Renforcer la démocratie en santé en Bretagne I. Un sens à la démocratie en santé Afin d’adopter un langage commun, le groupe de travail « démocratie en santé » de la CRSA propose une définition du concept. Nous pouvons entrevoir ici les notions de démocratie et de santé comme alliées amenées à travailler à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des prises en soins et accompagnements des usagers. L’OMS propose de définir la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social. Notons que la notion est globale, elle laisse entrevoir les prémices de ce que nous nommons aujourd’hui les parcours des usagers. Cela suppose, si la démocratie lui est appliquée, que la souveraineté des usagers doit trouver les conditions de son expression à chaque occasion de l’organisation de ces parcours, quel que soit leur âge. La démocratie est régulièrement définie comme un système politique, une forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple. La notion de représentation par des élus est significative, les représentants des usagers sont des élus, ce statut leur confère une légitimité certaine. Plus largement, il n’y a pas de démocratie s’il n’y a pas de reconnaissance de statut de ses membres. La démocratie émane des limites de la compétence de l’expert. L'expert est défini techniquement par son niveau et son champ de compétence mais aussi par le contexte institutionnel dans lequel il prend place. Or la réalité de toute institution la confronte parfois à des circonstances qui mettent en conflit la finalité pour laquelle elle existe et les rapports de force internes qui nécessitent des arbitrages parfois délicats. Le seul moyen pour échapper à de telle situation est de se placer en toute transparence sous le regard de ceux pour lesquels l'institution a été créée, c'est à dire les usagers 1. Par ailleurs, tout expert a des limites à ses compétences et il ne semble pas qu'il soit toujours le mieux placé pour faire la synthèse, en particulier sur des problématiques inhérentes au « sujet » lui-même. Nous constatons d'ailleurs que les orientations actuelles en médecine tendent à prendre de plus en plus au sérieux le rapport propre du sujet à (sa ou) ses pathologies. Nous existons tous comme des sujets enclins à des émotions notamment, et nous ne sommes pas uniquement des individus « mesurables » ou identifiables statistiquement. Comme le souligne le récent rapport du Pr.Druais au Ministre de la Santé, « la participation des patients et citoyens est devenue un enjeu sociétal et politique pour des raisons démocratiques (représentativité, participation), morales et éthiques (justice), mais aussi pratiques (efficacité) ». Le patient n’est plus à être considéré comme le bénéficiaire passif des soins, mais comme un acteur nécessaire et très présent du système de santé. Les évolutions du cadre légal concernant les droits individuels et collectifs des patients et les responsabilités des professionnels de la santé ont modifié les rapports soignants-soignés. Les associations de patients se sont multipliées pour assurer un rôle d’information et de soutien aux malades. Les savoirs du patient sont de plus en plus souvent pris en considération, notamment dans l’éducation et l’accompagnement thérapeutique. Questionner la démocratie en santé est d’autant plus important que l’on doit penser en termes de prévention et promotion de la santé. La vision de la santé ne doit pas seulement se limiter au curatif, elle doit dans le même temps être élargie à la prévention. L'expérience déjà acquise montre qu'en matière de prévention la seule posture de prescription ou de préconisation ne suffit pas si le sujet ne se positionne pas lui-même consciemment dans le champ des risques pathologiques évoqués. 1 Les limites de l'expert sont évidentes aussi quand il s'agit par exemple de prioriser des investissements dans un contexte de rivalité entre plusieurs champs d'expertise. 1 Il est essentiel que les experts apportent leur point de vue mais il est urgent de contourner la dissymétrie existant entre la posture de l'expert et la personne à l'égard de laquelle son expertise est sollicitée directement ou indirectement. En chaque personne se trouve potentiellement un citoyen auquel il convient d’apporter les connaissances nécessaires pour qu’il puisse entrer dans le débat. Des signaux forts doivent leur être adressés pour qu’ils aient connaissance de leurs droits et de l'utilité de leurs apports même s'ils sont subjectivement marqués. Un vrai débat démocratique doit placer les citoyens au centre et doit prendre en compte leurs avis et leurs opinions. La démocratie en santé repose donc sur un large accès à l’information et à la formation pour que les citoyens puissent livrer une parole éclairée. Un accès large à l’information signifie tenir compte des populations qui peuvent avoir des difficultés à s’investir dans les débats, notamment les jeunes et les populations marginalisées. Aujourd’hui, les jeunes sont absents