Miles Davis : l’album Tutu*
*Sihem Benyahia
Lycée Edouard Herriot, Voiron
1. Qu’est-ce que le jazz ?
Le jazz apparait à la fin du 19è siècle, à La Nouvelle Orleans (Louisiane). Il est influencé par les chants
religieux, les work songs mais plus particulièrement encore par le blues.
2. Les grands courants du jazz et leurs caractéristiques
a) Le New Orleans (1910-1920)
Ecoute de «Mahogany all stomp», Georges Lewis New Orleans Jazz Band.
Musique qui, au départ, se joue essentiellement dans la rue.
Formation composée de trompette, de tuba, de trombone, de clarinette, de washboard ou de percussions,
ainsi que de banjo ou de guitare.
b) Le swing (1920-1940)
Ecoute de «The Ghost of Monkey Joe», Cab Callaway, 1939.
Multiplication des Big Band
Musique caractérisée par un balancement appelé «swing».
Musique essentiellement faite pour danser ( apogée des clubs de jazz).
Place prépondérante du soliste.
Formation instrumentale stricte : trompette, trombones, anches, batterie)
c) Le Be Bop (1940-1950)
Ecoute de «Donna Lee» de Charlie Parker
Tempo souvent très rapide,
Présence de breaks,
Progression harmonique de plus en plus complexe.
-changements d’accords très réguliers (fréquence harmonique rapprochée),
-éloignement volontaire de la tonalité,
-accords particulièrement riches (4, 5, sons et plus).
Lignes mélodiques sinueuses, complexes.
Utilisation de nouveaux modes induits par l’harmonie (gammes diminuées, par tons, etc.).
Le quintet avec saxophone, trompette, piano, contrebasse, batterie est le plus répandu.
d) Le cool (1948-1953)
Ecoute de «Deception», de Miles Davis
Décontraction du swing plutôt qu’excitation.
Musique moins agressive.
Arrangement souvent écrit.
• Langage qui emprunte tout de même aux apports du be-bop (accords, notes étrangères, modes, etc.).
Sihem Benyahia, Lycée Edouard Herriot, VOIRON
1
Formation instrumentale plus « élastique » et moins stricte que le quintet.
Clin d’œil évident à la musique classique et à ses procédés ou formes.
e) Le Hard Bop (1954-1960)
Ecoute de «Moanin», Art Bakley and the Jam Messenger.
Pulsation profondément marquée, dans l’esprit du boogie woogie, du rhythm’n’blues, etc.
Ferveur dans l’expression et dans la déclamation, qui rappelle celle des églises noires et du gospel.
Recours aux notes « bluesifiées » (quarte augmentée ou quinte diminuée).
Lignes mélodiques plus limpides et bien plus « vocales » que dans le bop.
Progressions harmoniques extrêmement complexe.
Le bop prend le sens de « difficile ».
f) Le Jazz modal (1950-1970)
Ecoute de «Kind of blue», Miles Davis et John Coltrane (1959)
Absence délibérée d’accompagnement du piano à la demande.
Interruption du mouvement harmonique en cours de morceau, attente ou repos sur un ou deux
accords.
Des accords plus statiques.
Improvisation et musique sur pédale (une seule note de basse répétée ou/et tenue).
Exploration et improvisation sur un unique mode.
g) Le Jazz rock (1970-1980) - période transitoire
Ecoute de «Stuff» extrait de Miles in the Sky, Miles Davis (1968)
Utilisation quasi exclusive d’instruments électriques (piano Fender Rhodes, orgue, basse et guitare
électriques, électrification de la trompette et utilisation de la pédale wah-wah).
Importance donnée au funk et aux rythmes binaires avec l’influence de Jimi Hendrix, James Brown,
Sly Stone.
Apparition des percussions.
Simplification dans la conception de la musique : approche plus ouverte sur l’improvisation, simples
esquisses de thèmes ou simples indications, pour une plus grande écoute et une plus grande liberté.
Morceaux plus longs.
h) Le jazz électrique (1970)
Ecoute de «One the corner» extrait de On the corner, Miles Davis (1972).
Utilisation quasi exclusive d’instruments électriques (piano Fender Rhodes, orgue, basse et guitare
électriques, etc).
Approche plus ouverte sur l’improvisation.
Emprunt à la musique funk et aux rythmes binaires.
Apparition des percussions qui donne un caractère plus exotique.
3. Qui est Miles Davis ?
a. Biographie Miles Davis (Illinois, 25 mai 1926 - Californie, 28 septembre 1991)
Marcus Miller à propos du son de Miles Davis : « Il jouait parfois très peu, mais qu’est-ce que c’était
beau !... Son son était très beau. Peut-être plus que le son, c’est la façon dont il l’utilisait qui était
Sihem Benyahia, Lycée Edouard Herriot, VOIRON
2
unique. Miles, on le sait, n’était certainement pas le meilleur trompettiste, ce n’était pas le meilleur
technicien à la trompette, mais personne ne sonnait comme lui ! »
Le contexte familial
Il naît à Saint Louis dans une famille de la bourgeoisie afro-américaine.
