Les effets des stratégies low-cost sur la valeur perçue d`une offre Patri

Et si « moins » était synonyme de « plus » ?
Les effets des stratégies low-cost sur la valeur perçue d’une offre
Patricia COUTELLE-BRILLET
Maître de Conférences
IAE de Tours - Université de Tours
CERMAT
Arnaud RIVIERE
Maître de Conférences
IAE de Tours - Université de Tours
CERMAT
Et si « moins » était synonyme de « plus » ?
Les effets des stratégies low-cost sur la valeur perçue d’une offre
Résumé :
Face au rôle déterminant de la valeur perçue dans le comportement des consommateurs, et
dans un contexte de succès croissant des biens simplifiés à bas coûts, cet article examine
l’impact des stratégies low-cost sur la valorisation d’une offre. Les résultats d’une étude
qualitative démontrent qu’au-delà de la réduction largement perçue des sacrifices monétaires,
ces politiques marketing peuvent exercer des effets parfois plus ambivalents sur la perception
des sacrifices non-monétaires ainsi que sur l’appréciation des valeurs fonctionnelle,
émotionnelle, sociale et éthique de l’offre. Par ailleurs, il est constaté que le degré de
valorisation d’un produit low-cost est susceptible de varier selon certaines caractéristiques
liées au consommateur, au produit et au contexte d’achat / de consommation.
Mots-clés : low-cost, valeur, bénéfice, sacrifice, consommateur.
Is « less » synonymous with « more »?
The effects of low-cost strategies on the perceived value of an offer
Abstract:
Considering the influence of perceived value on consumer behavior and the increasing
success of low-cost products, this article examines the impact of low-cost strategies on the
valuation of an offer. The results of an exploratory qualitative study demonstrate that beyond
reduction widely perceived of monetary sacrifices, these marketing policies can lead to effects
sometimes more ambivalent on the perception of non-monetary sacrifices and on the
assessment of functional, emotional, social and ethical product values. Furthermore, the value
of low-cost offer seems to be affected by characteristics related to the consumer, the product
and the buying / consumption context.
Key-words: low-cost, value, benefit, sacrifice, consumer.
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Et si « moins » était synonyme de « plus » ?
Les effets des stratégies low-cost sur la valeur perçue d’une offre
Introduction
Comment créer plus de valeur pour les clients ? : voici une question cruciale à laquelle de
nombreux responsables marketing cherchent à répondre afin d’acquérir un avantage
compétitif et pouvoir, ainsi, affronter un environnement fortement concurrentiel.
Parmi les moyens d’action envisageables, des auteurs ont souligné la pertinence potentielle
des stratégies d’enrichissement de produits (Carpenter, Glazer et Nakamoto, 1994 ; Nowlis et
Simonson, 1996 ; Brown et Carpenter, 2000 ; Mukherjee et Hoyer, 2001 ; Thompson,
Hamilton et Rust, 2005 ; Rivière, 2009). Ainsi, pendant longtemps, profitant de l’évolution
continue des technologies, les fabricants de téléphones, les constructeurs automobiles, ou bien
encore les industriels du secteur informatique ont cherché à enrichir continuellement le
contenu de leurs produits en proposant toujours plus de nouvelles fonctionnalités innovantes à
leurs clients. Le cas des téléphones portables, devenus en quelques années de véritables
appareils multimédia, illustre bien ce phénomène de sophistication fonctionnelle croissante.
Toutefois, dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, et comme en témoigne la
commercialisation très remarquée de la Logan en 2005, une tendance opposée s’est
récemment développée sur les marchés : le low-cost. Cette dernière consiste à proposer des
produits dénués de sophistication mais commercialisés à des prix durablement avantageux,
grâce à une duction significative du coût de revient. Ce modèle économique se distingue
clairement d’autres pratiques commerciales (tels les prix promotionnels, les prix d’appel, les
soldes) qui recherchent seulement une baisse occasionnelle des prix, sans pour autant
s’appuyer sur une baisse des coûts. Depuis plusieurs années, l’importance dans les pays
développés de l’effet « prix bas » et de l’intérêt des individus pour les produits simplifiés
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(phénomène de « loganisation ») ne se dément pas (Croué, 2006 ; Aurier et Zollinger, 2009).