des débats démocratiques sur la santé. Une démarche est actuellement engagée au sein de la CRSA Bretagne pour leur permettre de participer aux groupes de travail. Devrait-on mettre en place un Collège de jeunes, tel que l’a fait la conférence Nationale de la Santé ? A titre consultatif, les instances de la CRSA pourraient être ouvertes à des représentants étudiants (médecine, personnels de direction…). On pourrait même dire que l'éducation à la santé devrait être partie intégrante de la formation de toute personne au même titre que les apprentissages des différents langages, de la prise de conscience de la place de chacun dans un environnement géographique, écologique, historique et humain. Le rapport de Claire Compagnon « Pour l’An II de la Démocratie Sanitaire » reprend ces idées. Elle exprime le souhait de « restaurer les gens dans leur capacité de sujet » et préconise notamment de: - Mettre en place une concertation obligatoire avec les usagers, - Positionner les usagers dans les lieux de décisions, - Reconnaître la place des bénévoles ; - Développer une politique de formation des RU ainsi qu’un programme de formation sur la recherche de collaboration entre professionnels et usagers ; - Prendre en compte les particularités de certains usagers (ex : handicap psychique) - Indemniser les représentants - … La prise en compte des instances de démocratie en santé doit être formalisée par un retour du Directeur Général de l’ARS sur les avis transmis. Cette réponse doit s’effectuer de manière argumentée et écrite, notamment dans le cas où l’agence prend un avis contraire à celui donné par la CRSA. Ne pas donner de réponse reviendrait à un « déni de la démocratie ». Les lieux d’exercice de la démocratie en santé sont pluriels sur notre territoire avec des niveaux de compétences différents : Parlement national votant l’ONDAM et les lois, les Conseils départementaux…, la C.R.S.A. Bretagne instance consultative. L’exercice démocratique engage à ne pas confondre les différentes instances. Comme première condition pour cet exercice, nous sollicitons la reconnaissance d’un véritable statut de représentant d’usagers dans les instances de démocratie en santé. 2 II. Propositions pour soutenir et développer la démocratie en santé A. Rappel des positions antérieures de la C.R.S.A. Bretagne Il s’agit de renforcer en Bretagne la démocratie en santé sur la base d’un fonctionnement participatif affirmant et reconnaissant le rôle de chacun et renforcer les liens entre CRSA et futurs Conseils territoriaux de santé. Les différents acteurs en santé en Bretagne se sont engagés de façon volontariste dans les instances de la démocratie en santé. Ils ne souhaitent pas de fonctionnement opaque, vertical descendant mais aller vers un modèle empreint de la reconnaissance des rôles de chacun. A ce titre par exemple, à l’aube de la mise en œuvre du service territorial de santé au public et de sa déclinaison territoriale, les médecins libéraux conscients des enjeux que devra affronter le système de santé pour perdurer, souhaitent être entendus. Ils portent la possibilité de réalisations tant méthodologiques qu’organisationnelles. Leurs représentants attendent les signes d’une véritable considération de leur capacité à innover en matière d’organisation tant décisionnelle qu’opérationnelle. La CRSA invite l’ARS à entendre toutes les propositions stratégiques des fédérations régionales, unions régionales et associations d’usagers dans le champ de la santé y compris du social, avant de prendre toute décision quant à l’organisation du système de santé en Bretagne. Elle demande à être représentée en tant que telle au sein des commissions de coordination « prévention » et « médico-sociale », ainsi qu’au sein de la commission « gestion du risque ». Les recommandations adoptées en juin 2014 : • mieux formaliser les relations entre CRSA Bretagne et ARS : par exemple, importance d’une réponse personnalisée et par écrit du Directeur Général de l’ARS, dans un délai de trois mois, portant sur les suites données aux avis rendus ; • poursuivre une dynamique ouverte, anticipatrice et responsable de la CRSA, notamment par sa capacité à s’autosaisir de toute question concernant la politique de la santé dans la région : notamment la santé au travail, le plan régional santé environnement, l’utilisation du FIR ; questions émergeant de ses membres ou soumises par les mouvements qui la constituent ; • augmenter les transversalités entre les commissions, entre CRSA et Conférences de territoires, entre membres et mouvements des instances. Par exemple, c‘est la systématisation d’une transmission du rapport sur le respect des droits des usagers à toutes les commissions avant la soumission à la plénière. Sans oublier la dimension chronophage, chaque commission doit, a minima, avoir communication des travaux des autres commissions; • une meilleure connaissance du fonctionnement et des coûts de l’Agence : la CRSA doit continuer à avoir une information