childhood had had an important
role to play in two mentioned author's personality.
Memoirs of a Dutiful Daughter and The Words depict the difficulties of Sartre and
Beauvoir's life, respectively, and present their environmental family and society in
spite of their different immature periods. This research is addressed the common
points between two author's conceptions such as the passion of literature. In among of
a deep feeling of hatred towards bourgeois society and traditional family, these two
french authors found their real personality and astounded the world by novel
ideologies and brilliant theories that influence on thousands of opinion.
The thesis is organized to understand the differences and resemblances of two
masterpiece autobiographies nominated Memoirs of a Dutiful Daughter and The
Words.In addition to issued works, the effect of family and bourgeois society of Sartre
and Beauvoir's life period is discussed. The effect of their childhood studies is marked
on future conception, consequently. At last the chronologies are followed in these
masterpieces.
Key words: autobiography, childhood, family, society, Sartre, Beauvoir
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Résumé :
Le travail entrepris est une recherche sur l’autobiographie de deux grands écrivains
contemporains, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Nous allons essayer
d’analyser les éléments effectifs de leur enfance, ce qui a contribué à leurs futurs
caractères. Les Mémoires d`une jeune fille rangée, le récit autobiographique de
Simone de Beauvoir parût en 1958, et celui de Jean-Paul Sartre, intitulé Les Mots, un
peu plus tard, en 1964. Nos deux génies créateurs parlent de leur enfance. Il convient
de dire que l’enfance occupe une place importante dans la construction de la
personnalité des deux écrivains susmentionnés. Les Mots et Les mémoires d’une fille
rangée, présentent une incorrection de vie de Sartre et de Beauvoir et montrent leur
environnement familial et social, quoiqu’ils aient vécu des enfances différentes. Nous
serions témoins des points communs entre ces deux pensées tels la passion pour la
littérature. Dans la haine de la bourgeoisie et de la famille traditionnelle, ces deux
grands écrivains français trouvent leur vraie personnalité et choquent le monde avec
de nouvelles idéologies et théories brillantes qui ont influencé de nombreuses pensées.
Ce travail est aussi l'étude des différences et des ressemblances de ces deux œuvres
autobiographiques intitulées Les Mots et Mémoires d’une jeune fille rangée. Nous
verrons égalementles effets de la famille et ceux de la société bourgeoise de l’époque
de Sartre et de Beauvoir et l'ordre chronologique de leurs récits,ainsi que l’influence
des œuvres lues durant leur enfance, sur leur propre conception. Certes la grandeur de
leur esprit était d’une manière ou autre, issue de notions de base inscrites dans ces
Chefs-d’œuvre.
Les mots clés : autobiographie, enfance, famille, société, Sartre, Beauvoir
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Table des matières
Titre
Page
Introduction…………………………………………………………...a
Chapitre 1 :L'autobiographie – Grille analytique………………….1
1.1 L’autobiographie existentialiste…………………………….…….2
1.1.1 L'existentialisme et l'homme………………………………….3
1.1.2 L’existentialisme et la femme………………………………...4
1.2 L'écritures du moi, Simone de Beauvoir……………………….... 5
1.2.1 Le contexte autobiographique………………………………….6
1.2.2 Mémoires et création littéraire…………………………………8
1.2.3Les photographies, Le journal intime, Les lettres……………..9
1.3L'écriture du soi, Jean-Paul Sartre…………………………...….13
1.3.1 L’autobiographie comme récit……………………………….14
1.3.2 L’ironie, La Satire, La liberté………………………..……….17
1.3.3L’origine d’un concept philosophique………..………….…...18
1.4 Deux narrations différentes qui ressemblent……………………19
Chapitre 2 : Analyse de l'œuvre, des personnages,
L'image de la famille et de la société …………………………..…..23
2.1 L'acceptation d'autrui, Mémoires d’une jeune fille rangée…..….24
2.1.1Expression d’une époque ……………………………………28
2.1.2L’apport historique et sociologique des mémoires………….29
2.1.3Les personnages principaux ………………………………...31
2.2L'absence du père, Les Mots………………………………….…48
2.2.1 Démystifier la société ……………………………………….48
2.2.2 La comédie familiale…………………………………………....49
