DUJARDIN Sébastien MAREK Allyson Développement territorial -Etude du cas concret de la commune de Durbuy- Professeurs : FELTZ C., HALLEUX J.-M. Année académique 2007-2008 / 14 mai 2008 1 Table des matières Le développement territorial et Durbuy .....................................................................................3 Evolution du développement de la commune de Durbuy.......................................................3 Profil socio-économique.........................................................................................................3 Développement territorial – Répartition spatiale, activités économiques & acteurs..................6 Les économies d’agglomération .............................................................................................6 En théorie…........................................................................................................................6 Lien entre la théorie et Durbuy….......................................................................................6 Le tourisme : quelles externalités ? Pour quels secteurs économiques ?............................7 Les limites des externalités positives…..............................................................................9 Les externalités d’information…......................................................................................10 Les politiques publiques et le renforcement des forces d’agglomération ............................10 En théorie…......................................................................................................................10 Lien entre la théorie et Durbuy….....................................................................................10 Position du cas étudié par rapport aux théories du développement régional........................12 Compétitivité régionale de la commune de Durbuy.................................................................13 Le capital humain et l’environnement économique .............................................................13 Mentalités entrepreneuriales….........................................................................................13 Accès au financement… ...................................................................................................13 La spécificité du lieu, ancrage fort du développement territorial.........................................14 La ressource liée au territoire… .......................................................................................14 Le territoire dans les économies de désagglomération et d’agglomération…..................15 La rente de qualité territoriale…. .....................................................................................15 Conclusion ................................................................................................................................16 Bibliographie ............................................................................................................................16 2 Le développement territorial et Durbuy Evolution du développement de la commune de Durbuy Dès le XIVe siècle, l’activité métallurgique se développe au nord de la province luxembourgeoise. Durbuy possède ses maîtres de forges, mineurs, charbonniers, bateliers et une voie d’eau qui achemine les marchandises vers Liège. Elle connaîtra un boom sidérurgique au XVIe siècle grâce à la présence de 34 usines, fourneaux et marteaux en activité. C’est la commune qui livre à Liège la moitié de la quantité de fer dont elle a besoin. La crise économique européenne provoque l’arrêt de ce développement industriel. Dès lors, au XIXe siècle, c’est vers le sous-sol que l’intérêt se porte. Des gisements de plomb, fer et cuivre sont exploités dans la région mais les difficultés d’exploitation et le manque de puissance des gisements en provoquent l’arrêt. Jusqu’à l’entre-deux-guerres, Durbuy s’oriente vers l’agriculture. L’entité compte durant cette période 75% à 80% d’agriculteurs parmi la population active. Néanmoins, la faible qualité des terres ne permet pas une agriculture de haut rendement. Après s’être essayée dans tous les secteurs d’activités, c’est vers le secteur tertiaire que Durbuy se tourne et « excelle ». Le secteur touristique est devenu le moteur de l’économie et entraîne avec lui les secteurs du commerce de détails et de la construction. L’activité commerciale s’articule autour de 3 centres urbains : Barvaux, Bomal et Durbuy. De plus, l’artisanat et l’agriculture sont