sur le CPOM et les moyens consacrés aux politiques de santé : gestion des risques, dépenses régionales de santé (notamment budget alloué à la prévention et au médicosocial), moyens consacrés à la démocratie sanitaire ; • Les débats publics apparaissent nécessaires et utiles. Ils devraient correspondre à des objectifs clairement repérés : permettre l’expression de différents points de vue ; éclairer la puissance publique ; soutenir la légitimité de l’action publique ; informer le public et lui permettre d’être un acteur à part entière de la démocratie sanitaire. Il est nécessaire de disposer d’une synthèse des débats et d’en faire connaître les conclusions. Les débats publics sont à privilégier dans un cadre partenarial si possible car contribuent alors à renforcer les liens entre les acteurs en santé ; • Elaborer une stratégie de communication de la CRSA supposant une communication propre avec des moyens spécifiques, une diffusion de ses travaux ; s’appuyer sur les réseaux déjà existants (réseaux institutionnels, réseaux d’usagers…) ; 3 • Renforcer les moyens humains et logistiques propres à la CRSA (secrétariat, rédacteurs, budget identifié) ; • Développer les liens entre CRSA et conférences de territoires, Délégations territoriales, avec le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional Bretagne, le Conseil Régional, les Conseils Généraux, Métropoles; • Que les représentants des usagers puissent, par une procédure validée, alerter les membres de la CRSA de situations préoccupantes afin qu’elle puisse éventuellement prendre position et/ou apporter un éclairage vis-à-vis d’enjeux de santé publique ; • Dans une position citoyenne de la CRSA, exercer une vigilance sur le plan éthique, concernant par exemple des garanties de confidentialité et de respect de la personne dans le contexte du développement des nouvelles techniques de communication : DMP, DP, télémédecine... B. Peut-on aller plus loin dans une dynamique démocratique ? Quelques principes devant œuvrer au soutien de cette dynamique démocratique : 1. Renforcer les liens entre CRSA et Conférences de Territoire, futurs Conseils Territoriaux en Santé, chaque instance conservant sa souveraineté et ses champs de compétences. Dans un souci autant de renforcement, de consolidation des avis des instances de la démocratie en santé que de cohérence régionale, il est opportun que la CRSA puisse recueillir les avis des conseils territoriaux de santé sur le projet régional de santé pour lui permettre d’élaborer son avis régional. Il est nécessaire d’avoir des relations formalisées avec les Conseils territoriaux de santé sous forme de consultations réciproques. Outre une Conférence annuelle des Présidents de CRSA et Conférences territoriales, des rencontres plus élargies peuvent enrichir les réflexions. Par l’extranet, les membres des différentes conférences devraient avoir accès à l’ensemble des travaux et informations de chacune des Conférences. 2. Une meilleure information sur les argumentations ARS: en effet, si les instances de la démocratie en santé fournissent des avis à l’ARS, celle-ci doit, en cas de prise de décision différente, informer explicitement de ses motifs, notamment par rapport aux priorités du PRS, de l’amélioration de l’égal accès aux soins et autres prises en charge, du service envers les usagers. La consultation ne doit pas se réduire à la simple dimension formelle. L’ARS devrait montrer le bénéfice supplémentaire de sa décision si elle est différente des avis réglementairement donnés. 3. Les membres des instances de démocratie en santé souhaitent apporter leur contribution aux évolutions du système de santé en Bretagne. Ce souhait va bien au- delà d’une simple réponse formelle aux consultations réglementaires sollicitant un avis positif ou négatif. Pour y contribuer le mieux possible, un délai minimal de trois mois (supérieur ainsi au délai réglementaire habituel de deux mois), période dans laquelle sont déjà positionnées les réunions d’instances, pour étudier les demandes d’avis de la part de l’ARS Bretagne, et permettre ainsi aux différentes instances de la CRSA d’étudier les différents aspects de la demande d’avis. Il est indispensable que les documents de travail soumis à étude soient remis aux membres des instances 15 jours avant la date de la séance. 4. Renforcer l’information des représentants au sein des instances de démocratie en santé. L’ARS veille à donner aux instances CRSA-CT les moyens de fonctionner. Il apparaît important pour leurs membres d’avoir accès à toutes les sources d’information et données dont disposent actuellement les ARS et les différents services de l’Etat, ceci afin de pouvoir fonder leurs propres avis. Des sessions de formation pourraient leur être proposées avec l’intervention de spécialistes (ARS, Ministères, chercheurs…). 5. Capitaliser et valoriser l’expérience acquise des représentants au sein des instances par l’organisation de séminaires d’échanges d’expériences. 4