٩
2.2.3 Les personnages principaux des Mots………………..…….….50
2.3L’image des parents et celle des familles bourgeoises …………….55
Chapitre 3 :L'ordre du récit, La littérature et l'enfance……………....60
3.1 L’ordre du récit et la chronologie…………………………………….61
3.1.1 Pensées de l’adulte à la place de celles de la petite fille….…….61
3.1.2 L'ordre plus compliqué, lire et écrire ……………………...…….66
3.1.3 Pourquoi une suite?……………………………………..……….73
3.2 La littérature et l'enfance, Une littérature commune………………...73
3.2.1 La place de la littérature dans l'enfance de Sartre et Beauvoir…74
3.2.2 La littérature pour petite fille…………………………………...79
3.2.3 La littérature pour petit garçon………………………………....83
3.3Littérature commune………………………………………………..89
Conclusion…………………………………………………………...….91
Bibliographie…………………………………………………………….95
١٠
Introduction
L’autobiographie est un miroir de l’âme. Dans une autobiographie, on
trouve les idées personnelles, les pensées les plus privées, tout ce qui s’est passé
dans la vie de l’auteur. Le couple Beauvoir-Sartre a inspiré et fasciné beaucoup
de lecteurs. Beauvoir et Sartre, qui sont nés au début du 20e siècle, ont vu les
guerres passer, les gouvernements changer et le monde se transformer. Ils ont
partagé les mêmes idées philosophiques et ils ont passé leurs vies ensemble.
Naturellement, ils ont beaucoup de choses à nous raconter. L’écriture
autobiographique est un genre fascinant. Il y a plusieurs façons d’écrire une
autobiographie et chaque auteur choisit comment il va se raconter et ce qu’il va
écrire.
Nous allons voir s'il existe des ressemblances frappantes et des différences
chez les autobiographies de Beauvoir et de Sartre. Le sujet étant vaste, nous
l’avons limité en me concentrant sur les thèmes suivants : Quelles sont les
différences et les ressemblances de ces deux œuvres autobiographiques, Les
Mots et Mémoires d’une jeune fille rangée ?Quels sont les effets de la famille et
ceux de la société bourgeoise et de la littérature enfantine et les livres de
l’enfance sur la construction des caractères et des futures idéologies ?Ces
thèmes ne traitent pas les deux textes de la même manière. Pour faire la
comparaison, on a appliqué la théorie du pacte autobiographique de Philippe
Lejeune pour voir comment elle fonctionne dans les deux autobiographies.
L’importance d’établir une relation entre le titre du livre et le texte
autobiographique a été significative. Pour le thème de l’ordre du récit, on a
١١
juxtaposé les deux œuvres en tenant compte de la longueur des récits. Dans ce
travail nous avons choisi consciemment certaines œuvres. La sélection étant
très vaste, on a choisi quelques livres qui nous conduire à répondre
les
questions sur ces deux œuvres autobiographiques contemporaines.
L’autobiographie appartient au genre de la biographie, qui regroupe les
différents sous-genres de la "littérature personnelle" : récits de vie, mémoires,
journal
intime
et
biographie.
Le
critique
Philippe
Lejeune
définit
l’autobiographique comme «un récit rétrospectif en prose qu’une personne
réelle nous fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur une vie
individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité»-------.
L’autobiographie a ainsi pour caractéristiques:
• L’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage du livre, identité
reconnue par la signature, le nom ou le pseudonyme.
• Le récit est recomposé "rétrospectivement" : un laps de temps s’est
écoulé entre le temps de la narration et le temps réel.
Dans l’Antiquité, l’écriture de soi répond à une quête de sa vérité
intérieure, à un examen de conscience. Marc Aurèle (IIe siècle) rédige ses
"Pensées pour moi-même, journal intime d’un empereur stoïcien" qui expose sa
philosophie. Au Ve siècle, Saint-Augustin, dans ses Confessions, raconte sa
conversion au christianisme. Les Essais de Montaigne marquent au XVIe siècle
une rupture dans l’écriture de soi.
Au XVIIe siècle, le moi est haïssable de Pascal, éclipse le genre qui
réapparaît avec plus de vigueur dans Les Confessions de Rousseau au XVIIIe
siècle. L’écriture de soi devient véritablement autobiographie : Rousseau parle
de sa vie, de son enfance et retrace la construction de sa personnalité. Sa préface
établit un véritable pacte de lecture, fondée sur la sincérité.