des secteurs (primaires) importants en termes d’emplois indépendants. En 2008, on retrouve 128 artisans et 122 exploitations agricoles. Le secteur secondaire représente 10% des travailleurs salariés bien qu’il n’y ait pas de grandes entreprises industrielles. Les sociétés les plus présentes dans la commune sont les PME (Petites et Moyennes Entreprises) et les TPE (Très Petites Entreprises) ; 239 commerces, 214 entreprises, 133 professions libérales et médicales. Un parc d’activités économiques mixtes, moderne et compétitif, s’est installé dans la commune. Il a subi une première phase d’extension en 2006 ; actuellement, 11 entreprises y sont implantées et une deuxième extension est prévue pour 2009. Profil socio-économique1 Représentée par une densité de 67,2 habitants/km², Durbuy est une commune de 10.531 habitants. Cette commune touristique présente des images assez contrastées. 1 Les figures proviennent d’IDELUX (2006) « Ma commune à la loupe ». 3 Au niveau démographique, on peut noter une très forte évolution de la population (+22,1%) par rapport au niveau national (de 1990 à 2006). De manière plus précise, les mouvements sont essentiellement migratoires ; une évolution des mouvements migratoires positive depuis 2001 est observée. L’activité économique est élevée et moyennement stable, les nouvelles entreprises créées remplacent les disparues. Elle atteint presque les 900 entreprises, proche du chiffre de Marche-en-Famenne ou Bastogne. Cependant, la commune présente un niveau de vie très bas en comparaison avec la province et la région. Le revenu moyen par déclarant ne s’élève qu’à 19.000 euros. La demande d’emploi est importante pour la province du Luxembourg mais malheureusement pas suffisamment qualifié. Seulement 12% des demandeurs sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, et la moitié a une formation du niveau primaire ou secondaire inférieur. 4 L’Horeca représente une locomotive importante pour d’autres métiers comme la construction, l’ébénisterie-menuiserie, la boulangerie, la boucherie… Cependant, la demande d’emploi n’arrive pas à être régulée par ces activités ; les contraintes d’horaires et l’abus de travail non déclaré dans l’Horeca expliquent probablement la désaffectation des gens pour ces emplois, essentiellement saisonniers ! De plus, les ¾ du secteur tertiaire sont d’origine néerlandophone et proviennent majoritairement des communes voisines. Les emplois ne profitent donc pas aux habitants de la commune2. Durbuy présente une dualité importante au travers du niveau de vie parmi les plus bas de la commune alors que le coût de l’immobilier est à la hausse. D’ailleurs, la commune accorde 200 permis de bâtir par an. On observe donc cette dualité entre 1/15 de la population qui habite dans des logements précarisés (résidences secondaires souvent anciennes et sans commodités) alors que les lotissements et les nouvelles 4 façades sont en plein essor. Finalement, on observe une commune qui vit différemment sur deux périodes de l’année avec des entreprises florissantes et des emplois signés à la belle période mais qui doivent survivre à l’hiver. Tout l’enjeu est de les faire perdurer tout au long de l’année. 2 Interview du bourgmestre BONTEMPS Philippe (2007) 5 Développement territorial – Répartition spatiale, activités économiques & acteurs Les économies d’agglomération En théorie… La théorie des économies d’agglomération défend l’idée que les activités ne sont pas uniformément réparties sur un territoire. Les activités s’agglomèrent de telle manière qu’au moment où un agent économique (une entreprise, un individu) est touché de façon positive ou négative par l’activité d’un autre agent sans être partie prenante à cette activité on dira que l’économie engendre des externalités qui sont positives ou négatives ; formant ainsi une économie d’agglomération. Lien entre la théorie et Durbuy… Cette théorie s’applique bien au cas étudié car l’activité touristique qui est née autour de Durbuy-Vieille-Ville a engendré non pas seulement le développement de l’HORECA, d’attractions touristiques, etc. mais également le développement d’autres secteurs d’activités tels que la construction ou le commerce par exemple, touchant ainsi de manière positive toute une série d’autres agents. Afin de quitter un peu la théorie et de lier cet énoncé avec la réalité terrain, nous avons repris dans le top 200 des entreprises en province de Luxembourg3 toutes celles situées dans la commune de Durbuy. Top Entreprise (S.A.) Activité Date de constitution Effectif 