Son père est chirurgien dentiste et grand mélomane. Sa mère joue du piano et du violon. Sa grand
mère est professeur d’orgue.
Les apprentissages
A l’âge de 9 ans, un ami de son père lui offre une trompette.
Il apprend la trompette 13 ans avec Elwood Buchanan.
Il suit des cours de trompette avec Joseph Gustat, première trompette et chef de pupitre de l’orchestre
symphonique de Saint Louis.
Il commence à jouer en public à 16 ans et intègre plusieurs orchestre de rythm’n’blues.
Miles Davis devient musicien professionnel à l’âge de 18 ans en s’inscrivant à la Fédération
américaine des musiciens.
Il s’inscrit à la Juilliard School of Music.
Au cours de sa vie, Miles développe une solide connaissance de la théorie musicales et s’intéresse
aux compositeurs contemporains tels que Prokofiev.
Les rencontres
A 18 ans, il joue avec les principaux chefs de fil du jazz de l’époque : Ch. Parker, D. Gillespie.
A 19 ans, il commence à composer ces première oeuvres et attire l’attention de l’arrangeur Gill
Evans.
A l’âge de 31 ans, Miles Davis rencontre Louis Malle, réalisateur et écrit la musique de son film
«Ascenseur pour l’échafaud» en une nuit seulement.
b. Principaux courants
Miles Davis est un caméléon : «innovateur, instigateur, précurseur, chercheur, découvreur de talents,
aiguilleur, devin, peintre (au sens propre comme au sens figuré), coloriste, architecte des sons, sculpteur,
conteur, poète de la trompette, Miles s’est essayé, on ne peut dire à tous les courants, mais à la plupart des
styles ouvrant la modernité qu’il a très fréquemment impulsée.», DUPUIS (Gilbert), Miles Davis, Tutu
extrait de l’Education musicale, fascicule du baccalauréat 2015, p.99.
c. Principaux albums
Miles Davis est à l’origine d’un nombre impressionnant d’albums : 67 albums studio, 57 albums live,
58 albums compilation, 15 coffrets et 3 bandes-son de film.
«Birth of the Cool», 1957 : représente le mouvement de bascule d’un art populaire vers un art savant.
«Kind of blue», 1959 : point culminant de la recherche modale menée par Miles Davis.
«Sketches of Spain», 1960 : résultat de la collaboration entre Miles Davis et l’arrangeur et chef
d’orchestre Gil Evans. A mi chemin entre «jazz de chambre» et musique contemporaine et/ou
classique.
«Sorcerer Nefertiti», 1967 : dernier album exclusivement acoustique.
«Bitches Brew», 1970 : disque de jazz où la pop culture, le rock et la funk se mélange le plus.
«Doo Boop», 1992 : dernier album de Miles Davis, inachevé, fruit d’une collaboration avec plusieurs
rappeurs.
Sihem Benyahia, Lycée Edouard Herriot, VOIRON
3
4. L’album Tutu, 1986
a) Le titre «Tutu»
Le titre de l’album reprend celui du 1er morceau. Il est dédié à l’archevêque Desmond Tutu, futur
archevêque anglican de Cape Town (Afrique du Sud) mais également Prix Nobel de la paix en 1984 alors
qu’il luttait pour la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud.
D’autre part, «Tutu» est également l’équivalent du mot « cool » dans la langue africaine yoruba (ethnie du
Nigéria).
C’est le producteur Tommy LiPuma qui a eu l’idée du titre définitif en remplacement de Perfect Way qui
était originellement prévu. Plus court, il avait l’avantage de mieux sonner et d’être plus claquant que le
précédent.
b) La collaboration
Qui est Marcus Miller ?
Marcus Miller est un compositeur, un bassiste mais également un multi instrumentiste le 14 juin 1959
à Brooklin. C’est en partie grâce à son père (pianiste et organiste d’église), qu’il débute la musique.
Touchant aux mêmes instruments puis à la clarinette, c’est l’âge de 13 ans qu’il débute la guitare basse. Il
acquière une certaine autonomie, notamment grâce à Miles Davis, Marcus Miller va multiplier les albums
et les collaborations (album Nougayork, Claude Nougaro, album France : la minute de silence, France
Gall, collaborations avec Aretha Franklin, Stnaley Clark, etc).
Marcus Miller est également un artiste engagé. Pour lui, la musique peut être une arme contre les
inégalités. Ainsi, Miller est nommé Artiste de l’UNESCO pour la Paix : «C'est vraiment un honneur d'être
nommé artiste pour la paix par l'UNESCO (...) J'y vois une opportunité d'utiliser ma musique pour
raconter l'histoire de l'esclavage. C'est très important.», Marcus Miller.
Principe(s) de la collaboration Miles / Miller
En 1981, Marcus Miller rejoint le groupe de Miles Davis. Marcus Miller devient le compositeur et le
producteur de l’album «Tutu».