Plusieurs
facteurs
contribuent
au
renouvellement
du
genre
autobiographique au XXe siècle, en particulier à son renouvellement formel,
notamment à partir d’une mise en cause de l’autobiographie traditionnelle qui
١٢
peine à s’adapter aux nouvelles problématiques d’identité. La première cause de
changement est la révélation par la psychanalyse du caractère illusoire de la
connaissance de soi. La psychanalyse met en pleine lumière des aspects jusquelà rejetés comme la sexualité. Face à ces découvertes, l’exigence de sincérité de
l’écriture autobiographique a encore un sens. Enfin, le genre autobiographique
peut également finir par entraîner une certaine méfiance en soulignant le
caractère désormais convenu et stéréotypé d’une telle entreprise. C’est au XIXe
siècle que le genre autobiographique connaît son apogée. Le romantisme
conduit à un certain culte du moi, et l’individu s’affirme : les Mémoires d’outretombe (1848-1850) et René́ (1802) de Chateaubriand, Adolphe (1816) de
Benjamin Constant, La Vie d’Henry Brulard (1836) de Stendhal, Histoire de ma
vie de George Sand. Après la découverte de l’inconscient par Sigmund Freud, le
XXe siècle exhibera l’individu sans aucune pudeur : Les Vrilles de la vigne
(1908) et Sido (1930) de Colette,Les Mémoires d`une jeune fille rangée(1948)
de Simone de Beauvoir,les Mémoiresd’Hadrien (1951) de Marguerite
Yourcenar, Les Mots (1964) de Jean-Paul Sartre, W ou le Souvenir d’enfance
(1975) de Georges Perec, Enfance (1983) de Nathalie Sarraute...
Les Mots de Jean-Paul Sartre sont divisés en deux parties appelées Lire et
Écrire. Dans la première partie, Poulou nous donne une idée générale de sa vie
dans la famille des Schweitzer. Après la mort de son père, Paul et sa mère
déménagent chez les grands-parents maternels – Karl et Mamie. Le grand-père,
professeur d`allemand est un vieillard majestueux qui se charge de l`éducation
de son petit-fils. Enfant unique, Poulou est gâté par tous. En prenant goût à cette
comédie familiale, lui-même, il fait tout pour plaire à chacun. En plus, Karl fait
de lui le dépositaire du secret de sa bibliothèque. Poulou, fasciné par ce monde
magique et inexploré, y passe jour et nuit. L`apprentissage de la lecture et de
l`écriture deviennent les deux événements les plus marquants de son enfance.
Dans la deuxième partie, le petit Paul, déjà capable d`écrire, commence à
travailler sur ses premiers romans – plagiats des livres qu`il vient de lire. Sans
١٣
amis de son âge, il dédie son temps libre à l`écriture et rêve de la carrière de
l`homme de lettres laquelle il rattache à la vision de la gloire posthume mais
éternelle.
Dans Les Mémoires d`une jeune fille rangée, Simone parle de sa vie dès de
son premier âge jusqu` à ses vingt-et-un ans. Venant d`une famille bourgeoise,
elle est très bientôt initiée à l`importance des livres et de l`instruction pour une
jeune fille. Étant données une bonne éducation, Simone et sa sœur, pourtant,
commencent à échapper à l`influence de leurs parents et découvrir le monde des
livres souvent désigné comme quelque chose de dangereux. Au cours de ses
études, Simone se rend compte encore plus de sa distinction et maturité
intellectuelle par rapport à ses contemporains. Néanmoins, dans la vie de
Simone apparaissent aussi quelques personnes dignes d`intérêt et d`admiration
qui lui donnent de l`inspiration et lui ouvrent les portes de la connaissance des
choses nouvelles.