1 2 3 52 134 142 Activités sports-détente Supermarché Hôtel/Restaurant 1994 2000 1976 56 20 29 4 169 Durbuy Adventure Turpino Le Sanglier des Ardennes Lamelec Valeur ajoutée (2005) 2 975 000 1 183 052 1 117 601 1991 24 971 116 5 179 Travaux d’installation électrique Hôtel/Restaurant 1997 29 925 077 Hôtel Jean de Bohème Source : Top 200 des entreprises de la province du Luxembourg, Idélux, 2007 Dans ce tableau, on y dénombre 5 entreprises dont trois sont liées inéluctablement au tourisme4 . Deux appartiennent au secteur HORECA : les hôtels-restaurants «Le Sanglier des Ardennes » et « Le Jean de Bohème ». Il s’agit de deux hôtels de prestige qui sont nés en même temps que la destination touristique (début de la deuxième moitié du 20ème siècle). La troisième appartient à l’activité de sports-détente : la « S.A. Durbuy Adventure » qui s’est installée dans les années 90 lors du développement du tourisme d’aventures. Pour ce qui est des entreprises Lamelec et Turpino, celles-ci n’ont à priori pas de lien direct avec le tourisme mais nous en discuterons par la suite. Dès lors, le fait de retrouver 3 entreprises sur 5 liées à 3 Le tableau est construit sur base d’IDELUX (2007) Notons cependant qu’il ne s’agit que du top 200, or il existe bon nombre d’entreprises sur le territoire communal 4 6 l’activité touristique au top de la commune, confirme notre hypothèse selon laquelle celle-ci à Durbuy a fortement dopé l’économie de la région en plaçant plusieurs entreprises dans le top 200 de la province du Luxembourg. Le tourisme : quelles externalités ? Pour quels secteurs économiques ?... Maintenant, il est difficile d’évaluer en quelle mesure les entreprises, qui ont une activité non directement liée au tourisme, bénéficient des externalités de celui-ci. Les autorités communales, elles-mêmes, ont peine à évaluer de manière précise les retombées du tourisme5. La seule donnée chiffrée dont elle dispose a trait au secteur touristique et concerne les taxes communales6. En 2001, celles-ci ont rapporté à la commune 888.163 euros, soit 7,44 % des recettes du budget communal. Cependant, nous avons voulu mener une réflexion qui permet d’évaluer jusqu’à quel degré chacun des secteurs d’activités pouvait bénéficier des externalités du tourisme. Celle-ci se base sur la répartition sectorielle des entreprises actives dans la commune de Durbuy (PCDR Durbuy 2005-2015). Préalablement, sur les 884 entreprises de la commune, 111 sont directement liées au tourisme. Ces entreprises font partie du secteur HORECA ; ce dernier, générateur d’externalités, constitue 13 % du nombre total d’entreprises sur le territoire. 5 Interview LECHIEN X. - ADL (mars 2008) Taxes sur les nuitées touristiques, les secondes résidences, les terrasses de café, les embarcations de kayaks, les divertissements et les campings. 6 7 Ensuite, les secteurs d’activités suivants ont été identifiés comme ayant un lien indirect avec le tourisme. Ils bénéficient des externalités du tourisme malgré qu’il soit difficile d’en évaluer l’importance. Les entreprises liées au secteur de l’agriculture sont les plus importantes représentées sur le territoire (23%). En quelque sorte, ce secteur est à l’origine de l’activité touristique car il façonne et entretien le paysage, l’un des principaux éléments attracteurs de la destination rurale. Depuis une dizaine d’années, dans un souci de diversification, les agriculteurs développent une offre en hébergement touristique (gîtes, gîtes à la ferme, chambres d’hôtes et camping à la ferme) ainsi qu’une offre en produits du terroir (fromages de chèvre, confitures, salaisons et produits de la ferme en général) qu’ils font valoir à travers les réseaux de promotion du tourisme (exemple : la chèvrerie d’Ozo, la confiturerie SaintAmour, la Ferme Houard, etc.). De cette manière, ils bénéficient à juste titre des externalités du tourisme basé sur leurs activités. Pour les commerces de gros et de détail, les flux générés par le tourisme représentent une masse importante de clients supplémentaires et donc de rentrées supplémentaires. Les commerces de gros sont créés pour répondre à la demande locale (HORECA), tandis que ceux de détail peuvent être créés suite à la demande exogène du touriste (magasin de souvenirs par exemple). Les deux profitent donc des externalités du tourisme mais l’un sera moins dépendant des variations saisonnières que l’autre. En ce qui concerne la construction, il est évident que le développement touristique va de pair avec le développement d’espaces urbanisés (la seconde