Histoire du Journal L`Illustration

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Histoire du Journal L’Illustration
Dossier réalisé par l’OTSI de Bobigny 1990
Histoire d'un magazine enfanté dans la joie, en 1843
et « mis à mort» en 1944. Au crédit des plus grands
talents un patrimoine de plus de cent soixante mille
pages, un véritable monument illustré de l'histoire
du monde.
Luttes contre le pouvoir politique, coups du sort.
L'examen des archives met en évidence des
périodes controversées de la vie du journal
«l'Illustration », y compris les années noires de
l'occupation allemande. (d'après le livre de Jean-Noël
Marchandiau « L'Illustration»)
Dès 1928, le Président de l'entreprise de presse René BASCHET et la direction envisagent le
déménagement complet d'une Illustration coincée sans remède possible au beau milieu de
Paris. La nuit, les fenêtres des ateliers flamboient, les rues résonnent du bruit des machines, et
on ressent chaque jour avec davantage d'acuité le manque d'espace. Il devient impossible
d'ajouter une chaise ou une table dans les locaux parisiens. Pour accroître la productivité,
René Baschet achète encore quatre eridan de vingt-huit mètres de long chacune, capables de
brocher trois mille à l’heure. Elles obligent à réduire légèrement le format du magazine.
Les ateliers de L'Illustration refuseront bientôt d'accueillir la moindre machine supplémentaire.
René Baschet charge donc son fils Louis d'étudier en Amérique et en Allemagne les tout
derniers perfectionnements, en vue de préparer minutieusement l'inévitable exode. De retour
de l'étranger, Louis Baschet jette son dévolu sur un terrain de plus de trente hectares, situé
dans la banlieue Nord-Est de Paris, négociable pour une somme de huit millions de francs.
Voici L'Illustration à son apogée, avec un bénéfice net de 4 776 000 F. contre 4 382 000 en
1929, 168 807 abonnés (14 000 de plus), trente trois millions pour les annonces ! Même si
L'Illustration Économique et Financière souffre de la crise boursière, le marasme qui punit le
monde en 1930 épargne provisoirement L'Illustration. En mai 1930, René Baschet acquiert le
terrain convoité à Bobigny et porte le capital de quatre millions à 6 750 000 francs, par la
création de onze mille actions de 2 500 francs. La société fonctionne en oligarchie, le nombre
des actions augmente, celui des ouvriers diminue. Après l'achat de brocheuses mécaniques,
L'Illustration licencie soixante personnes de la brochure, dont quarante femmes. Le pliage,
l'assemblage, la piqûre et la mise sous couverture sont désormais entièrement automatiques.
1
La
crise
sévit,
implacable.
L'assemblée générale du 23 mars
1933 approuve stoïquement une
réduction de 5 % sur tous les
traitements jusqu'à quinze mille
francs, de 7,5 % jusqu'à cinquante
mille et de 10 % au-dessus, à
compter du premier janvier. La crise
qui restreint les échanges avec
l'étranger et réduit les disponibilités
du public, épargne le rayonnement
intellectuel de L'Illustration. Les
présidents du Conseil, convaincus de
la valeur de la tribune offerte par le
magazine,
y
développent
leur
pensée. Dans un même numéro
voisinent les signatures d'André
Tardieu et d'Édouard Hetriot, certains d'être lus dans plus de cent cinquante pays. Ce succès
n'évite pas l'amorce d'une mortelle glissade, perceptible à la lecture des chiffres d'exploitation.
Les dépenses engagées pour Bobigny s'élèveront, au total, à quarante-quatre millions de
francs, et la direction, pour s'en acquitter, augmente le capital social en créant 1350 actions
nominatives de 2 500 francs, émises avec une prime de trois mille francs, deux actions
nouvelles donnant droit à une nouvelle, ce qui porte le capital à hauteur de 10 125 000 francs.
Ces augmentations du capital permettent à la famille Baschet de rester majoritaire, puisqu'elle
possède désormais 87% de « l'empire ».
La mise en marche de Bobigny
Dans un contexte de malaise économique général, alors que la proportion des invendus atteint
le chiffre inusité de 30 %, les ouvriers et les employés de L'Illustration rejoignent la campagne
dans une nouvelle usine qui dresse sa tour dans le ciel, tandis que le quartier général demeure
rue Saint-Georges.
Le 17 février 1933, la direction fête
la mise en marche de de Bobigny.
A cette occasion, un déjeuner réunit
la totalité du personnel, soit 950
convives dans le vaste restaurant où
des haut-parleurs diffusent l'allocution
de René Baschet : « Un déjeuner
intime où j'aurais à mes côtés
l'Illustration, toute L'Illustration, rien
que L'Illustration, le rêve que je
faisais depuis vingt-neuf ans et que je
réalise aujourd'hui! Nous sommes
entre nous, nous sommes chez nous!