En ce qui concerne le corpus, cette thèse comprend trois chapitres donc du
premier chapitre nous nous avons mis en place la grille autobiographique de ces
deux œuvres en réalisant l'autobiographie existentialiste, l'écriture du Moi chez
Beauvoir à côté de celle de Sartre et à la fin de ce chapitre nous comparons les
différences et les ressemblances autobiographiques entre Les mots et Les
mémoires d'une jeune fille rangées. Le deuxième chapitre concerne l'analyse de
ces deux autobiographies, leurs personnages, l'image des parents, de la famille,
et de la société bourgeoise autant que Sartre et Beauvoir les dessinent, ensuite
nous montrons les effets positifs et négatifs de l'environnement sur la
construction du caractère des écrivains susmentionnés. Enfin nous avons
présenté un troisième chapitre qui compare l'ordre du récit et aussi l'affection de
la littérature enfantine dans les œuvres autobiographiques de nos deux génies
écrivains, Sartre et Beauvoir.
١۴
Chapitre 1
L'autobiographie – Grille analytique
Le mot "autobiographie" apparaît au début du XIXe siècle en Angleterre
et en Allemagne. Il est formé de trois mots grecs, désignant l’écriture (graphein)
de sa vie (bios) par soi-même (autos). Ce néologisme apparaît en France en
1829 pour remplacer le mot "mémoires". Si le genre désigne encore au XIXe
siècle les romans intimes racontant une éducation sentimentale ou la mémoire
de la vie personnelle des écrivains, il s’impose au XXe siècle en désignant
désormais un texte dans lequel un individu parle de sa vie.
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1-1 L’autobiographie existentialiste
Dans les années 1920-30, Sartre se retrouve au centre de la vie
intellectuelle française (à cause de la phénoménologie surtout). Il se demande
comment rendre compte du vécu d’un individu : comment concevoir une
philosophie de la liberté radicale (l’existentialisme) avec l’idée de caractère ou
personnalité, liée à des notions de déterminisme, héritage et filiation. Dès La
nausée (1938) il demande que peut-on savoir de la vie d’un homme ? Roquentin
est le biographe du marquis de Rolleban, marquis mineur du 18ème ; à Bouville
(Havre), il consulte les archives lié à cet homme. La nausée est l’occasion de
découvrir la contingence dans le traitement de la biographie : révélation de
l’arbitraire de l’acte biographique, qui consiste à doter les éléments d’une vie
d’un sens, à faire le récit linéaire et causal d’éléments éparpillés. L’idée de faire
une biographie devient soudain grotesque et Roquentin renonce à poursuivre
son projet. Ainsi la faillite de l’entreprise autobiographique est-elle au cœur de
La nausée. La psychanalyse existentielle est fondée sur l’idée d’unchoix
originel ou secret de notre être-au-monde, l’expérience fondamentale de la
liberté est ainsi réintroduite au centre de la constitution des vies humaines. Il
s’agit d’une certaine façon d’exercer ou de nier notre liberté : à travers notre
enfance nous choisissons notre vie avec mauvaise foi, car on renie la liberté en
prétendant qu’on n’avait pas le choix, qu’un rôle nous a été imposé. Pourtant
rien ne nous oblige en réalité ; nous avançons ce discours par paresse ou facilité
(c’est si fatigant de s’inventer toujours). Ainsi Baudelaire a choisi d’être un
insatisfait en réaction au remariage de sa mère avec Aupick, son choix originel
s’est donc fait quand il avait 7 ans. Dans tous ses comportements ultérieurs, y
compris dans son style, on trouve la trace de cette signature originelle.
١۶
1-1-1 L'existentialisme et l'homme
Ensuite Sartre découvre la philosophie marxiste seule capable d’expliquer
l’Histoire à son goût et il décide de faire évoluer sa conception
biographique/autobiographique en articulant la psychanalyse au marxisme, sans
pour autant revenir au déterminisme au détriment de la liberté toujours
prioritaire.
Cependant, pour Sartre, la philosophie marxiste ne permet pas de rendre
compte de l’individu car elle plaque trop arbitrairement l’économique sur le
social. L’enfance est indépassable, c’est un niveau archaïque permanent de
l’être humain, une structure constituée par la manière dont l’enfant intériorise
les pressions idéologiques au terme d’un processus d’absorption au moyen du
jeu de rôle. Le mot "choix" est désormais remplacé par celui de projet,
dépassement perpétuel de l’enfant que nous gardons en nous et que nous
transformons en vivant. Nous trahissons l’enfant qui est en nous car, après
l’avoir assumé, nous le dépassons. La tâche du biographe est de comprendre de
quelle façon la structure de l’enfance est conservée et dépassée. Vivre est la
perpétuelle production de soi-même par le travail et la praxis et notre structure
un déséquilibre perpétuel.