résidence, les villages de vacances et plus récemment la rénovation des bâtiments traditionnels en gîtes7). Cependant, en référence au tableau du top 5 des entreprises de la commune de Durbuy, la S.A. Lamelec nous permet de nuancer nos propos. En effet, lorsque l’on analyse la liste des réalisations de l’entreprise, on observe que les plus « gros contrats » sont réalisés en région wallonne et très peu au sein du territoire communal. Au vu de son champ d’action, l’entreprise retire ses plus gros bénéficies en dehors du territoire où elle est implantée, indépendamment du tourisme (bien que celui-ci lui insuffle une demande supplémentaire). D’autre part, on se pose la question de savoir si les externalités dégagées par ce secteur profitent systématiquement aux entreprises locales (il en va de même pour le secteur précédent) car de nombreux projets de développement sur le territoire sont gérés presque intégralement par des néerlandophones. Par exemple, le lotissement résidentiel « BelleVue » à Petite-Somme (202 lots et 147 construits actuellement) a comme maître d’œuvre la société IMODEC de Gand. Le parc aventure « Adventure Hill » de la société P.B.O. (Sports events and verhuur SA) a son siège à Budel aux Pays-Bas. Ensuite, il est facile d’associer le secteur de l’immobilier au tourisme. En effet, c’est au travers de celui-ci que passe la location et la vente des secondes résidences, l’achat de terrains à bâtir, etc. (Exemple : Ourthe & Somme). Nous avons dénombré au total neuf agences immobilières sur l’ensemble du territoire communal ce qui montre le dynamisme de ce secteur. Ici aussi donc, il tire profit du tourisme et ce, d’autant plus que la forte demande (surtout dans la vallée) a tendance à faire grimper les prix. 7 Interview VANHAL L. (Service de l’Urbanisme de Durbuy) 8 Comparativement à l'ensemble de la Province, Durbuy affiche un prix moyen des terrains au mètre carré (25€) supérieur aux autres communes après celles de la frontière luxembourgeoise (30-71 €) Finalement, le dernier quart de la répartition des entreprises actives de la commune de Durbuy se partage entre les secteurs des services collectifs, sociaux et personnels, de l’industrie manufacturière, des transports et communications, de la santé, des finances et de l’industrie extractive. Ceux-ci n’ont aucun lien plausible avec le tourisme ; aucune externalité évidente susceptible de profiter à ces secteurs n’a pu être relevée. En conclusion, dans la commune de Durbuy, malgré certaines dynamiques exogènes qui peuvent avoir tendance à délocaliser les capitaux, le tourisme constitue un moteur pour le développement territorial car il induit toute une série de dynamiques au sein du territoire. Ces dynamiques existent par la création d’entreprises à haute valeur ajoutée dans le secteur qui lui est propre (à savoir l’HORECA et les activités de sports-détente) ou par la création d’externalités positives qui profitent à la fois au secteur de l’agriculture, de la construction, du commerce et de l’immobilier (c'est-à-dire 68% du nombre total des entreprises de la commune). Les limites des externalités positives… « Les économies croissent jusqu’au moment où elles sont annulées par les effets négatifs (déséconomie d’agglomération). Il s’agit, par exemple, de coûts trop élevés de l’immobilier, de la main d’œuvre, etc. A partir de ce moment, il y aura tendance à délocaliser les activités » Bien que largement développé ci-dessus, l’économie d’agglomération liée à l’activité touristique de Durbuy ne génère pas que des externalités positives. Elles peuvent également être négatives. Tout d’abord, nous relevons celles liées à l’immobilier et à la pression foncière. Dans la vallée où la pression de la seconde résidence y est forte, les coûts trop élevés de l’immobilier découragent les jeunes couples à venir s’installer, ce qui prive ainsi la commune de sa population jeune et dynamique « qui lui rapporte ». A cela s’ajoute la problématique des logements précaires occupés par les populations les plus défavorisées. Outre les charges sociales supplémentaires que cela peut engendrer pour la commune (liées à la santé par exemple), ces habitations peu esthétiques ne font que dégrader l’image de la destination touristique, diminuant ainsi la qualité de l’offre. Face à ce problème, la commune et la région ont pris des mesures en mettant sur pied un Plan Habitat Permanent (PHP) ; il permet de réinsérer ces populations dans des logements décents et accessibles financièrement. Ensuite, le secteur touristique ne nécessite pas une main d’œuvre hautement qualifiée ; cela ne favorise pas la concentration de « cerveaux à haut revenus » sur le territoire. 