Par de larges fenêtres le soleil est
invité à nous faire visite, nos regards
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se promènent sur de vertes pelouses qui nous donnent l'illusion de la campagne, l'air circule
sous le haut plafond, les murs sont accueillants, vêtus de couleurs gaies et, comme dans les
hostelleries, les chefs de cuisine affirment leur maîtrise et leur coquetterie par le traditionnel
bonnet blanc. La maison va bien, car elle fait plus que le maximum, et, pour cette bienvenue, la
salle à manger déborde sur les vestibules. Cette journée du 17 février est une des dates
heureuses de ma vie, j'espère qu'elle restera dans votre souvenir. C'est une des grandes
étapes de notre journal que voici installé dans ses meubles pour un siècle au moins, car la
vigilance de ses chefs a prévu les extensions futures et l'usine, aussi vaste qu'elle devienne on
ne se cognera plus à des rues, ni à des voisins récalcitrants»
On aura une idée de l'ampleur du déménagement en sachant qu'il concerne:
- soixante machines typographiques de dix tonnes chacune environ, qu'il faut démonter,
transporter et remonter,
- quatre puissantes rotatives,
- sept machines pour le tirage en feuilles de l'héliogravure,
- sept machines offset, dont trois en noir et blanc et deux couleurs,
- quatre énormes machines à assembler, piquer et couvrir les numéros,
- deux assembleuses-piqueuses,
- cinq grandes plieuses à combinaisons multiples,
- neuf massicots dont deux automatiques à trois lames,
- un innombrable matériel de laboratoire pour la photographie, la composition, la gravure, la
clicherie, la galvanoplastie, la reliure,
- un stock de papier de 2 500 tonnes,
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tout cela sans interrompre la parution régulière du journal, dont l'impression et le tirage
continuent rue Saint-Georges et à Saint-Mandé avec un matériel restreint.
Tant que le personnel n'aura pas trouvé à se loger sur place, des autocars effectueront depuis
Paris et Saint-Mandé des navettes pour amener et ramener les travailleurs
René Baschet exprime son contentement devant une aussi belle réalisation aux plans tracés
par Louis avec l'aide de l'ingénieur-maison Hirschmann et du dessinateur Lefébure :
« Notre journal est fier de pouvoir montrer un palais du travail qui n'a pas d'équivalent dans le
monde, ici sont rassemblés les derniers perfectionnements du métier graphique, dans des
locaux spacieux où pénètre par de larges baies l'inimitable lumière du jour, où l'air est purifié et
saturé au degré voulu, une atmosphère propice au papier. Il suffit de regarder les conducteurs
et les servants pour constater à quel point leur hygiène, leur bonne humeur et l'attachement à
leur tâche ont été les résultantes des préoccupations qui ont présidé à l'établissement de nos
plans»
Le tirage est alors de 200 000 exemplaires hebdomadaires.
Les visiteurs de l'époque sont frappés
par
le
hall,
son
immensité.
L'abondance des machines, alignées
un peu comme des pièces de gros
calibre dans un parc d'artillerie.
Vingt-sept
machines
tirent
la
typographie en noir, c'est à dire les
annonces et les pages d'actualité. Plus
loin sept machines pour le tirage de
l'héliogravure en feuilles, surtout
l'héliochromie, affectées aussi au tirage
du recto de la couverture.
Puis sept machines offset pour le verso
de la couverture et les hors-texte des
numéros spéciaux, et plus de vingt-trois
machines à deux tours qui exécutent les
tirages en couleurs, auxquelles il faut
ajouter une machine imprimant deux
couleurs par un seul passage.
Également une batterie de huit
machines équipées pour le grand
rendement, munies de margeurs et de
récepteurs automatiques.
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Au rez-de-chaussée reposent, à même le sol, les lourdes
rotatives. Leur grand débit les place à côté du hall de
brochure qui reçoit presque sans manutention leur importante
production. Rotatives typo ou rotatives hélio, les premières
impriment la Petite Illustration, les secondes, certaines pages
intérieures du journal.
Six grands monte-charge transportent au rez-de-chaussée
les chariots de papier venus du premier étage. Ils les
conduisent au rez-de-chaussée, à des machines qui plieront,
assembleront les cahiers et les façonneront pour achever
l'œuvre.
Le chariot apporte le papier à l'une des douze plieuses qui,
de chaque feuille, fait deux cahiers de quatre, huit ou seize
pages. On livre les cahiers à une machine qui les place les
uns sur les autres et en constitue un exemplaire. Elle passe
dans l'épaisseur de ces cahiers un fil métallique, enveloppe
l'exemplaire d'une couverture et la colle sur le dos, avant
d'étager sur un tapis roulant les exemplaires ainsi terminés.