Les mots (1964) montre que l’enfant récupère un certain nombre de
données à partir desquelles il se construit (être un enfant sans père, naître
entouré de livres…) et devient (c’est le manque d’enthousiasme de son grandpère pour qu’il fasse carrière dans les lettres qui a poussé Poulou à devenir
auteur : « mon grand-père me jeta dans la littérature par le soin qu’il mit à
m’en détourner» (Sartre, 1964,14). Le projet est précisément cette dynamique à
partir de laquelle on intériorise des choses qu’on réextériorise ensuite, l’issue de
ce processus étant imprévues. Sartre présente son grand-père comme
l’incarnation de l’idéologie parareligieuse du salut par la culture (portrait du
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grand-père en un Victor Hugo qui force un peu sur le sublime) et son projet
comme une fuite et un bond en avant.
Le dynamisme du projet contamine le style des Mots, hâté, rapide,
vertigineux. Le style remplace toute discussion idéologique (pas de
métadiscours, ni de métalangage). Les Mots est un récit que ne soutient aucune
structure théorique et que ne parasite aucun jargon existentialiste. Pas de
métadiscours, mais à travers le style, apparaît un métadiscours à grande échelle,
de sorte qu’en dépit des apparences, ce texte est très idéologique. La nervosité
du style y joue un rôle capital car elle illustre le caractère mobile du projet le
projet est une liberté qui ne supporte pas la fixité. Certains ont taxés Les Mots
d’invraisemblance, en croyant que Sartre voulait faire croire que le livre
transcrivait les pensées exactes de l’enfant. Mais Sartre ne fait que retranscrire
tout ce qui n’était pas verbalisé, le climat intérieur de cette enfance ; son
discours est un discours reconstruit et non mimétique (ce ne sont pas les mots de
l’enfant qu’on entend).
1-1-2 L’existentialisme et la femme
Les Mémoires d’une jeune fille rangée ont été influencés par la doctrine
existentialiste de l’après-guerre. Il s’agit d’expliquer la femme par sa situation
et pas sa situation par sa nature. Il s’agit pour Simone de Beauvoir de montrer
les mécanismes de l’aliénation de la femme. La guerre est omniprésente au
début du livre lorsqu’elle évoque son enfance. C’est un moment qui a marqué sa
vie, mais qui ne l’a pas traumatisée non plus. Etant enfant, elle ne peut se
représenter exactement les horreurs de la guerre. Elle est patriote et organise des
mises en scène avec sa sœur, mais ne peut imaginer que son père partit au front
aurait pu mourir. Elle montre que malgré l’acharnement de la société à faire
devenir femmes les femmes par la contrainte, elles ont toujours le pouvoir de ne
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pas l’accepter, de choisir en transformant la donnée culturelle ou leur propre
manière de devenir, en une liberté.
1-2 L'écriture du Moi, Simone de Beauvoir
Récit classique, sobre et qui suit de près le vécu de Beauvoir, la manière
dont elle s’est formée, par rapport à sa sœur Poupette, son père artiste, sa mère,
son amie Zaza, Jacques, Sartre : elle compare les lignes de vie, met en parallèle
son destin et celui de Zaza, qui diffèrent totalement alors qu’elles sont issues du
même milieu (bourgeoisie française).
Elle montre sa ligne de vie comme une trajectoire dont elle n’a jamais
dérogé : son choix originel était le refus de la révolte, le choix de rester rangée
pour arriver à ses fins. Ce choix se situe à un niveau intermédiaire entre le choix
conscient et le vécu choisi. Elle affirme s’être choisie, pas pour des raisons
contingentes, mais par volonté consciente et insiste sur le fait que rien n’est
déterminé, qu’il n’y a pas de hasard mais une dynamique créée par le projet
originel.Autres autobiographies ont suivi : La force des choses, La force de
l’âge, Tout compte fait…
Simone de Beauvoir donne le titre de "Mémoires" au récit de sa vie. La
frontière entre les mémoires et l'autobiographie n'est pas très nette. Le Larousse
du XIXe siècle donne cette définition du genre des Mémoires : sortes d'ouvrages
dans lesquels la part faite aux événements contemporains, à l'histoire même est
beaucoup plus considérable que la place accordée à la personnalité de
l'auteur.Les mémoires correspondraient plus au récit de ce qu'on a vu ou
entendu, de ce qu'on a fait ou dit que l'autobiographie. L'autobiographie, en
revanche serait le récit de ce qu'on a été.Le récit que Simone de Beauvoir donne
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de sa vie, semble donc bien mériter ce nom de "mémoires". Elle appelle en effet
le premier volume de ses souvenirs Mémoires d'une jeune fille rangée parodiant
avec humour le titre de l'œuvre de Tristan Bernard Mémoires d'un jeune homme
rangé.Simone de Beauvoir apprécie donc tous les genres d'écriture du Moi.