9 Les externalités d’information… « Les externalités d’information résultent du transfert de connaissances entre firmes agglomérées, par le biais de réseaux locaux (informels ou formalisés) (…) » Dans notre cas, l’agglomération des restaurateurs au centre de Durbuy-Vieille-Ville leur permet de faire circuler des connaissances pratiques (exemple des logiciels de comptabilité ou d’encodage, chauffages à gaz de terrasses) ; cette association est primordiale pour l’innovation et pour rendre les connaissances plus compétitives. Malheureusement, cette information circule de manière informelle car, par exemple, aucune association de commerçants n’existe dans la commune. Cet aspect nous permet d’aborder le point suivant. Les politiques publiques et le renforcement des forces d’agglomération En théorie… Selon E.PERRIN et N.ROUSIER (2005), les responsables politiques tant nationaux que locaux prônent le développement de systèmes productifs locaux structurés autour d’une activité dominante et engagent ainsi une politique de soutien à un collectif d’entreprises favorisant le développement local, plus justifiable auprès des électeurs que des aides individuelles à telle ou telle entreprise. Lien entre la théorie et Durbuy… Dans le cas étudié, l’activité structurante et dominante est bien évidemment le tourisme qui se décline essentiellement en activités d’HORECA, de loisirs et de commerces ; et, cela à plusieurs endroits du territoire. Il s’agit bien d’un développement local auquel est associé un ensemble d’acteurs et d’entreprises en provenance de plusieurs secteurs d’activités. On peut illustrer cette hypothèse de deux manières. Tout d’abord, les acteurs sont nombreux, diversifiés au sein de la commune et sont pour le développement de celle-ci. Ensuite, on peut mettre en évidence que le développement touristique engendre des retombées dans d’autres secteurs que le tertiaire tels que le primaire avec l’agriculture qui se spécialise et le secondaire avec certaines entreprises de constructions notamment. En pratique cependant, on ne peut pas parler de système productif local proprement dit car rien ne les unit formellement. Aucune association permettant de regrouper les prestataires touristiques n’existe, pas même des groupements rassemblant les acteurs du secteur touristique et acteurs des secteurs « annexes » (commerçants par exemple). Néanmoins, depuis 1999, une politique publique a vu le jour permettant de « combler » cette lacune. En effet, la commune de Durbuy a mis sur pied une Agence de Développement Local (ADL) qui a pour but de renforcer le développement local en - accueillant, informant et accompagnant les personnes porteuses de projets ; - suscitant et encourageant les initiatives locales ; - établissant des partenariats au sein des secteurs socio-économiques ; - en créant une dynamique territoriale afin de favoriser un redéploiement économique. 10 La philosophie principale de l’ADL est de développer une démarche « qualité » permettant d’«assurer aux habitants, commerçants et touristes une satisfaction à tout niveau ». Inévitablement donc, l’agence est engagée dans le secteur du tourisme. C’est dans ce cadre qu’en février 2004, l’administration édite un Contrat pour un Tourisme durable. Ce contrat poursuit 4 objectifs : 1. Etablir un état des lieux du secteur touristique sur la commune de Durbuy. 2. Dresser des perspectives de développement à long terme à l’égard de ce secteur. 3. Donner la possibilité aux acteurs politiques, touristiques, économiques et sociaux de prendre part à la construction du cahier des charges pour un label local. 4. Développer une cohérence de l’offre touristique. De même, la ville a pour but d’acquérir un tourisme certifié au niveau des normes internationales de qualité (ISO). Depuis, plusieurs « Tables Rondes du Tourisme » ont eu lieu à cinq reprises8 avec comme objectif de créer un espace de débat sur le développement du tourisme. Celles-ci rassemblent à la fois des acteurs publics liés au pouvoir décisionnel (Bourgmestre, Echevins et Représentants de partis) et liés à la promotion du tourisme (Office Communal du Tourisme de Durbuy, Royal Syndicat d’Initiative de Barvaux, Bomal, Durbuy et Grand-Han), des acteurs en provenance de structures locales (Intégra+), ainsi que des acteurs privés liés à l’activité touristique (secteur HORECA, loisirs) mais aussi liés au secteur commercial (artisans) et enfin des