Des massicots, véritables guillotines lentes, rognent sur trois des côtés une pile de numéros,
bons maintenant pour l'expédition. Les ouvrières y encartent les brochures, les tracts en
couleurs, etc. Laissés à plat dans une chemise ou roulés dans un papier fort et assemblés en
paquets, ces exemplaires passent enfin au contrôle des services des abonnements et du
départ.
Un concert d’éloges
Le 30 juin 1933, le ministre de l'intérieur, par ailleurs ministre de la Presse, accompagné de
plusieurs de ses collègues, inaugure la nouvelle imprimerie de L'Illustration. Monsieur le préfet
de la Seine, le préfet de Police, de nombreux membres du Parlement, du Conseil général et du
Conseil municipal, les notabilités de la presse française et de la presse étrangère, de la
littérature, des sciences, des arts et du
commerce
parcourent
les
nouveaux
ateliers, et leur opinion unanime affirme que
la France se hisse au niveau des pays les
plus avancés dans l'industrie de l'édition
journalistique.
L'Illustration du 8 juillet se plaît à souligner
le concert d'éloges décernés par les
quotidiens à la magnifique usine de
Bobigny et à ses réalisateurs: « M. Camille
Chautemps, écrit le Matin, exprima la
pensée de tous en félicitant chaleureusement M. René Baschet pour une
réalisation qui, en faisant de L'Illustration,
par son outillage et sa présentation, le
premier grand hebdomadaire illustré de
tous les pays, sert magnifiquement le
renom de la France dans le monde ».
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Le mot de la fin revient au journal des Débats: « Cet acte de foi dans l'avenir, ce formidable
pari, suffira-t-il à redresser la barre, à maintenir le cap de la croissance, dans une conjoncture
économique déliquescente et forte inquiétante pour ce qui concerne la politique étrangère ?».
En mars 1933, la croix-gammée remplace le drapeau républicain sur les édifices publics et
Hitler instaure sa dictature, dénoncée par L'lIlustralion qui s'indigne des actes antijuifs, de la
terreur berline qui sévit avec une intensité incroyable. Par la plume d'André Tardieu,
L'Illustration incite les Français à réagir face au péril symbolisé par les camps de concentration:
Si nous restons tels que nous sommes, prophétise André Tardieu, il nous arrivera quelque jour
de nous trouver à Paris sous le même régime qu'à Berlin, avec la bastonnade, les camps de
concentration, l'antisémitisme, les lois de stérilisation, sait-on où nous en serons la nuit ou la
servitude aura fini de s'étendre sur toute l'Europe.
Le 10 août 1933, Henriot s'en va pour toujours, après quarante quatre années de travail pour
L'Illustration. Il ajoute dans plus de deux mille numéros une diversion souriante à la gravité
d'une information plus sévère, liant une sorte d'amitié avec ses lecteurs, grâce à une malice
toujours mesurée.
Le successeur de ce
maître
regretté
de
l'humour
n'obtiendra
pas le même succès,
mais les lecteurs découvriront chaque semaine
ses dessins. Deux ans
plus tard, l'Illustration
perd Louis Sabattier
après une collaboration
de quarante années
avec le magazine.
La baisse, qui depuis
1931 affecte les principales
sources
de
revenus, connaît des
velléités de pause dès
que l'atmosphère politique amorce un assainissement, mais le numéro, abaissé à trois francs, se vend en dessous de son prix de revient.
L'Illustration n'a pas avantage à augmenter son tirage, car la publicité, pourtant sans rivale
dans la presse, ne parvient plus à renflouer les caisses : en temps de crise, les commerçants
réduisent leurs frais généraux et donc leur publicité, et les industries étrangères, en raison des
barrières douanières leur interdisant de conquérir des marchés, suppriment leurs réclames,
désormais inutiles.
La conjoncture accule René Baschet à des économies draconiennes, comprenant même des
baisses de salaires applicables illico. La situation empirera au cours des mois d'été, qui
subissent traditionnellement un ralentissement saisonnier. Un rayon de soleil réchauffe
cependant le patron de L'Illustration, promu académicien.
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Les mouvements sociaux de 1936
L'Illustration est déjà chancelante, mais par une tactique habile, les grèves n'affectent que
successivement les fabriques dépendant d'une même profession.
Bobigny, 4 juin, 14 heures: le préposé à la distribution de l'électricité coupe le courant. Les
machines suffoquent, tandis que les ouvriers prennent possession des locaux. Louis Baschet
se dépêche sur les lieux, harangue le personnel, exhorte les employés à regagner leur poste
de travail. Il rappelle à tous les bienfaits sociaux accordés par la société: caisse des retraites,
primes à la natalité, secours de maladie, allocations aux familles des combattants, salaire du
mobilisé pendant la guerre.