Les concepts low-cost représentent, aujourd’hui, de réelles alternatives de consommation pour
de nombreux acheteurs confrontés à une baisse perçue de leur pouvoir d’achat. Cet
engouement pour les produits basiques à moindre coût traduit un phénomène de
déconsommation, reflet d’un comportement de résistance des consommateurs aux
propositions et sollicitations commerciales des entreprises (Roux, 2007 ; Séré de Lanauze et
Siadou-Martin, 2010).
Malgré son enjeu managérial, le low-cost a épeu exploré dans la littérature en marketing
(Aurier et Zollinger, 2009). En particulier, bien que la valeur soit au cœur des préoccupations
des chercheurs, l’impact de ces politiques à bas coûts n’a jamais été étudié au regard de la
valorisation d’un bien. La problématique de ce travail peut donc être formulée de la manière
suivante : quels sont les effets des stratégies low-cost sur la valeur perçue d’une offre ?
Dans ce cadre, cet article se propose, au travers d’une revue de la littérature, de préciser la
notion de valeur perçue, de souligner l’adéquation des offres low-cost aux attentes des
consommateurs et enfin, de mettre en évidence l’importance d’une meilleure compréhension
des effets de ces politiques marketing sur la valorisation d’un bien. Puis, après avoir exposé la
méthodologie de l’étude qualitative, les principaux résultats sont présentés. Ces derniers
permettent d’apprécier les effets du low-cost sur chaque composante de la valeur globale, et
d’identifier les variables susceptibles d’influencer la valorisation d’une offre à bas coûts.
1. Les stratégies low-cost, sources de création de valeur ?
Ces dernières années, les chercheurs ont témoigné d’un vif intérêt pour l’étude de la valeur
perçue. Du côté des entreprises, les gestionnaires, conscients d’une évolution profonde du
comportement des consommateurs, ont manifesté une attention croissante pour les offres
simplifiées à bas coûts. Face à ce double constat, il semble essentiel de considérer ces deux
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préoccupations et de s’interroger, ainsi, sur les effets d’une politique low-cost au regard de la
valeur perçue d’une offre.
1.1 La notion de valeur perçue en marketing
Le rôle de la valeur perçue dans le comportement du consommateur a souvent été souligné
dans la littérature (Zeithaml, 1988 ; Monroe, 1990 ; Dodds, Monroe et Grewal, 1991 ; Grewal,
Monroe et Krishnan, 1998 ; Parasuraman et Grewal, 2000). Ainsi, pour bon nombre
d’observateurs, la création de valeur est la clé de réussite des organisations (Woodruff, 1997).
Traditionnellement, la valeur perçue d’une offre est abordée selon une vision dichotomique,
articulée autour des notions de valeur d’achat et de valeur de consommation (tableau 1).
Valeur d’achat
(perspective
globale)
Elle correspond à l’évaluation globale de l’utilité d’un produit fondée sur
les perceptions de ce qui est reçu (bénéfices) et donné (sacrifices).
Toutefois, elle a souvent é réduite à la seule appréciation du ratio
qualité/prix. Elle se manifeste avant l’achat et s’inscrit dans une vision
rationnelle, transactionnelle, cognitive et objective (Zeithaml, 1988).
Valeur de
consommation
(perspective
analytique)
Elle traduit une préférence relative, caractérisant l’expérience d’interaction
entre un sujet et un objet. Elle ne précède pas mais résulte de l’expérience
de consommation/possession d’un bien. Elle s’inscrit dans une approche
affective et expérientielle, et se forme à partir de diverses composantes
(vision multidimensionnelle de la valeur) (Holbrook, 1994, 1999).
Tableau 1 : L’approche traditionnelle de la valeur perçue en marketing
Toutefois, au vu des limites relatives à cette conception duale de la valeur (pour une synthèse,
voir Rivière, 2009), une approche alternative s’est progressivement développée (Amraoui,
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