citoyens. Ces « Tables Rondes du tourisme » permettent donc de rassembler des acteurs très divers et de créer un lieu d’échange. Cependant, aujourd’hui, la question de l’application de ce contrat se pose problème car le document n’a toujours pas été officiellement présenté. De plus, il n’est pas suivi de manière systématique par les signataires et ne peut donc pas constituer, pour le moment, un référent clair sur l’avenir du tourisme durbuysien. Finalement, en parallèle à la théorie, on se situe loin d’une structure claire et formelle qui permettrait d’articuler, de manière cohérente, chacun des acteurs touristiques en un système productif aux mêmes objectifs de développement. 8 Mai 2005, janvier 2006, Mai et Octobre 2007 et Mars 2008 11 Position du cas étudié par rapport aux théories du développement régional D’après l’étude effectuée sur le développement de la commune de Durbuy, on pourrait placer le développement de celle-ci dans la catégorie « théorie du développement endogène local ». En effet, le développement local9 va mettre en avant le caractère endogène des initiatives et la prise en compte des micro-initiatives. Le développement local10 privilégie la mobilisation des acteurs locaux autour de l’élaboration d’un ensemble commun. Les avantages locaux peuvent être amplifiés par une meilleure synergie locale. Cette démarche intégrée a amené à réunir des milieux qui n’avaient entre eux que des rapports partiels : responsables économiques, représentants syndicaux, militants des milieux associatifs et autorités publiques. Evidemment, cette théorie ne peut s’appliquer à la lettre sur un cas concret, de surcroît dans le domaine du tourisme. Néanmoins, comme mis en évidence ci-dessus, on observe que le développement local va engendrer de nombreuses initiatives dans les divers secteurs d’activités (l’agriculture, par exemple) De plus, même si ce n’est qu’un début, la synergie locale est construite et renforcée au moyen de l’ADL et du « Contrat pour un tourisme durable ». 9 Sur base de DEFFONTAINES J.-P. et al. (2001) Sur base de PRAGER J.-C. (2004) 10 12 Compétitivité régionale de la commune de Durbuy Le capital humain et l’environnement économique Mentalités entrepreneuriales… Malheureusement, dans le cas de Durbuy, on ne peut pas à proprement parler d’un capital humain lié au territoire au vu du profil socio-économique. En effet, bien que les activités soient source d’un certain nombre d’emplois, le chômage reste important. D’ailleurs, les emplois sont le plus souvent occupés par la population des communes avoisinantes et des néerlandophones, ceux-ci sont généralement saisonniers. De plus, notons l’importance du travail en noir et des « jobs d’étudiants ». Néanmoins, même si le capital d’emploi n’est pas lié au territoire, il existe quelques agents « moteurs » intéressés par leur commune et soucieux de son développement. Ces « locomotives » humaines, qui peuvent être privées (par exemple, Mr J. CHARLIER de la S.A. « Durbuy Adventure » ou associatives (la jeune chambre économique Durbuy, Ourthe et Aisne pour le « Labyrinthus »), sont à la tête d’initiatives pour le développement de la commune. De plus, elles ont tendance à ouvrir le développement à d’autres secteurs et vers d’autres activités. Evidemment, d’autres personnes plus entreprenantes venant d’autres régions (Flandre) se sont également installées sur le territoire (par exemple, Hôtel-Restaurant « Sanglier des Ardennes » et « Jean de Bohème »). Néanmoins, bien qu’étrangères à la commune, elles font partie de celle-ci et favorisent le développement local. Cependant, il est important d’expliquer un cas qui n’est pas atypique sur le territoire durbuysien : il s’agit de « La Petite Merveille », un opérateur touristique sport-détente (location de kayaks, parcours aventure, etc.) composé d’un personnel presque exclusivement néerlandophone et d’une clientèle à 90% néerlandophone. Malheureusement, ces opérateurs-là ne s’investissent pas dans le développement touristique de la région (une seule présence a été relevée lors de la première « Table Ronde du Tourisme »). Enfin, un autre objectif de l’ADL de Durbuy est de former en langue les prestataires touristiques de l’HORECA11 et sa population. Ce qui permet de renforcer le capital humain. Accès au financement… A Durbuy, le développement local prospère pousse Durbuy-Vieille-Ville à s’engager dans de nombreux programmes ; ces derniers sont sources de financement qui à leur tour engendre de nouveaux investissements dans la ville, voire la commune. Ces programmes de développement sont des atouts aussi bien pour l’activité touristique et ce qui y est lié que pour la population locale. Selon l’ADL, la ville de Durbuy a adhéré à différents plans de développement, outils donnant parfois accès à des subsidiations variées : -le Programme Triennal des Travaux -le Programme Triennal du Logement -le Programme Communal du Développement Rural 11 Centre de Langues avec cours de langue pour adultes et cours d’immersion dans les écoles. 