« C'est, dit Louis Blaschet, pour
améliorer les conditions de travail que
l'usine de Bobigny a été créée. On
l'écoute en silence, aucun cri hostile ne
fuse de la masse bleue des ouvriers,
mais personne ne réagit et, vers
minuit, un cahier de revendications
aboutit sur son bureau.
Les femmes apportent dans des
gamelles fumantes le casse-croûte aux
ouvriers maîtres de l'usine morte. Le
lendemain,
René
Baschet,
accompagné de son fils Louis, gagne
Bobigny. Avec la permission du piquet
de grève qui garde la porte d'entrée, la
voiture franchit le seuil, passe entre
deux haies d'ouvriers dont les faces
sévères et inamicales restent figées.
Cent mètres plus loin, ils pénètrent
dans l'usine et un coup de sifflet traverse le silence, suivi d'un commandement bref: tout le
monde en bas! Les discussions débutent.
Des porte-parole traduisent les revendications, supérieures aux concessions des accords
Matignon, signés la veille. Entourés des chefs de service et des contremaîtres restés fidèles,
les Baschet mesurent les répercussions sur le budget, et émettent des contrepropositions. Un
accord est conclu vers minuit, et tout à coup un flot humain déferle dans les escaliers: on
évacue l'usine.
Avec l'aval des délégués de la C.G.T., la direction augmente les salaires de 3 à 15%, pour un
surcoût de 1 800 000 Francs, mais supprime les gratifications de fin d'année. L'accord conclu
avec les salariés sur les bases du contrat dit de Matignon et de la convention Maulde ne tiendra
pas car, sans attendre les décisions de l'arbitrage, certains corps de métiers cessent à nouveau
le travail. Durant tout le mois de juillet, pour chaque service, des discussions se poursuivent
entre les délégués de la plus belle imprimerie de France, assistés par les représentants de la
C.G.T., et la direction du journal. Le directeur doit convenir d'un nouvel accroissement de 16 à
37 % des salaires, soit 2 800 000 francs par an, compte non tenu de la répercussion de la loi
des 40 heures.
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Ces concessions n'empêchent pas les
héliograveurs de cesser le travail le 19
janvier
1937,
suivis
par
les
photograveurs et les brocheuses. Une
soixantaine d'ouvriers débraye du 2 au
10 février. Au commissaire de police qui
les
interroge,
les
travailleurs,
simplement désireux de marquer leur
solidarité
avec
leurs
camarades
grévistes des autres usines, déclarent
ne rien revendiquer. René Baschet en
perd son latin, et envoie une lettre à
chaque ouvrier pour lui spécifier que ce
viol de la loi de l'arbitrage obligatoire et
du défaut de préavis de grève lui vaut
son renvoi de la maison.
Au 4 février 1937, l'application des quarante heures grossit les charges de 20 %, et des
hausses de 40 à 100 % en quelques mois majorent les salaires. En dix-huit mois, près de dixsept millions de charges nouvelles parasitent l'entreprise qui touche le sol des deux épaules.
Pour la sauver, les Baschet comptent sur des allégements d'impôts en faveur des industries
indispensables au rayonnement de la France dans le monde et sur l'appoint de nouveaux
lecteurs ainsi que sur diverses économies. L'illustration, qui est au bord de la faillite en 1938,
s'impose des restrictions sur le téléphone, l'essence et licencie du personnel. Cette épargne de
trois millions égale exactement le déficit alors que les commandes de publicité commerciale
s'amoindrissent sous l'effet de la concurrence de la TS.F et de la publicité murale.
Les années noires
En attendant un renversement des alliances nées des prémices de la seconde guerre
mondiale, l'irrémédiable s'accomplit. L'Illustration refuse de troquer son visage de revue riche
contre le masque de la tragédie, et réserve à la guerre la portion de famine. Le numéro de Noël
illumine les kiosques comme en temps de paix, pour entretenir à Bobigny le goût du travail bien
fait. Henry Bordeaux y éclaire la personnalité des grands chefs - Gamelin, Darlan, Vuillemin et
Georges tandis que souffle un air moins austère grâce à Cézanne et Marie Laurencin.
Le journal, dans la droite ligne qu'il suit depuis 1925, lance des avertissements : « Ce qui nous
attendrait, nous aussi si nous étions vaincus, ce serait non seulement l'invasion et
l’asservissement, mais encore l’éviction, la spoliation des citoyens, la confiscation des biens
particuliers, la ruine et la misère de tous. Réduits à l'état d'ilotes, tenus à la gorge, désarmés,
avilis, impuissants, les Français survivants seraient mis pour toujours dans l'impossibilité de
reconstituer leur nationalité. Beaucoup plus qu'en 1793 est devenue vraie pour nous, en 1940,
la fameuse devise « Vaincre ou mourir».