D'ailleurs, elle s'est adonnée toute sa vie à ce genre. A dix-sept ans, alors qu'elle
rompt par ses idées avec son milieu familial, elle commence à tenir un journal
intime. Elle le tient toute sa vie, particulièrement dans les moments douloureux.
C'est ainsi que pendant la guerre le journal tient une fonction essentielle : il
calme ses anxiétés. Lorsqu'elle se décide à écrire Les Mémoires d'une jeune fille
rangée pendant l'été 1957, elle se replonge dans son journal intime de jeune
fille.
1-2-1 Le contexte autobiographique
Mémoires d’une jeune fille rangée raconte l'enfance et l'adolescence de
Simone de Beauvoir de 1908, année de sa naissance, à 1929. Notre auteur prend
la décision d'écrire et se justifier. C'est bien d'une décision qu'il s'agit, d'un
projet qui aura été voulu raconter toutes les oppositions rencontrées. C'est Zaza,
l'amie de toujours, qui formulera l'objection la plus décisive à ce projet
d'écriture, en déclarant d'un ton provocant que mettre neuf enfants au monde,
comme l'avait fait sa mère, cela avait bien autant que d'écrire des livres.
Scandalisée par cette affirmation, Simone la jeune fille rangée aspirant à devenir
un auteur célèbre et convoitant cet avenir à l'exclusion de tout autre:
«Avoir des enfants, qui à leur tour auraient des enfants, c'était rabâcher
à l'infini la même ennuyeuse ritournelle; le savant, l'artiste, l'écrivain, le
penseur créaient un autre monde, lumineux et joyeux, ou tout avait sa raison
d'être » (Beauvoir, 1958, 196).
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Le refus de l'enfant est donc anthologique chez Simone de Beauvoir, la
littérature étant la seule réponse permanente qu'elle donnera à son besoin de
durée.
Petite fille, Simone de Beauvoir fait ses études primaires et secondaires
dans un établissement catholique qu'elle reçoit une éducation extrêmement
pieuse, elle manifeste très tôt le désir de se sentir appréciée et justifiée par les
autres. Mais en le besoin non moins constant d'exister par elle-même, non à
travers autrui. Aussi Philosophie à la Sorbonne et qui deviendra la plus jeune
agrégée de France en 1929 cherchera sa voie entre justification par autrui et
autonomie de soi. Son premier univers romanesque
naîtra de cette
confrontation et ses Mémoires seront l'expression même de ce conflit entre
autojustification et renaissance par autrui. Comme l'a écrit Beauvoir à propos de
la littérature dans La Force des Choses: « Je ne pense plus qu'elle justifie mais
sans elle je me sentirais mortellement injustifiée» (Ibid., 48)
Il s’agit pour Simone de Beauvoir de partir de son expérience personnelle
pour retrouver une généralité, celle de son époque et du milieu où elle vit. Elle
écrit pour retenir quelque chose de la vie et elle va permettre à des milliers de
femmes de se reconnaître dans ses Mémoires. Elle se montre soucieuse de
dépasser son cas individuel pour donner à son expérience une portée
pédagogique et historique que seule l’écriture peut transmettre. Elle se montre
très attentive aux transformations sociales apportées par son temps, c’est-à-dire
l’idée selon laquelle la libération des femmes doit fait l’objet d’un combat. Elle
veut rendre compte d’usages révolus et souhaite l’émancipation par rapport aux
valeurs familiales, religieuses, morales et politiques. Elle dénonce les mariages
de convenance ou l’éducation des jeunes filles à cette époque.
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