13 -le Plan Communal de Défense de la Nature -le Plan de Prévention de Proximité -le Plan Habitat Permanent -le Contrat de Rivière Ourthe -le Plan Communal de Mobilité -le Plan de Déplacement Scolaire La spécificité du lieu, ancrage fort du développement territorial La ressource liée au territoire… Dans le cadre de l’activité touristique de la commune de Durbuy, l’économie d’agglomération qui en découle se base sur une ressource qui est différente des autres activités économiques classiques. En effet, les produits touristiques de la destination « Durbuy » s’appuient à la fois sur le patrimoine architectural de Durbuy-Vieille-Ville ainsi que sur le patrimoine naturel qui l’entoure. Ces deux éléments constituent les deux ressources qui sont à la base du tourisme dans la commune. On peut qualifier « Durbuy-Vieille-Ville » de ressource territoriale dans le sens où il s’agit d’un objet qui a émergé du territoire suite à un long processus de reconnaissance enclenché au 18ème siècle par les premiers touristes bourgeois. L’objet a été sélectionné, repositionné dans son contexte, conservé, exposé pour finalement être valorisé à des fins touristiques12. Ce processus de construction propre à la ressource territoriale en souligne toute sa spécificité. Plus précisément, celle-ci est liée au caractère spatialement contraint de la ressource, au fait qu’elle possède des caractéristiques intrinsèques qui sont non-cessibles et non transférables et qui finalement la distingue de la ressource économique générique13. Dans le cas de la « Vieille-Ville », on peut donc dire que les activités touristiques qui en découlent s’appuient sur une ressource spécifique. Cette spécificité implique qu’il est difficile de délocaliser les activités étant donné que l’intrant de la production possède un caractère spatialement contraint (il est impensable de délocaliser Durbuy-Vieille-Ville pour avoir un meilleur rendement des activités touristiques ailleurs) mais surtout que la ressource bénéficie d’une image, un élément intangible non transférable qui, au final, donne à la ressource un ancrage fort. Cela suppose que dans l’optique d’une concurrence entre territoires, Durbuy peut se différencier des autres communes de manière durable grâce à sa ressource spécifique « Durbuy-Vieille-Ville » car l’activité qui en découle ne peut être remise en cause par la mobilité des facteurs de production. 12 13 Processus décrit par HUGUES F., HIRCZAK M., SENIL N. (2006) ANGEON V., CARON A. (2004) 14 Le territoire dans les économies de désagglomération et d’agglomération… Lorsque l’on veut envisager le scénario de l’économie de désagglomération à Durbuy, ce ne sont pas tant des externalités négatives (comme l’augmentation du prix du foncier) qui en seront responsables mais la déconstruction de la ressource territoriale provoquée par un désintérêt du touriste pour la destination. Par exemple, le contexte global change et le tourisme rural est délaissé au profit d’autres destinations (tourisme de masse, dans l’espace…). Etant donné que le produit touristique conjugue simultanément production et consommation14, si la station n’est plus reconnue, la demande s’estompe et l’activité touristique cesse. A l’opposé, l’augmentation du foncier, si elle est accompagnée de l’amélioration de la qualité du produit touristique, permet de retirer davantage de profits de la ressource. En effet, selon Pecqueur15, sur le marché, la montée en qualité d’un produit entraîne une différenciation de l’offre et donc la diminution de la concurrence ainsi que l’augmentation des prix. Cette qualité se base sur la spécificité des ressources sur base desquelles sont créés les produits. Prenons l’exemple de l’hôtel-restaurant « Jean de Bohème », il s’est implanté dans un bâtiment en pierres du pays de l’époque médiévale, chargée d’histoire. Une fois rénové et équipé, la particularité de l’aménagement « au cœur du vieux Durbuy » (pour reprendre les mots du restaurateur) a permis une différenciation du produit sur le marché, apportant ainsi une plus value au bien à la fois