Pour secouer le pays de sa torpeur, L'Illustration ressort l'épouvantail des camps de
concentration qui pourtant aux dires de beaucoup de gens constitueront une surprise en 1945 :
« Les Allemands, lit-on, ont établi près de Varsovie, dans un village nommé Dombruczka, un
camp de concentration calqué sur le modèle des camps de Dachau et d'Oranienburg, 10 000
hommes se trouvent actuellement dans ce camp infernal entouré de fils barbelés chargés
d'électricité. Les hommes y meurent comme des mouches à cause du froid, de la mauvaise
nourriture et du manque total de toute installation hygiénique ou sanitaire ».
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Quatre deuils frappent L'Illustration en
un peu plus de douze mois, qui
déciment totalement la vieille garde du
journal. En octobre 1941 disparaît René
Lefébure, ancien camarade de captivité
de Louis Bas. Il marqua de son
empreinte tous les travaux de
décoration
et
d'architecture
de
l'immeuble situé rue Saint-Georges. Il
collabora aux transformations du siège
social, de l'imprimerie de Saint-Mandé,
et aux extensions des papeteries de
L'Illustration en Savoie et en Dauphiné.
Son
œuvre
maîtresse
restera
l'édification de l'usine de Bobigny
dont il suivit les plans jusque dans les
moindres détails, choisissant un cadre
absolument moderne et pleinement
adapté à ses fins.
Marcel Baschet le suit dans la tombe. On ne présente pas Marcel Baschet, frère de René,
portraitiste de talent, remarqué à chaque Salon. Plus jeune prix de Rome, plus jeune membre
de l'Institut, il aura connu tous les honneurs, les décorations, les présidences. La Providence lui
a donné comme modèles les plus grands serviteurs du pays et la plupart des têtes couronnées.
Albéric Cahuet depuis trente-sept ans tenait le sceptre de la critique littéraire à L'lIIustration.
Auteur de nombreux romans, que nous dirons modernes à cause de l'affabulation purement
imaginaire et à base de psychologie, mais aussi d'œuvres sur fond d'histoire littéraire ou
politique, parues dans la Petite Illustration. Un moment vice-président de la Société des Gens
de Lettres, il n'en consacrait pas moins la plupart de son temps à L'Illustration. IL s'éteint à sa
table de travail, à Lyon, où il représentait le magazine.
En janvier 1943, le dernier des anciens, Georges Scott, quitte ce monde. Né en 1873, il se
lance dans le journalisme dès la fin de ses études et à peine âgé de dix-sept ans, il entre à
L'Illustration où il surprend par la maturité de son art. Il s'attachera pendant quarante-sept ans
à la maison et, comme Clair-Guyot, en deviendra le reporter type. Son œuvre innombrable,
variée, vivante, touche à tous les domaines: revues militaires, théâtres, fêtes, grèves,
inondations... Une nuit lui suffit pour brosser une composition accomplie, témoignage véridique
de l'événement. Ce globe-trotter impénitent parcourt la Mandchourie au moment de la peste, le
Maroc de Lyautey, l'Algérie des fantasias, l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre ou il assiste aux
couronnements royaux. De Chine, des Balkans, du front français de 1914-1918, son crayon
prend des accents. Ses planches cocardières, qu'elles retracent des faits héroïques ou de
simples épisodes vécus quotidiennement par le troupier, émeuvent le public, subliment son
patriotisme. Le secret de Scott ? Des dessins inspirés, nerveux, vigoureux, marqués du sceau
de l'atelier de Detaille. Il influença profondément plusieurs générations, plus fortement qu'aucun
autre dessinateur de L'Illustration.
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Début 41, la direction met à la
disposition du personnel les terrains
environnant l'imprimerie pour les
cultiver collectivement. En ces durs
temps de restrictions, une partie des
terrains se mue en 150 jardinets d'une
moyenne de 400 m2 loués à des taux très
modiques aux chargés de famille. On
divise l'autre partie, vaste d'environ six
hectares, en 400 parts de cultures plantées
chacune de 82 kilos de pommes de terre et
trois kilos de haricots. Le paysage autour
de l'usine se transforme: les ouvriers
jardinent après le travail, on attelle des
chevaux pour labourer à deux pas des
ateliers. L'année suivante, la culture
s'étend sur huit hectares, et ces activités
s'inscriront dans le cadre d'un programme social plus vaste.
Un comité de culture gère, en 1942, douze hectares ensemencés, contre huit en 1941. La
masse salariale représente alors plus du quart du chiffre d'affaires, soit 16 247 000 francs pour
441 personnes et en 1943, 18 158 000 pour 398. Cette augmentation s'explique par
l'application de l'horaire de quarante-huit heures, imposé en février 1943.
Durant l'année 1942, quelques timides tentatives d'affranchissement de la ligne politique
officielle, en particulier dans des articles signés Robert Lambel (allas Robert de Beauplan) et
Henry Peyret évoquent la guerre, mais avec une note tendancieuse à propos du maréchal
Pétain.
