mars - septembre 2011 - Reins-Échos n°10
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JUSQU’EN
1900 il
n’exis-
tait aucun traitement de l’urémie ou
d’autres manifestations qui la pré-
cédent de près ou de loin. Tout chan-
gea au tournant du 19-20ème siècle,
des cliniciens européens analysant
les principaux signes, isolés ou asso-
ciés, des atteintes rénales, albuminu-
rie, oedèmes, hypertension artérielle,
urémie.
Une première indication théra-
peutique en résulta, restreindre la
teneur en sodium du régime ali-
mentaire pour lutter contre sa
rétention responsable des oedèmes
et de l’hypertension artérielle.
La communauté médicale n’a
accepté qu’avec réticence ce ver-
sant du traitement diététique, mal-
gré la rigueur des investigations qui
en avaient montré l’efficacité, atti-
tude qui persista jusqu’à la décen-
nie 1940-1950. Pourquoi ? car les
traitements n’étaient pas exécu-
tés avec ce même sérieux que celui
qui avait présidé au travail des pion-
niers chercheurs. Les erreurs por-
taient sur l’évaluation des apports,
de la courbe de poids (1kg d’eau
pour 8 grammes de sel retenu), de
l’excrétion quotidienne du sodium.
En outre, patients et médecins por-
taient presque exclusivement leur
attention sur le taux de l’urée san-
guine et des autres déchets azotés.
A la fin des années 1930 apparurent
les premiers diurétiques sodés qui
ont permis d’atténuer la tristesse
du régime sans sel si bien que le
contrôle des oedèmes et de l’hyper-
tension artérielle en fut facilité.
Pendant et après la deuxième
guerre mondiale, dans les années
40-50, tout a changé. Les bombar-
dements de Londres et l’appari-
tion de la pénicilline ont entraîné
l’apparition de quelques urémies
aiguës parmi les rares survivants
des vastes écrasements muscu-
laires du Blitz et chez les blessés
de guerre qui mourraient d’infec-
tion avant que l’insuffisance rénale
aiguë ne menace leurs jours. Trai-
tés par l’antibiotique alors miracle,
ces blessés devinrent la proie de
l’urémie aiguë dès que celle-ci
dépassait quelques jours. Si cette
période était surmontée, survenait
la reprise de la sécrétion urinaire
suivie par un retour complet et sans
GABRIEL RICHET
Ancien chef du service de
Néphrologie à l’hôpital Tenon
Paris 75020
PORTRAIT
DES ÉTAPES
DU TRAITEMENT
DE L’URÉMIE
LE KALÉIDOSCOPE
BIOGRAPHIE DE GABRIEL RICHET
Gabriel Richet né en 1916 s’est consacré à la néphrologie, discipline alors tout
juste naissante. Il n’a, dit-il que : « fait face aux situations que la vie m’imposait »
Héritier d’un nom illustre, son grand-père, ayant été prix Nobel pour la découverte
de l’anaphylaxie, interne en 1939 il confirma pendant la guerre ses capacités de
décision qui lui valurent quatre citations dont une lui conférant la légion d’hon-
neur remise à Karlsruhe par le général de Gaulle le 7 avril 1945.
De retour à Paris il est chef de clinique à Pasteur Vallery Radot puis adjoint de Jean Hamburger à Necker
en 1951. dans la même enceinte hospitalière, aux Enfants Malades, Pierre Royer bâtissait la néphrologie
infantile. Pour construire la discipline il fallait s’ouvrir sur bien des spécialités et tirer parti autant des
échecs que des succès. « demandez et vous obtiendrez » telle était sa formule. Lorsqu’il fallait importer
en néphrologie un progrès réalisé dans un autre domaine. C’est ainsi qu’avec Jean Hamburger et Jean
Crosirier il fut auteur de la « réanimation médicale » parue en 1954, premier ouvrage au monde des
soins intensifs ; au cours de cette « décennie de rêves » (1951-1961), il fut partie prenante au traitement
de l’insuffisance rénale aiguë (anurie réversible) par le rein artificiel et la première transplantation
presque réussie (Marius Renard greffé le 25 décembre 1952 avec un rein de sa mère). En 1961 il devint
chef de service à l’hôpital Tenon. Il implanta ainsi la néphrologie sur la rive droite de la Seine qui en était
dépourvue au rythme que permettaient la construction et l’aménagement des locaux d’hospitalisation
et des laboratoires de routine et de recherche. Cette double unité vit et se développe toujours depuis sa
retraite en 1985.
Pour terminer, pensons à l’avenir c’est à dire à la formation médicale. Un de ses anciens de Necker, au-
jourd’hui professeur émérite en Belgique à Louvain la Neuve, dit de Gabriel Richet « qu’il a un sentiment
extraordinaire de responsabilité vis à vis des plus jeunes. »
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