immatérielle (prestige) et financière (création d’une valeur ajoutée marchande supplémentaire). Une telle dynamique territoriale ne peut avoir lieu sans l’existence d’une ressource territoriale bien ancrée, celle de Durbuy-Vieille-Ville. D’autre part, celle-ci peut avoir également un rôle de spécification des actifs territoriaux. Par exemple, on note la bière locale la Durboyse vendue à 4 euros pièce et ce, non pas pour sa qualité, mais parce qu’elle est associée à la ressource spécifique de « Durbuy-Vieille-Ville ». La rente de qualité territoriale…. Pour la commune de Durbuy, on peut dire que la démarche « qualité » entreprise par la commune va dans ce sens. Celle-ci souhaite offrir un produit cohérent qui s’articule autour de l’image de « la plus petite ville du monde ». En agissant de la sorte, elle met ainsi sur le marché des produits uniques, spécifiques, dont elle peut en retirer une plus value. Cela nous amène finalement à la notion de « Rente de Qualité Territoriale » (RQT), c'est-àdire « la capacité des acteurs à créer des processus institutionnels susceptibles de capter le consentement à payer des consommateurs associés à l’environnement du produit ». A Durbuy, aucun processus n’existe à proprement parler ; cette rente est retirée de manière individuelle. Elle varie selon les prestataires touristiques et est fonction de leur tarification, ou selon les propriétaires fonciers pour les ventes de terrains, par exemple. 14 15 GIOTARD J.-P., LOZATO (1991) PECQUEUR B. (2001) 15 Conclusion En conclusion, dans la commune de Durbuy, malgré certaines dynamiques exogènes qui peuvent avoir tendance à délocaliser les capitaux, le tourisme constitue un moteur pour le développement territorial car il induit toute une série de dynamiques au sein du territoire. Ces dynamiques existent par la création d’entreprises à haute valeur ajoutée dans le secteur de l’HORECA, de loisirs ou par la création d’externalités positives qui profitent à la fois aux différents secteurs. Au niveau des politiques publiques, la structure ne permet pas encore d’articuler, de manière cohérente, chacun des acteurs touristiques en un système productif aux mêmes objectifs de développement. Si la commune de Durbuy base son économie sur la ressource « Durbuy-Vieille-Ville », que celle-ci est spécifique et constitue un facteur de différenciation entre les territoires, l’enjeu réside dès lors dans la pérennisation de son caractère construit (entretien de la reconnaissance de la destination via la promotion touristique), dans la gestion de la qualité (pour en retirer d’avantages de profit), ainsi que dans la création de processus institutionnels permettant de capter la RQT. Le tout a pour but d’orienter son développement territorial de manière durable. Bibliographie Livres, périodiques : -ANGEON V., CARON A., 2004, Valorisation de ressources et attractivité des territoires : facteur de spécification des ressources, in Revue Montagnes Méditerranéennes n°20, 55 p. -HALLEUX J.-M., 2008, Le développement territorial, Université de Liège, inédit -HUGUES F., HIRCZAK M., SENIL N., 2006, Territoire et patrimoine : la construction d’une dynamique et de ses ressources, in Revue d’Economie Régionale et Urbaine n°5, 695 p. -IDELUX, 2006, « Votre commune à la loupe », Profil socio-économique de la province du Luxembourg, édition n°1. -IDELUX, 2007, « Le top 200 des entreprises en province de Luxembourg », edition n°1. -PECQUEUR B., 2001, Qualité et développement territorial : l’hypothèse du panier de biens et de services territorialisés in Economie Rurale n°261, pp. 37-49. -L’avenir du Luxembourg, 29 janvier 2007, Votre commune à la loupe, la commune de Durbuy, E.Lk. -L’avenir du Luxembourg, 3 août 2006, Durbuy : aménagements et urbanisme, faire face au succès touristique, E.Lk. Sites web : -Site officiel de la ville de Durbuy, http://www.durbuy.be/, consulté le mardi 15 avril 2008. -Site de l’entreprise LAMELEC, http://www.lamelec.be/, consulté le mardi 15 avril 2008. -Site de l’Hôtel-restaurant « Jean de Bohème, http://www.jean-de-boheme.be/accueilf.php, consulté le mercredi 16 avril 2008. -Site de Durbuy Adventure, http://www.durbuyadventure.be/, consulté le mercredi 16 avril 2008. -Site du Parc des Topiaires de Durbuy, http://www.topiairesdurbuy.be/, consulté le mercredi 16 avril 2008. -Site du Labyrinthe de Bomal, http://www.lelabyrinthe.be/, consulté le vendredi 24 avril 2008. Entretien : -VANHAL Luc, responsable de l’urbanisme de la commune de Durbuy. -LECHIEN X., responsable de l’ADL de Durbuy. 16 17