1943 est l'année du centenaire pour L'Illustration. Pas une ligne ne fête cet événement dans le
journal, les heures graves imposent le silence aux Baschet qui sombrent dans la morosité. La
direction se heurte à des difficultés considérables, au premier rang desquelles figure
l'approvisionnement en papier. Leurs deux usines livrent une production réduite, un grammage
diminué : à feuilleter le magazine, on estime sans peine la médiocrité du papier.
La fabrication du papier couché exige une couche de kaolin fixée par la caséine - produit dérivé
du lait, donc strictement interdit. Les ingénieurs de Furnes la remplacent par de la gélatine, puis
par de la gomme arabique de Dakar, mais après l'occupation américaine de l'AO.F., cette
matière n'arrive plus en France, et les chimistes expérimentent divers ersatz. Les autorités
allemandes fixent un quota de soixante-treize tonnes de papier par mois, ce qui réduit le tirage
à 105 000 exemplaires, le numéro à 16 pages et, pour équilibrer la répartition entre les
abonnés et les portés, on réserve 55 à 60 000 exemplaires aux premiers, contre 45 000 pour la
vente au numéro, ce qui ne suffit pas pour apaiser la demande.
Les Allemands introduisent un nouveau facteur aggravant: la Coopérative aux journaux,
détentrice en zone Nord du monopole de la distribution aux kiosques et aux libraires, envoie
autoritairement des quantités croissantes de numéros de L'Illustration dans les camps de
prisonniers français en Allemagne, qui en recevront jusqu'à 23 000 par semaine, mécontentant
la clientèle métropolitaine qui voit diminuer d'autant sa part. Bien entendu, la Coopérative
néglige l'avis des Baschet, incapables de limiter le phénomène. Plus tard, certains reprocheront
vigoureusement aux Baschet la distribution du magazine dans les camps, insistant sur l'effet
qu'ils estiment désastreux produit sur le moral des prisonniers.
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Le premier novembre, les Allemands imposent à toute la presse une restriction de 25 % du
papier des journaux. Louis Baschet, après d'âpres négociations, parvient à rabaisser cette
proportion à 10 % pour L'lIIustralion qui s'habillera d'une robe encore plus légère. Le tirage
diminuera de sept mille exemplaires. Ces limites étroites n'autorisent aucun écart, aucune
fantaisie: malgré les demandes renouvelées au cours de l'année, les Allemands refusent la
parution du numéro de Printemps et de celui de Noël. René Baschet essuie le même échec
pour des numéros mi- spéciaux consacrés aux grandes questions économiques, artistiques
ou sociales, rémunérateurs par leur prix de vente augmenté et leur nombre de pages
publicitaires. Les Allemands rejettent enfin la permission de faire reparaître la Petite
Illustration, car ils souhaitent des journaux d'un type standardisé et strictement réglementé.
Les annonces réduites à leur plus simple expression ôtent depuis le début de la guerre une
grande partie de son charme à L'Illustration. En 1943, le Groupement Corporatif de la Presse
contraint, sur instructions des autorités occupantes, les publications à réduire d'un quart le
format des annonces. Une fois par mois, le pouvoir politique permet l'insertion d'une page
entière de publicité sur une grande marque de l'État, dans la partie rédactionnelle. Malgré ces
handicaps, la société parvient à dégager un excédent de produits à répartir.
L'effectif du personnel, de 812 fin décembre 1938,
tombe à 441 fin décembre 1942, car les Allemands
recrutent assidûment les employés de L'Illustration.
Le premier contingent de vingt-cinq ouvriers part le 26
novembre 1942, et l'occupant effectue cinq nouveaux
prélèvements dans le premier trimestre 1943,
déportant ainsi 75 ouvriers. Ceux qui partent en
janvier et février exerceront leur métier dans les
imprimeries de Stuttgart ou de Berlin, mais les
premiers partis, ceux du 26 novembre, qui
comprenaient de nombreux photographes et
photograveurs, travaillent dans des fonderies à
Duisbourg. Ces départs affectent dangereusement la
gravure des clichés noirs et couleurs, mais les
démarches des Baschet se heurtent à un mur, tant
pour maintenir les ouvriers en France que pour les
affecter à des postes mieux adaptés à leurs capacités
professionnelles. La situation empire, car les autorités
allemandes, dans le but de concentrer les imprimeries
des journaux de la Seine, demandent pour l'Allemagne
2 000 à 3 000 ouvriers, et pour permettre à la presse
de continuer à paraître, exigent la concentration des
travaux, répartis jusque là entre cent huit maisons, dans quatorze imprimeries seulement.
L'imprimerie de Bobigny compte parmi celles qui resteront ouvertes, mais devra imprimer un
certain nombre de périodiques étrangers à l'Illustration. Des commissions paritaires, nommées
au sein du Groupement Corporatif de la Presse, réunissant les représentants des
organisations patronales et ouvrières, étudient les problèmes économiques, techniques et de
main-d’œuvre que pose cette concentration. Louis Baschet et Georges Huck, directeur de
l'imprimerie de Bobigny, participent à ces commissions, pour tenter de maintenir à
L'Illustration les spécialistes indispensables au bon fonctionnement de machines parfois
uniques en France.
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Le Commissariat de la Mobilisation des métaux ferreux (MOBIFER), demande au Comité du
Livre et à la Presse de participer à la récolte de ces matières premières. Il prétend prélever un
pourcentage du matériel des imprimeries, d'abord parmi celui qui est sous employé. Cette
démarche perturberait gravement Bobigny où les circonstances immobilisent un grand nombre
de machines.
Les articles de Beauplan, de Chénevier, développeront des leitmotive tendancieux: « les
Français ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes, et à leurs politiciens ». Leur procès exhume
en effet un opuscule intitulé le Drame juif, publié juste avant la déclaration de guerre, dans
lequel ils affichent un esprit diamétralement opposé aux théories nazies: « Les juifs, y affirme
de Beauplan, ne doivent pas leur situation à la faveur, mais à leur intelligence, à leur activité et
à leur faculté d'adaptation ». Il conclut que la persécution contre les juifs que l'hitlérisme a
remise en vigueur constitue une bien dangereuse régression de la civilisation.
La fille de Robert de Beauplan, au service du général de Gaulle, est sergent dans la France
libre. Au procès de son père, elle témoignera qu'il n'a rien fait pour l'empêcher de gagner
Londres, bien au contraire. On devient collaborateur, parfois par idéal, comme de Lesdain,
parfois par goût du lucre, comme de Beauplan, et le plus souvent par un concours de
circonstances, en mettant le doigt dans un engrenage fatal.
Les Baschet reviennent à Paris pour préserver leur œuvre, leur journal, mais surtout leur
imprimerie de Bobigny. Ils s'estimaient assez forts pour résister aux Allemands, crurent
modérément en la politique du maréchal Pétain, mais furent incapables du sursaut nécessaire
pour saborder L'Illustration. Plus que tout le reste, plus que les articles de Lesdain, c'est cela
qu'on leur aura reproché. On ne leur pardonnera pas, quand il s'agira de ressusciter
L'Illustration, rebaptisée France lllustration, avec la même équipe (Autran, Hischman, etc.) sauf
les collaborateurs en fuite ou en prison (Chénevier, de Beauplan, de Lesdain). On écarte tous
les Baschet, même Roger, correspondant de guerre à L'Aube, qui possède des titres de
résistance. A la lecture des dossiers, l'impression est forte d'un règlement de comptes contre
les Baschet.
On peut imaginer, par supposition, que les Baschet sabordent leur journal le 25 juin 1940 et
que les Allemands, malgré l'aubaine, ne se servent pas de Bobigny pour y éditer un super
Signal et qu'enfin le journal échappe ainsi à la vindicte du pouvoir politique, L'Illustration
pouvait-elle reparaître en 1945 avec le même visage et prospérer ?
Regard sur un siècle d’activité
Au cours de ce long parcours de 102 ans, la vie apparemment brillante du journal cache une
réalité beaucoup moins avenante qui a pu être reconstituée grâce aux comptes rendus des
assemblées générales.
Si l'on considère que la vie d'un journal dépend de deux choses: la liberté d'expression et un
bilan financier positif, l'analyse démontre la rareté des années heureuses pour L'Illustration:
1848-1849, 1872, 1877 à 1899, 1903 à 1909, 191 1 à 1913, 1919, 1921 à 193 5, soit quarante
deux ans au total, la meilleure période se situant entre 1929 et 1932, ce qui explique la
construction de Bobigny à cette époque.
Le sort, en revanche, n'épargne pas L'Illustration, qui manque plusieurs fois de succomber: en
1861, 1866, 1870, 1871, 1903, 1910, 1914, 1940. Au vu des résultats d'exploitation et après
analyse de la conjoncture, la question: « Comment L'Illustration a-t-elle pu disparaître aussi
brusquement ? Peut devenir: Comment L'Illustration a-t-elle pu durer aussi longtemps ?
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L'Illustration survit en effet à deux guerres, à des crises de succession, des tentatives de
rachat, une inondation, etc. Chaque fois, la volonté triomphe des difficultés, chaque fois
L'Illustration se redresse. Ces aléas démontrent le péril constant auquel peut s'exposer un
journal non subventionné par un parti ou par l'État.
Vers 1930, à son apogée, on trouve l'Illustration de l'Alaska au cap de Bonne-Espérance, dans
les palais somptueux, dans les petits cafés de province, dans le home confortable du «bon
vivant» auquel le journal rappelle quelques inoubliables voyages à Paris, dans toutes les
institutions religieuses d'un certain cachet, et dans toute garçonnière qui se respecte. Le
rayonnement de la France est multiple et varié, mais on dirait que L'Illustration, expression du
bon esprit conservateur gaulois mâtiné d'un petit air Louis-Philippe, le concentre et le réduit en
elle-même. C'est une apothéose de la civilisation, telle que la conçoit M. Jourdain. Son texte
prend davantage d'ampleur depuis 1925 : elle contient alors des études scientifiques
accompagnées de diagrammes, de véritables monographies à portée politique, éthique ou
sociale, mais toutes à bonnes fins. Le trait le plus caractéristique du magazine réside dans les
informations de tourisme, les événements qui agitent les familles des puissants... Pourtant,
L'Illustration côtoie le précipice avec la dévaluation qui dégèle l'économie anglaise, tout en
faisant rebondir la crise dans le reste du monde.
La baisse nominale des revenus se répercute directement sur la consommation des produits de
semi Iuxe, comme L'Illustration, dont les tirages baissent de 1932 à 1938. La crise mondiale,
puis le Front populaire, acculent l'IlIustration au bord de la faillite, les temps ne sont plus
propices à la vente en masse d'un journal aussi luxueux, dont les coûts se grèvent sans cesse
des charges d'une société nouvelle dans laquelle l'ouvrier conquiert de plus en plus de droits.
D'autre part, par une sorte de revanche de l'esprit de fantaisie, de nouvelles revues constellent
le marché de l'illustration d'actualité. Dans Vu, Voilà, Match, triomphe le montage
photographique, combinant en une seule image composite des éléments d'origines diverses, et
reconstituant ainsi une atmosphère comme le faisait autrefois le crayon. Ces nouvelles
publications, alléchantes par le document brut qui ne se soucie que de frapper le public,
conviennent mieux à la bourse et à la mentalité populaire. Au moment du procès de
l'Illustration, de nombreux journaux titrent: « L'Illustration était à la veille de la déconfiture en
1939 ».
Ces journaux s'inspiraient bien sûr des chiffres colportés par la
brochure de Bayet, mais ils avaient bien raison. Le magazine
était K.O. debout en 1936, et les pièces des procès prouvent
que l'exploitation du journal était déficitaire pendant la guerre.
L'Illustration était bien morte, elle survivait artificiellement par
ses albums spéciaux, et les règlements de comptes de la fin de
la guerre n'ont fait que précipiter sa fin.
En 1945 pourtant, les fossoyeurs de L'Illustration, malgré leur
parfaite connaissance des comptes d'exploitation, veulent faire
revivre un magazine en tous points analogue: large partie
magazine, un peu d'actualité, des numéros spéciaux avec
dorures et poèmes, des textes bien construits avec des photos
artistiquement réalisées. On reprend les mêmes ingrédients, on
recommence, avec des gens certainement soucieux et
capables de bien faire, mais le monde a changé. Prenons
l'exemple de la publicité: un sondage de Sélection qui
demande aux lecteurs s'ils préfèrent une revue sans publicité
ou avec, démontre que le public préfère la publicité. Or, dans France-Illustration, la publicité se
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sépare nettement du reste. La formule a vieilli, et quelques changements dans la présentation
n'apporteront rien de plus. France-Illustration, comme L'Illustration, fait figure de dinosaure face
à un sémillant Paris Match. Le succès mitigé recueilli par France-Illustration, lâché peu à peu
par les fidèles de L'Illustration, prouve que le temps des revues de prestige destinées à un
vaste public est bien mort.
Encore moins qu'en 1939, il n'existe de place, au temps du rationnement et des guerres
coloniales ruineuses, pour un magazine aussi luxueux, une feuille littéraire, artistique autant
que politique, ignorant le plus souvent les mille et une choses désagréables de la vie.
Il reste que l'Illustration fut un magazine dont le renom a été étroitement lié à celui de la France
et de sa civilisation, contribuant à sa manière à graver leurs lettres de noblesse respectives
dans le monde entier.
Son nom a continué d'être utilisé par la Société «LUX-FURES» en tant que locataire-gérant,
pour la poursuite d'une activité d'imprimerie sur le même site, jusque dans les années 70. Une
partie des bâtiments ont ensuite abrité une entreprise spécialisée dans le transport appelée la «
SET» dont les initiales, qui ont remplacé l'immense horloge ornant les quatre faces du chapeau
de la magnifique tour, sont d'ailleurs encore visibles aujourd'hui des quatre coins de Bobigny.
Dossier réalisé par l’OTSI de Bobigny, auteur inconnu
Le bâtiment de l’imprimerie a la date de parution de ce dossier
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