« Un grand souvenir avec Miles, c’est lorsque nous avons travaillé ensemble sur l’album Tutu en 1986.
J’ai composé tous les titres de l’album, ainsi que les arrangements. Tommy LiPuma était le producteur du
disque, c’était le producteur de Miles à l’époque. Il n’y avait pas vraiment d’orchestre, Tommy m’a
demandé de travailler à partir de mes démos. C’est ce qui explique le fait qu'il y a eu beaucoup de re-
recordings sur cet album. J’ai enregistré certaines parties de basse et j’ai joué d’autres instruments,
notamment les synthétiseurs que j’ai programmés. Miles est venu me voir en studio, puis il est parti, me
disant : "C’est génial !... J’y vais, tu n’as pas besoin de moi !" Quelques jours plus tard, j’ai appelé Miles
et il est venu en studio, et il a enregistré ses parties de trompette sur la musique que j’avais créée. Au
début, j’ai eu du mal à donner des directives à Miles, j’étais plutôt intimidé de lui dire ce qu’il fallait faire.
Et il m’a dit : "Hey, man, tu dois me dire ce qu’il faut faire, c’est ta musique, tu sais exactement comment
cela doit sonner !" À partir de ce moment-là, j’ai été plus en confiance, et je lui ai dit précisément ce qu’il
fallait faire, je lui ai suggéré à quels moments il pouvait jouer. Nous avons fait trois albums de cette
manière [Tutu en 1986, Music from Siesta en 1987, Amandla en 1988, NDLR]. Tous les titres que j’ai
composés pour ces albums étaient pour Miles, je les ai vraiment composés en pensant à lui, à son son. »
c) Musiciens et formation instrumentale
Miles Davis : trompette
Sihem Benyahia, Lycée Edouard Herriot, VOIRON
4
Marcus Miller : guitare basse, guitare, synthétiseurs, programmation des boîtes à rythme, clarinette
basse, saxophone soprano...
Paulinho da Costa : percussions sur Tutu, Portia, Splatch et Backyard Ritual
George Duke - claviers/synthétiseur sur Backyard Ritual
Omar Hakim - batterie et percussion sur Tomaas
Adam Holzman : programmation synthétiseur, synthétiseur solo sur Splatch
Jason Miles : programmation synthétiseur
Steve Reid : percussions sur Splatch
Michael Urbaniak : violon électrique sur Don't Lose Your Mind
Bernard Wright : synthétiseur sur Tomaas et Don't Lose Your Mind.
d ) Critiques de l’album «Tutu»
« La première écoute permettra d’établir que Marcus Miller n’est pas simplement un bassiste de talent
[...], ni George Duke une caisse enregistreuse de soupe à succès. C’est le premier jeu que propose ce
disque. Puis, avec une connaissance honnête de l’œuvre de Miles, on découvrira, à discrétion, telle
œillade vers le Concerto De Aranjuez (Portia), [...] telle reprise vers des trames harmoniques de On the
Corner (Tomaas) ou l’esprit du générique de Ascenseur pour l’échafaud (Tutu). Mais ce clin d’œil au
passé n’est qu’une bravade : comme il aime à la répéter, Miles ne joue pas du "jazz" mais la musique de
Miles. Une musique urbaine, déferlante de synthés, de boîtes à rythmes et de slaps de basse avec, toujours
en avant, la trompette et son cortège de longues phrases en spirales : soit Marcus Miller et Miles, seuls
bâtisseurs d’un vaste espace sonore. [...] Un tel édifice avait besoin d’enluminures, et quelques invités peu
banals firent très bien l’affaire : le batteur de Weather Report, Omar Hakim, et, suprême élégance, l’entrée
d’un instrument qui n’avait encore jamais trouvé place dans un disque de Miles, le violon, tenu par l’anti-
frime Michael Urbaniak. La nouvelle musique de Miles quoi. » Pascale Bartithel (Jazz Magazine, 355,
novembre 1986).
5) Le titre «Tutu», extrait de l’album «Tutu», 1986
a) Forme (cf. annexes)
b) Couleur
La formation instrumentale est aussi bien composée de machines que d’instruments :
Trompette avec sourdine harmon.
Saxophone soprano.
Percussions (bongos, congas bar chimes, Wood Block, grelots, sonnailles, etc) : elles ajoutent à
l’exotisme et font le lien entre les parties programmées et les parties jouées («incarner le toucher
humain»).
Guitare basse fretless et guitare basse avec frettes.
Programmation de synthétiseurs bruitistes ou sons électroniques (avec l’Oberheim Xpander et le
PPG Wave 2.2.).
Programmation de boîtes à rythmes (avec la machine Line 9000).
Sampler AKAI S612 (son orchestral hit).
Les nuances sont constantes. Il n’y a pas de contraste.
c) Espace : harmonie, mélodie
Le morceau est en sol mineur sans sensible avec présence de la blue note (réb).
Sihem Benyahia, Lycée Edouard Herriot, VOIRON
5
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !